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Devenir Franc-Maçon

Dans une autre Pla\ « Univers ouverts, univers fermés », j’avais évidemment consacré un  chapitre à la Franc-Maçonnerie. C’était environ trois mois avant et mes réflexions sur ce même sujet n’ont pas cessé. Je disais  notamment que « devenir F\ M\ » n’était pas aussi facile que je l’avais imaginé avant de recevoir la lumière.

Contrairement à mon attente et à mes autres travaux, j’ai eu une difficulté certaine à entrer dans le sujet, à trouver la bonne piste. Finalement, les idées me sont venues grâce à une suggestion de l’un de mes FF\ sans qui je n’aurais peut-être pas encore commencé cette Pla\.  J’en explique la raison un peu plus loin.

Mon F\ Philippe…et moi avons été initiés le 26 novembre 1999. Nous sommes donc jumeaux dans notre nouvelle vie d’hommes/francs-maçons et ce fut ma première grande surprise en franc-maçonnerie. Je connaissais bien le mot « frère » mais j’en ignorais totalement le phénomène de gémellité. Je l’évoque car, depuis cette inoubliable soirée, notre relation s’est amplifiée, affinée. Depuis cette date, j’ai conscience d’avoir été présent pour lui, peut-être pas toujours et peut-être pas aussi souvent que nous l’aurions mutuellement voulu, mais j’ai cette conscience. Je ne lui ai jamais demandé s’il l’a pour moi  car je sais que c’est le cas. Nous ne nous connaissions pas auparavant : c’est bien la preuve que quelque chose nous a immédiatement lié.

J’ai découvert avec les FF\ de mon Ate\, avec les F\M\ en général,  avec Philippe en particulier, avec d’autres FF\ ensuite, une chose que je croyais connaître avant mais finalement bien peu : la fraternité. Les notions d’égalité, de liberté, aux sens le plus large de ces mots, m’étaient quant à elles plus familières, encore que là aussi je me suis interrogé.

Après plus de trente ans de vie d’adulte, je n’avais pas vraiment, réfléchi à cette « fraternité » mais le fils unique que je suis s’en était fait une raison, plus ou moins inconsciemment. Mon F\ jumeau Philippe a donc été le déclencheur involontaire de cet aspect fraternel dont je n’avais donc pas idée et le temps qui passe a constitué en ce sens une progression sensible en même temps que notre vie maçonnique progressait elle aussi. C’est ce que je disais lorsque j’ai lu ma Pla\ aux FF\ de mon Ate\, mais je sais aujourd’hui que c’est évidemment la Franc-Maçonnerie dans laquelle je me suis engagé qui en est responsable, Philippe en étant l’instrument, si j’ose dire.                                                                                  

Toute l’importance d’initier ensemble les deux impétrants que nous étions m’est apparue et je l’ai encore plus assimilée avec l’initiation de deux autres jumeaux, nos FF\ Eric …et Philippe… Mais le temps fait son œuvre et c’est avec les initiations plus  récentes de nos deux autres FF\ jumeaux D…et François…que toute la lumière de ma propre initiation m’est apparue, comme un voile qui se déchire, une « illumination », l’impression de subitement tout comprendre, impression malheureusement fugitive mais tellement puissante.
Suis-je devenu un vrai franc-maçon ce jour-là ?

Je me suis posé, et me pose encore, très sérieusement, la question car j’ai eu une telle émotion que j’en ai eu une sorte de vertige vraiment très troublant. Quelque chose de physique, si vous voyez ce que je veux dire. Entre-temps, il y a eu l’initiation d’un nouvel impétrant, notre F\ Pierre…et c’est pour lui que j’ai eu ce soir-là de l’émotion. C’est vrai que j’étais entre-temps devenu Comp\ et ceci explique sans doute cela.

Entre notre initiation et celle de nos derniers jumeaux, une année à peine s’est écoulée et il s’est passé tellement de choses enrichissantes que, faute d’avoir eu la révélation pleine et entière lors de ma propre initiation, il semble bien que  je l’ai eue un an après. La circonstance a clairement servi de révélateur après une année d’apprentissage.

Le sens profond de l’Apprentissage a pris là, sinon toute sa dimension, en tout cas une dimension nouvelle.  Beaucoup de choses, éparses en moi, se sont assemblées : j’ai  enfin compris, vraiment compris, que la pierre brute à dégrossir par l’App\, c’est lui-même, moi,  nous tous mes FF\.  Je savais cela, j’avais l’information, mais je ne l’avais pas vraiment ressentie, c’était diffus. Avec l’initiation de nos deux nouveaux FF\, tout m’est apparu subitement beaucoup plus clair.

Le silence de ces 17 mois sur la Col\ du Nord m’a été hautement profitable, j’en suis conscient. De parleur souvent incorrigible, je suis devenu dans ma vie un tout petit peu moins disert : j’étais tellement sur de savoir bien écouter.

Pendant ces 17 mois, j’ai appris beaucoup de nouvelles choses sur ce point. Il m’a semblé en effet savoir mieux écouter  mais cela m’a troublé pour un temps car, a contrario, j’ai quelquefois eu l’impression de n’être plus aussi persuasif qu’avant. Etait-ce l’inconvénient de l’avantage ? Je ne sais pas mais très vite je n’ai plus eu du tout cette sensation que j’ai jugé être une erreur d’appréciation.

Comme je le dis plus loin, je n’ai pas eu, tout de suite après notre initiation, la perception  d’avoir à disposition un maillet et un ciseau pour tailler dans le vif les aspérités de ma pierre. Cette affaire de symbolisme n’est pas une chose simple et, même si je pense avoir toujours été maçon sans le savoir, vivre sa vie en la traduisant, si possible sans effort, en symboles est une magnifique histoire mais qui nécessite un apprentissage. Je lâche le mot de nouveau : apprentissage. Ce mot a désormais une valeur, une richesse que je ne lui avais jamais accordé auparavant et, pour cause : je sais maintenant que pendant ces 17 mois, et ce n’est sans aucun doute pas fini, je me suis, plus ou moins inconsciemment, servi de ce maillet et de ce ciseau mis à mon entière disposition pour tailler ce qui devait l’être. 

Restons un moment sur cette qualité d’écoute : c’est sur, ce n’est pas venu tout seul. Il a fallu que j’y travaille et ce fut un grand bouleversement de me découvrir, petit à petit, une conscience dont l’existence n’était même pas supposée. A chaque interpellation personnelle, je réfléchissais, comme je l’ai toujours fait, puis un jour je me suis mis à réfléchir, à penser comme si j’étais une partie d’un tout. Franchement, quand j’en ai  vraiment pris conscience, ce fut LE choc de l’année, que dis-je, un des chocs de ma vie : je réagissais dans une unité de pensée, une communauté de pensée.                                                                                                                                              

Quelle exaltation : j’ai toutefois eu un certain décalage pour y conjuguer notre symbolisme mais ça y est : quand je taille, c’est avec le maillet et le ciseau commun. Tous mes FF\ sont avec moi de la même façon que suis avec eux dans leurs aventures : nous sommes bien  dans une communauté de pensée.

Revenons au silence, ce silence qui n’a pas été qu’un silence : il a été aussi une observation permanente dans notre Tem\ de tout ce qui s’y disait et s’y passait. Ce silence n’a en outre pas été total puisque les App\ ont la chance dans notre Ate\ de devoir consigner (les tracés) tout ce qui se dit et se fait en Ten\ Sol\.

Ainsi, mon tout premier tracé fut celui de notre Ten\Sol\ du 10 décembre 1999, Ten\ au cours de laquelle Philippe et moi avons lu nos impressions d’initiation. A cette occasion, j’avais, pour ma part, un grand trouble que j’ai néanmoins maîtrisé…tant bien que mal…car, avant cette toute première lecture au Pla\ de l’Ora\, il a fallu :
  • 1°. Se mettre à l’ordre, pas trop difficile quoique j’ai provoqué un débat à ce sujet – comment met-on exactement la main : droite, à plat ? - un de nos FF\ nous informant fort à propos d’une prochaine Pla\ sur le sujet.
  • 2°. Marcher autour du pavé mosaïque, heureusement accompagné par mes FF\ G\E\ et     M\D\C\
  • 3°. Marcher et faire un angle : j’ai du l’accomplir en dépit de toutes les règles.             
  • 4°. L’accolade avec le F\Ora\ qui me remet son cordon, ça commence à aller mieux.
  • 5°. Je m’assois, ouf ! J’avais  à peu près réussi cette toute première épreuve.
  • 6°. Je lis mes impressions et c’est le plus facile en même temps que le plus agréable. Etant alors dans l’ignorance de la suite, j’avais néanmoins une angoisse : celle d’avoir à répondre à des questions. On m’en fit grâce et je sus après que c’était l’habitude.

C’est clair : j’apprenais à devenir  franc-maçon.

Mes FF\ 2° S\ et G\E\ m’avaient bien appris les gestes, les mots et tout ce qu’un App\ doit savoir mais cela se bousculait quand même un petit peu, surtout avec le désir de bien faire qui comme souvent aggrave les choses plutôt que de les arranger.

Enfin, j’avais conscience d’avoir toute l’attention de l’Ate\ et je n’étais pas peu anxieux des éventuelles réactions. Depuis, nous avons beaucoup appris à ce sujet en apprenant, et le constatant, que jamais la parole d’un F\ n’est coupée, que jamais il n’est critiqué. Il y a bien eu quelques exceptions mais nous sommes tous des hommes avec nos faiblesses, nos erreurs et j’ai considéré que c’était normal.

La conscience m’est aussi venue, petit à petit, que cette fameuse « fraternité », toute nouvelle, s’exerçait  clairement ici même, par les questions posées, les réponses données, la teneur et la chaleur des interventions. D’ailleurs, chaque fois que nous avions des visiteurs, ceux-ci le mentionnaient toujours.
La compréhension de l’autre n’est manifestement pas un vain mot dans notre Ate\, ce que j’ai notamment pu constater avec quelques récents événements un peu vifs, auxquels les App\ dont j’étais alors n’ont pas été mêlés mais dont nous avons bien compris le sens.                                                                                                                       

L’esprit maçonnique m’empreignait de plus en plus.

Pendant les premiers mois, j’ai eu quelques difficultés à dire « mon F\ », « ma S\ », à tutoyer aussi, mais cela s’est assez vite arrangé d’autant que j’ai eu un autre déclic le jour où, après une énième discussion avec Philippe, j’ai acquis une conviction : je retrouvais ici des personnes qui avaient le même fond de pensée que moi et qui avaient prêté, comme moi, un serment dont je dois dire que tout le sens profond ne m’est pas apparu tout de suite même si les mots étaient clairs. Je l’ai relu plusieurs fois et je l’ai, en quelque sorte, ensuite prêté tout seul, avec cette fois la certitude d’une parfaite assimilation.                                                                                                                                                 

En même temps, tous nous traitaient en égal et semblaient nous accorder ce même crédit : l’identité de fond de pensée. J’ai su qu’il n’y avait aucun doute à avoir sur ce sujet.

Silence observateur donc mais participation active et concrète aux travaux de l’Ate\ avec, par exemple, au tout début de l’année 6000, l’étude et le rapport de la commission sur l’étude de la Question B, vous savez : celle sur l’initiation de  nos SS\. Je me suis vite rendu compte que décidément j’étais quasiment un ignare sur certains sujets et que j’avais décidément un gros tas de grain à moudre ou plutôt une belle pierre bien brute, pleine d’aspérités, à tailler.                                                                                                                                                

Vous savez, mes FF\, penser en termes symboliques n’est pas une évidence quand on a trois ans mais on y arrive tout de même. La difficulté est d’assimiler petit à petit les symboles nécessaires et sur ce point cela ne fait évidemment que commencer pour l’App\. En fait, si pour bien parler une langue étrangère, il est idéal d’arriver à penser en la dite langue, c’est pareil en franc-maçonnerie : si on parvient à penser en franc-maçon, le reste coule de source.

Par exemple, la pensée d’une phrase de Kant m’est permanente quand nous sommes en Ten\ : « Deux choses remplissent l’esprit d’admiration et de craintes incessantes : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi ». J’ai d’ailleurs collé cette phrase sur mon principal dossier maçonnique personnel, comme un jeune étudiant que d’une certaine façon j’étais redevenu, cette phrase que j’aime parce qu’elle est si percutante, si évocatrice. Ainsi, j’ai toujours présente l’idée du temple qui est à ciel ouvert parce que non terminé. J’y vois un symbole fort de notre travail.

Pour ce qui est de « la loi morale », la réponse est contenue dans la question, si j’ose dire.

J’ai décidé, et Philippe m’a encore beaucoup aidé par ses remarques pointues et tellement judicieuses, donc j’ai alors décidé de  vraiment m’y mettre : de travailler, de lire, de m’instruire, ce que je n’avais plus vraiment l’habitude de faire dans ma vie profane. J’ai décidé qu’il était absolument nécessaire de commencer à tailler ma pierre personnelle pour qu’elle puisse s’insérer un jour dans la construction commune. Je me suis rendu compte que d’éclat en éclat, elle était encore bien lourde, épaisse, bien biscornue et que mes idées sur cette communauté de construction étaient plus ou moins en vrac mais j’ai travaillé.

Sans doute devons nous penser que les différents aspects de notre travail, je parlais alors pour les App\, au sein de l’Ate\ sont une partie des travaux  de tous nos autres FF\, travaux qui entrent dans le cadre de l’édification du temple universel et intemporel dédié à l’humanité. Je confirme.                                                                                                                                                 
                                                                                                                                     
Cette phrase un tantinet grandiloquente n’est pas de moi  mais elle me semble juste : ma pierre, les vôtres, toutes les autres s’assemblent pour essayer de construire ce qui nous permettra peut-être d’atteindre un jour notre but essentiel que constitue le perfectionnement de l’homme. 

J’ai alors eu conscience d’essayer de devenir un bon franc-maçon et cette ambition m’a plu.

Silence observateur mais participation active et concrète aux travaux de l’Ate\ avec le tracé à prendre chacun son tour, à deux avec Philippe pendant quelques mois, puis à quatre, ensuite à six c’était carrément Byzance…

Le Tracé est un travail foncier pour l’App\ : c’est le parfait moyen, par l’écoute, obligatoirement et scrupuleusement attentive, de tout connaître du rituel, du rôle des Off\, de leurs Pla\, des cordons et de tout le reste. C’est aussi le parfait moyen de réfléchir, par l’écriture, à l’histoire de sa Loge.

De difficile pour le premier tracé, ce travail m’est devenu agréable dès le deuxième car c’était pour moi comme une Pla\,  certes un moyen d’apprendre, mais en même temps un moyen d’expression.

Moyen d’expression avec la possibilité de rapporter le cours de la Ten\ avec mon propre style, donc une des manières personnelles de devenir franc-maçon, faute de pouvoir l’être pleinement tout de suite, avec l’apport de ma petite pierre à la construction de l’édifice.

Le tracé est indubitablement une contribution à la construction communautaire et, de fait, à chaque tracé, notre pierre est un petit peu plus taillée.

En deux mots, le tracé est le bon outil pour – aussi - bien connaître sa propre L\et pour bien le faire, il est bien utile de disposer d’un peu des qualités intrinsèques symbolisées par l’équerre : la rectitude et la droiture.

En écrivant ces tracés, et en lisant ceux de ces dernières années, j’ai eu très clairement conscience de progresser dans mes connaissances maçonniques. En outre, le simple fait d’écrire, quoi que ce soit d’ailleurs, est toujours le bon moyen d’être à peu près sur de ce qu’on veut dire.

J’ai beaucoup parlé du silence des App\ que je considère comme le tout premier outil mis symboliquement à notre disposition. Certes,  c’est un outil abstrait qui  leur est imposé mais c’est clairement parce qu’ils n’en connaissent pas les bienfaits qui se révèlent ensuite Ten\ après Ten\.

Ecriture aussi quand mon F\2° S\ m’a demandé de travailler à une Pla\ symbolique : l’Attouchement. Quand il m’eut donné le thème - ici même : je nous revois très bien - une chape de mystère m’est tombée dessus.
Sur le coup, j’ai fait (un peu) le fier mais qu’allais-je bien pouvoir dire sur ce signe dont je n’avais même jamais entendu parler pendant plus de cinquante ans ?                                                                                                                                                    

Il a bien fallu y travailler et, dans mes imperfections et ma vanité, j’ai trouvé ce travail pas trop difficile. J’ai donc lu mon travail en L\ après être passé par toutes les étapes susdites mais cette fois avec sérénité.

Contrairement à mes autres Pla\ pour lesquelles je me suis profondément et intimement impliqué, je suis allé chercher  pour l’Attouchement, tous azimuts, des citations, et des citations, certes commentées mais, à la relecture, cela a donné un travail sans âme qui ne m’a pas satisfait.

Cette Pla\ sur l’Attouchement, bien que sans critiques, m’a laissé sur ma faim et, là encore, Philippe m’a aidé, sans doute beaucoup plus qu’il n’en a idée. Si je devais un jour y retravailler, je m’y prendrai très différemment.

Que vous dire de ces deux vendredis par mois qui m’ont causé à la fois tant de plaisir et quelques problèmes à la maison : « mais qu’est-ce que vous faites jusqu’à 2 (ou 3) heures du matin ? »
                                                                                                                                                   
C’est vrai que c’est arrivé deux ou trois fois, ou quatre ou cinq je ne sais plus, mais le problème ne s’est pas avéré majeur pour finalement cesser d’être. Pourvu que ça dure. Cela dure…                                                                                                                                             

Je me sentais tellement franc-maçon à discuter en lavant ou essuyant la vaisselle après les agapes, en raccompagnant ensuite d’abord Philippe seul, puis Philippe et Eric, et parfois un ou deux autres  FF\. Cela nous prenait forcément du temps puisque à chaque arrêt, nous avions une discussion animée en cours et ainsi de suite. J’aime cela même si c’est parfois fatigant mais ce n’est pas grave : nous avions prolongé d’autant la réunion de nos personnes, de notre fraternelle amitié. C’est toujours ainsi et c’est très bien.

C’est donc la lecture du livre de Jean Verdun « La réalité maçonnique », que m’a prêté mon F\ Pascal …qui a été le détonateur, comme je l’ai précisé au début. Je m’y suis retrouvé quand l’auteur raconte qu’il allait à pied de chez lui au Tem\ afin de mieux réfléchir à son engagement.

Nous ne venons pas à pied car c’est un peu loin mais toutes ces journées-là, quelle que soit la nature de mes occupations, sont spirituellement consacrées à une espèce de mise en condition. En quelque sorte,  je me préparais à être, en L\, un bon App\ F\M\.C’est toujours vrai et même plus d’une certaine manière.                                                                                                                                                

Très souvent,  malheureusement pas toujours et je le regrette mais c’est impossible, je m’organise en fonction de cette soirée, surtout les premières fois où nous nous sommes occupé des Aga\ avec les courses à faire. Séances de rigolade avec Philippe. Excellents souvenirs. Je crois que nous avions tous deux conscience, sans se le dire, de faire quelque chose que les gens autour de nous ne faisaient pas et nous en étions heureux, peut-être même un peu fiers.

Donc, nous nous organisions et partions ensemble. Le temps d’arriver rue B…et nous avions refait le monde 2 ou 3 fois. C’était aussi une façon de nous préparer intellectuellement à cette Ten\ Sol\ dont nous nous rendions compte que nous en étions impatients.                                                                                                                                                     

Nous étions toujours en train de devenir francs-maçons.  

Il nous est même arrivé, là encore séance de rigolade mais attentifs tout de même, circonspects oserai-je même dire, donc il est arrivé de nous dire qu’il valait mieux être à l’heure pour ne pas devoir faire les pas de l’App\, toujours sujet de doute : Tu commences par quel pied ? Qui salues-tu en premier ?                                                                                                                                                 
                                                                                                                                                 
Notre F\ Eric, qui est notre voisin, est venu s’ajouter à notre duo, et c’est un trio d’App\ toniques qui étaient en route pour retrouver les Compagnons Réunis. C’est encore ainsi et les discussions n’en sont que plus intéressantes, en même temps que nous rions beaucoup, sans doute la joie de se retrouver et d’avoir à continuer ensemble notre travail initiatique.

Comme dans la vie profane, indissociable de notre vie de maçon, rien n’est jamais acquis et j’enfonce une porte ouverte quand je dis que nous n’avons jamais fini d’apprendre. C’est le cas pour les francs-maçons dont les buts sont la recherche de la vérité, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité, l’amélioration matérielle et morale de l’humanité, ainsi que  son perfectionnement intellectuel et social.

J’ai écrit scrupuleusement la phrase car c’est tellement vrai et c’est tellement beau. Vous savez, je vibre à chaque fois que je lis ces lignes. Je vibre de l’émotion de vivre, un peu pour l’instant mais de plus en plus je le présume et l’espère, je vibre de l’émotion de vivre une sorte d’aventure. Nous ne pouvons qu’être utiles avec de tels buts, donc je suis utile et cela m’enthousiasme. J’ai conscience d’une nouvelle vie d’homme avec ces desseins auxquels j’adhère.

Pour le coup, je crois qu’on peut affirmer que le travail ne manquera pas de sitôt et que nos outils auront de quoi faire pour longtemps encore.

C’est en ce sens qu’on devient un bon Franc-Maçon, en ayant pleinement conscience de tout cela mais aussi de sa propre mesure.

Il me semble avoir conscience de ma mesure personnelle, restreinte, partielle, des mots réducteurs certes bien que reflétant la réalité, mais je suis  un maillon de la chaîne et c’est largement compensateur. Il faut avoir également, sinon conscience pleine, au moins une idée de l’étendue de la tâche : probablement infinie.

Ce soir, ma pierre reçoit quelques coups de ciseau supplémentaires mais je sais bien avoir encore beaucoup de travail avant d’avoir même l’idée de pouvoir la polir. A ce propos, je pense qu’il est fort possible qu’elle ne le soit jamais, la perfection n’étant pas de ce monde, au moins pour quelque temps encore…, et de toute façon pas en moi.

Je veux dire quelques mots sur le rituel au sein de notre R\L\ : ils seront limités mais ils seront sincères. J’ai un peu voyagé comme App\, pas assez m’a t-il semblé, davantage ensuite et beaucoup en tant que Maî\, mais partout le rituel appliqué était moins rigoureux que le nôtre, parfois même carrément laxiste à la limite de l’inexistant.
Je ne juge certes pas mais c’est un constat. J’en ai aussi vu de plus rigoureux. Des hommes libres dans des loges libres.                                                                                                                                                   

Je n’apprécie rien tant que lorsque nous entrons en L\ suivant les règles et que tout le cours de la Ten\ est respectueux de celles-ci. J’aime voir et entendre mes FF\ faire les bons gestes et parler comme il convient. Je ne me suis pas découvert une passion pour les rituels et le symbolisme pur et dur mais ce que nous pratiquons dans cet Ate\ me convient bien.

Au fil des mois, je me suis de plus en plus empreint de tout cela et j’aime bien cette discipline qui veut le respect attentif des gestes, des déplacements, des paroles.                                                                                                                                                   

En tout cela, et pour la pensée permanente que j’en ai depuis quelque temps, je crois être devenu un vrai franc-maçon. Un vrai franc-maçon App\ puis Comp\, puis Maî\, mais App\ que d’une certaine façon nous restons notre vie durant et çà, c’est  franchement très clair.

Les Aga\ sont la pratique maçonnique que je connaissais le mieux avant mon initiation : mon parrain m’en avait longuement parlé et m’avait assuré qu’elles étaient la continuité sans rituel de la Ten\. Au fil de ces Aga\, je me suis senti devenir de plus en plus maçon, au sens où je me sentais de mieux en mieux intégré, mieux connu, en somme un maillon de plus en plus solide de la chaîne des FF\\ de ma R\L\.

Pour conclure, je dois dire que ma nature ne  me semble pas s’être fondamentalement modifiée. En revanche, elle s’est structurée différemment, par exemple en aiguisant ma mentalité et ma spiritualité. Ainsi, je me rappelle avoir toujours fait preuve d’une certaine tolérance mais, aujourd’hui, additionnée à une plus grande qualité d’écoute, je me sens plus serein devant les problèmes et les personnes qui posent problème.                                                                                                                                                 

Par exemple, j’étais incapable de m’empêcher de m’emporter envers quelqu’un affichant un extrémisme quelconque, quoique avec l’âge ça s’est arrangé, mais dorénavant ça n’arrive plus, enfin j’espère. Toutefois, j’ai encore un doute à ce sujet : peut-être est-il bon, peut-être même souhaitable, dans certains cas, de mettre des claques ou à tout le moins les rendre.

Un franc-maçon se doit d’appliquer, sans avoir à se forcer, le principe de tolérance, capital pour nous. Il se trouve que j’ai vécu – juste avant la première lecture de cette Pla\ - une expérience pénible face à une sorte de nazillon et j’ai su me dominer, certes avec difficulté mais je l’ai fait, pour finalement remporter cette espèce de bagarre imbécile qu’il avait provoquée, et ce sans violence physique.                                                                                                                                                   
      
Après l’événement, j’ai hésité entre me traiter de lâche ou de sage. En outre, avais-je  fait preuve de laxisme ou de tolérance ? Plusieurs jours de réflexion m’ont été nécessaires car cette affaire m’avait perturbé. J’en ai parlé autour de moi, à mon F\ jumeau notamment, et vous pensez bien que j’ai été heureux de conclure pour la sagesse, conforté par les quatre autres personnes – ignorantes de ma qualité de F\M\ - qui avaient assisté à la scène.

Pour le laxisme ou la tolérance, j’ai conclu n’avoir pas eu le choix dans cette affaire :

Il n’y a pas de place pour la tolérance quand on combat le mal.

Ce jour-là, enfin quelques jours après, j’ai été pleinement conscient d’enlever quelques aspérités à ma pierre car j’y ai pensé dans l’action et, même si j’ai douté et doute encore, je crois avoir agi en bon franc-maçon.

Un franc-maçon doit aussi faire preuve de solidarité et c’est peut-être le plus difficile à accomplir dans une vie.

La discrétion doit être de mise, il n’y a pas à faire savoir de ce qu’on fait. A ce sujet, notre F\ Pierre DAC\ disait : « Donner avec ostentation, ce n’est pas très joli, mais ne rien donner avec discrétion, ça ne vaut guère mieux ».               

Bon, j’essaie  néanmoins d’en faire preuve, autant que faire se peut, en fonction des circonstances, dans la mesure de mes différents moyens et surtout de cette chose si difficile à maîtriser qu’est le temps, et je n’ai pas tout le temps que je souhaite. 

En outre, je suis en réflexion permanente sur ce sujet : que puis-je faire de plus ? En tant que franc-maçon, dois-je faire plus qu’avant ? Dois-je essayer de faire plus parce que je suis franc-maçon ? Suis-je suffisamment impliqué ? Ces questions sont récurrentes.                                                                                                                         

En guise de vraie conclusion, je voudrais vous dire quelque chose qui m’apparaît comme essentiel et que je vous dis tout simplement :

Voilà : aujourd’hui, après ces…années de travail et de réflexion, il me semble que j’avais, sans le savoir, sans doute depuis très longtemps, peut-être depuis toujours, sinon l’esprit maçonnique au moins les bases de celui-ci. Un peu comme monsieur Jourdain…

J’y ai bien réfléchi et j’ai conclu qu’il n’y avait pas de prétention à le dire. Alors, je l’ai dit aux FF\\ de mon Ate\ et je le redis, ici et maintenant. Je le dis d’autant plus sereinement que je pense que c’est le cas pour la plupart d’entre nous, sinon tous.

Cette forme de conclusion me ramène au titre si vivant de cette Pla\ « Devenir Franc-Maçon ». Je pense qu’un homme ne devient pas franc-maçon, il l’est. Il naît ainsi et comme mon F\ Eric…me le disait et je résume sa pensée : « C’est le terreau qui fait la bonne pousse ».

La suite n’est qu’une affaire de circonstances qui lui permettront de peut-être trouver la voie et, s’il la trouve, alors le travail conséquent viendra.

J’ai eu la chance de trouver cette voie et maintenant je travaille.    

Finalement, c’est tout simple. 

J’ai dit

Deux choses remplissent l’esprit d’admiration et de craintes incessantes :
" Le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi."
Emmanuel Kant, Critique de la raison pure

R\ N\


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