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Le Progrès a-t-il un avenir ?

Comment aborder ce concept à 2 dimensions qu’est le Progrès ?

Par son étymologie latine, « Progredior » transcrit une action individuelle, comme pourrait s’assimiler le déroulé du temps sur une enveloppe corporelle, ou de la trajectoire d’une goutte d’eau sur la verticalité du fil à plomb.

Alors que « Progressus » traduit 2 actions différentes: d’une part un développement quantitatif, et d’autre part une amélioration qualitative. Cette notion qui recouvre l’avancée elle-même pourrait en ces termes être représentative du résultat de ce long travail sur soi, de la maxime alchimique V.I.T.R.I.O.L qui invite le récipiendaire au « connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux ».

Avec cette formule, c’est toute la résultante de cette analyse personnelle sur son avancée qui nous amène à dresser un bilan aussi exhaustif que possible de l’oeuvre accomplie. Cette notion de perfectionnement, d’amélioration et d’évolution s’oppose sans équivoque à celle de déchéance, de dépérissement et de décadence.

Pour juger d’un éventuel Progrès, il faut donc pouvoir analyser en toute objectivité le parcours d’une donnée, et sa résultante qu’elle soit positive ou négative, au-delà des fausses évidences, et de l’illusion longtemps cultivée d’un progrès linéaire de la condition humaine.

A l’antiquité cette linéarité avait déjà ses avis controversés. Sophocle pensait avoir trouvé l’origine du progrès dans l’esprit humain, alors que Sénèque considérait le progrès technique comme un danger pour la vie morale. Il faut attendre le XVIème siècle et le tournant sur l’humanité qu’à fait prendre l’imprimerie, pour que Francis Bacon, et les premières théorisations de l’aptitude humaine à progresser, trouvent concrètement une relation étroite et inévitable entre capacité technique de l’homme, et capacité à modifier matériellement son environnement.

Condorcet imagine quant à lui un progrès éclairé par la raison, l’éducation, les connaissances, les découvertes scientifiques et techniques. Cette vision du Progrès dominera tout le XIXème siècle, et prendra les couleurs et reflets du progrès économique et social.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

En ce début de siècle, faut-il sombrer dans le spleen Baudelairien, et le « Souviens-toi » des proses de « l’Horloge », pour accepter que « le temps connaît l’avenir ». Sans mépriser les bienfaits du progrès matériel, ne faut-il pas refonder le progrès sur le développement et l’épanouissement des libertés individuelles comme un moyen de conquête du bien-être.

Le philosophe viennois Karl Popper avait pressenti que nos premiers pas dans le XXIème siècle seraient placés sous le signe du doute et de l’inquiétude.

Cette crise de confiance collective, et de notre modèle économique et démocratique occidental, nous amène pour lui, irrémédiablement à un lent déclin social, économique et environnemental. Comme un effet boule de neige, l’idée même de progrès est remise en question. Cette conception optimiste, fruit des Lumières, exprimée notamment par Kant, serait vouée à disparaitre, à s’effacer derrière une conception pessimiste, où le progrès serait synonyme de seul croissance économique. Serions-nous en train de se rapprocher de la pensée de Julien Green pour qui le progrès
véritable ne peut être « qu’intérieur », le progrès matériel et technique étant renvoyé quant à lui à la condition de « néant ».

Récemment, les travaux de l’économiste et prix Nobel Amartya Sen ont beaucoup contribué à la réflexion sur le progrès et le bonheur, en établissant un lien direct entre libertés et développement humain. Dans son « Development as freedom », Sem souligne que le véritable progrès prend appui sur l’expansion des libertés individuelles.

Libertés économiques mais aussi liberté politique, liberté de s’éduquer, de se faire soigner ou de vivre dans un environnement sain.

Comme l’écrit Sen, le développement peut être appréhendé comme « un processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les individus » et la croissance du PIB, l’industrialisation ou les évolutions technologiques ne sauraient permettre à elles seules de mesurer le progrès d’une
société.

Dans les années 50, Joseph Wresinski avait déjà la conviction en intervenant au coeur des banlieues parisiennes, que « Développer, c’est rendre les gens libres et capables d’agir ». Après la première guerre mondiale, la loi Loucheur, avait déjà permis, en supprimant lesbidonvilles de la périphérie parisienne, et en lançant un programme hygiéniste de grandeampleur sur les anciennes fortifications, de voir s’édifier les habitations bon marché, les fameuxHBM.Dans l’architecture, le progrès technologique ne suffit plus et l’innovation comportementale vient s’ajouter à l’innovation technique. Depuis le premier choc pétrolier de 1973 et, plus récemment encore, depuis le protocole de Kyoto de 1997 destiné à limiter les gaz à effet de serre, le progrès technique concentre ses efforts sur la performance énergétique.

Or même le progrès technique le plus sophistiqué ne suffit plus à atteindre les objectifs fixés. Un changement dans les comportements d’utilisation des bâtiments est également nécessaire. Le bâtiment doit être conçu moins dans l’esprit de réaliser une prouesse technique que de rendre un
service à celui qui l’habite ou y travaille.

Le Corbusier avait coutume de dire que l’architecture est faite pour émouvoir les hommes. Elle est aussi invitée aujourd’hui à pérenniser et à embellir leur « vivre ensemble ».

Celui-ci ne peut trouver qu’une réelle expansion que par une politique durable d’investissements dans le domaine de l’éducation et de la santé. De même, la réduction des inégalités et le maintien d’une certaine cohésion sociale sont de nature à faire progresser le développement humain. Pour les nations pauvres ou émergentes, la bataille des libertés n’est toujours pas achevée. Ce combat passe avant tout par une croissance économique rapide, facteur fondamental pour une amélioration du niveau de développement. Pour les nations développées, sans renoncer à la croissance économique, l’accroissement des libertés passe par le renforcement de l’autonomie et de la capacité des citoyens à d’adapter dans un monde en permanente et rapide évolution.

Pour cela, le rôle de la puissance publique s’avère déterminant pour faciliter l’accès de tous à un système de santé de qualité, pour lutter contre la grande pauvreté, pour limiter les trop grandes inégalités et plus que tout améliorer le niveau d’éducation du plus grand nombre. On le voit, cette notion de progrès est liée à celle de l’évolution des consciences. Pour pouvoir appréhender cette notion, mettons-nous un instant dans l’entité d’un flocon de neige, c’est de saison.

Projetons-nous dans ce flocon qui tombe silencieusement sur une branche d’arbre. Des millions de flocons s’y amoncellent mollement. Rien ne bouge. Subitement la branche se rompt sous le poids des flocons. Il aura fallu un seul flocon pour la rompre…

Oui, un seul flocon après des millions et des millions à l’avoir précédé.

En est-il de même pour le basculement des consciences, de ma conscience ?

Par mes doutes et questionnements sur mon action et ma présence au sein de cette humanité, j’ai aspiré à devenir.

A être celui qui cherche à progresser en rectifiant son discernement, en trouvant ce courage qui permet de supporter les écueils de la vie, et de distinguer cette harmonie de l’esprit et des sentiments dissimulée sous ma carapace profane.

Les déformations dans le miroir de ma propre image m’amène à m’interroger sur mon progrès intérieur.

Ce reflet complexe, me renvoie une image inversée, une apparence à trois niveaux, qui interroge essentiellement entre le vrai du faux, et doit devenir ce révélateur, cet incubateur à l’éveil de soi. Par cette notion de rectification, le progrès agit.

Il m’interroge et me fait douter sur moi-même et sur le devenir de l’humanité.

La représentation unique de l’astre qui porte ce progrès, serait réducteur si je rejetais de ma conscience, l’humanité comme entité biologique et agent géologique.

Car cela devient inévitablement une évidence mes SS\ et mes FF\, comme les reflets qui s’affinent dans le miroir de la vie, le grand récit de l’Anthropocène devient celui de l’évolution de l’humanité.

Celui d’un progrès raisonné et responsable, et pourquoi pas décroissant.

J’ai dit.

P\ B\ O\


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