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Du Mythe d’Hiram au Maître Maçon

Nous, Maîtres Maçons, connaissons tous le mythe d’Hiram et son importance dans la symbolique maçonnique. L'accession au grade de maître, mort symbolique, reprend les étapes de l'assassinat d'Hiram.

Attaqué par trois compagnons qui désiraient les Signes, Mots et Attouchements des Maîtres, Hiram n’envisage à aucun moment de divulguer les secrets du 3ème grade.

De son statut de Grand Architecte et en sa qualité de Maître, Hiram ne peut donner aux mauvais compagnons Jubelo, Jubela et Jubelum les Signes, Mots et Attouchements qu'ils exigent de lui. Le faire, en supposant que cela lui serait un temps soit peu venu à l’esprit, serait ne pas être digne d’être Maître. En effet, un Maître ne peut s’égarer puisqu’il est sur le chemin du devoir (équerre) et de la raison ou de l’intelligence (compas). Cet égarement personnel le rendrait traître à sa vocation. Il lui serait impossible de diriger les maçons, qu’ils soient apprentis, compagnons ou maîtres qui travaillent dans le chantier à la construction du temple universel et priverait ces derniers du salaire de leur ouvrage et de leur peine.

Dès lors, face à ses agresseurs, aux portes successives d’Occident, du Nord et d’Orient, Hiram choisit de garder le silence et de ne rien révéler. Il fait face, physiquement, à plus forts que lui. Il est frappé d’un coup de règle à l’épaule droite, s ‘enfuit et reçoit un coup d’équerre à la nuque. A ce stade on pourrait aisément imaginer la peur, la souffrance qui le gagneraient et admettre qu’il donne aux infâmes compagnons ce qu’ils espèrent de lui. Mais non, il ne dit toujours rien et dans une ultime et dernière fuite, il est à nouveau arrêté et frappé d’un coup de maillet au milieu du front. Il meurt.

N’est-ce pas là l’exemple même du don total de soi. Il donne sa vie pour sauver ses frères qui peuvent continuer à travailler dans la sérénité puisque « l’inviolabilité de leurs mystères est assurée ».

Cette maîtrise, dont fait preuve Hiram, implique l'entrée dans la voie du sacrifice. Le sacrifice dont je parle ici, n’a rien d’une renonciation. Il s’agit plutôt de l’acceptation d’une responsabilité, même si celle-ci conduit à la mort. C’est la tragédie d’Hiram. Son sens des responsabilités le fait renoncer à la vie car il sait que de cela prédomineront le « bien, le bon, le véridique ». On voit là sa ferme détermination d’agir en tant que Maître Maçon responsable de la construction du Temple qui ne pourrait supporter aucune « malfaçon ».

Ceci me fait plus fortement prendre conscience que moi aussi, et vous aussi mes Sœurs, comme Hiram, devons être capables de faire des choix relevant du sacrifice, moyen de la volonté développée, pure, raisonnée et non impulsive.

Dans la vie de tous les jours, n’est-ce pas la souffrance qui révèle ce qui doit être connu. Je veux dire par là, la souffrance ne permet-elle pas de prendre conscience de la valeur des hommes et de la vie pour vivre le plus harmonieusement et dignement possible. Tout a un prix dans l'existence : ce qui est capital coûte cher, il faut en payer le juste prix par la souffrance, la renonciation, le sacrifice. Parfois en un seul de ces aspects, mais parfois avec tous ces éléments conjugués.

Nous, Maîtres Maçons, n'avons pas peur de mourir puisque nous savons qu’Hiram ressuscite à travers nous. Il est immortel. Ayant vaincu la mort, il est au-delà dans l'universel permanent : la lumière, l'énergie, la vibration. Porteur de lumière dans le monde des hommes, il sera lumière dans le monde du sans forme.

Nous rentrons donc dans l’allégorie de la sagesse de l’Homme. Que dois-je voir à travers Hiram ? Mon rituel me ramène toujours au domaine du symbole.

Selon l'étymologie même du nom « Hiram », celui-ci est composé de « Hir », qui signifie ville, et de « Ram », qui veut dire élévation, d'où le sens de « la ville élevée », qui renvoie à la ville céleste vers le Zénith. Le personnage d'Hiram, dans sa renonciation à la vie, pour l’harmonie des hommes, représente l'Homme en sa capacité à devenir Maître. Comme tout architecte, il creuse au plus profond, taille sa pierre brute, la polit et construit son Temple. Ce Temple en question (le Temple Sacré de Salomon) représente l'édifice de notre vie, la vie de l'Homme. Et les travaux du Temple en sont l'élaboration qui construit notre vie même vers la plus haute spiritualité.

Les trois compagnons, qui s’avéreront être des malfaiteurs pour Hiram, représentent les épreuves que l'on rencontre sur le chemin du devenir spirituel de l'Homme. Ils sont, en définitive, les gardiens des portes qui testeront la profondeur de notre attitude spirituelle.

Le coup de règle sur l’épaule droite décrit la première épreuve du Maître en devenir. La règle est un instrument de mesure et de droiture. D'où, celui qui aspire à s'élever au degré de Maître doit ensuite apprendre à avoir des pensées droites et justes.

Le coup d'équerre à la nuque renvoie à la deuxième épreuve rencontrée sur la voie du Maître en devenir. D'où, celui qui aspire à s'élever au degré de Maître doit d'abord apprendre à mesurer sa parole. Les mots qui sortent de sa bouche doivent être exempts de mal. Il s'agit de l'épreuve où se perd la majorité des Hommes sur le plan physique, puisqu'elle est celle qui est la plus proche de l'animalité. La mauvaise parole détruit l'Homme, et la bonne le construit. Ne dit-on pas : « Mesure tes paroles ».

Le coup de maillet sur le front, quant à lui, représente la troisième épreuve du Maître en devenir. Le maillet (le marteau) est un instrument de percussion (ou celui qui sert à faire éclater la pierre dans la construction du Temple), et le front est celui du mental (l'ego). D'où, celui qui aspire à s'élever au degré de Maître doit, en dernier procédé, parvenir à marteler et faire éclater son ego. C'est l'ego qui doit mourir en l'Homme afin qu'il puisse renaître sous sa forme spirituelle. Voilà pourquoi il est dit dans le mythe, que c'est ce coup ultime qui acheva Hiram, qui permit à l’Homme de devenir Maître. L'individu doit d'abord devenir Maître de ces trois épreuves, avant de pouvoir connaître de son vivant la mort symbolique qui le délivrera.

Ce mythe décrit un processus d'initiation spirituel. C'est un processus alchimique, qui permet à l'Homme de parvenir, de part la mort, à ce en quoi il croit, à des valeurs humaines.

Ceci m’amène maintenant à considérer le troisième degré à travers un processus psychologique qui revêt une dimension moins générale et plus personnelle.

Le Troisième Degré transmet une légende que l'on retrouve, sous une forme ou une autre, dans presque toutes les cultures humaines. Une légende qui comporte deux volets :

-le premier a trait à une catastrophe primordiale, un désastre qui se traduit par une perte intérieure et impose de grandes souffrances à toute l'humanité ;

-le second fait allusion aux moyens qui permettent de tirer quelque bénéfice de ces souffrances et de restaurer l'état de félicité dont jouissait l'homme à l'origine.

Dans toute la civilisation occidentale, le premier volet de cette légende, la catastrophe primordiale, s'exprime concrètement dans la croyance en la « Chute de l'Homme ». Notre société matérialiste voit habituellement dans la Genèse une description de la Création de l'univers physique.

Rappelons-nous, brièvement, l'interprétation mystique du passage du premier chapitre de la Genèse, qui décrit la « création » du monde de l'esprit, et de celui du deuxième chapitre, qui relate la « formation » de l'âme et du monde de la psyché.

Dans ce contexte, la « Chute » et l'expulsion d'Adam du Paradis terrestre évoquent le processus par lequel les membres de la race humaine prirent chair en vertu d'un acte de la volonté divine.

Si nous formulons cette idée en termes contemporains, nous pourrions dire que, dans son état originel (c'est-à-dire avant que la race se soit manifestée sur terre), l'humanité était capable d'être consciente de la Divinité et de communiquer directement avec Elle ; et qu'un événement quelconque, lié à l'incarnation, perturbe cette communication. Dans l'interprétation maçonnique de ce thème, ces événements sont décrits par le symbolisme de la Mort.

La mort dépeinte dans le Troisième Degré n'est pas la mort physique qui met fin à notre existence charnelle, mais un processus psychologique individuel qui présente certaines analogies avec la mort physique.

Ce thème est introduit par la reconstitution du meurtre du Grand Architecte, le plus jeune des Trois Grands Maîtres, lors de la construction du Temple de Salomon. La chose se serait passée, dit la légende, alors que le « travail (sur le Temple) était presque achevé » ; c'est ainsi que les « secrets du Maître » furent perdus, car ils ne pouvaient être transmis que lorsque les Trois Grands Maîtres étaient activement présents. La lecture la plus simple et la plus évidente de la légende consiste à y voir une admonestation : le Maçon doit être indéfectiblement fidèle à ses obligations.

Si nous considérons que l'être humain est le « Temple de Dieu », alors la construction de ce temple est presque achevée au moment où l'individu s'apprête à naître.

La personne qui est destinée à occuper le corps du nouveau-né est dotée d'un esprit, d'une âme et d'un Soi. Elle réside dans l'Éden (demeure des âmes innocentes qui ne se sont pas encore incarnées) dans un contact bienheureux avec la Divinité jusqu'à l'heure de sa naissance, et son corps (son « vêtement de peau ») est prêt à l'accueillir.

Dans ce contexte, la mort de l'Architecte représente l'événement au moment de la naissance, lorsque le Soi est submergé par son confinement dans un corps physique et « perd conscience » - en particulier le contact étroit avec son âme et son esprit, et avec la Divinité. Cette « mort », ou perte de la conscience, reflète au niveau individuel la séparation consciente d'avec la Divinité, que le récit de la « Chute » relate à l'humanité.

Selon la légende maçonnique, l'Architecte serait enterré dans une tombe mesurant « trois pieds en direction de l'Orient et trois pieds en direction de l'Occident (mesurés sur la dimension de la conscience), trois pieds du Septentrion au Midi (mesurés dans la capacité d'action et de restriction) et cinq pieds de profondeur environ (la taille d'un homme) ». Par ailleurs, la légende sous-entend que cet état bienheureux, édénique qui précédait l'incarnation ne peut exister que lorsque les Trois Grands Officiers -le Soi, l'âme, l'esprit -sont tous opérationnels ; et l'on comprend alors pourquoi les « secrets du Maître » (la conscience des Mondes Supérieurs) se sont perdus.

Le second aspect concerne la manière dont nous pouvons espérer remédier à la situation. Pour nous, Maçons, le corps humain peut être considéré aussi comme le Temple de Dieu si nous reconnaissons que la structure psychologique que nous avons vu le Maçon construire (ou peut-être explorer) avec tant de soin est elle-même ce « Temple ».

Dans ce cas, le Compagnon parvenu à sa maturité, dont j’ai essayé d’écrire l'état, est lui-même le Temple, presque achevé ; et la « mort » à laquelle fait allusion la légende est le processus psychologique qui permettra de terminer l'édifice. C'est une entreprise où il faut « mourir à soi-même », et le Candidat au Troisième Degré en a déjà une certaine expérience. Lorsqu'il a été initié au grade d'Apprenti, le Candidat se considérait comme un être humain, mais un être humain conscient qu'il y avait « quelque chose de plus ». Au cours de son développement, il sera « mort » à cette idée et aura appris à se connaître comme un être fondamentalement psychologique, un Soi humain et une âme occupant un corps.

La mort à laquelle le Candidat sera confronté dans le Troisième Degré l'amènera à reconnaître qu'il n'est pas plus un être psychologique qu'un être physique, doté d'une âme et d'un corps. Le mot « reconnaître » est important. La plupart des gens religieux croient à leur essence spirituelle. La « mort » psychologique auquel il est fait allusion dans le Troisième Degré a trait à l'expérience de cette essence spirituelle. Puisque ce processus exige la mort du Soi du Candidat (son essence psychologique), et puisque son Soi est l'idée qu'il se fait de son existence, cette « mort » peut être un processus très difficile et redoutable.

L'événement réel ne peut survenir que chez des gens parvenus à leur maturité psychologique. Seul celui qui a endossé la responsabilité de sa vie, qui a fait l'expérience de l'émergence du Soi, qui a développé sa volonté, et qui est prêt à remettre celle-ci à la Divinité est « habilité à demander la dernière et la plus grande épreuve par laquelle seulement il peut être admis aux secrets de ce Degré (de Maître) ». La formulation de cette citation est importante. Le rituel décrit un processus psychologique ; celui-ci sera difficile (une « épreuve »), l'individu devra enclencher lui-même le processus (il est « habilité » à le demander), et, tant que ce processus psychologique n'aura pas eu lieu, l'individu cessera de se développer car c'est la seule façon pour lui de progresser.

J’ai dit.


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