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Loge : Droit et Justice 18/11/2009


Le Mythe d’Hiram

C’est avec un très grand plaisir que j’ai fait ce travail de recherche, il est sans doute très imparfait. Il m’a permis de revivre ma propre initiation (au troisième grade), mais aussi de constater combien le grade est beau, enrichissant et formateur.

Malheureusement, il a sans doute été mal compris de certains de mes frères, peut-être a-t-il été mal donné, mais il est certain qu’il ne leur a pas réservé les lumières qu’ils étaient en droit d’en attendre.

Historiquement, il y a lieu d’observer que, dans la maçonnerie opérative, il n’y avait que deux grades : celui d’Apprenti où le débutant apprenait à tailler la pierre brute et se formait pendant plusieurs années et ensuite celui de Compagnon, où les secrets du métier étaient approfondis, spécialement en matière d’arpentage, de géométrie, de sculpture, d’architecture et le mythe d’Hiram y était inconnu.

Quant au Maître, c’était à ce moment soit le seul chef de chantier, soit le patron lui-même. Puis la crise économique appauvrit les communes libres de l’époque, le métier décline, on ne bâtit plus de cathédrale. Pour sauver la profession, les tailleurs de pierre élisent des « membres d’honneur » qui leur confieront quelques construction de châteaux et peu à peu les spéculatifs remplaceront les opératifs et dès1660, les loges ne comptaient plus que le quart de leurs membres « opératifs ». C’est à cette période que se créé le grade de maître et que l’on note l’apparition du mythe d’Hiram.

Qu’est ce qu’un mythe ?

Si la fable est un récit qui a une valeur morale et éducative, le conte, lui, est un récit imaginaire qui est le reflet de l’inconscient collectif. La légende est un récit merveilleux où les faits historiques sont revus à travers l’imaginaire populaire.

Le mythe, lui, est une légende à laquelle se rajoute une fonction symbolique qui influe sur la vie sociale, c’est un langage, une manifestation du sacré, un langage codé. Il a un contenu ésotérique de degré et de niveau variable.

Tout groupe humain a besoin d’un mythe fondateur pour se développer. Le mythe fondateur de la maçonnerie est l’assassinat d’Hiram par trois mauvais compagnons.

Hiram Abi est brièvement mentionné dans la Bible, au premier « livre des rois » : le roi Salomon fit venir de Tyr, Hiram qui travaillait sur l’airain. Il était rempli de sagesse, d’intelligence de savoir et de savoir faire. Il arriva auprès du roi Salomon et exécuta tous ses ouvrages (I rois, VII, 13-14).

La base biblique est très succincte. Les rituels maçonniques ont considérablement développé le texte initial en créant la légende de l’assassinat d’Hiram. La toute première édition de la légende d’Hiram se trouvait dans « Massonry dissected » de Samuel Pritchard, mais, d’aucuns pense que la plus belle version de la légende d’Hiram reste delle qu’écrivit Gérard de Nerval en 1850 dans son voyage en Orient. Nerval a donné à la franmaçonnerie francophone l’un de ses plus beaux textes. Il montre que l’assassinat d’Hiram constitue le principal élément de la cérémonie d’exaltation à la maîtrise.

Nerval a su transcrire tout ce qui caractérise l’humanité : amour, passion, fanatisme, envie, jalousie, amour propre, orgueil, lâcheté.

La franc-maçonnerie révèle par le mythe d’Hiram qu’elle souhaite rassembler les êtres humains quelles que soient leurs forces et leurs faiblesses. Par la méditation et la remise en cause perpétuelle, elle apprend aux hommes à dominer leur nature.

Qui a tué Hiram ?

Trois compagnons qui avaient vainement sollicité la maîtrise. Les jugeant insuffisamment instruits, les maîtres avaient ajourné leur avancement. Or, très satisfaits d’eux-mêmes, ces trois ouvriers se crurent victimes d’une injustice et se résolurent d’obtenir, par la ruse, ce qui leur était refusé.

Leur projet était de contraindre Hiram à leur communiquer le secret des maîtres ; ils se postèrent donc aux trois portes du temple et attendirent l’architecte qui avait continué de parcourir seul le chantier afin de contrôler l’état d’avancement des travaux. Son inspection terminée, Hiram voulut sortir par la porte où l’attendait le premier des trois compagnons qui se jugeant digne de passer maître, demande à Hiram de lui révéler les secrets du troisième degré. Son refus déclenche la fureur de ce compagnon qui lui assène un violent coup de règle sur la tête, mais, dévié, l’instrument s’abat sur son cou.

Hiram tente de fuir vers une autre porte où il se heurte au deuxième compagnon ; restant ferme sur son refus, le maître est frappé au cœur à l’aide d’une équerre. Affaibli, Hiram trouve la force de gagner la troisième porte qui est gardée par le plus exalté des trois malfaiteurs, l’intransigeance du maître lui vaut de recevoir un coup de maillet sur le front. Effrayés par leur forfait, les trois meurtriers enterrent le corps d’Hiram sous un tertre en dehors du temple sur lequel ils plantent un acacia.

Tristesse et consternation règnent dans le temple. Le crime parait évident et seuls de mauvais compagnons ont pu le perpétrer.

  • Mais qui est Hiram ?

C’est le postulant lui-même ; pour l’initié, il n’est autre que l’esprit maçonnique tant qu’il vit, la maçonnerie poursuit sa tâche constructive.

  • Et qui sont les meurtriers d’Hiram ?

Là aussi, c’est le postulant lui-même dominé par ses mauvaises passions.

  1. Le premier incarne l’ignorance, non pas celle des profanes mais celle des maçons qui devraient être initiés aux mystères de l’étoile flamboyante ; il arrive malheureusement que certains porteurs d’insignes, ignorent tout de la maçonnerie et prétendent néanmoins comprendre puisqu’ils ont été admis au nombre des ouvriers sachant travailler.
  2. Le deuxième meurtrier représente le fanatisme, non pas celui des ennemis extérieurs de la maçonnerie, mais de ceux de l’intérieur qui font un mauvais usage de l’équerre en ne se l’appliquant pas à eux-mêmes.
  3. Le troisième représente l’ambition des exploiteurs de l’ignorance et du fanatisme : ceux qui utilisent l’institution à leur profit.

Parfaitement informé du crime des mauvais compagnons, le candidat à la maîtrise, prend conscience du résultat d’un conflit dans lequel il aurait pu être impliqué malgré lui. Soupçonné, il devra faire la preuve de son innocence et de la bonne foi en enjambant sans peine le cadavre étendu à ses pieds par une marche rituelle. La main droite du compagnon quittant la région du cœur vers l’aine gauche, se déclarant prêt dans cette nouvelle attitude, à s’arracher les entrailles plutôt que de manquer à ses obligations de maître.

Que représente le tombeau d’Hiram ? Quelle est sa signification profonde ? Rappelons-nous le rituel, un rameau d’acacia planté entre l’équerre et le compas révèle le lieu de sépulture. Le cadavre d’Hiram enfoui à une faible profondeur.

C’est le tombeau de la tradition morte, c’est le tertre s’élevant à peine de la platitude du désert humain. Ce sont les rites perpétrés par habitude ou par respect du passé alors que nul ne sait plus à quoi ils correspondent.

Le cadavre d’Hiram, mis à jour, apparaît dans son intégrité, prêt à reprendre vie. C’est que les maîtres fidèles sont parvenus à reconstituer la tradition dans son ensemble matériel. Il ne reste plus qu’à concilier tradition et modernité et ressusciter le mort en procédant selon les rites.

La première tentative se fera par le postulant, en apprenti qui expérimente les vertus du mot sacré du 1er degré. Il fera appel à l’énergie intérieure, au feu constructif inné qui fait agir les êtres par eux-mêmes. Mais rien n’y fait, Hiram demeure inerte alors que le mot sacré du second degré lui est soufflé à l’oreille et que l’attouchement correspondant lui est donné. Hélas tout se désunit ; une compréhension partielle est insuffisante. Il faut connaître intégralement la maçonnerie, ses usages et son symbolisme pour ressusciter Hiram en ranimant spirituellement le cadavre de la tradition morte.

C’est alors que le vénérable intervient et dit : « isolément, nous sommes impuissants, unissons-nous et formons une chaîne vivante ».

Ainsi unis par de communes aspirations, par un unique désir désintéressé, ils infusent au cadavre la vie qui circulent dans leur chaîne et la tradition reprend force et vigueur.

Le vénérable, placé aux pieds du mort, se saisit de sa main droite remontant jusqu’au poignet, le tire à lui ; tandis que deux autres frères poussent Hiram en avant parles épaules et le relèvent entièrement si bien que le maître ressuscité se trouve debout face au vénérable, qui le reçoit pied droit contre-pied droit, genou contre genou, poitrine contre poitrine, les mains entrelacées et la main gauche passée par-dessus l’épaule et lui souffle à l’oreille :

« Mac Benahh » autrement dit : « il vit dans le fils ».

Ce mot constitue la clé de la maîtrise et le nouveau maitre est honoré comme si Hiram s’est réincarné en lui.

Le meurtre d’Hiram reste-t-il impuni ?

Les trois mauvais compagnons sont-ils punis ?

Je suis obligé de constater qu’à chaque exaltation, les maîtres ne retrouvent Hiram que mort, que les trois mauvais compagnons ne sont pas punis et que chaque fois, le fils de la putréfaction succède plus fort à son père assassiné.

Pour ce faire, la maçonnerie doit se prémunir contre le mal qui risque de le conduire à sa perte. Il s’agit du triple fléau représenté par l’ignorance, le fanatisme et l’ambition.

Ce sont là les compagnons indignes qui s’attaquent au respectable maître Hiram, c’est-à-dire à la tradition maçonnique. Ne cherchons pas en dehors de la maçonnerie ses ennemis les plus redoutables, ils coopèrent avec nous à la construction du temple. Aussi soyons modestes, commençons par nous guérir graduellement de ces fléaux. Le jour où nous saurons nous montrer : instruits, tolérants et désintéressés, alors, ce jour-là, l’influence intellectuelle et morale s’affirmera.

A l’issue de ce travail de recherche, je comprends mieux les conseils que m’ont donnés mon Frère et Père, Hervé, à l’issue de mon exaltation à la maîtrise :

Le vieil homme est mort.
Un nouveau renait en toi.
Oublie tout ce que tu as appris des autres. Quitte tes habitudes et tes désirs anciens, ton conditionnement, tes attaches, tes liens et ta prison quotidienne. (Leckh Lekha)
Va pour toi, va vers toi-même (gen.12.1),
Et suis ton propre chemin.
Il mène vers la lumière. Cette lumière tu la trouveras en toi-même.

J’ai dit.

S\ F\


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