Vitriol

C’est au cours de l’épreuve de la terre que, la première fois, on découvre le vitriol maçonnique. Le profane placé dans le Cabinet de réflexion est invité, entouré de nombreux symboles, à faire un retour sur lui-même. La formule alchimique offerte à la méditation est l’acronyme de « Visita Interiora Terrae Rectificandoque Occultum Lapidem ». Qui peut se traduire par « Visite, examine, inspecte, l’intérieur de la terre et en déplaçant, en redressant, en mettant en ordre, tu trouveras la pierre cachée ».

Il s’agit d’une invite à l’introspection, afin d’identifier et de cerner sa propre pierre, celle sur laquelle en tant que maçons nous devons travailler.

L’épreuve de la Terre est une descente, dans un mouvement vertical, à l’intérieur de soi-même, mouvement qui permettra de rédiger son Testament Philosophique, avant au terme de différentes épreuves de recevoir la vraie lumière en renaissant à la Vie Nouvelle. Il s’agit d’un passage par les Ténèbres pour éprouver la détermination du candidat. Première étape avant les épreuves de l’air, de l’eau et du feu qui permettent de découvrir les 3 autres éléments.

Le Vitriol maçonnique est la réplique de la fameuse formule « Connais-toi toi-même » utilisée par Platon dans le Charmide, et qui était inscrite au fronton du Temple de Delphes.

Cette formule indique que loin de devoir courir le monde, c’est en soi-même que chacun doit d’abord chercher, en descendant en soi-même, dans les parties obscures où sont tapies les forces cachées.

Vitriol est l’annonce de ce travail de recherche qui est offert à l’impétrant. Loin de se voir révéler un secret exotérique, il ne doit attendre qu’un travail long et laborieux ésotérique. Il est aidé par le vitriol, l’autre nom de l’acide sulfurique, et par 2 autres substances mises en oeuvre des alchimistes qui essayaient, selon certains, de transformer le plomb en or.

Le mercure des philosophes représente un principe féminin tandis que le soufre est un principe masculin et sera appelé au 16ème siècle le « sperme des métaux ». Au-delà du caractère métaphorique de ces deux éléments, c’est l’union et la complémentarité des contraires qu’il convient de souligner. Principes femelle et mâle, tout comme dans le temple la lune et le soleil à l’Orient incarnent les principes féminin et masculin, passif et actif, fusionnant dans le delta lumineux situé au dessus du V\ M\.

Chez les alchimistes le Vitriol est un principe actif permettant de mettre en branle les éléments. Mais c’est aussi et surtout une formule lapidaire et cryptée qui renvoie à un principe de sagesse ancienne. Le vitriol apparait au 16ème siècle dans une vignette symbolique accompagnant le texte de la Table d’Emeraude attribuée à Hermès Trismégiste.

La table d’Emeraude est un texte ramassé et mystérieux, voire sibyllin, dont une des formules les plus connues est : « ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».

Le haut et le bas se rejoignent ; il s’agit là de l’intuition selon laquelle le microcosme est à l’image, en résonnance, avec le macrocosme. L’homme est une poussière de l’univers et il est à lui seul un univers. L’infiniment grand et l’infiniment petit obéissent à des lois communes, sont le reflet l’un de l’autre. C’est ce qu’exprime le pendant qui est parfois ajouté au Connais-toi toi-même : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux ». Une formule audacieuse, sans doute apocryphe, qui n’est pas attestée historiquement. Certains font remonter ce pendant au XVIIème siècle et en attribuent la paternité à des francs-maçons.

Le vitriol d’Hermès Trismégiste, c’est l’invitation au voyage, au voyage intérieur, loin de l’étourdissement que procurent les vaines déambulations dans le monde : descends pour mieux rejaillir, meurs pour mieux renaître, cherche les ténèbres pour mieux trouver la lumière.

Cherche les ténèbres pour mieux trouver la lumière… « ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut… », renvoie à la verticale, premier axe de travail de l’Apprenti franc-maçon. C’est aussi l’injonction à ne pas prendre pour argent comptant le premier brillant venu : ce que l’on croyait en haut n’est peut-être pas si élevé, ce que l’on croyait en bas n’est peut-être pas si bas… Le Vitriol par son pouvoir de dissolution, nous aide à mourir aux illusions du profane, à échapper aux conventions, à nous défaire des faux semblants.

J’ai dit.