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V.I.T.R.I.O.L.

 
Ma profession m’amène a manipuler régulièrement des produits chimiques, et notamment l’acide sulfurique, plus communément connu sous le nom de vitriol. Par imprudence et maladresse, il m’est même arrivé, un jour mémorable, de faire l’horrible expérience du goût véritable du produit. C’est à déconseiller to-ta-le-ment.
Ma curiosité a donc forcément été attirée immédiatement, dès mon entrée dans le cabinet de réflexion par l’acrostiche VITRIOL. Que venait donc faire cette substance que je savais si dangereuse, dans ce qui m’arrivait alors ?
Stressée à l’idée de l’épreuve qui m’attendait, toute à la rédaction des réponses aux questions qui m’étaient posées, je n’ai pourtant guère pris le temps d’y réfléchir au moment même ; mais j’ai vite copié l’acrostiche en pensant qu’on m’en parlerait plus tard.
Visita
Interiora
Terrae
Rectificandoque
Invenies
Occultum
Lapidem
Visite l’intérieur de la terre, et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée.
 
Mais il n’y  a plus eu la moindre allusion a ce vitriol symbolique après l’épreuve du bandeau et la purification par la terre.
Alors, moi, insatisfaite, j’ai continue à m’interroger dessus.
 
De quand date l’acrostiche « vitriol » et depuis quand est-il placé dans nos cabinets de réflexion , ainsi en rapport avec l’élément terre ?
L’acrostiche et la phrase qu’il exprime sont généralement attribués aux anciens Rose-Croix, étroitement apparentés aux alchimistes du Moyen Age et du début de la Renaissance.
Cependant, selon certaines sources, il semblerait qu’ils proviennent plus certainement des Hermétistes que des Rose-Croix.
 
Quand sont-ils parvenus dans la Franc-Maçonnerie et quand ont-ils été placés dans le cabinet de réflexion ? On ne le sait pas au juste,
Ce qui est certain, c’est qu’au milieu du 18e siècle, aucun rituel ne les mentionne.
Or, à cette époque, les différents rites n’incluent pas encore ce que nous appelons aujourd’hui le cabinet de réflexion, mais une « chambre » ou « salle » de « préparation », entièrement peinte en noir, dans laquelle on ne trouve aucun symbole, si ce n’est une tête de mort.
C’est dans le Guide du Mac\écossais, datant d’environ 1810, que pour la 1ere fois, on ne parle plus de chambre de préparation, mais de chambre de réflexion ; c’est dans ce guide aussi qu’on voit apparaître pour la première fois l’élément terre. L’épreuve symbolique de la terre consiste alors à faire traverser au profane, lors de son entrée dans la loge, un cadre en papier; le VM dit alors « précipitez-le dans la caverne ».
Encore rien de ce que nous connaissons maintenant, donc.
Si on consulte différents rituels du REAA d’avant 1904, on s’aperçoit que les 4 éléments sont arrivés progressivement au cours du temps : le feu en 1804, la terre donc en 1810, l’eau en 1829, l’air en 1843 et la terre dans son assimilation explicite du cabinet de réflexion seulement en 1877.
En Angleterre, les 4 éléments sont encore absents des rituels de nos jours.
 
Certaines sources parlent déjà d’éléments alchimiques dans la Franc-Maçonnerie, notamment à Prague, au milieu du 18e siècle ; en ce qui concerne plus particulièrement VITRIOL, le rite français mentionne le mot dans son régulateur de 1801, et il semblerait que ce soit la première fois que ce mot apparaît dans un rituel, au moins au 1er degré.
Cependant, un dictionnaire maçonnique de 1825 n’en fait pas mention, pas davantage que les anciens cahiers des rituels du REAA datant de 1829.
Beaucoup pensent donc que ce serait dans la 2e moitie du 19e siècle que les références alchimiques ont pénétré la Franc-Maçonnerie, à une époque où l’Hermétisme inspirait même des poêtes comme Baudelaire ou Mallarmé.
 
Toujours est-il qu’en 1993, l’acrostiche VITRIOL figurait bel et bien dans le cabinet de réflexion où on me fit pénétrer et qu’il m’interpella.
 
Visita Interiora Terrae, Rectifcandoque Invenies Occultum Lapidem
Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée.
Que peut-il donc bien signifier au-delà de sa traduction littérale ?
 
J’avais, dans le cabinet de réflexion, en rassemblant les souvenirs anciens de mon latin , considéré cette phrase simplement comme un appel à la sincérité. Quelque chose comme « va au fond de toi-même chercher le fond de tes pensées »
Et, de prime abord après l’init\ tout m’apparaissait clair et mon interprétation de départ confirmée par ce que j’avais vécu ensuite : le profane, descendu en lui-même, purifié par la terre, renaît en App prêt à tailler sa pierre brute, pour apprendre à se connaître soi-même.
V.I.T.R.I.O.L. serait donc une invitation à descendre au plus profond de soi-même, comme l’indique d’ailleurs la perpendiculaire, et à rectifier, tailler, tailler sans cesse; invitation toujours répétée, puisque nous serions d’éternels apprentis, phrase qui, si elle énerve certains d'entre nous,  signifie pour moi que notre travail de taille de notre pierre ne se termine jamais.
 
Puis un jour, une circonstance particulière, ce fait raconté au début  d ‘avoir réellement goûté au produit et m’être horriblement brûlé la bouche,  m’a poussée à me pencher de nouveau sur le sens ésotérique de V.I.T.R.I.O.L.
Le première signification que j’ai trouvée , celle de Boucher, dans son traite sur l’Art Royal, m’a suffi puisqu’elle amplifiait à peine ce que je pensais depuis mon passage dans le cabinet de réflexion.
Il nous dit, en substance ceci : «  c’est une invitation à la recherche de l’Ego profond, qui n’est autre que l’âme humaine elle-même, dans le silence et la méditation ».
Qu’est-ce que l’âme ? en dehors de toute référence religieuse à laquelle je serais bien incapable de me référer, j’y vois la pensée humaine, la conscience des choses. C’est donc cette pensée qu’il faut débusquer pour rectifier (tailler sa pierre),  dans le silence et la méditation du cabinet de réflexion, pour la mettre ensuite en lumière et la faire rayonner.
 
Mais toujours inspirée par mes occupations profanes, et par une circonstance maçonnique particulière qui me tenait a coeur, je me suis mise à m’interroger sur l’acrostiche lui-même et non plus uniquement sur le sens des phrases.
Pourquoi vitriol ? je ne pense pas qu’utiliser l’acide sulfurique soit un bon moyen pour creuser la terre ! les paroles au vitriol ne sont pas particulièrement celles qu’on recherche en L\
Il devait donc y avoir une signification cachée, qu’on maîtrise ou non l’alchimie.
 
Certes, le vitriol carbonise, il brûle, il fait des dégâts, et il parait de prime abord étonnant de le retrouver comme outil mac\
Mais comme c’est un acide, il peut donc détruire les métaux
Il devient donc un outil aidant au dépouillement des métaux ; grâce a lui, l’App\ peut entrer en L\ débarrassé de ses honneurs et préjugés profanes ; il ne peut travailler  à l’amélioration de son moi profond qui si ce dernier reçoit la lumière qu’une enveloppe métallique arrêterait.
Nous savons que l’acide sulfurique est un des plus, sinon le plus dangereux de tous les acides ; non seulement, il peut détruire nos métaux personnels, mais par sa force, nous pouvons penser qu’il  nous permettrait aussi d’en dépouiller les autres, afin de les découvrir en pleine lumière.
Et le R de rectificandoque, dans cette acception, évoque immanquablement l’équerre, la rectitude morale, la mesure et l’équité..
Aussi, je me suis mise a rapprocher ce VITRIOL du précepte mac\ « pense que pour bien juger les Hommes, il faut sonder les cœurs et scruter les intentions » ; le sens de l’acrostiche  devient en quelque sorte « sois toi-même sans parti-pris, sans subjectivité préalable, et par ta rectitude morale et ton sens de l’équité, tu verras l’autre tel qu’il est réellement »  Tu verras les qualités que tu n’avais pas distinguées de prime abord et tu relativiseras les défauts qui occultaient les reste.
VITRIOL pourrait aussi bien arriver a signifier « ne t’arrête pas trop à la forme et à certains mots qui peuvent te déplaire, et, en considérant l’autre avec mesure et tolérance, tu verras en lui, en elle, un F\, une S\ »
Ainsi , il inciterait à trouver, sans parti-pris, la fraternité là où elle peut ne pas apparaître sans une certaine recherche. Ce qui m’amène à déplorer que nombre de LL\ et la mienne, Fraternité, en particulier, n’y attache guère d’importance dans ses rituels.
 
Me voici bien loin de l’appel à la sincérité que je percevais dans le cabinet de réflexion,  et des interprétations habituelles de l’acrostiche ; mais n’est–ce pas aussi le propre des symboles de nous pousser toujours plus avant dans nos recherches, même si on dévie quelque peu des voies traditionnelles ?
 
Récemment enfin, pour aller toujours plus loin  et pour préparer cette pl\, j’ai ouvert un traite intitule « l’Alchimie, Science et Mystique » désirant aller plus avant dans les significations véritablement alchimiques de VITRIOL.
Ce traite est assez hermétique (c’est le moins qu’on pusse dire, dans tous les sens possibles du terme) mais ont y trouve des analogies avec le cabinet de réflexion qui y sont, c’est normal,  frappantes : mercure, soufre, sel, élément terre.
Il faut pourtant noter des l’abord que mercure, soufre et sel ne représentent pas, pour l’alchimiste, les corps que les chimistes nomment ainsi.
La science des alchimistes n’en est pas une, mais un moyen ésotérique de pratiquer la philosophie ; tout doit donc être traduit.
 
Mercure, soufre et sel sont 3 principes reliés à l’être vivant par l’alchimie philosophique : des symboles en quelque sorte ; le mercure représente l’esprit, le soufre l’âme, et le sel le corps ; ces 3 principes se trouvent enfermes chaotiquement à l’intérieur des 4 éléments ; les extraire, les purifier, puis les réunir, en les mettrant en ordre harmonieusement, constitue la spagyrie de Paracelse, ce qui en termes moins barbares signifierait volontiers pour moi : ordo ab chao, ordonner les 3 principes en les purifiant  à partir des 4 éléments et ainsi reconstruire un Homme harmonieux.
Il faut dire que j’ai tenté une interprétation en reliant les 3 principes à sagesse-force-beauté pour les mettre en rapport avec la purification du profane par les 4 éléments  , mais j’avoue n’être pas très loin dans ma réflexion sur ce sujet.
 
Revenons-en au vitriol alchimique proprement dit.
Au sujet de la purification des 3 principes, Eugene Canseliet écrit :  
« en purifiant le mercure des philosophes, le sel en accroît le pouvoir d’aimantation de sorte que lui-même se charge de l’or astral que l’autre ne cesse d’absorber. Le sel devenu le véhicule vitrifié du fluide cosmique se colore en vert tandis qu’il augmente sensiblement de densité. Ainsi reçoit-il indifféremment le sens de « vitriol vert » ou « lion vert » et se trouve-t-il prêt afin de jouer son très grand rôle au cours de l’oeuvre médian ou second »
C’est l’«Hyperion » et le « Vitriol » de Basile Valentin, le « lion vert » de Ripley et de Jacques Tesson, en un mot la véritable inconnue du grand problème, nous dit Fulcanelli. »
 
Traduction, pour autant que je ne me plante pas lamentablement  dans l’interprétation : en purifiant  l’esprit , le corps en accroît le pouvoir de rayonnement, de sorte que lui-même se charge de la richesse que l’autre ne cesse d’absorber. Le corps, devenu le véhicule matérialisé de la pensée change son apparence tandis que son importance s’accroît.
J’en conclus que le vitriol des alchimistes serait vert et n’a manifestement rien a voir avec l’acide sulfurique ; il représente la matière (au sens des matérialistes rationalistes), mais matière additionnée d’un peu de spiritualité par laquelle elle s’enrichit, tout en lui permettant de s’exprimer.
 
Il se fait aussi qu’en plus, et pour un des alchimistes les plus célèbres, Fulcanelli, le vitriol représente la véritable inconnue du grand problème ; or, quelle est cette inconnue que nous recherchons ? a mon avis… la Vérité absolue (celle dont nous savons qu'il est impossible que nous la trouvions )
Eugene Canseliet ajoute a son texte ci-dessus :
«  c’est de l’émeraude des philosophes qu’il s’agit en ce lieu. L’Esmeralda de Victor Hugo. C’est l’authentique VITRIOL.
Cette émeraude des sages symbolise bien évidemment le Graal dans lequel fut taillée la pierre précieuse s’étant détachee du front de Lucifer (= je porte le lumière)”
Le virtiol, le Graal objet d’une quête sans fin ; l’émeraude sortie du front de Lucifer, la Lumière, rayonnant a partir de cette Vérité que chacun cherche…  sans doute la pierre cachée à découvrir.
Le vitriol constituerait donc a la fois le moyen d’atteindre la pierre et la pierre elle-même.
Il faut remarquer que l’acrostiche vitriol en latin se dit V.I.T.R.I.O.L.U.M, les 2 dernières lettres signifiant Veram Medicinam, la vraie médecine ; il serait donc bien, non seulement le moyen de descendre au fond de soi mais un remède, une solution ; la Vérité et le moyen de la trouver, la lumière.
Par ce vocable latin,  vitriolum, Eugene Canseliet nous fait remarquer qu’on aboutit  à l’inscription qui surmontait la grande porte de la demeure alchimique du marquis de Palombara à Rome : villae ianuam trahendo recludens Iason obtinet locuples vellus medeae (en franchissant la porte de la villa, Jason découvre et conquiert par Médée la précieuse toison)
L’acrostiche a donc d’autres sens un peu différents du notre, quoique certainement en rapport direct par la signification
Franchir la porte de la villa serait visiter l’intérieur de la terre, en rectifiant devient par Médée, et la pierre cachée est ici la Toison d’Or.
Mais je ne connais pas assez l’histoire de Jason pour m’aventurer plus avant dans ces interprétations..
 
Du second œuvre, Eugene Canseliet nous dit :
« … l’opérateur superpose en 3 couches, dans le creuset, les produits obtenus précédemment ; il dépose au fond le sable rouge, puis au-dessus le mercure philosophique, obtenu au sortir du 1er œuvre, surmonte de la légère couche de vitriol philosophique. La terre libère alors son soufre qui s’élève réellement  jusqu'au bain mercuriel par l’attraction magnétique que manifeste le vitriol philosophique. Le lion vert, emprisonne dans la terre rousse et limoneuse, gagne le bain supérieur pour y apparaître à la surface ».
Ainsi , le vitriol ne descend pas au plus profond de la terre, mais il tire le soufre l’intérieur de la terre et laisse ainsi apparaître la pierre cachée qui peut alors librement monter à la surface.
Le pierre doit pouvoir sortir de la terre ou elle est enfermée, il faut qu’on la libère, il faut dégager tout ce qui lui fait obstacle, la cache, ensuite elle pourra s’élever.
Traduction : la lumière éclairant quelque peu l’esprit, l'âme est libérée et s’éleve vers la spiritualité par l’attraction qu’exerce la lumière, la vérité peut enfin apparaître.
L’âme ??? serait-ce les passions qu’il nous faut vaincre, serait-ce les volontés que nous devons soumettre a nos devoirs, s'agirait-il d'élever nos pensées vers la spirtualité?
Voici donc, VM, mes FF, mes SS, une série de réflexions sur l’acrostiche VITRIOL.
La quantité de pistes, les directions différentes qui peuvent être suivies à partir de ce seul mot montre, s’il en était besoin, que notre réflexion n’est jamais achevée et que les symboles recèlent en eux maintes et maintes possibilités d’interprétation et par conséquent d’enrichissement.
Mais il me semble que toutes finissent par en revenir a cette idée finalement très simple et qui nous rassemble tous:
Le profane subit l’épreuve de le terre dans le cabinet de réflexion, se libère de ses métaux, de ses impuretés , des préjugés, des dogmes, des idées toutes faites, des fausses vérités, et apprend à dominer ses passions ; son chemin sera libre alors pour remonter  des entrailles de la terre, apparaître nu et recevoir la lumière quand le bandeau tombera.
Le pierre cachée ne serait-ce pas aussi  l’initie ? enferme dans la terre , il se libère des entraves profanes, meurt et rédige son testament philosophique ; l’épreuve du cabinet de réflexion, avec tous les rappels alchimiques de circonstance, constitue son vitriol, en ce que qu’il lui libère le chemin, pour qu’enfin, il renaisse à la Lumière lors de la chute du bandeau.
 
J’ai dit, V\M\

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