GODF Loge : NC 13/03/2003


V.I .T.R.I.O.L.


Il y a quelques années, alors qu’à travers la solitude noire du cabinet de réflexion, je contemplais les différents objets et inscriptions qui m’entouraient, je découvris le mot V.I .T.R.I.O.L, dont chaque lettre était séparée par un point, cela me fit une sensation étrange. Dans l’univers pré-maçonnique que je côtoyais depuis de nombreux mois, c’était la   première fois que je le voyais ;  peut-être avais-je lu autrefois  qu’il s’agissait vaguement d’un acide, mais je  ne l’avais jamais imaginé en Maçonnerie. Et pourtant il était là : inscrit par initiales, projeté à ma figure comme de l’acide sulfurique ; près  de ces ossements vaguement éclairés par une bougie blafarde. Qu’est-ce donc que cette appellation ancienne ? Pourquoi utiliser une formule incarnant le mal ( l’acide) ? Que fabrique-t-on dans ces lieux ? Y a-t-il un rapport entre l’acide et ces ossements ? Suis-je tombé dans une secte satanique ? Chaque  question m’assaillant me donnait une raison de fuir . Égaré dans ce doute violent, je me sentis réconforté par la tête connue qui m’apporta le testament philosophique dont les questions intelligibles me rassurèrent  sur la pertinence de ma démarche… Ignorant superbement que ce jour de février 1986 allait devenir pour moi le 13 ème jour du 12ème mois de l’an 5985 de la Vraie Lumière…

Contrairement à ce que pense LA ROCHE FOUCAULT lorsqu’il écrit :  « On aime mieux dire du mal de soi que de n’en point parler », j’ai tenu à vous faire part de cette expérience  personnelle pour introduire ce travail, non  pas pour vous parler de moi mais pour exprimer le très fort sentiment d’intimité que V.I .T.R.I.O.L. m’inspire comme, certainement, à chacun d’entre vous. Difficile, dès lors, de partager le sens de cette formule qui est par nature ésotérique. Je tacherai néanmoins de le faire au point de vue symbolique  et en comparant V.I .T.R.I.O.L. à la méthode maçonnique, après avoir brièvement évoqué l’alchimie. Ces trois axes de travail ne sont pas des droites mais des courbes sinusoïdales qui se croisent régulièrement et même se chevauchent pour parfois se confondre…

V.I .T.R.I.O.L est donc une formule dont la signification est, je vous le rappelle : « VISITA INTERIORA TERRAE, RECTIFICANDO INVENIES OCCULTUM   LAPIDEM » formule alchimique en latin qui se traduit par : «  VISITE L’INTERIEUR DE LA TERRE , EN RECTIFIANT  TU TROUVERAS    LA PIERRE CACHEE ». A cette formule sont parfois rajoutées les lettres U et M pour exprimer V.I .T.R.I.O.L.U.M , U. M voulant dire VERAM MEDICINAM  (Médecine de Vérité, les lettres U et V ayant le même graphisme en latin).
Tous les auteurs s’accordent à penser que ce sigle était la devise des anciens ROSE CROIX. AMBELAIN dans son ouvrage « La symbolique des outils dans l’Art Royal » déclare que les Rose Croix auraient pénétré sciemment les loges Maçonniques et y auraient introduit l’alchimie et l’hermétisme.
Les formules  V.I .T.R.I.O.L et  V.I .T.R.I.O.L.U.M. invitent donc à approcher la pensée alchimiste. D’autres que moi sont nettement plus qualifiés pour en parler, leur éclairage nous sera précieux tout à l’heure… Je préciserai simplement qu’il faut comprendre, qu’au moyen âge, l’Alchimie est la Science par excellence ; elle contient les principes de toutes les autres. L’alchimie a pour objet l’étude de la vie ; son but est la découverte d’un ferment mystérieux grâce auquel la désagrégation des corps, et donc la mort, pourrait être définitivement retardée ; cet agent doit assurer la progression rapide des êtres vers l’état supérieur. Produit au cours du Grand Oeuvre, il peut être liquide ou solide.
Le liquide est l’élixir de longue vie appelé PANACEE, le remède infaillible à toute les maladies. Le solide est la PIERRE PHILOSOPHALE qui, lorsqu’elle est introduite dans la masse d’un métal en fusion assurerait sa transmutation vers l’état désiré (Or ou Argent) . La pierre cachée que doit trouver l’alchimiste est donc la Pierre Philosophale.

Ainsi l’ensemble des lois et principes alchimique étaient consignés dans une langue symbolique ( comme la formule V.I .T.R.I.O.L ) dont le déchiffrement faisait partie des épreuves initiatiques….
La Pierre Philosophale  suit un processus de fabrication long et complexe : L’alchimiste doit tout d’abord extraire sa matière première des profondeurs du sol ; Visite l’intérieur de la terre.
Puis il doit rectifier en quatre étapes ; première étape, rendre la matière liquide ;
Deuxième étape : évaporer l’eau superflue afin d’obtenir un produit visqueux  ayant  un aspect vitreux. C’est VITRUM, le verre, qui consacre l’étymologie du mot V.I .T.R.I.O.L . Vitriol est d’ailleurs le nom chimique ancien des sulfates.
Troisième étape : Séparer et purifier chacun des éléments de la matière ; on peut trouver ici une analogie avec l’initiation maçonnique et ses quatre purifications symboliques ;
Enfin, quatrième étape, réunir les esprits purs pour former la pierre philosophale ; cette réunion des esprits purs que l’on peut qualifier de quintessence est directement comparable à La Tenue et l’EGREGORE en Maçonnerie.

Les quatre étapes constituent pour l’alchimiste la rectification contenue dans la formule V.I .T.R.I.O.L. L’alchimiste initié doit à l’instar du maçon, ou plus exactement du Maître Maçon, être un véritable expert maîtrisant plusieurs techniques : La première de ces méthodes est l'Œuvre au noir ; celle qui consiste, en alchimie comme en Maçonnerie, en l’art de débarrasser la matière de ses impuretés ; L’Œuvre au blanc qui permet de fabriquer la pierre blanche transmutant les vils métaux en argent et l’Œuvre au rouge qui produit la pierre rouge transmutant le mercure en or.
 
Cette courte évocation de l’Alchimie nous permet de voir combien sont nombreux les parallèles entre l’Alchimie et la Franc Maçonnerie ; ce sujet mériterait à lui seul d’être le fil conducteur d’une année complète de travail en loge….Alors j’abandonne cette succincte partie pour m’intéresser plus particulièrement à l’aspect symbolique de V.I .T.R.I.O.L. , ainsi qu’à ses analogies avec la méthode maçonnique.

V.I .T.R.I.O.L. cela ne vous rappelle rien ? On pourrait même envisager de   l’écrire V\I\T\R\I\O\L\  C’est assurément la première confrontation de l’impétrant  avec le langage des initiales qui nous est cher. Je dis première confrontation car il a bien reçu un courrier de convocation sur lequel il y a ce type de communication mais pensant à l’ésotérisme de la maçonnerie qui ne lui pas été encore révélé, il se dit qu’il a bien le temps de le comprendre… Et pourtant il est là ce langage ; face à lui ; chargé d’un symbolisme qui ne lui a pas encore été enseigné… Tout d’abord, il faut préciser que V.I .T.R.I.O.L. est la seule formule connue du grade d’apprenti qui soit représentée par des caractères alphabétique. Cela  lui confère un statut particulier car la formule est à la fois symbole et allégorie… Alors que signifie cette formule? Je vous propose de la décomposer…

La première partie de la formule «  VISITA INTERIORA TERRA » est une invitation à l’introspection : Dans le rite Français de 1786 avant l’ouverture rituelle des travaux, Le vénérable disait : «  Mes FF\ , descendons en nous même !» Cette injonction, suivie du silence, résume admirablement le travail sur la perpendiculaire . Seule la phase d’introspection nous permet de descendre dans les plus grandes profondeurs de nos êtres . S’initier, c’est d’abord apprendre à se connaître soi-même. Le silence de l’apprenti n’est donc plus là que pour l’aider à observer et comprendre, mais il s’agit d’une véritable ascèse méditative qui est la condition matérielle à la phase d’introspection.

La formule V.I .T.R.I.O.L. est une invitation pour l’impétrant à pénétrer le monde obscur de la terre, à découvrir et à connaître les secrets intérieurs de sa nature ainsi que ses méandres cachés. Cependant, si V.I .T.R.I.O.L. s’adresse en premier lieu à l’impétrant, chacun sait ici, quelque soit son degré d’avancement maçonnique que c’est à la terre que toute vie retourne, et qu’après être passée par la putréfaction, la vie renaît sous une autre forme. Chacun sait aussi puisqu'initié, que c’est en notre temple intérieur que réside le secret ; Le cherchant devenu impétrant, comme l’apprenti, le compagnon et le maître sont systématiquement invités au «Connais-toi toi même, et tu connaîtras l’univers et le Dieux ». 

La terre , premier des quatre éléments alchimiques, est une allégorie signifiant l’Homme. ADAM AH signifie en HEBREU « LA TERRE », et Adam ah est la racine du nom « ADAM », le premier Homme. Cet Homme est à l’origine un profane, c’est à dire quelqu’un qui a en lui des qualités et un potentiel dont il ignore même l’existence, mais que cette fertilité qu’il soupçonne le  pousse à faire la démarche initiatique que nous connaissons.
La méthode Maçonnique, c’est à dire l’initiation et le perfectionnement lui permettront de mettre à jour sa potentialité au moyen de la deuxième  partie de la formule  « RECTIFICANDO » : la RECTIFICATION.

Le mot «  Rectification » indique, qu’à un moment donné, il va falloir cesser la phase d’observation pour aborder  une phase plus active ; A mon avis, mes bien aimés FF\, il y a deux domaines précis où la rectification va s’exercer ;
Le premier c’est l’indication qu’il va falloir changer le sens de la visite ; changer le cours normal des associations ; s’interroger sur ce qui nous paraissait évident autrefois ; remettre en cause nos acquis,  se questionner sur le processus de la pensée, redessiner nos schémas de déduction et d’induction, ceux que les psychologues appellent les « paradigmes » ; cultiver le  doute ; s’adonner à  l’exercice si délicat de la tolérance, celle qui fait accepter les différences et qui permet de comprendre l’autre en acceptant pourquoi il pense différemment et en quoi cette différence enrichit le maçon. Cette partie de la  rectification est une phase essentielle de la libération maçonnique  alors qu’elle  est  souvent considérée comme une aliénation dans le monde profane.

Le deuxième domaine de la rectification est la mise en route vers la recherche du savoir et de la vérité. La phase de construction qui suit la déconstruction, celle de la recherche du nouveau sens. Celle qui transforme un homme ordinaire en Apprenti Initié; je n’ai pas dit initié apprenti ; Un apprenti initié signifie à mes yeux cet homme Franc Maçon qui entreprend la démarche de remettre en cause ses acquis même si ceux ci sont maçonniques, de reconnaître ses erreurs , de se considérer en permanence comme une pierre brute, même si celle ci ressemble à s’y méprendre à une pierre taillée.

La Rectification est l’opération essentielle à la progression du savoir ; elle doit être permanente comme notre quête d’idéal et de perfection. C’est la rectification qui fait du maître Maçon un éternel Apprenti ; c’est elle qui impose de plus en plus d’humilité au fur et à mesure  que le parcours maçonnique avance.
La rectification fait prendre conscience que le parcours accompli n’est rien au regard du parcours à accomplir. Car le parcours initiatique est un escalier qu’on doit redescendre intégralement à chaque fois qu’une nouvelle marche est franchie.
Je ne trahis aucun secret en révélant ceci à nos FF\ Apprentis ou Compagnons car ceux qui n’en sont pas persuadés feront de mauvais Maîtres ;  FF\ Apprentis et Compagnons, regardez où siège l’ancien Vénérable de cette loge, et vous comprendrez que les honneurs n’ont pas cours en cette enceinte ! Seuls les devoirs sont la résultante des droits !
Soyez persuadés mes FF \ Apprentis et Compagnons, que le mot Maîtrise qui symbolise la plénitude des droits dans la vie profane signifie en maçonnerie solitude d’un apprenti laissé face à lui même : L’équerre, bijou du vénérable, symbolisant le maître de la loge conserve le fil à plomb de manière induite tel qu’on le voit sur  la perpendiculaire, bijou du 2ème surveillant et sur le niveau, bijou du 1er surveillant.

Bien sûr, s’il n’est pas physiquement apparent sur l’équerre, il est là, présent dans tous les esprits des Maîtres de la loge et physiquement maintenu au plafond comme menaçant si notre édifice s’écroule.

Ce fil à plomb, attaché à la voûte étoilée, est le garant de l’axe vertical ascensionnel et descendant qui nous fait passer continuellement de la matière à l’esprit et de l’esprit à la matière. Le plomb, maintient bien vertical cet axe microcosme-cosmos au même titre que l’équilibre matière-esprit  lui même encore symbolisé par l’équerre et le compas posés sur le livre de la loi.
D’ailleurs, lorsque le maître des cérémonies et l’expert forment l’équerre et que le vénérable invoque le G\A\D\L\U\, formant le compas avec son maillet et son glaive, les FF\ des colonnes y voient le fil à plomb dans l’axe du temple.
Le fil à plomb qui symbolise à mes yeux l’ensemble de la formule V.I.T.R.I.O.L. ne doit pas séparer l’introspection de la rectification, sinon la loge est appelée à devenir une secte repliée sur elle-même faite de maçons emprunts de certitudes. De même la rectification sans introspection est concevable dans un club de réflexion sur la société mais pas dans une loge maçonnique.
La rectification est la substitution de la question : « Qu’est ce qui est vrai ? » par la question : « Pourquoi et comment je cherche le vrai ? »
Alors et alors seulement, nous découvrirons la pierre cachée contenue  dans la troisième partie de la formule :  « INVENIES OCCULTUM   LAPIDEM ».
Quelle est donc cette pierre philosophale, celle qui transforme le vil métal en argent, le mercure en or ? Est-ce la vérité elle-même ? Est-ce nous mêmes rectifiés ? Est-ce un autre homme que nous aurons fait apparaître par la rectification ?..
Fidèle à l’habitude qui consiste à poser des questions alors que l’on s’attend à une réponse, je suspend ici le symbolisme pour comparer la formule V.I.T.R.I.O.L. et la méthode maçonnique.

La maçonnerie, à l’instar de toutes les sociétés initiatiques traditionnelles tend à œuvrer à la transformation d’hommes ordinaires en hommes transcendants.

Jung déclare dans son ouvrage la dialectique du MOI et du SOI : « Plus on prend conscience de soi-même, grâce à la connaissance que l’on en acquiert petit à petit, et grâce aux rectifications de comportement qui en découlent, plus s’amincit et disparaît la couche de l’inconscient personnel déposée, tel un limon sur l’inconscient collectif ».
Jung qui interprète le SOI comme étant l’ensemble du psychisme composé du moi et de tout l’inconscient (personnel et collectif) évoque quelque chose d’assez proche de l’introspection de la méthode maçonnique : D’abord par la connaissance de SOI, se débarrasser de l’inconscient personnel par la prise de conscience, et surtout par l’élimination de toute cette partie que l’on peut qualifier d’impuretés profanes : Les préjugés, les avis tranchés influencés par nos atavismes, les cotés noirs de notre ego…
La méthode maçonnique ne s’arrête pas là. Elle propose, en outre, l’intégration progressive par l’initié de l’inconscient collectif de la maçonnerie : Je qualifierais comme inconscient collectif le poids des outils, symboles, mythes et allégories de la maçonnerie ainsi que l’EGREGORE de la loge ; ils sont là et font partie de nous…C’est par l’appropriation de ceux –ci  postérieurement à sa période d’introspection que l’Initié va rectifier.

V.I.T.R.I.O.L. S’intègre bien dans la méthode maçonnique au moyen de ce que l’on peut appeler l’Epigénie ; ce mot, employé par des géographes désigne la transformation d’un minerais par un autre, molécule après molécule, à l’image des greffes pratiquées dans la chirurgie osseuse.
La moelle osseuse, élément impur car malade, va, au moyen de la greffe d’un élément pur car sain, se purifier petit à petit pour devenir finalement complètement saine. S’il y a intervention de l’extérieur , c’est la moelle, elle-même, qui se purifie.
Le profane, par son initiation va subir une greffe de maçonnerie, entamera une phase d’introspection et passera, petit à petit, au moyen de la rectification, de l’état d’homme ordinaire à l’état d’homme sage, voire transcendant.

Pour conclure, je terminerai par deux analogies du Grand Œuvre :
 La première analogie concerne le Franc Maçon lui-même : A force de travail sur soi et de rectifications, l’initié passe de l' Œuvre au Noir  à             l'Œuvre au Blanc . L’œuvre au blanc est à la portée de n’importe quel Maçon , pour peu qu’il travaille : L assiduité, la connaissance du rite,  la présentation de planches, le respect de ses engagements, la fraternité, la dévotion lors de ses offices sont des caractéristiques nécessaires à un bon Maçon .  Au bout de quelques années, il entreprend l'Œuvre au  Rouge ; Si, en Alchimie,   L’Œuvre au Rouge permet la transmutation du mercure en or, en Maçonnerie, c’est la transmutation du bon Maçon en Maçon transcendant, celui qu’on peut appeler Initié Initiant : cet Œuvre ne s’accomplit complètement que pour quelques rares grands Initiés que seuls les FF \ reconnaissent comme tels. Ceux –ci rayonnent de l’intérieur comme le delta lumineux ; lorsqu’ils  sont passés à l’orient éternel, ils marquent de façon indélébile l’inconscient collectif de la loge. Bien que ne l’ayant pas connu personnellement, je sens la présence de notre F. : Jean-Paul RONDET, et suis persuadé qu’il a accompli sur lui-même l'Œuvre  au Rouge.

La deuxième analogie concerne la loge et sa tenue,  l’Œuvre au Noir s’accomplit lorsque les FF\  méditent avant la tenue revêtus  de leur bourgeron noirs , l'Œuvre au Blanc s’accomplit lors de la tenue par le travail maçonnique qui confère la valeur de l’argent aux paroles entendues en loge ; iL est symbolisé par la couleur des gants et des tabliers ; enfin l'Œuvre au Rouge ne s’accomplit que lorsqu’il y a l’EGREGORE, ce silence d’Or qui ponctue notre tenue lors de la Chaîne d’Union  et il ne peut y avoir EGREGORE que s’il y a l’amour dont le rouge est la couleur.

J’ai dit .

D\ L\

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