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La recherche de la Vérité par la voie de la Raison

 « Mon Frère, conservez précieusement ces cendres, en souvenir de ce jour, où vous vous êtes voué à la recherche de la Vérité ».

Chacun de nous a entendu cette phrase prononcée par le V\ M\ le jour de son initiation lorsqu'il nous a remis, à la fin de la cérémonie les cendres de notre testament philosophique. Nous sommes, « voué à la recherche de la Vérité », telle est donc notre vocation.

« Rechercher la Vérité », ce sujet suscite de nombreuses questions, je vous propose d'en aborder quelques-unes.

Dans le processus d'examen de toute question il me parait nécessaire de commencer par l'approche rationnelle, et voir si celle-ci permet d'avancer. Ce sera l'objet de cette première planche. La recherche de la Vérité par la voie de la raison. Ensuite, au cours d'une seconde planche je tenterai une autre approche de la Vérité par la voie du sacré. Ce midi, je vais aborder les questions suivantes :

Quelle est la nature de la Vérité que nous recherchons ? De quelle Vérité s'agit-il ? Peut-on rechercher la Vérité par la voie de la raison ?

Un exemple :

La raison appliquée à l'analyse de la « preuve ontologique de l'existence de Dieu ».

La recherche de la Vérité est un thème récurrent dans nos rituels.

Lors de la cérémonie d'initiation le Frère Orateur lit un extrait de la déclaration des principes du Convent de Lausanne de septembre 1875 : « la Franc-maçonnerie proclame, comme elle l'aproclamée dès son origine, l'existence d'un principe créateur, connu sous le nom de GrandArchitecte de l'Univers. Elle n'impose aucune limite à la recherche de la Vérité, et c'est pourgarantir à tous cette liberté qu'elle exige de tous la tolérance ».

De même lors de la cérémonie d'installation du nouveau Vénérable Maitre, lorsque celui-ci fait prêter serment au frère second surveillant, il lui dit : « Recevez ce sautoir portant un fil à plomb,symbole de la recherche de la vérité dans les profondeurs où elle se cache ».

Ces citations montrent bien tout l'intérêt que porte notre Rite « à la recherche de la Vérité ».

Commençons par examiner quelle est la Vérité que le rituel nous invite à rechercher ?

La lecture du rituel apporte une information supplémentaire par rapport à son écoute. Le mot vérité y prend un V majuscule. Nous remarquons, par ailleurs, que Vérité est au singulier, il ne s'agit pas des vérités, mais de la Vérité, donc la Vérité unique, devenue avec son V majuscule, un nom propre. La Vérité recherchée est donc la Vérité absolue.

Qu'appelle-t-on l a Vérité absolue ?

Pour bien cerner l'immensité de la Vérité absolue, rien de tel que de la comparer avec les vérités relatives.

Prenons par exemple la géométrie.

La géométrie telle que nous la pratiquons usuellement, en repère orthonormé, dans le plan ou en 3 dimensions est dite géométrie euclidienne. D'autres géométries non-euclidiennes existent, telle la géométrie sphérique. Des propositions vraies en géométrie euclidienne seront fausses en géométrie sphérique. Par exemple la somme des angles d'un triangle qui fait 180° en géométrie euclidienne, fait toujours plus de 180° en géométrie sphérique. Il existe d'autres géométries qui s'appuient sur d'autres volumes que la sphère, volume définis par des fonctions, ce qui conduit à la géométrie différentielle.

De même, le modèle héliocentrique de Copernic et la physique de Newton ont constitué des paradigmes, respectivement en astronomie et en physique, ils ont formés des systèmes et ont gagnés à eux, pendant un temps déterminé, la quasi-totalité de la communauté scientifique.

Ainsi a-t-il fallu se faire à l'idée que la géométrie euclidienne n'était pas la, mais une géométrie, de même que la physique newtonienne n'est pas la mais une physique.

La vérité existe, mais elle est relative au système dont elle fait partie, et provisoire. Aucun système physique n'est assez stable dans la durée pour ne pas voir modifiés ses paramètres.

Une proposition vraie ne l'est donc que provisoirement (1).

Donc la Vérité absolue comprend par exemple : la géométrie absolue, la physique absolue, la chimie absolue, la biologie absolue etc.

Ceci pour dire que la Vérité absolue ne peut être détenue que par une entité omnisciente, quel que soit le nom qu'on lui donne, ce sera un principe omniscient : le Principe premier, le Grand Architecte de l'Univers, Dieu, suivant les convictions de chacun.

Chez les stoïciens, courant de pensée né au IVème siècle avant notre ère, il y a identité entre l'univers et le divin. Tout est dieu (2).

Chez les chrétiens. Le dogme, l'affirmation théologique est que Jésus, fils de Dieu, Dieu révélé lui-même, est La Vérité.

Vu dans cette perspective, rechercher La Vérité Absolue c'est rechercher le divin, rechercher Le Principe premier. La Vérité absolue c'est le Principe premier lui-même.

Même si elle a surmonté victorieusement l'épreuve de l'expérience, et de la réfutabilité {Karl POPPER), c'est-à-dire quand elle ne peut pas être réfutée.

C'est la doctrine panthéiste. J'emploierais indistinctement comme synonymes les mots, Vérité absolue, Principe premier, Grand architecte de l'univers, Dieu.

Peut-on rechercher la Vérité absolue par la voie de l a raison ?

La recherche de la Vérité mobilise toute notre intelligence et toute notre puissance de réflexion. La question se pose alors.

Que pouvons-nous savoir ?

Je n'aborderai pas la question du mode d'acquisition des connaissances. Les notions de « données sensibles », d'expérience, d'interprétation, de mémoire, de réflexion, de langage, de « chose en soi », toutes intéressantes mais qui alourdiraient trop la planche. (3)

Comprendre (4), c'est pouvoir établir une relation avec d'autres choses que l'on sait déjà.

En logique, deux façons de procéder, soit on connait le cas général et on en déduit le cas particulier, c’est la logique déductive, soit on connait plusieurs cas particuliers et on induit le cas général c’est la logique inductive.

Peut-on appliquer la logique déductive à la recherche de la Vérité absolue ?

C'est le type même d'un raisonnement mathématique.

Tous les triangles ont trois côtés, or cette figure a trois côtés, donc cette figure est un triangle. C'est un syllogisme (5).

Appliqué à la Vérité absolue, cela donnerait un raisonnement qui commencerait par (6), par exemple :

La Vérité absolue est omnisciente, or Untel est la Vérité absolue, donc Untel est omniscient (7). Cet Untel est impossible à trouver.

Cela reviendrait, à poser comme postulat, l'existence de la Vérité absolue omnisciente, pour en déduire quoi ?

Ce que l'on sait déjà est stocké dans notre mémoire, imprimée par la réflexion, réflexion permise grâce au langage. Je n'aborderai pas cette question de la façon dont s'acquièrent les connaissances.

L'homme se représente le monde d'après les idées que lui procurent ses sens et sa conscience. Toute notre capacité de connaissance dépend de nos sens. Ce que nous ne pouvons entendre, voir, sentir, goûter ou toucher, nous ne pouvons l'appréhender et cela reste inaccessible à notre monde. Même les choses les plus abstraites, il nous faut pouvoir les lire ou les entendre comme des signes, afin d'avoir la capacité de nous les représenter.

Empr. au lat. class. compre(he)ndere (composé de cum « avec » et prehendere « prendre, saisir ») littéralement « saisir ensemble, embrasser quelque chose, entourer quelque chose » d'où « saisir par l'intelligence, embrasser par la pensée ».

Avec pour prémisse majeure « Tous les triangles ont trois côtés » c'est-à-dire une qualité des triangles, puis suit la prémisse mineure « or cette figure a trois côtés ».

Prémisse majeure.

Construit sur le modèle :

Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel.

[Le sujet, porte sur l'homme. « Tous » dans la prémisse majeure, et « un » dans la prémisse mineure. Les deux prémisses données et supposées vraies, le syllogisme permet de valider la véracité formelle de la conclusion]

Postuler la Cause première ne produit aucune nouvelle connaissance, les conséquences sont déjà contenues dans le postulat. On n'avance pas.

La logique déductive n'est pas la voie pour rechercher la Vérité absolue.

Peut-on appliquer la logique inductive à la recherche de la Vérité absolue ?

Je rappelle que La logique inductive, est un raisonnement qui va du particulier au général. C'est la méthode utilisée pour élaborer les théories scientifiques. C'est une généralisation à partir de données partielles. Si je vois des merles noirs, de nombreuses fois, pendant des années, tous les jours, je ne peux pas conclure que tous les merles sont noirs. Il suffit qu'un seul merle ne soit pas noir, pour que ma conclusion soit fausse. L'induction est une extrapolation : elle conduit à l'universalité des cas à partir de quelques données particulières. Une loi expérimentale (physique, chimique, biologique) procède par induction : il est par définition impossible de faire un nombre infini d'expériences avant de conclure. Donc la loi découverte représente toujours une manière de risque. Elle table sur la stabilité de l'ordre des choses. Ce qui n'est pas le cas. Si cet ordre change, la loi découverte est remise en cause.

Toutefois, les découvertes scientifiques (8), qui traduisent on l'a vu, la vérité relative (9), permettent la mise en équation des structures réelles du monde physique. Ces découvertes scientifiques, bien qu'inachevées montrent une corrélation entre les mathématiques, langage soucieux de précision, de logique et d'ordre, pur produit et création de l'i ntelligence humaine, avec les structures réelles du monde physique pur produit et création du Principe premier. Corrélation troublante entre l'intelligence humaine et « l'intelligence », entre guillemets, du Principe premier. Mettant en évidence un ordre dans la nature (10).

La raison, permet on le voit, des rapprochements intéressants avec le Principe premier. On peut voir un autre exemple de cette raison à l'œuvre dans ce qu'on appelle « la preuve ontologique » de l'existence de Dieu.

Le raisonnement est le suivant : Dieu, par définition est l'être parfait, le plus parfait. Or exister est plus parfait que de ne pas exister. Donc Dieu existe (DESCARTES). Démonstration qui n'est pas sans nous interpeller.

Qui sont du domaine des « données sensibles », qui ont passé le test de la réfutabilité - Karl Popper. A un moment donné et par rapport à leurs hypothèses

10 Ordre résultant de l'évolution ou I argument téléologique de l'existence d'un dessein intelligent, résurgence d'un créationnisme ?

Ce raisonnement de « la preuve ontologique » de l'existence de Dieu a été réfuté par KANT dont la théorie a été exposée avec plus de talent par Luc FERRY, écoutons son raisonnement :

« On voit, dit-il, dans cette démonstration que l'idée de Dieu, implique que Dieu existe ! C'est comme si j'ai l'idée d'une table, un plateau, 4 pieds, telles dimensions, telle couleur, une table très précise dans mon esprit. Pour autant, cette idée seule ne fait pas que la table existe. Il y a, on le voit un pas à franchir entre l'idée de quelque chose et la réalité de cette chose ». Fin de citation.

L'ennemi de la raison est le raisonnement faux et je voudrais attirer votre attention sur la prudence à avoir vis-à-vis du raisonnement analogique :

Dans cette réfutation de la « preuve ontologique » de l'existence de Dieu, Luc FERRY fait une analogie entre Dieu et une table, pour dire que l'idée d'une table ne fait pas que la table existe, et donc que l'idée de Dieu ne peut pas prouver l'existence de Dieu.

La question qui se pose alors est :

Peut-on s'autoriser à faire cette analogie entre Dieu et une table ?

Tout raisonnement par analogie se heurte à un problème fondamental, dès lors qu'il considère pour admis que, parce que certains aspects de A sont semblables à certains aspects de B, il peut s'autoriser à dire que d'autres aspects de A sont aussi semblables à d'autres aspects de B. Il n'en va pas nécessairement ainsi. Par exemple, au prétexte que A est de couleur grise comme B, s'autoriser à dire que A à la même forme que B, cela démontrerait que l'éléphant vaut la souris.

Il n'est pas possible de faire l'analogie entre l'idée de Dieu, Dieu, principe immatériel, omniscient, omnipotent, omniprésent, et une table qui est seulement matière, matérielle.

Dès lors « la preuve ontologique » de l'existence de Dieu, suivant le raisonnement : Dieu, par définition est l'être parfait, le plus parfait. Or exister est plus parfait que de ne pas exister. Donc Dieu existe (DESCARTES). Ne peut pas être contredite par l'analogie avec une table. L'idée de la table, n'a rien à voir avec l'idée de Dieu. Rien ne peut lui être comparé.

Pour moi, cette réfutation de « la preuve ontologique » de l'existence de Dieu, n'est pas recevable. En conclusion, même si la raison ne nous permet pas d'atteindre la Vérité absolue elle offre des pistes éclairantes et intéressantes dans la progression de nos connaissances dont on ne peut pas faire l'économie.

V\ M\ et vous tous mes F\ F\.

J'ai dit.

M\ G\


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