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Vérité et Liberté

Expérience intérieure et Déterminisme

INTRODUCTION
Constat: l’homme contemporain ne peut apaiser son angoisse existentielle en s’étourdissant dans les méandres de la civilisation et de la société technicienne.
Soucieux de réflexion, perplexes parfois devant l’évolution du monde et ses perspectives, nous avons conscience que les partis, les églises, les idéologies, n’offrent pas de bonnes réponses.

Dans ce profond malaise, nous nous sentons entraînés dans un enchaînement de causes, marqués du sceau d’un déterminisme incontournable.
En même temps, la disparition de la plupart des normes éthiques nous laisse souvent désarmés face à nos choix individuels.

Apparemment libres de tout faire, nous nous éprouvons prisonniers de forces, de mécanismes qui semblent nous retirer toute possibilité d’influer sur nos propres destinées.

Parallèlement, nous entendons s’élever dans notre société la revendication d’une liberté sauvage rejetant toute obligation morale, individuelle ou sociale, déniant désespérément un déterminisme oppressant les hommes et leur destin!

Devant ces carences, devons nous nous contenter de désespérer?
Dans notre dignité d’homme, ne convient-il pas plutôt de trouver à la fois en nous et dans l’enseignement du passé, une lumière qui aide à éclairer l’obscurité de l’avenir?

DETERMINISME SCIENTIFIQUE . DETERMINISME HISTORIQUE
Le monde change mais n’est-ce-pas là l’affirmation d’une évidence?
Instruits par ces évolutions, nous devons prendre conscience que chaque vérité relative à l’homme dans l’univers n’est qu’une vérité partielle, inséparable d’une vérité globale de l’humanité, en devenir dans le temps.
J’ai dit “devenir”; mais celui-ci, à l’image du mouvement des astres, est-il rigoureusement déterminé et devons-nous croire ceux qui nous l’affirment
de science sûre?

Il n’est pas de mon propos, ici, de vous montrer comment les découvertes de la fin du XIX° siècle et du début du XX¡ siècle allaient rendre caduques les conceptions d’une physique strictement déterministe et imposer définitivement une physique “ non newtonienne”.
Par contre il faut souligner le remarquable parallélisme entre l’évolution de la pensée scientifique, avec son discours, et le retrait progressif d’une présence spirituelle au sein de l’univers!

Du Dieu de la Révélation chrétienne, créateur de toutes choses, au GADLU garant seulement de leur ordre intelligible, le recul de celui-ci au fond d’un cosmos fonctionnant sans son intervention, pour finir par sa totale disparition ou sa réduction à une entité vide de sens, le chemin est facile à retracer!

Plus encore que le déterminisme scientifique, le déterminisme historique, avec son corollaire, le mythe du progrès, allaient peser lourdement sur le destin de nos sociétés, en investissant l’horizon et l’espace culturel.
Il est aussi facile de montrer que, comme pour le monde des phénomènes, le déterminisme historique trouve son origine dans la pensée judéo-chrétienne, avant de se laïciser.
Ainsi toute humanité accède à la conscience de soi et c’est ce mouvement centré sur le présent qui permet d’en définir le sens de marche et d’en faire l’objet d’un jugement de progrès!

On peut alors comprendre, au travers de la disparition de nombreuses injustices ou d’institutions révoltantes, pourquoi la foi dans le progrès, comme moteur de l’histoire, put continuer à habiter nombre d’esprits et de coeurs généreux.
Cela permit à la FM\ toute entière de s’affirmer héritière du déterminisme optimiste du siècle des Lumières!

Je suis persuadé que personne ici ne rejèterait ces perspectives de développement, de charité, de justice, de liberté, si l’histoire récente ne nous infligeait pas de cruels démentis en introduisant des doutes vis à vis d’un tel schéma!
Ce schéma ne fait-il pas la part trop belle à la raison , oubliant la structure mythique des consciences individuelles et collectives?

Quelle est la place de la FM\ dans ce schéma?

FRANC MACONNERIE
Heureusement souchée sur l’optimisme positiviste des Lumières, la FM\ aurait été bien vite étouffée ou proscrite par des idéologies prétendant mieux y arriver par d’autres moyens!

Ce qui assure son dynamisme, sa pérennité, son actualité, elle le doit à la présence en elle, dès son origine, d’une source vivante jamais tarie, issue de ses inspirations initiatiques et de ses références.

Contre la menace d’une aliénation qui aboutirait à dissoudre la personnalité, à en faire la simple résultante de déterminismes intrinsèques, les FM\ élevèrent la protestation d’une subjectivité tenant en échec toutes les prétentions scientifiques réductionnistes, par la vertu de leur libre arbitre!

Ces FM\ ne pouvaient et nous ne pouvons présenter notre Moi et notre conscience comme le produit inexplicable, mais certain, de mouvements ioniques, de flux, de réactions et d’échanges de molécules.
Ou bien encore des hypothèses non moins réductrices dans la construction et l’identité du Moi qui ne sont vues qu’à travers les instances rigides de la sexualité et du refoulement!

C’est en puisant aux sources de la Tradition initiatique que nous pouvons trouver les motifs à refuser le carcan des déterminismes génético-hormonaux et la subordination de l’homme aux technologies et à ses prétentions de transformer lui-même et le monde!
Utiliser la voie d’une autorité prétenduement rationnelle est le plus sûr moyen de dénaturer la Nature et de déshumaniser l’homme.

TRADITION INITIATIQUE ET LIBERTÉ
Cette Tradition doit nous inciter à ne plus reconnaître la prédiction souveraine de la raison!
Elle doit nous faire rejeter les vues trop optimistes sur le devenir des sociétés et les recettes de bonheur que voulaient nous inculquer les penseurs des Lumières et ceux combien plus redoutables qui leur ont succédé.

Bien comprise, elle nous rendra conscients de ce que le vivant ne saurait se laisser enfermer dans les espaces aseptisés des scientifiques et des spécialistes de la société!

Mais nous n’avons pas à nous sentir effrayés et perdus devant le rejet des disciplines morales et sociales, devant l’apologie du plaisir renouvelé, devant l’exltation du désir nu, devant la dénonciation de cet homme unidimentionnel, devant ces “interdits d’interdire” qui fleurissaient notre mai 1968!

Dans ces variétés agressives de l’appel à une liberté assimilée à une revendication libertaire, nous devons ressentir l’appel et le souffle
extraordinaire d’une autre liberté!

LIBERTÉ INITIATIQUE
Elle s’enracine dans la nature humaine et il est bien difficile d’en rendre compte par la neuro-biologie ou la psycho -physiologie car il s’agit d’une nature spirituelle affirmée dans les cheminements intérieurs.
La véritable “liberté initiatique” est un combat que nous avons à mener à un niveau différent de celui destiné à la conquête des libertés formelles, insuffisantes pour amener l’homme à ses véritables fins!

Cette liberté de l’esprit a toujours posé un problème pour les philosophes rationalistes et Bergson disait que “ rationaliser la liberté ne pouvait mener qu’à sa disparition”.

En effet, cette liberté est la vie même, dynamique dans son essence; elle ne peut s’analyser que dans sa destinée intérieure, dans sa dialectique tragique, dans les détours qui peuvent l’amener à sa ruine ou bien se muer en son contraire!
Ce qu’il faut sentir, c’est qu’elle n’est pas un état naturel de l’homme, car celui-ci reste soumis aux lois de la nature qui le limitent de tous cotés.

La véritable liberté est une pénétration dans un autre monde de l’Etre, dans un ordre spirituel!

Elle ne peut être qu’auto-détermination, issue du dedans, opposée à toute détermination extérieure.
Mais affirmer cette liberté n’est pas un chemin facile!
C’est nous trouver, d’un seul coup, transportés sur un sommet où nous sommes soumis au vent âpre et rude de notre solitude et de notre responsabilité.
C’est saisir d’un regard le paysage étendu devant nous, paysage du tragique de l’existence humaine.

Nous devons alors prendre conscience que cette liberté intérieure ne peut naître en nous que si nous savons dépasser les deux notions chères à Saint Augustin, notions de liberté mineure et majeure!

La première est liée à cette liberté initiale, précédent le bien et le mal, irrationnelle et insondable qui pousse l’homme à vivre selon sa propre volonté, à renverser tout ordre imposé.

Celle là nous précipite dans le monde de la division et de l’égo, esclaves des éléments inférieurs; elle nous soumet aux dangers de l’anarchie et de la dénégation définitive!
A cette liberté originelle mais aveugle, il est facile d’en opposer une autre, celle du but à atteindre, cette liberté intelligente que nous proposait Socrate!

Celle-ci trouve sa fin dans le Bien et dans la Vérité, couronnement vers lequel nous devons tendre!
Elle s’obtiendra par le triomphe des principes supérieurs de la vie, à travers un travail patient sur nous-mêmes et sur le monde.
Mais là encore, un piège est tendu à la nature humaine

La vraie liberté initiatique ne saurait résider dans une acceptation passive.
On renonce tellement facilement à la vraie liberté au nom de la tranquilité et du bonheur!
Et on s’abandonne si aisément à des épaules plus robustes qui proposent un affranchissement!
Ce fut cette sorte de renoncement qui permit la constitution des sociétés théocratiques, tandis que leur laïcisation nous fournit le Ò pseudo -paradis ” de la société technocratique et consommatrice.

De fait, la liberté est devenue le résultat d’une nécessité, donc d’un déterminisme, soit par nécessité divine, soit par le profit.
C’est au rejet de l’une et de l’autre que nous convie la Tradition initiatique authentique dont la FM:. est dépositaire.
Exprimant notre refus de tout dogmatisme, elle incite à une compréhension profonde du véritable esprit de liberté!
Cet esprit n’est accessible que dans l’expérience de la vie car il échappe aux catégories de la raison; il est l’atmosphère de la vie spirituelle, imaginative, créatrice; il en est son caractère essentiel!
En cet esprit se révèle et se perçoit le mouvement intérieur de la vie universelle!

La pensée et l’art en donnent les plus hautes expressions sans pour autant que les tentatives d’explications rationnelles réussissent!
On ne peut saisir par quelle alchimie, telle combinaison de notes, de formes, de couleurs ou de mots, éveille en nous une résonance qui nous touche au plus profond de notre être.
Elle nous rend conscients, au delà du raisonnement, d’être en présence d’un reflet du BEAU absolu!

CONCLUSION

Cet esprit de liberté nous dira aussi que l’homme est porteur d’une ambiguité fondamentale!

Cet esprit ne saura s’empêcher de trouver une explication à l’univers qui nous enveloppe.
Mais nous devons savoir que, même si l’amélioration de cette explication ne cesse de s’affiner, elle ne peut être que provisoire car une nouvelle indication peut en transformer l’image.

Nous devons accepter l’évidence qu’en chaque homme réside un abîme émotionnel inconscient commun à toute l’humanité; et au fond de cet abîme, de cette faille, réside une vérité éternelle à laquelle nous aspirons!
Il nous est donné parfois une image incomplète et fugitive à travers la poésie et la tradition qui unit l’un et l’autre!

Si nous nous en tenions à la seule logique de la raison, ces deux exigences contradictoires seraient impossibles à concilier.
La véritable liberté nous offre la voie qui peut y conduire en nous faisant accéder à une autre évidence: l’incomplétude fondamentale, l’insuffisance d’Être!
Notre propre carence doit appeler une compensation, ne refusant pas ou n’ignorant pas l’Autre, c’est à dire l’appel de l’Amour!

Cet amour authentique n’est ni l’affirmation passionnée de l’ego, issu du moi sauvage antécédent au bien et au vrai, ni le souci autoritaire de plier l’autre à ses propres représentations du destin humain; il est bien celui qui est la véritable liberté, celle du don librement offert et librement reçu!

Et c’est dans l’épître de Jacques que nous tirerons conscience: “ que celui qui fixe son regard sur la Loi parfaite, la Loi d’Amour qui est la Loi de la Liberté, celui-là trouvera le bonheur en l’accomplissant”

T\ S\A\

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