Obédience : NC Loge : NC Date : NC

 

Tolérance et conviction

Vénérable maître et vous tous mes sœurs et mes frères en vos grades et qualités.

Nous sommes entrés dans un cycle où la réflexion devra céder le pas à l'action où chacun d'entre nous aura à choisir entre son inclination à la tolérance et l'affirmation de ses convictions.

Excision, répudiation, mariages forcés, condamnation de l'avortement, du contrôle des naissances, du port du préservatif, rejet de l'euthanasie, infériorisation de la femme « soyez tolérants envers nos coutumes, nos traditions, notre religion » entend-t-on proclamer de toutes parts. Confrontés à ces résurgences de pratiques venues du fond des âges, portées par l'immigration et les intégrismes religieux de toutes confessions, nombreux sont ceux qui plutôt que d'affirmer leurs convictions semblent s'accommoder de ces tentatives de retour en arrière en invoquant le concept pour le moins incertain de tolérance. Alors devant la tiédeur des réactions de certains face aux chocs culturels de plus en plus nombreux qui ébranlent notre société, je suis conduit à me poser certaines questions : Si nous sommes convaincus du caractère nécessaire parce que progressif d'un état de droit fondé sur les droits de l'homme et du citoyen, Devons-nous répondre favorablement aux appels à la tolérance de plus en plus nombreux émanant de communautés mues par des prosélytismes eux-mêmes ancrés dans l'intolérance la plus extrême. N'y a t- il pas des domaines où il devrait être pour le moins pardonnable d'avoir raison et de s'y tenir sans être pour autant accusé de dogmatisme ? N'y a-t-il pas des domaines ou notre conviction nous fait devoir de ne pas tolérer ce que nous savons être mauvais sinon haïssable ? Pour un maçon habité par la notion de progrès, où se situent les limites de sa tolérance ? Apparue au 14éme siècle la notion de tolérance traduit alors « l'indulgence de l'Eglise à l'égard de croyances qu'elle juge erronées.»

Littéralement il s'agit de laisser se produire ou subsister une chose que l'on est en mesure de condamner. L'Edit de Nantes est ainsi littéralement un : « traité de tolérance ». Par lui l'Eglise Catholique condamne le protestantisme mais accepte cependant de laisser certains le pratiquer. Cette tolérance n'est en aucune façon un droit concédé mais une manifestation unilatérale de bon vouloir toujours révisable ainsi que la suite de l'histoire l'a démontré. Cette conception de la tolérance a prévalu jusqu'au siècle de lumières. La révolution ayant substitué la loi au pouvoir de droit divin la grâce présidentielle est restée le seul vestige de cette arrogance du pouvoir à décider de ce qui devait ou non être toléré. Arrogance, bien que le sens du mot tolérance ai considérablement évolué l'arrogance demeure centrale au concept de tolérance. Cette arrogance qu'évoquait Goethe lorsqu'il déclarait : « Le Droit ne doit pas être toléré, il doit être reconnu. Celui qui tolère insulte. ».

Et pourtant aujourd'hui des communautés constituées en appellent à la tolérance pour se faire exonérer du droit commun dans maints domaines : dans le domaine de la médecine ce sont des témoins de Jéhovah qui refusent les transfusions pour eux-mêmes ou leur enfant au seul motif que leur croyance religieuse le leur interdirait ? Ce sont des femmes juives ou musulmanes qui refusent de se laisser examiner par un médecin mâle, exigeant que l'examen soit pratiqué par une femme médecin ou qui refusent de retirer leur voile pour accoucher.

Dans le domaine de l'école par delà la question très marginale du voile islamique ce sont des élèves qui refusent d 'écouter un cours sur la théorie de l'évolution ou sur la création de l'univers au prétexte que leurs parents leur interdisent de s'exposer à des idées contraires à leurs préceptes religieux, il ne s'agit pas là d'une situation théorique. Des enseignants sont venus en témoigner devant la commission Stasi. Et s'il vous vient à l'esprit que ce ne sont que des craintes sans fondements, regardez du côté des Etats Unis où de nombreuses universités publiques invoquent la croyance religieuse pour proscrire l'enseignement du darwinisme.

Dans le domaine de l'éducation physique ce sont des femmes juives ou musulmanes qui exigent de disposer des piscines hors de toutes présences masculines ? Là encore il ne s'agit pas de vues de l'esprit. Pour ne pas impliquer la mairie. Le Maire de St Quentin loue la Piscine municipale en dehors des heures d'ouverture à l'association Loubavich lui laissant le soin de s'organiser.

Dans le domaine de la loi Ce sont des femmes musulmanes qui voudraient pouvoir présenter des photos d'elles voilées pour faire établir leur carte d'identité ? Le Ministre de l'intérieur a certes répondu fermement à cette revendication. Mais cet incident illustre les attaques dont notre législation fait déjà l'objet. Et fera l'objet dans les années à venir. Dans le domaine commercial ce sont des responsables de supérettes à vocation généraliste qui refusent dans certaines banlieues de vendre du jambon, du vin ou de la bière ?

On pourrait multiplier les exemples. ils ont en commun de nous interroger sur les rapports entre la sphère publique et la sphère privée. Dans la sphère privée l'individu est face à sa conscience. Il croit dans le Vaudou, en Jésus et sa Sainte Trinité, dans la magie noire, dans Allah, dans le nombre d'or ou dans Hiram, dans la numérologie ou dans les tarots ou il ne croit dans rien de tout cela. Qu'importe ce n'est pas sa croyance qui est en cause. Ce qui est en cause dans cette sphère privée c'est l'éventuelle irruption de la société dans cet intime face à face entre une conscience individuelle et les interrogations métaphysiques. Sur ce point la position de notre République et de notre obédience est claire : La croyance ou la non-croyance d'un individu ne concerne que lui-même. la liberté de conscience est absolue et l'Etat s'interdit de privilégier aucune confession. Le principe de laïcité garantit cette Liberté, un principe issu en droite ligne des principes et des valeurs affirmées par le siècle des lumières. Je reconnais à l'autre la liberté de penser différemment de moi, lui-même est tenu d'accepter que je puisse pense différemment de lui. On le voit la réciprocité est bien la clef de voûte de la laïcité : Sans réciprocité il n'y a plus de laïcité. Mais que cela soit clair : le principe de laïcité ne repose en aucune manière sur la tolérance de l'autre la laïcité ce n'est pas tolérer c'est reconnaître à chacun sa liberté de conscience.

Ce que le GODF dans sa profession de foi nomme, à défaut de mieux, la « tolérance mutuelle » sans doute parce que comme le disait Gandhi « je n'aime pas le mot de tolérance mais je n'en trouve pas de meilleur ». Et en effet qu'est-ce qui pourrait justifier que certains s'arrogent la capacité à tolérer ? comme s'il leur revenait de trancher dans le domaine de la métaphysique entre ce qui ce qui serait bien et ce qui serait mal ? La laïcité c'est reconnaître à l'autre non de pouvoir impunément se tromper mais simplement d'exercer son droit absolu à la différence dans le plein exercice de sa liberté de conscience. Rappelons nous la phrase prononcée par Mirabeau le 22 août 1789 : « Je ne viens pas prêcher la tolérance, la liberté la plus illimitée de religion est à mes yeux un droit si sacré que le mot de tolérance qui voudrait l'exprimer me paraît en quelque sorte tyrannique lui-même, puisque l'autorité qui tolère pourrait ne pas tolérer », « puisque l'autorité qui tolère pourrait ne pas tolérer ».

Tout est dit et tout est bien dit avec cette assurance, que donne la certitude d'avoir raison, qui habitait ces hommes de conviction qui de Danton à Jules ferry en passant par Louise Michel et Victor Hugo ont conduit notre pays, à l'issue de près d'un siècle de luttes parfois extrêmes, à établir une République prenant pour socle les droits de l'homme et du citoyen. L'Etat n'a pas à intervenir sur les croyances où les pratiques d'un individu lors qu'elle ne concernent exclusivement que lui même. Voilà pour la sphère privée. Dans la sphère publique l'individu est confronté à la société. Ce qui est en cause ce sont les effets de la croyance et singulièrement les effets du prosélytisme sur les lois de la société. Ce qu'on peut résumer par la question suivante : Jusqu'où un Etat peut-il tolérer l'influence d'une des croyances composant la mosaïque de non-croyance et de religions qui le composent sur des lois qui sont censées s'imposer à tous ?

Et en effet depuis une dizaine d'années on assiste au réveil des prosélytismes religieux, et singulièrement de l'intégrisme islamique, avec comme objectif avoué d'influencer le droit pour imposer à tous leurs propres convictions et parfois même d'inciter à refuser d'appliquer les lois. C'est au prix d'un long et douloureux combat contre les conservatismes religieux que la France s'est dotée des lois qui aujourd'hui protègent l'individu et le citoyen. Peut-elle tolérer aujourd'hui des pratiques dont les conséquences sont pourtant susceptibles de contraindre, blesser physiquement ou humilier certains citoyens et citoyennes ? Ce qui est particulièrement grave c'est que les individus en cause ne se contentent pas de revendiquer la pratique de ces exceptions pour eux-mêmes ni qu'ils prétendent les étendre à leur sphère familiale Mais qu'ils manifestent clairement leur volonté de les imposer à tous par la force si nécessaire. Ayons à l'esprit les menaces d'attentat reçues récemment par la France pour la punir d'avoir adopté une nouvelle loi sur la laïcité. Contrairement à ce que ces prosélytes proclament ce n'est pas leur liberté de penser qui est en cause. Chacun sait qu'elle est totalement et sans réserve garantit à tous dans notre pays. Ce qui est en jeu c'est la protection par la loi des citoyens qu'ils menacent par leur propre intolérance en voulant transférer dans la sphère publique les droits et les pratiques qui leurs sont reconnues dans la sphère privée.

Car dans les fait que se passe-t-il ? Au nom de leur croyance ils veulent interdire aux femmes d'avorter, ils veulent interdire l'euthanasie, ils veulent interdire aux médecins le clonage thérapeutique, ils veulent imposer à leurs femmes de se déplacer voilées, de ne pas sortir en public sans leur permission, de ne pas même serrer la main d'un homme, de ne pas se laisser soigner par un médecin mâle. Nous ne parlons plus là de différences culturelles ou de traditions nous parlons d'un modèle de société que nous avons rejeté parce qu'il bafoue toutes les valeurs auxquelles nous sommes attachés. Et sur ce point les reportages télévisuels réalisés dans des pays où règne la Charia sont explicites. Pas une femme dans les rues lors des manifestations sauf celles où elles sont spécifiquement convoquées, pas une femme pour assister à des représentations publiques. J'ai vu la demi-finale d'une compétition féminine de volley ball en Turquie pays soi-disant laïc. le public était exclusivement constitué d'hommes ! Est-ce cela que nous voulons en France ? Avez vous regardé ce récent reportage sur l'Iran qui nous a montré comment on y coupait les mains des voleurs comment on y lapidait les femmes adultères comment on y appliquait 90 coups de fouet aux femmes surprises avec un homme avec lequel elle n'était pas marié. Ces pratiques ne sont pas exclusives à l'Iran elles sont coutumières dans certains pays musulmans d'Afrique et d'Asie.

Depuis 1983 de nombreux pays ont choisi l'application plus ou moins stricte de la Charia le Pakistan, le Soudan, la Mauritanie, l' Egypte, l'Afghanistan, l'Algérie etc. Il a fallu la mobilisation de nombreuses associations pour sauver la vie de deux femmes menacées de lapidations. Mais pour deux femmes sauvées combien meurent ? Alors cessons de parler de particularismes culturels quand il s'agit simplement de barbaries venues du fond des ages. Et qu'on ne me dise pas qu'il s'agit là de cas extrêmes propres aux seuls régimes intégristes. J'attends toujours que les représentants français de l'Islam dit modéré viennent devant plusieurs millions de téléspectateurs condamner clairement ces pratiques. Dans un reportage récent une jeune fille française plaidant pour le port du voile et à qui l'on demandait de se prononcer sur les lapidations a fait cette réponse étonnante « moi je ne souhaite pas les lapidations mais si celles qui le subissent sont d'accord je n'ai rien à dire » bel exemple de double langage !

Et les exemples d'intolérance ne sont pas qu'islamique : Un certain docteur Dore, d'inspiration chrétienne, assiège régulièrement le Grand Orient coupable d'avoir joué un rôle décisif dans l'adoption de la loi Weil. Loi prise pourtant à une imposante majorité par des députés de tous bords il y a plus de 30 ans. Dore et ses disciples parlent de génocide, appellent les francs-maçons à se repentir, se répandent en menaces et en anathèmes dans la rue et sur les ondes de Radio Courtoisie. S'inspirant des ligues américaines qui vont jusqu'à les tuer ils agressent physiquement des médecins qui pratiquent des avortements où se situe l'intolérance ? Que ceux qui croient en un Dieu s'interdisent à eux-mêmes dans la sphère du privé de recourir à l'avortement, à l'Euthanasie, au contrôle des naissances. Ils en ont l'absolue liberté. Qu'un homme et une femme choisissent en individus libres de vivre des relations de dominations et de soumissions et ce dans quelque ordre que ce soit c'est leur choix.

Pour s'affirmer dévot certains peuvent porter la haire et s'appliquer la discipline. Mais quelle est leur légitimité à exiger que l'on transpose ces pratiques dans la sphère publique pour les imposer à tous les citoyens ? Et pourtant personne ne leur demande de pratiquer des actes contraires à leurs convictions. Personne ne leur conteste le droit à participer au débat qui précède l'adoption des lois et s'ils sont représentés par des élus ceux-ci voteront selon leur intime conviction ; mais une fois la loi votée est-il tolérable qu'ils s'acharnent à faire obstacle à son application ? Est-il tolérable que par la force et la terreur des jeunes filles musulmanes soient forcées par leurs péres, leurs frères et leurs voisins à se conformer à un modèle qu'elles n'ont pas choisis ? Quand certains en appellent à la tolérance au nom de leurs coutumes, de leurs traditions ou de leurs croyances comme si selon les circonstances le droit pouvait ou non s'appliquer pleinement, partiellement ou pas du tout. rappelons nous cette phrase de Montesquieu nous mettant en garde contre les effets pervers d'une excessive tolérance : « Le droit à la différence peut rapidement conduire à la différence des droits ». Non ! Dans un Etat de droit l'application de la loi ne doit en aucun cas être laissée au bon vouloir des individus ou des communautés. Nous sommes menacés par l 'éventualité de plus en plus plausible d'un renouveau religieux s'engouffrant dans la brèche que nous aurions ouverte en cédant aux revendications islamistes.

Nous sommes menacés par un nouvel ordre moral qui si l'on n'y prend garde pourrait conduire à l'éclatement de notre république et à une régression éthique et philosophique ouvrant sur un nouveau moyen âge. La séparation actuelle des églises et de l'Etat pourrait bien ne constituer qu'une parenthèse dans une continuité historique longuement marquée par la prééminence des églises sur le pouvoir temporel. A partir du siècle des lumières les liens étroits qui unissaient la religion et le pouvoir se sont progressivement affaiblis et cette évolution pouvait sembler inéluctable. Mais c'est alors que les églises établies en avaient pris leur parti et commençaient à apprécier l'espace de liberté que leur garantit la Laïcité que l'Islamisme radical nourri du terreau des exclusions déclare littéralement la guerre à notre République. Et si vous pensez que j'exagère méditons ensemble sur cette phrase d'un certain Ramadan porte-parole intégriste reconnu : « La Charia doit s'appliquer automatiquement au-dessus des lois nationales partout ou des populations musulmanes sont implantées » ?

Aujourd'hui certains attaquent de front la Laïcité qui ne serait selon eux qu'un artifice destiné à contraindre les religions et singulièrement la religion musulmane. Et s'acharnent à la présenter comme une valeur négative qui n'aurait d'autre but que de : je cite « violer l'intimité des consciences ». Face aux accusations de laïcisme qui au nom de la tolérance visent à discréditer les tenants d'une laïcité sans faille souvenons nous que pour imposer la loi de 1905 il a fallu lutter contre l'intolérance des pouvoirs religieux dont les représentants n'étaient pas des parangons de tolérance. A preuve leur rôle dans l'élimination physique des communards de leur soutien inconditionnel à l'armée dans l'affaire Dreyfus et de leur opposition à la démocratie une opposition si violente qu'elle apparaissait comme une menace réelle contre la jeune république. J'ai assisté moi même à la singulière tolérance de ces sours catholiques des hôpitaux qui pratiquant des curetages sur des femmes ayant subi des avortements, leur refusaient l'anesthésie pour je cite « les punir de leurs péchés ». Alors oui il y a eu un combat et l'on a trop souvent associé sinon même confondu la Laïcité et ce combat.

Mais il est temps aujourd'hui de remiser les ricanements sur le «petit père Combes» et de resituer le principe de laïcité pour ce qu'il est : un principe absolument positif. Le seul barrage contre l'émergence des communautarismes qui menacent l'unité de notre république et, au-delà, celle de l'Europe en construction. Certes elle a du s'imposer contre les églises mais la laïcité n'a jamais été la négation des religions, elle est au contraire l'acceptation sans aucune exclusive de toutes les croyances et des non-croyances. Elle garantit que tout citoyen peut choisir le degré de croyance qui lui convient et l'exercer totalement dans sa sphère privée comme publique mais dans le respect des lois de la République et en s'interdisant toute agression à l'encontre de ceux qui ne partagent pas leurs convictions. Déroger à ce principe ne peut en aucun cas être toléré car le principe même de laïcité ne fonctionne que dans une absolue réciprocité Seule garantie qu'aucune croyance ou non-croyance n'empiète sur la liberté des autres citoyens. Loin de n'être qu'une tolérance généralisée la laïcité s'affirme ainsi comme la valeur unificatrice de la République celle qui sous tend ses trois valeurs fondatrices. La laïcité garantit la liberté de chaque individu et de chaque citoyen de croire ou de ne pas croireLa laïcité garantit l'égalité de tous les citoyens dans l'exercice de leurs croyances. La Laïcité garantit les bases d'une réelle solidarité nationale indépendante des différentes croyances et des différentes communautésTolérer des atteintes à la laïcité c'est tolérer des atteintes à la République.

Voilà pour la tolérance institutionnelle qu'en est-il de la tolérance pratiquée dans le cadre des relations inter-personnelles. Dans ce cadre la tolérance se définit comme « l'Attitude qui consiste à admettre chez autrui une manière de penser ou d'agir différente de celle qu'on adopte soi-même. ». Admettre chez autrui une manière de penser différente. Il ne s'agit plus de tolérance institutionnalisée susceptible de remettre en cause notre Etat de droit. Il n'est question que d'une mutuelle acceptation de l'autre dans sa différence, d'un désir mutuel de se rencontrer, de se fréquenter, de discuter, d'échanger, au sens propre, des idées. Il n'y a là nulle arrogance. Tout au plus une extension volontaire de la sphère étendue du privé où deux individus, deux familles, acceptent simplement de partager leurs différences. Des différences dont il n'est pas question de se protéger mais bien au contraire de s'enrichir par la communication et par l 'échange.

« Mon Frère, si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m'enrichis » Saint Exupéry nous a donné là une belle expression de la conception maçonnique de la tolérance.

C'est ainsi qu'au sein de nos loges aucun frère ne s'arroge une supériorité quelconque sur ses frères où sur les profanes, supériorité qui légitimerait sa capacité à interdire, réglementer ou tolérer l'opinion ou les comportements des autres. La tolérance maçonnique met sur un pied d'égalité le tolérant et le toléré. Leur liberté respective est leur terrain commun, leur loi commune. Leur intime ressemblance réside dans leur capacité à s'affirmer et à s'accepter différents. Il n'est pas dans la nature de la maçonnerie de susciter des inquisitions, de montrer du doigt les hérétiques, de se livrer à des autodafés ou de tenir à jour un Index. Je te tolère, tu me tolères, nous nous tolérons. mieux je te respecte, tu me respectes nous nous respectons La réciprocité centrale à cette tolérance, et à ce respect mutuel, élimine toute possibilité d'arrogance. Et cependant notre tolérance franc- maçonne n'a-t-elle pas ses limites ? Car si Le G. O. s'interdit tout dogmatisme il n'accepte pas non plus d'entrave à sa mission. Il reconnaît la plus grande liberté de conscience à tous les êtres humains mais appelle à combattre sans réserve ceux qui s'en prennent à nos valeurs et particulièrement à notre liberté. N'est-ce pas affirmer qu'il y a des limites à notre tolérance ? Limites situées aux frontières des multiples intolérances que nous devons combattre sans relâche ? L'intolérance du Front National qui rejette les immigrants trop différents. L'intolérance des terroristes de tous bords prêts à s'en prendre à la vie même de ceux qui ne croient ou ne pensent pas comme eux.

L'intolérance armée des puissances de l'argent centrées sur la recherche de leur profit maximum au prix de l'exploitation des hommes et de l'environnement contre ces intolérances la tolérance est-elle possible ? Alors que nous prônons comme universelles la Justice, la liberté, l'égalité devant la loi, le partage le plus équitable des ressources comment pourrions nous tolérer la conception égoïste du monde qui nous est proposée ? La tolérance dans les domaines politiques, économiques ou sociaux ne confine-t-elle pas à l'irresponsabilité sinon à la complicité ? Complicité et irresponsabilité de ceux qui ont toléré le nazisme à Munich, de ceux qui ont toléré la Shoah, de ceux qui ont toléré l'occupation au point de collaborer, de ceux qui ont toléré les abus du colonialisme, de ceux qui tolèrent aujourd'hui que 30 millions d'Africains privés de médicaments contre le sida soient condamnés à mort que des millions d'enfants du SUD soient condamnés dès leur naissance à des vies sacrifiées à des existences humiliées à des vies raccourcies ? Complicité, irresponsabilité de nous-mêmes qui tolérons aujourd'hui que la planète soit surexploitée au profit des fonds de pensions américains. Nous savons que cette organisation du monde bafoue ouvertement toutes les valeurs auxquelles nous sommes attachéesalors quand nous la tolérons, notre tolérance ne fait-elle pas de nous des complices objectifs ? Oui vraiment comme la tolérance est paradoxale. C'est une vertu quand elle protège la liberté de conscience c'est un crime quand elle protége ceux qui s'attaquent aux valeurs universelles pour lesquelles nous luttons. Alors ne nous laissons pas écarter de notre vigilance par la séduction d'un mot dont selon les situations la signification profonde change. Oui le G O s'interdit tout dogmatisme et pourtant la notion de progrès fondé sur des valeurs universelles est centrale à son action.

Le progrès de l'humanité ? L'universalité de nos valeurs ? N'est-ce pas implicitement affirmer que nous sommes convaincus de détenir collectivement une part de vérité ? Que nous estimons être capables de distinguer collectivement ce qui serait progressif de ce qui serait réactionnaire ? Si nous en sommes convaincus alors affirmons nos convictions et n'ayons aucune tolérance à l'égard de l'obscurantisme et des poussées réactionnaires. Certes nous battre pour nos convictions n'est légitime que si nous restons habités jusqu'au tréfonds de nous même par le doute. Que si nous savons nous remettre en question. Mais s'il est un temps pour la réflexion il est un temps pour l'action. Avant d'agir nous devons garder un regard critique sur nos idées et nous ouvrir autant qu'il nous est possible à la compréhension de l'autre et de ses différences. Mais si nous ressentons que tolérer ces différences est synonyme de démission, d'abandon de nos convictions, de reniement de nos valeursalors sachons agir sans dogmatisme mais sans états d'âme. Notre légitimité à agir a cependant un prix : Nous pouvons tolérer les autres mais sous aucun prétexte nous n'avons le droit d'être tolérants à l'égard de nous même c'est pourquoi c'est sans cesse que nous devons tailler notre pierre en quête de lucidité.

J'ai dit.


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