GODF Loge : NC 24/04/2008


L’Intolérance :
Du Chevalier de la Barre a Devilly


Mr Couquiaud mon instituteur du CM2 (le pendant aquitain de Mr Luxembourg), qui était un vieux sage et un admirateur de Voltaire, au milieu des pugilats scolaires, avait coutume de dire que l’intolérance c’est l’irrespect de l’autre. Après avoir été investi du rôle de punching-ball dans les cours de récréation jusqu’en primaire, j’ai opté plus tard pour le métier des armes, car devant une balle de 9mm il n’y a plus d’homme fort. Confronté à la violence physique à l’école et aux délires verbaux irrévérencieux d’un paternel militant communiste, j’ai préféré choisir comme ligne de conduite, la tolérance et l’ouverture d’esprit. Vous comprendrez aisément que, lorsque vous m’avez accepté parmi vous et que j’ai entendu à la lecture de l’article 1er de la constitution du GODF :
« Elle a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté de conscience » j’ai tout de suite pensé que la franc-maçonnerie correspondait à mes idéaux, et pourrait m’aider à évoluer et à m’épanouir spirituellement. Je veux continuer à croire que Thomas Hobbes avait tort quand il disait que « l’homme est un loup pour l’homme ». Je ne souhaite pas passer pour un doux rêveur ou un utopiste forcené, mais plutôt comme un inconditionnel de l’humanisme de Voltaire. J’aimerai que le monde ne soit peuplé que d’hommes dénués de fanatisme et d’intolérance, car ces deux défauts me sont viscéralement insupportables. La tolérance c’est s’ouvrir aux autres, et la franc-maçonnerie doit être un vecteur de cette démarche, à la condition que tous les frères respectent la constitution.

On prête à Voltaire cette citation qui est très sûrement apocryphe, mais que j’aurais aimé prononcer :
« Je déteste ce que tu dis, mais je me ferais tuer pour que tu puisses toujours le dire ».  

Peu importe qu’il ne l’ait jamais prononcé,  mais les héritiers du Siècle des Lumières doivent en faire leur viatique, leur emblème dans la conduite de l’expression démocratique de leurs opinions politiques et religieuses, dans le respect de la liberté de penser et d’agir.
Malheureusement, les 20ème et 21ème siècles sont encore les témoins de fanatisme, xénophobie, sectarisme, racisme, intolérance religieuse, politique et philosophique.

Depuis le concile de Nicée en 325, en passant par l’affaire Calas en 1763 et par l’exécution du chevalier de la Barre en 1766, le monde a vu se succéder jusqu’à nos jours un nombre incalculable  de martyrs, victimes des intolérances religieuses, sur tous les continents du globe. Par étymologie, le terme religion signifie relier. Depuis deux millénaires, l’homme au nom de la religion qui est la sienne, tente par tous les moyens d’éliminer les autres croyants, sous des prétextes fallacieux, odieux et irrecevables en s’appuyant sur des affirmations dogmatiques.

Les principaux textes religieux des religions monothéistes, prônent pourtant l’amour de son prochain, la tolérance, l’exemplarité et l’altruisme. Leur interprétation est toute différente, et les exactions et les crimes commis en son nom sont détestables. L’histoire du monde est jalonnée de méfaits commis au nom d’une croyance en un dieu : les croisades en terre sainte à partir de 1095, l’inquisition, les croisades contre les Albigeois (cathares) lancées par le pape Innocent III, les guerres de religion entre protestants et catholiques avec la Saint-Barthélemy en 1572, etc.… D’autres ont suivi qui n’avaient pas le nom de guerres de religions, mais nous ne pouvons pas passer sous silence, la Shoa, la guerre des Balkans en 1991 entre orthodoxes serbes, musulmans bosniaques et catholiques croates, la guerre de Tchétchénie, les massacres entres Hindous et musulmans sur le sous-continent Indien, mais on peut encore citer les fanatiques musulmans recrutés par le Hesbollah, le Fatah Al Islam, le Hamas ou Al-Qaïda, qui au nom d’Allah perpétuent des attentats  aveugles en Israël, au Liban, en Irak, en Afrique ou en Indonésie, contre des chrétiens, des juifs ou des musulmans d’un autre courant religieux.
Malheureusement, notre pauvre terre est aussi parfois, sous couvert de la religion ou de la race, le théâtre d’autres conflits et d’épurations ethniques en tout genre.

L’intolérance côtoie dans ses moments là, la pauvreté.
Face à cette violence, encore contemporaine, doit-on ressortir l’Edit de Milan ou appelé aussi l’édit de la tolérance qui, en 313, accordait à chacun « d’adorer à sa manière la divinité qui se trouve dans le ciel, et la liberté de culte à toutes les religions ». Nous avons parfois des leçons à retenir du passé. Il faut différencier trois domaines de tolérance religieuse. Tout d’abord, la tolérance inscrite dans les textes sacrés auxquels se réfère la religion. Ensuite, l’interprétation qui en a été faite par les autorités religieuses. Enfin, la tolérance du fidèle, qui, bien que guidée par sa foi, n’en reste pas moins individuelle.

En ce début de siècle, nous ne pouvons pas dire de façon certaine, que le « XXIème siècle sera religieux ou ne le sera pas », mais plutôt que « le grand problème du XXIème siècle, sera celui des religions ». Quand on voit des chefs d’Etats afficher de manière péremptoire, leur foi et laisser très peu de place à la laïcité dans la conduite de leur politique intérieure, c’est à mon sens très éloigné des valeurs de tolérance et de démocratie. A cela, je voudrais opposer ou plutôt exposer une autre vision. Je ne crois pas à l’athéisme, car il me semble trop radical et imprégné de totalitarisme quand il est adapté à un régime.
Comme l’a dit Régis Debray :
« La religion n’est plus l’opium du peuple, mais la vitamine du faible ». Je préfère cela car tout en étant devenu agnostique, car je ne sais pas et je ne sais pas s’il est possible de savoir, je concède aux autres le droit de croire et cela seulement, pour le bien de l’humanité.

Combattre l’intolérance, ce n’est pas de l’intolérance : c’est se battre contre les idées de celui qui ne donne pas à l’autre, le droit d’exister dans sa différence. Tout individu a le droit de vivre sa particularité, tout autant qu’il ne l’impose pas à l’autre. Mais la tolérance requiert un minimum d’intelligence et d’éducation.
L’article 26 de la déclaration des droits de l’homme, stipule que « l’éducation doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux ».
Kofi Annan a dit : « La tolérance est une vertu qui rend la paix possible ». Je pense, quant à moi, que la tolérance est la manifestation minimale de l’intelligence  et de l’ouverture d’esprit.

La pratique de la philosophie peut être un moyen de la recherche de la vérité, du bien ou du beau à celle du sens de la vie et du bonheur, mais aussi un moyen de réfléchir, de penser et de confronter, de manière pacifique, ses opinions à celles des autres. Les premiers à promouvoir la notion de tolérance, sont des philosophes.
John Locke, dans sa lettre sur la tolérance (en 1689), ne conçoit pas la tolérance pour elle-même, mais dans le but de concilier la préservation de la liberté individuelle et la paix civile. La tolérance est pour John Locke, l’élément central de la philosophie politique. Pour lui, seule une église qui prône la tolérance peut être autorisée dans une telle société.
D’autres philosophes, en France, comme Voltaire, Diderot, Rousseau ont écrit des textes magnifiques, louant la tolérance mais parfois sans l’appliquer à leur comportement d’homme privé.

Gandhi ou Confucius, sans être des philosophes, ont tissé un réseau de valeurs dont le but est l’harmonie des relations humaines. Nous manquons à ce jour d’un grand sage capable de guider, d’orienter et d’influencer les hommes de pouvoir de notre siècle.
La flamme de la tolérance est bien vulnérable ; le moindre souffle d’intolérance suffit à l’étouffer. Pouvons-nous rester optimistes, face à l’un des siècles les plus sanglants de l’humanité. Nous devons rester debout et inflexibles face aux manifestations d’intolérance, et appliquer la citation du philosophe Hyppolyte Taine :
« N’ayez d’intolérance que vis-à-vis de l’intolérance ».

En tant que francs-maçons, faisons que la Maçonnerie reste le vaste abri toujours ouvert(…) à toutes les victimes du despotisme et de l’intolérance (convent de 1877).

Pour conclure et pour faire court, afin que vous puissiez tous partager le casse-croûte fraternel, je citerai cet ancien président de la république corrézien, un peu sourd, qui n’avait pas de Ray-Ban, ni besoin de talonnettes et qui ne s’est jamais fait insulter par un paysan au salon de l’agriculture :
« Face à l’intolérance et à la haine, il n’y a pas de transaction possible, pas de compromission possible, pas de débat possible ».
Tâchons d’appliquer ces valeurs dans le temple et de les véhiculer au dehors.

J’ai dit.

P\ R\

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