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L’Harmonie

Nous commencerons par évoquer l’harmonie au sens profane du terme, et en particulier dans son sens propre, celui de l’harmonie musicale. A cette occasion nous écouterons quelques extraits musicaux qui éclaireront le propos. Ensuite, nous en ferons une analyse symbolique, avant d’essayer d’en tirer quelques conclusions personnelles pour ce qui concerne son sens figuré, celui relatif aux relations humaines.

Dans son sens le plus large, le mot harmonie désigne traditionnellement la troisième composante de la musique. Les deux premières étant respectivement, le rythme et la mélodie, la quatrième étant le timbre. L'harmonie relève de l'utilisation délibérée de fréquences simultanées, dans la perspective d'apporter relief et profondeur au chant ou au jeu instrumental : elle représente donc l'aspect vertical de la musique, tandis que la mélodie en représente l'aspect horizontal.

Dans cette acception, le mot peut être considéré comme un synonyme du mot « Polyphonie ». L'harmonie s'oppose ainsi à la monodie médiévale — ou musique homophone —, et, plus généralement à tout type de musique, jouée ou chantée à l'unisson.

Lorsqu'on dit qu'un instrument est « harmonique », cela signifie que cet instrument est capable de jouer au moins deux sons simultanés.

L'harmonie a également une dimension culturelle puisqu’elle semble indissociable de la musique occidentale et en particulier de sa traditionnelle échelle chromatique. Concernant les musiques non occidentales qui utilisent des échelles différentes, l'usage éventuel de simultanéités délibérées sera qualifié « d'hétérophonie » plutôt que d'harmonie.

De même La notion d'harmonie est liée à une éducation de l'oreille, et soumise à une évolution historique. Ainsi, ce n'est qu'au cours du Moyen Âge que les intervalles de tierce — base de l'harmonie  « classique » — ont été considérés comme consonants. Auparavant, seuls l'unisson, l'octave, la quinte et la quarte l'étaient.

Pour illustrer la polyphonie harmonique, nous allons écouter ensemble un extrait « andante » d’un concerto pour hautbois et orchestre de Joseph HAYDN.

♪ - Concerto pour Haubois et orchestre " Andante " - 1’15 sur 5’35

Joseph HAYDN est né en 1732 en Autriche. Il est déjà reconnu comme un musicien célèbre quand il fait la connaissance de MOZART à Vienne. Les deux hommes deviennent rapidement très amis, et Mozart lui dédiera plusieurs quatuors avant de le faire initier dans sa loge maçonnique. C’est pour cette raison, que ces deux génies de la musique, emblèmes du classicisme viennois, resteront avec Sibelius, Liszt et quelques autres, les figures de proue de la musique « dite » maçonnique. Il meurt en 1809.

Et pourtant, au contraire de ce que beaucoup de nos Frères imaginent, il n'y a pas réellement de musique maçonnique. Les spécialistes, les musicologues et les critiques de la musique classique sont tous d'accord sur ce point : il n'existe pas de genre ni de style de composition ou d'harmonie qu'on pourrait considérer comme maçonniques et donc différents de tous les autres. Ce sont les maçons qui,  emportés par leur enthousiasme, considèrent comme maçonniques toutes les musiques faites et composées par des maçons. Cela est facile mais ne veut rien dire en soi. Ainsi, la valse dont la spécificité rythmique se trouve basée sur 3 temps n'a jamais été considérée pour autant comme maçonnique. Au contraire, elle se trouve assortie d'un caractère frivole et par conséquent non compatible avec le devoir d'élever des temples à la vertu et de creuser des tombeaux pour les vices, tâche prioritaire chez tout vrai maçon soucieux de respecter les termes de son serment.

Cette dernière tendance est toutefois pleinement exprimée par cet extrait de l’ode dite « Funèbre et Maçonnique » KV477 de Mozart


♪ - Mozart " Maurerische Trauermusik " " KV 477 " - 1’30 sur 4’27

En décembre 1784, Mozart est admis chez les francs –maçons, dans la Loge « Vérité et Espérance couronnée » à l’Orient de Vienne . Il écrit pour sa loge un certain nombre de pièces dont celle que nous venons d’écouter. Au début 1785, sa renommée s'accroit. Il écrit les six quatuors dédiés à Haydn. En 1791, il écrit et fait présenter le 30 septembre un opéra d’inspiration maçonnique, « La flûte enchantée » qui connait un succès prodigieux et dont nous allons écouter un extrait connu sous le nom d’ »Air de la Reine de la nuit » et qui est un prodige de virtuosité vocale :

♪ - Mozart " La flute enchantée " Air de la Reine de la nuit - 1’15 sur 2’50

Wolfgang Amadeus MOZART décède le 5 décembre de la même année, après avoir terminé la veille, sur son lit de mort, sa dernière œuvre, le Requiem K626 :

♪ - Mozart " Réquiem " K626 " Introït - 1’30 sur 4’2

Toutefois, même si l’on prend un immense plaisir à mettre son cœur et son esprit au diapason de cette musique grandiose, il faut savoir que la colonne d'harmonie n'existe pas dans tous les rites. Au Rite Ecossais Rectifié, tout doit s'accomplir dans le silence le plus total, y compris lors des voyages au cours des réceptions dans tel ou tel grade. D’ailleurs il n’existe pas, même au REAA, de rituel ancien et authentique prescrivant l'utilisation de la musique, le recours à telle ou telle œuvre pour tel ou tel degré. Dans certains ateliers anglais, la musique est parfois  remplacée par des chants très brefs.


La colonne d'harmonie est née dans ce que l'on a appelé la maçonnerie de cour au 18eme siècle. A cette époque, la Franc-maçonnerie prit un essor considérable car elle donnait lieu à des soirées animées. On tenait loge puis on passait la soirée en agréable compagnie, les loges d'adoption féminines se développèrent alors pour satisfaire la curiosité de ces dames pour agrémenter ces soirées par leur mixité. Certaines loges furent réputées pour leurs excès comme la loge Les 9 Sœurs, à l'orient de Paris, qui fut célèbre pour ce caractère distrayant. Evidemment, il fallait de la musique pour rendre le spectacle plus plaisant et ceci donna lieu à des concerts très profanes dans une enceinte maçonnique peu protégée. Il y eut comme toujours en ce cas des excès : un orchestre au grand complet s'étant réuni dans un hôtel particulier réveilla tout le quartier par ses prestations "maçonniques" lors d'une tenue.

Certains traditionnalistes prétendent que des Frères confondent leur loge maçonnique avec une association musicale, où la musique constituerait l'unique but de leurs travaux au détriment du symbolisme et de l'art royal. Ils recommandent pour revenir à l'origine, la plus belle musique naturelle, qui reste le chant, la voix, expression du Verbe, comme le font nos frères anglais qui reviennent à la source originelle, naturelle, la plus belle de toute, celle où tout s'opère sans accessoire ni artifice

L’engagement Maçonnique ne constitue pas autre chose que la recherche d’une harmonie personnelle, concrétisée d’abord par celle de la Loge, à laquelle on est affilié.


Cette conscience s’acquiert progressivement, déjà par la pratique des rituels, mais également par un ensemble de travaux. Les études symboliques en particulier, permettent de définir la place de l’Homme parmi les autres règnes, pour aboutir à en rechercher la justification, au regard de l’Univers, de ce qui va « vers l’Unité recomposée ».

Partant d’un état proche du chaos,  le rituel cherche à mettre en place un ordre et une harmonie dans le groupe. Ainsi, au REAA, même les coups manifestent la recherche d’harmonie. Ils sont frappés à intervalles réguliers. La brève initiale fonctionne comme anacrouse, le dernier coup se perd dans l’infini, c’est la raison pour laquelle il est considéré comme long. On rejoint ainsi Platon qui considérait que les mathématiques et ce qui en découle, forment la base de l’harmonie universelle. Pythagore, lui, considérait que l’harmonie était la grande loi divine du monde.

Par son esprit, traduit par le rayonnement de l’étoile flamboyante,  l’initié contribue à l’harmonie de l’univers. Par ses cinq sens, il perçoit l’harmonie du cosmos. Par l’ouïe, il s’ouvre : du bruit au son ; du son à la musique ; du dissonant à l’harmonique ; du chaos à l’ordre ; de la diversité à l’unité. L’initié peut espérer accéder à la musique des sphères, au chant des astres. Par la vue, l’harmonie est aussi mise en relation avec la beauté. Ainsi, la vertu essentielle de l’étoile flamboyante est le nombre d’or qui se manifeste dans toutes les formes vivantes universelles, en ordonnant les lois d’harmonie, de beauté et d’équilibre, à l’opposé du chaos informel, de ce qui est épars. L’harmonie de l’édifice est en grande partie due à la beauté qui permet d’exprimer à l’extérieur ce qu’il contient à l’extérieur. Quant à la colonne beauté, qui relève de l’ordre corinthien, il faut pour l’approfondir relever les yeux vers le chapiteau, vers le ciel, vers le Divin.

La beauté est associée à Hiram car ce dernier dessinait tous les ornements du Temple. La beauté exprime à quel point les ouvrages du GADLU sont parfaits et sublimes. Ce pilier beauté, associé à la sagesse et à la force, assure l’ouverture vers le transcendant et permet l’orientation. On ne peut vivre dans le chaos. Sans repère, l’existence et la place que chacun y occupe perdent leur sens. Dans ce Temple, la chambre du milieu des Maîtres de la tradition maçonnique est le lieu privilégié de l’équilibre parfait, de la paix, de l’harmonie rituelle. Elle évoque le cercle, symbole parfait de la totalité, et dont la forme exprime la plénitude, l’harmonie et la perfection. Il s’agit de traverser la mer des passions pour atteindre la terre de la sérénité, celle de l’unité originelle. La maîtrise est le passage de l’extérieur à l’intériorisation, le passage de la multiplicité à l’unicité.

Alors bien sûr, le frère maçon doit tout faire pour recherche l’harmonie entre les hommes des groupes qu’il fréquente. Au sein de sa famille, de sa loge, de son environnement professionnel, au sein de la société où il évolue, au sein de l’humanité même, il s’efforcera d’apaiser les tensions, de gommer les différents, de rassembler ce qui peut l’être, bref d’apporter l’harmonie.

Toutefois, apporter l’harmonie aux autres suppose une condition sine qua non : être capable de l’atteindre soi même. On l’a vu, à l’aide de la réflexion, de la pratique des  rituels, il s’agit d’émerger de l’entropie  qui caractérise un niveau d’énergie faible, synonyme du désordre, du chaos intérieur pour rassembler ce qui est épars, et accéder à l’ordre, à l’équilibre, à l’Unité, à l’harmonie intérieure. Pour ce faire, il faut accepter d’entreprendre une véritable Metanoïa, qui au sens biblique du terme veut dire : « Repentir, conversion, transformation spirituelle ». Elle signifie un remaniement complet de l’individu. On meurt à soi pour renaître autre. La renaissance qui est au terme du voyage est un degré supplémentaire dans l’éveil.

Pour conclure en bouclant sur mon propos initial, je vous propose, mes Frères d’écouter avec recueillement ce dernier extrait de chant sacré monodique, témoin de l’harmonie qui règne en nous et entre nous.

J’ai dit VM


Y\ L\

Epilogue

♪ - Hildegard Von Bingen " Antienne O Pulchre facie - 2’38

Ce morceau est représentatif du plain chant médiéval allemand, devenu plus tard le chant grégorien. Il s’agit de l’antienne « O pulchre facies » composée par Hildegard Von Bingen. Cette dernière née en 1098 et disparue à l’âge de 81 ans, surnommée la Sybille du Rhin, supérieure d’un couvent de bénédictines, a écrit et rassemblé autour de 1150 environ 70 mélodies réunies sous le nom de « Symphonie de l'harmonie des révélations célestes ».


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