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L’Engagement maçonnique, le votre a-t-il evolué ?

Il fut un temps où je me cherchais et c’est alors que je devins franc-maçon. Le sens et les nuances du mot sont multiples, quand on parle d’engagement. Je ne m’engagerai pas dans une discussion de mots. Je dirai que l’engagement maçonnique est différent des autres. Il représente la volonté de suivre un chemin, faire un voyage au centre de soi, dont le but est de faire de vous quelqu’un d’autre, initié à des valeurs transmises par d’autres et qu’il fait siennes. Cet engagement est de l’ordre philosophique et spirituel à la recherche de vérités, et (qui sait ?) vers la découverte d’une vérité. C’est une attente, un espoir, une promesse. S’il est admis, c’est sur sa conscience, son honneur, sa droiture, dont l’équerre est l’emblème et le livre de la Constitution la loi, mais aussi devant ceux qui seront ses Frères qu’un profane s'engage en maçonnerie pour le reste de son existence. Il faut de la persévérance Certes il s’engage d’abord à garder inviolés les secrets qu’on lui a confiés, mais la profondeur de son engagement va plus loin. Il va entrer dans ce qui est plus important que lui, il deviendra initié et franc-maçon. Dans le respect de la parole donnée à ceux qui l’ont accueilli dans la dignité, et la solennité, et par son serment envers lui-même plus contraignant qu’une prison, il est admis dans un Atelier. Je suis donc entré librement, dans ce qui va réunir des hommes libres égaux entre eux et fraternels, mais les dépasse tous Après le questionnement ce fut mon initiation. Préalablement le cabinet de réflexion me fit comprendre que la franc-maçonnerie était une école de l’être, de recherche de ce qu’il y avait en moi.

Ma promesse a été faite en connaissance de cause. Ce fut un engagement moral. J’ai pris l’engagement de travailler à l'œuvre de la Franc-Maçonnerie, d’aider au progrès humain, d'aimer mes Frères, de mettre en pratique la solidarité, l'assistance envers les faibles, la justice envers tous, le dévouement envers ma famille, ma patrie et envers l'humanité, la dignité envers moi-même, d’agir selon des principes de raison, de tolérance, de me conformer à la Constitution et au Règlement du Grand Orient. Puis j’ai promis de travailler à dégrossir ma pierre, à devenir quelqu’un d’autre en construisant un temple intérieur. J’entrai dans là un domaine ésotérique (au sens d’intériorité) ce qui me convenait aussi car j’avais le désir d’emprunter des chemins de pensée justes, d’avoir des actions pertinentes, une pratique de la solidarité, et de partager une longue histoire des hommes, dans le mystère d’un temple, avec le souci d’œuvrer pour un avenir que je voulais plus juste et chercher une lumière qui éclairerait mon chemin. J’ai consenti, si je manquais à cet engagement, à des sanctions prévues par le Règlement. Et grâce à cette promesse, après les épreuves de purification, je fus consacré Apprenti, un peu dépassé par ce que je venais de vivre. J’avais déjà le sentiment que cette initiation durerait toute ma vie. Il en fut ainsi bien que je sois passé par des étapes et parfois des crises. Une promesse pour certains n’engage que ceux qui l’écoutent. Nous avons tous connu ceux qui se sont engagés, et ont rebroussé chemin. La franc-maçonnerie étant une société humaine, la quitter est parfois une tentation. On est attristé mais on peut l’admettre. Chacun est libre de mettre un pied dans la mer et de le retirer parce que l’eau est froide, et qu’il a peur ou croit perdre son temps. Mais on est heureux que d’autres poursuivent leur chemin. Pour ma part j’avais l’espoir de découvrir quelque chose d’important. Je n’ai pas été déçu, ni jamais renié ma promesse initiale, dont la petite lumière grandissante m’a toujours suivi.

Au grade de compagnon, mon engagement a été récompensé par une découverte, celle d’une lumière. Le Vénérable m’a rendu la parole. Sur le niveau égalitaire et la truelle du travail parfait, j’ai promis pour la 2ème fois de me conformer aux enseignements donnés, et de ne révéler à personne les secrets du grade. Mais l’engagement était sensiblement le même ; il m’a fait franchir un pas supplémentaire dans la même direction. La parole donnée à soi-même et aux autres ne doit pas être une parole égarée. Promesse et engagement ont pris le même sens, celui de serment. Promesse serment, engagement, ces mots se répondent. Ils sont lourds de sens, et ont la même valeur. Sans entrer encore dans une pensée ésotérique je comprenais déjà qu’il fallait gratter l’écorce pour aller au noyau. En ce qui me concerne, par mon gout des voyages, je suis resté un compagnon par le cœur et dans l’esprit, depuis le jour, où le Vénérable m’a demandé ce que j’avais vu après les cinq voyages. J’ai répondu « j’ai vu l’Etoile Flamboyante ». L’Etoile a été cette découverte. Elle m’a apporté cette lumière qui scellait mon engagement. Je travaillais alors au rite écossais, et muni du bâton de pèlerin et d’un baluchon, le Vénérable a fait ouvrir grandes les portes du temple et m’a dit « Pars tu reviendras, l’Etoile sera ton guide ». Elle le fut et me guide encore. Elle me permettait de voyager librement, d’autant qu’inaccessible, elle augurait d’un long chemin.

Quand le nouveau compagnon dit « j’ai vu l’Etoile » il dit ce qu’il doit dire, mais en a t’il compris la signification ? Si elle n’est qu’allégorie d’une route à suivre comme celle des rois mages, elle reste un panneau indicateur. Il y a un autre chemin derrière cette mystérieuse étoile. Une Lumière, Voyageur, pour cela il faut regarder en toi-même. Se souvenir du cabinet de réflexion « Visite l’intérieur de la terre, et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée ». Voyager en soi, tandis que le fil à plomb me servait de guide. Chercher le feu intérieur, qui est le but du voyage, donner un sens à ma vie. L’Etoile devint mon guide vers peut-être une lumière plus grande à découvrir, mais déjà de faire flamboyer celle-là, et rayonner un jour au dehors, pour continuer l’œuvre commencé dans le Temple. Je n’ai, par voie de conséquence, pas cessé d’être un pèlerin qui cherche son chemin vers le savoir, la vérité (si elle existe) et finalement vers mon perfectionnement intérieur. Mais pourquoi, nous dit-on, l’Etoile n’a-t-elle que 5 branches ? 5 est certes le nombre du compagnon, mais pour moi il y avait (il y a toujours) davantage de branches quand elle scintille. Mon étoile a des milliers de branches, sans limites à sa lumière, si elle ne rencontre pas d’obstacle. Et que fait la lettre G au centre ? Cette énigme que j’interprète autrement. Pourquoi pas le Graal ? La quête de ce Graal est un mouvement, un voyage, qui permettra la transmutation du Plomb en Or. C’est pourquoi je suis resté avec en moi cette Etoile lumière dans mes ténèbres. Mais ne suis-je resté qu’un compagnon. Peut-être même un mauvais comme je l’ai compris le jour de mon élévation ?

Au 3ème degré j’ai fait, pour la 3ème fois, une promesse devenue réellement un serment. Le drame de la mort d’Hiram se joue devant le compagnon et futur maitre. Opératif jusque-là avec ses outils, la mort d’Hiram en fait un maçon spéculatif. Hiram grand Architecte, homme scrupuleux, fait sa ronde avant de dormir pour vérifier que tout va bien. 3 mauvais compagnons rencontrés ce soir-là, qui connaissaient ses habitudes, veulent lui arracher les mots de Maître sous menace de le tuer. Le 1er tient une règle, Hiram refuse il frappe. Le 2ème tient une équerre, fait de même. Hiram s’enfuit. Un 3ème, le maillet à la main, a la même exigence. Hiram cruellement blessé dit : « Plutôt la mort que de violer le secret qui m’a été confié ». D’un coup du maillet sur la tête il le tue... Hiram meurt mais n’a rien dit. Hiram est un exemple, il a un curriculum parfait. Il incarne la vertu, tandis que ces trois Compagnons sont des voyous qui figurent trois vices, l’ignorance, le fanatisme, et l’hypocrisie, c’était l’enseignement par l’exemple d’une morale élevée au-dessus de la morale profane. On nous suggère que tout compagnon est un Hiram en puissance. Mon engagement a donc été dans cette cérémonie de devenir un autre homme, un autre Hiram. Pourtant le mythe fondateur bien que millénaire, avait sans doute des significations par moi incomprises. Hiram a-t-il saisi le danger de faire une ronde de nuit ? Est-ce un bon patron ? Les mauvais compagnons sont-ils si mauvais ? Peut-être des esclaves ? J’étais apprenti depuis plusieurs mois, et je sentais d’autres explications dans ce récit, l’essentiel était cependant qu’il me fallait promettre de changer de peau. Je promis donc en me disant que la beauté du mythe cachait une puissance spirituelle en elle, qui nécessitait du temps pour l’approfondir.

Ce n’est plus 3 le chiffre de l’Apprenti, ni 5 nombre du compagnon, c’est 7 le nombre du maitre, mais 7 décompose la lumière. 7 glaives ont percé le prisme des couleurs. Divise la lumière et tu auras des couleurs. Les couleurs sont faibles, la lumière est forte. Or c’est la lumière totale et crue que je cherche depuis le cabinet de réflexion, face à la mort.

La vie dans le temple et la mentalité maçonnique au dehors sont (ou doivent être) différentes de la vie profane. Au temple la vie se déroule selon le rituel précis de la Tenue, où on réfléchit sur symboles, et sujets de société, et on rappelle à chaque fois la raison d’exister et l’action de la Franc-maçonnerie. Mon engagement a-t-il évolué entre l’initiation et la maitrise ? Il ne me semble pas qu’il y ait eu d’évolution au sens de croissance, ni de montée en puissance. Mon évolution a donc été davantage un progrès dans le sens d’approfondissement, de progrès accomplis en profondeur, d’humilité, de confiance, et du désir de chercher le savoir, la vérité, si elle existe, en un mot le Graal de mon Etoile. En évoluant je peux changer, en progressant je m’améliore. L’évolution implique souvent un changement radical, mais changer d’opinion n’est pas progresser (sauf si ce changement est apprécié à l’aune d’un gradient moral) tandis que la progression garde le même point de départ, avec parfois des pistes inattendues et différentes symboliques de la recherche, de l’exploration. D’abord l’initiation, dont l’image est pour moi le fil à plomb, puis une progression comme compagnon avec l’image de l’Etoile, et devenu Maître avec un troisième niveau le drame de la mort d’Hiram. Il faut toujours gratter l’écorce pour trouver le noyau. Enfin, curieusement, j’ai progressé dans l’idée que j’avais du rôle de la maçonnerie, lors de l’ajournement d’un profane, dont les réponses avaient été probablement mal interprétées. Grace au sermon d’un Frère devenu une planche, j’ai compris que l’atelier est un lieu de travail où d’une pierre brute on peut faire une pierre polie, et même une pierre précieuse.

Admis à la maitrise, j’ai appris des symboles qui m’ont éclairé, élargi ma réflexion, interpelé, apporté une lumière supplémentaire. J’ai dans le même temps exploré la profondeur du mythe d’Hiram, dont je n’ai pas atteint les limites. Si les symboles ont libéré ma pensée, le mythe d’Hiram m’a tracé des chemins et affranchi de préjugés. En me référant au rituel, et grâce à l’indulgence fraternelle, les Planches lues en loge, et la parole qui circule, mon engagement s’est enrichi de sens.

La réflexion symbolique n’a pas d’autres limites, que celles de l’infini du ciel et de la profondeur de la mer, à condition d’y être sensible et d’en faire des outils. Les symboles ont l’universalité des choses infinies. Derrière le sens des mots il y en a mille autres qui s’éveillent et atteignent un ordre qu’on ne saurait deviner immédiatement, et qu’on ne peut nommer car il n’y a plus de mots pour le dire. J’aime entrer dans un temple riche en symboles, dans cet univers intemporel qui apaise, rend claire la pensée, plus sobre la parole, ouvre à un monde secret.

Paradoxalement je pense que les symboles sont la nature réelle des choses, car il faut aussi retrouver la symbolique de la nature visible qui parle à celui qui l’écoute. La nuit, la forêt, la lune, les étoiles, la mer, les pierres, le silence du désert, les espaces du ciel. En vérité les humains perçoivent la nature avec les sens, mais ne l’interprètent que par des symboles. « La Nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles. L’homme y passe à travers des forêts de symboles qui l’observent avec des regards familiers » écrivait Baudelaire. A propos des symboles il poursuivait encore « Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent ». Comment imaginer un mot pour dire cette rencontre entre les parfums, les couleurs et les sons ? Et pourtant on voit, on sent, on entend, et on comprend. Le symbolisme c’est tout cela, il a sa place dans la nature des choses. Inutile de dire quels progrès, ces idées simples m’ont fait faire, et quelles avancées dans mon engagement. Les symboles me font entrevoir une Egrégore universelle, où ce n’est pas moi qui observe les symboles ce sont eux qui me sollicitent et me regardent. L’Etoile et la lumière sont libres. C’est presque de la poésie. Ma conscience et ma parole sont libres. Mon regard est libre. Ce monde m’intéresse et me plait, et il en est ainsi des temples visités.

La vie et la réflexion maçonniques sont scindées en deux parties qui forment un tout, la réflexion spéculative et la vie opérative. La première est personnelle et intérieure, collective dans les tenues au temple, selon le rituel et la forme accoutumés. La seconde à laquelle je me suis également engagé fait de moi un Franc-Maçon opératif dans le monde profane, c’est-à-dire un compagnon voyageur, mais un humble apprenti (et non le Maître qui sait tout) qui répandra au dehors les vérités acquises dans le temple. En ce qui me concerne, médecin de formation, j’ai prêté un autre serment celui d’Hippocrate, et voué ma vie au service des autres, à la chirurgie. J’ai aussi entrepris nombre d’actions humanitaires en Russie et en Ukraine, qui m’ont fait apparaitre davantage que les hommes sont égaux, mais les inégalités sont grandes, et que la pauvreté gangrène le monde. Venir en aide aux orphelins du fond de l’Ukraine, acheminer des médicaments en Russie est parfois difficile d’un pays à l’autre. Eluard avait écrit que « le mot frontière est un mot borgne, et que l’homme a deux yeux pour voir le monde ». Il en faudrait davantage que deux pour comprendre certaines misères. Mais souvent il ne faut pas aller très loin pour en découvrir. Le monde et l’humanité ont encore des progrès à faire Les lacs d’amour ont leurs nœuds, obstacles que le regard doit savoir dénouer pour venir en aide à son semblable, parfois proche de chez vous. Ainsi je n’ai pas eu de grandes difficultés à transposer dans la vie profane les engagements pris au temple.

L’engagement maçonnique est un événement grave dans la vie. Il prend de la liberté, mais je l’ai voulu, et cela ne regardait que mes idées ma conscience, et l’accord de ma femme. L’engagement trois fois prononcé reste le même. Un serment est un sommet, qui ne monte pas plus haut. Il ne peut qu’être, et on lui reste fidèle, ou s’effacer, et on le renie, c’est de l’ordre d’un parjure. Au cours de l’initiation la scène du parjure à la pointe des épées, a pesé sur moi de façon significative car je suis un homme d’action mais aussi de parole. Mes engagements sont de long terme. Si mon parcours maçonnique a été coupé en deux, mon engagement est resté identique, mais (je crois) en grand progrès sur mes débuts d’Apprenti, en participant à la vie de mon atelier, et en occupant plusieurs plateaux d’officiers. Je n’ai été membre que d’une seule Obédience et de deux ateliers. La loge dont je fais partie aujourd’hui est riche de son ouverture, de sa diversité, de son respect des principes et du rituel, ainsi que d’un niveau intellectuel qui lui fait honneur. En ce sens ma tête qui était pleine est devenue mieux faite. Mais la loge n’est pas un laboratoire d’idées ou l’on vient s’instruire. C’est un présent vécu et un avenir construit ensemble, auquel on s’est engagé avec l’Obédience. Je ne me soustrais jamais à l’assiduité en tenue elle fait partie de mon engagement. La Tenue me donne du travail toujours sur moi-même, mais j’ai aussi en vue les progrès des autres. Mon engagement maçonnique enrichit ma vie, avec des conséquences bénéfiques, même si parfois ce fut l’inverse. Je me sens franc-maçon et fier de l’être.

Pour terminer je dirai que chaque engagement est personnel, avec ses motivations, et diffère d’un autre. Il faut respecter les motivations, les comportements et les actes, s’ils sont sincères, car ils contribuent à l'enrichissement des uns et des autres. La diversité consentie enrichit les hommes. Saint-Exupéry écrivait : « Si tu es diffèrent de moi mon Frère, loin de me léser tu m’enrichis ». Le véritable franc-maçon, cherche ou poursuit toujours quelque chose, mais parfois il est seul, et son chemin difficile, parfois trop haut, trop long, trop court. Mais il ne doit pas se décourager. C’est une leçon apprise de la Franc-maçonnerie de ne jamais me décourager, ni renoncer, ce qui est un formidable acquis de mon engagement. Ma conscience m’éclaire, plus exigeante que le plus rigoureux des juges, mon étoile me guide, et c’est ainsi que convaincu des nombreux progrès qu’il me faut faire encore dans mon engagement, aidé par les conseils avisés de frères bienveillants, je frappe à la porte de votre Atelier de perfectionnement au 4ème degré de Maitre, comme si j’étais l’Apprenti, désireux de recevoir davantage de lumière.

J’ai dit très R\ M\

J\ P\


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