GODF Loge : NC 30/10/2011


Les promesses en récits

 
VM\ et vous toutes, mes SS\ et FF\ en vos Gr\et qualités, j’ai eu vent pas mal de promesses ces dernières années, qu’elles me concernent ou non : promesses de vente, promesse d’achat, promesse de mariage, promesse de fiançailles, promesse scoute, fausse promesse, promesse d’embauche, promesse de respecter l’ordre, la constitution et le règlement intérieur, promesse d’ivrogne, promesse de ne rien laisser transpirer à l’extérieur, promesse à soi-même, promesse politique, promesse amoureuse, promesse pour toujours et, parmi tant d’autres, ça promet quand même.
Le monde des promesses est multiple, complexe. A l’exception de la promesse d’ivrogne qui constitue un bel oxymore, la promesse est structurée dans un récit qui définit un moment, des conséquences, donc un engagement, enfin des autres à qui la promesse est adressée. Je nous propose de m’accompagner dans cette réflexion.
La ritualisation de la promesse.
Les situations de promesse impliquent la suspension du temps, y compris une suspension ou un ralentissement de l’action pour que le temps de la promesse puisse advenir.
Lorsque je signe une promesse de vente, une promesse d’achat, je prends le temps de lire le document, de le rédiger, de le peser. Les promesses de mariage se font dans le cadre de rencontres très formalisées de deux familles. Elles se déroulent au moins en deux actes : un premier acte consiste à récapituler ce que la promesse de mariage implique des engagements réciproques des deux familles la liste de ces engagements est souvent énoncée dans ce moment, le second temps est festif, il anticipe la cérémonie à la seule échelle des deux familles, la cérémonie associant un large public est celle du mariage, mais les contrats, engagements concrets ont été réalisés auparavant.
Lorsque je signe une promesse d’embauche, que je sois l’employeur ou l’employé, je prends le soin de lire le document, j’interromps la course du temps.
Les promesses des scoutes, les promesses maçonniques se déroulent au cœur de rituels par lesquels l’écoulement du temps est canalisé.
La promesse politique est en fait le programme politique du candidat. Dit autrement, tout programme politique est comme une promesse. L’énoncé du programme par le candidat à un poste électif ne vient pas à n’importe quel moment de la mise en récit de la candidature. Dans les sociétés démocratiques, le temps de la promesse politique, le temps du programme vient après celui consacré à la rencontre des électeurs, à l’écoute de leurs besoins. Le candidat parachuté se fait justement reprocher de n’avoir pas pris le pouls du territoire, de croire qu’il peut imposer son programme, bref, qu’il peut promettre n’importe quoi. La promesse politique s’inscrit dans un temps ritualisé qui doit être respecté, même les parachutés veulent s’y conformer.
Il en est de même pour le temps des promesses faites à soi-même. Quand bien même ce serait au cœur d’une action engageante, je mets cette action le plus à distance le temps de me formuler cette promesse et d’en formuler les principales conséquences que je peux peser, que je peux évaluer à ce moment. C’est le cas de marins pris dans la tempête qui suspendent en partie leur lutte, leur action, un temps, même très bref, pour faire une promesse, qui peut être une prière pour les plus croyants, dans laquelle se glisse par exemple la promesse de déposer un ex-voto dans leur église s’ils subsistent au cataclysme actuel. Certains ont le temps de mûrir cette promesse à soi-même, c’est le cas de Jean-Claude Kauffmann, otage du Hezbollah au Liban trois années, entre 1985 et 1888, avec les deux diplomates Marcel Carton et Marcel Fontaine. Durant sa captivité dans des conditions très dures, Jean-Claude Kauffmann raconte qu’on lui a donné à lire un seul livre la bible alors qu’il était profondément athée. La lecture l’a amené à admettre l’évidence de l’existence de dieu, donc de sa foi qu’il s’est promis de pratiquer après sa libération. Nous sommes des êtres sociaux et, lorsque nous ne sommes pas en relation humaine avec d’autres êtres humains, notre imaginaire génère ces relations, sûrement pour ne pas devenir fous.
Une première conclusion de ce premier point : toutes les formes de promesse se déroulent au sein d’un rituel plus ou moins formalisé. Il n’y a pas de promesse sans rituel, sans moment spécifique, sauf les promesses d’ivrogne, mais tout le monde sait ce qu’elles valent.
Que promet-on et quelles sont les sanctions dans les cas où les promesses ne sont pas tenues ?
La promesse engage, mais certaines promesses engagent différemment. Quand on fait le tour de ce sur quoi porte la promesse, il apparait des promesses de nature différente.
La loi encadre fortement certaines promesses : les promesses de vente, d’achat, essentiellement de biens immobiliers et les promesses d’embauche. Si je ne tiens pas ma promesse, des contreparties sont exigibles juridiquement. La loi encadre ce qui a constitué et constitue un fondement idéologique important de notre organisation sociale : la propriété, surtout la propriété immobilière et les relations de travail pour ce qui est d’aujourd’hui. La loi ne dit pas grand-chose des autres promesses.
La loi n’encadre pas les promesses politiques, les promesses de mariage, les promesses scoutes, les promesses maçonniques, etc. Cela ne veut pas dire que ces promesses ne sont pas importantes, mais que la puissance publique, la loi, ne peut rient y faire ces promesses sont d’une autre nature, la sanction est autre.
Je remarque quand même que quand la loi encadre les promesses d’ivrogne, c’est plutôt l’ivrogne qui est alors encadré, pas la promesse dont tout le monde se contrefiche.
Dans le rapport à la loi, nous avons deux types de promesse : les promesses sur des objets sociaux et les promesses sur des valeurs, des idéalités, des espérances.
Devant qui promet-on ?
Je propose trois registres d’autres pour approcher à qui la promesse s’adresse.
Un premier registre dans lequel la promesse s’adresse à une personne qui est considérée de façon univoque, unidimensionnelle. C’est le cas des promesses de vente, d’achet, d’embauche. Le destinataire de la promesse est réduit en quelque sorte à sa seule dimension d’acheteur, de vendeur ou de salarié. C’est un peu le cas de promesses de mariage qui organisent la transmission des biens d’une génération à une autre : l’enjeu n’est pas l’amour jugé trop incertain, trop labile, l’enjeu porte sur la transmission des biens qui est alors une affaire autrement plus sérieuse. L’autre à qui la promesse est adressée est un autre réduit à une seule dimension, celle de vendeur, d’acheteur, de propriétaire, de salarié.
Les promesses sont adressées à un second ensemble d’autres. La promesse politique rente tout à fait dans cet ensemble. Elle s’adresse aux électeurs considérés dans leur masse, ils ne sont pas singularisés, différenciés, individualisés. Ils sont appréhendés comme le peuple qui aspire à l’universalité de la démocratie représentative. La promesse politique ne peut pas être assimilée à un contrat comme l’est la promesse d’embauche. Elle n’est pas qualifiable en terme de contrat juridique. A ma connaissance, il y a e une seule tentative de judiciariser une promesse politique en Espagne, il y a quelques années, elle a échoué. La promesse politique continuera de n’être pas tenue.
Les promesses sont enfin adressées à des autres identifiés, acceptés comme dans leur totalité et leur complexité, acceptés dans leur altérité, pris en compte à la fois comme mes semblables et comme des étrangers, radicalement différents de moi-même :
-        Les promesses à l’autre de l’aimer, de le protéger ou de lui faire la peau sont adressées à cet autre reconnu, accepté, accueilli en toute connaissance de cause, dans sa singularité, dans son altérité et sa complexité et en toute connaissance théorique de ses propres capacités à aimer, à lui faire la peau, à le protéger.
-        Quand je me fais une promesse à moi-même, je le fais devant un autre moi-même en étant à la fois celui qui promet et celui qui reçoit la promesse.
-        Les promesses scoutes comme les promesses maçonniques se déroulent en présence de mes semblables ou de ceux qui ont accepté de m’admettre comme semblable.
Les promesses envers ces autres identifiés, envers ce troisième registre d’autres devant lesquels les promesses sont faites sont celles qui m’engagent le plus fortement. Les promesses à d’autres accueillis de façon limités selon un seul de leurs aspects, dans une seule dimension ou les promesses à des autres confondus dans un processus d’universalisation engagent très partiellement. Elles peuvent ne pas engager du tout, si on suit la vulgarité et le cynisme politique contemporain qui affirme « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ».
En conclusion de cette réflexion, la promesse engage au-delà du facteur à deux conditions. La première est qu’elle s’inscrive dans un rituel, la seconde est qu’elle s’adresse à des autres considérés dans leur totalité, dans leurs singularités, dans leurs complexités. Dans ce cas, la promesse est un don, elle offre un espace de grandes espérances communes, elle annonce quelque chose de sûr.
Les promesses maçonniques s’inscrivent dans cette acception, elles constituent un don aux autres et à soi-même, elles ne peuvent pas se penser dans la simplicité de leurs énoncés et dans celle des sanctions au cas où elles ne seraient pas tenues : avoir la gorge tranchée, être passé par le fer et autres systèmes vengeurs.
Les promesses maçonniques renforcent la fraternité, elles en constituent un des vecteurs.
J’ai dit VM\

D\ A\


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