Obédience : NC Loge : NC 22/11/2010


Les trois végétaux 


 En réfléchissant au travail sur les végétaux, la grenade, le blé, l'acacia ,il s'est passé comme » une « sorte de Madeleine de Proust »qui a ravivé  des images d' un vécu que j'avais complètement occulté.


C'était ce temps de l'enfance où tout avait une tonalité spécifique aux saisons, aux variations climatiques, aux cultures ; la nature imposait sa loi à notre quotidien.

Je revois mon père cueillir la première grenade en faisant très attention à ne pas se frotter aux épines acérées  et déposer ce fruit dans un plat sur la table ; le prêtre passait spécialement pour emporter cette grenade ;  elle était une offrande à la Vierge pour la remercier de sa protection.


Je me revois marcher le long des champs ensemencés et refuser d'obtempérer quand mon père me disait de faire comme lui : malaxer de la terre meuble ; je trouvais que c'était sâle, lui prédisait la qualité de la future récolte.


Le rapport avec les arbres qui entouraient la bâtisse était quasi-filial ; chaque arbre était une mémoire de la saga familiale ; une généalogie des mariages, des morts, des naissances, de la guerre.

Pour moi enfant ils étaient vivants et habités de fantômes.


En fait un environnement où j'avais des yeux mais pas de regard, des oreilles mais sans écoute ; et sans doute en refusant cette transmission en bloc, notre génération a-t-elle ouvert les excès polluants d'aujourd'hui.


C'était un monde agricole qui a disparu totalement où les frontières entre les hommes, les plantes, les animaux ,la terre , les traditions et obligations étaient très ténues ; pour moi, c'était une vie répétitive et chargée de contraintes.


Peut -être suis-je rentrée en maçonnerie pour retrouver mes racines  et en comprendre la complexité ?

Question sans réponses.


En maçonnerie il m'a fallu un certain chemin pour prendre conscience de la présence du végétal.

Certes dans le cabinet de réflexions, le pain induit le blé ; la terre comme matrice de ce grain.

Le coq qui se nourrit de graines ; mais j'avais associé avec ma propre germination.


En pénétrant dans le temple ,pendant les voyages initiatiques, les éléments air, eau, feu ont bien suscité une analogie avec les plantes ,mais plutôt comme des supports pour comprendre l'humain.


A la fin de l'initiation la rose « à offrir à la personne de son choix » a sans doute été le végétal le plus inverti comme élément transitionnel entre la nouvelle vie d'initié et le monde profane, par l'approche symbolique de la corde à nœud autour du temple et l'évocation de la corde autour du cou pendant l'initiation, j'ai pris conscience du chanvre et par extension du cannabis ; mais n'étant pas dans la consommation de l' hallucinogène ,le chanvre reste une plante dont les propriétés  stupéfiantes ont permis entre autre une invention capitale ; il y a 2 millénaires en mélangeant la filasse de chanvre au mûrier, les chinois ont inventé le papier et réalisèrent en 770 le 1er livre imprimé ; plus tard Gutenberg l'utilisa pour imprimer la première bible.

Pour nous maçon c'est un végétal primordial ; c'est la mise à mort de l'ignorance et la naissance de la connaissance, de la naissance d'un homme nouveau.


Bien plus tardivement, les grenades semi-ouvertes ornant les colonnes J et B ont un jour attiré mon attention. 

C'est un fruit qui a toujours eu des symboliques multiples dans des contextes éloignés dans le temps et dans l'espace ;  ; mais sans doute, en raison de sa  belle rondeur, la retrouve-t-on associée en majorité à la fécondité.


Originaire d'Asie ,elle a été implantée dans les pays méditerranéen jusqu'au fin fond de l'Afrique.

On a retrouvé des vases d'argile en forme de grenade datant de 2000 ans avant J.C à Harrapa (Pakistan).

A partir de la 18°dynastie les égyptiens la grenade était une offrande funéraire ; on la retrouve dans les tombeaux.

Les cultures, les mythologies (qui ne connaît le mythe de Perséphone  victime du pouvoir de la grenade)les religions se sont appropriées le symbolisme de ce fruit.

Hiram a  décoré les 2 chapiteaux à l'entrée du temple par 2 rangées de  200 grenades ; mais ce fruit décorait déjà les tuniques des grands prêtres ; en plus la fleur en couronne se retrouve sur le sceau de Salomon.


D' une forme presque ronde, de la taille d'une orange, ce fruit a une peau épaisse d'un rouge pourpre orangé, surmonté de la corolle de la fleur  ; on l'appelle le fruit du Roi.

Compacte et colorée la grenade renvoie une image de plénitude, de bonne santé, de convivialité.

Ses attributs externes ne donnent aucune indication sur son contenu ; l'intérieur est à couvert, il se conserve plusieurs mois après la cueillette  ; si on veut ouvrir ce fruit avant sa maturité complète, il faut casser l'écorce avec un tranchant aiguisé ou le frapper avec une masse pour l'éclater.

Ce fruit non mature ne peut qu'évoquer tous les profanes qui se plaisent à vivre une vie Formatée.

A maturité cette carapace se fendille, se ternit   ; c'est l'image de l'impétrant qui a longuement  soupesé et préparé son entrée en maçonnerie.

Quand il arrive dans le cabinet de réflexions, il est en pleine maturité, prêt à se fendiller et à sortir de cette coque où il était en sommeil.

L'intérieur de la grenade est composé de plusieurs dizaines d'alvéoles ie de loges recouvertes d'une fine peau translucide;dans chaque alvéole les grains s'y pressent sur 5 faces.

le point d'attache à la pellicule mère et la tête arrondie dégagée cela fait 7 faces par grain.

Cette constatation nous ramène à l'agrégation symbolique entre cette grenade et le chemin initiatique;les liens de cohésion  entre les sœurs et les frères tous différents mais unit en fraternité.


Le nombre d'arilles éclatantes et juteuses sont les potentialités ,les fécondités qui  donnent force et vigueur à la maçonnerie.

Or tout ce qui est né doit mourir;et cela conduit tout naturellement à l'autre végétal:le blé.


L'homme qui avait été nomade, cueilleur, chasseur pendant des centaines de millénaires s'est fixé et a crée un mode de vie complètement nouveau à partir de la culture du blé;cela a été un tournant décisif de la civilisation ; l'espèce humaine a agi sur la nature et l'environnement pour améliorer sa subsistance.

L'homme par  sa connaissance sait ajuster le travail de la terre aux saisons;dans les pays tempérés le blé est plutôt semé en octobre.

Pour récolter, le paysan suit des étapes bien codifiées. Il prépare une terre fertile pour y enfouir le grain de blé ,embryon de germes. Ce grain va se décomposer pour  donner en premier une jeune pousse verte.


Pendant tout l'hiver le blé a une phase végétative pendant laquelle il accumule des réserves.

Au printemps la tige va grandir, se remplir de sève pour donner l'épi de blé à la belle saison.

La mort de ce grain jeté en terre et qui se multiplie en vies nouvelles est l'alternance de la vie et de la mort;c'est une permanence cyclique  qui rappelle l'harmonie entre la vie humaine et la vie végétale.


Quand cet épi sera bien doré et gonflé de grains nouveaux, il sera moissonné, coupé de la tige nourricière dont il n'a plus besoin; chaque grain est indépendant et existe par lui-même.


C'est une métamorphose, une transmutation ; le  fils quitte le père en quelque sorte.

Il y a transmutation individuelle:c'est le symbole du compagnon qui éveille d'autres niveaux de conscience par son travail ,son art et ses outils ; il est à maturité ; les mains libres en quelque sorte.


Il y a aussi une transmutation collective : les grains passeront sous la meule pour devenir farine et après pétrissage et cuisson ,ils donneront le pain.

Ce grain est mort pour renaître à une autre forme de vie;pour être ce pain si important dans la vie de l'homme parce que nourriture essentielle et basique.

Le compagnon travaille l'ouverture au monde, le collectif ; il participe par sa transformation propre au partage du pain;c'est l'accomplissement dans l’œuvre commune ; s'améliorer soi pour l' homme nouveau.

Dans notre rituel le blé est évoqué par le mot de passe "schibboleth".


A nouveau un végétal, en l'occurrence, la branche d'acacia ,va nous conduire au mythe fondateur:la légende d'hiram; psychodrame en plusieurs scènes.

1er acte : le complot des 3 mauvais compagnons qui voulaient usurper le mot de M° à Hiram en visite dans le Temple aboutit à la mort du M°.

2ème acte : les 3 félons transportent le corps d'Hiram dans un lieu éloigné, l'enterre et marque le lieu d'enfouissement par un rameau d'acacia; on peut supposer que cette branche n'a pas été plantée par hasard.

L'acacia est un arbre répandu dans cette région plutôt désertique ; il représente la mort car rien ne pousse aux alentours tellement les racines sont profondes

pour puiser de l'humidité;son bois est quasi-imputrescible; il a toujours été vénéré et fort ancré dans l'inconscient collectif ;très sacralisé il est fortement  associé à l'immortalité.

Les 3 compagnons meurtriers ne sont pas des incultes;ce sont des hommes de métier qui ont cheminé avec Hiram;ils connaissent l'excellence du M° et l'importance de son oeuvre;la violence meurtrière

·       actée remet ces compagnons devant une réalité dont ils ne peuvent se soustraire;ils ont tué le M° sans contre-partie;ils ont tué le M° qui a sacrifié sa vie par  rectitude;Hiram, ils l'ont haï vivant.  

·       mais ce cadavre les trouble, les accuse. Si le corps est retrouvé, il y aura des obsèques; ils auront plus de temps pour se cacher,,,la tombe doit être camouflée certes mais relativement, pour qu'on la localise dans un certain laps  de temps. 

Cette branche d'acacia représente à la fois l'endroit où gît le corps (mémoire du lieu)et elle est signe de reconnaissance ( là est le M\ )


Ce rameau  en bois pérenne contient la mémoire du M° : celui qui construit maîtrise le temps en maîtrisant la mémoire; en toute logique, ce rameau bien vert sur un monticule a permis aux M° de découvrir la tombe d'Hiram.


Arraché du tertre  cette branche est tenue par la main du récipiendaire;plantée par une main coupable, elle est maintenant dans la main d'un compagnon reconnu innocent;l'ordre triomphe sur le désordre.

Le récipiendaire a compris qu'il tient l' emblème de continuation et de  recommencement.

Ce rameau bien vivant, bien vert symbolise la fécondité, la force de vie que représente Hiram.

Ce bois est comme le fil à plomb;il va s'enraciner dans les profondeurs et regermer de la terre nouvelle du compagnon.


Immédiatement la terre est fouillée ,le cadavre est retrouvé ( la chair quitte les os est un cri de douleur )et, le nouveau mot de maître est trouvé. D'ailleurs; le V.M intervient aussitôt: »mes sœurs, mes frères, mettons un terme à notre douleur; l'acacia nous reste et sera pour nous une marque de reconnaissance ».


Celui qui tient ce rameau, avatar d'Hiram, meurt  à lui-même pour renaître en Hiram par filiation ; - enfanté par l'avatar d'hiram. Il ; la filiation en Hiram sera  la  3° naissance du compagnon.


Ce rameau est alors déposé au debhir sur le plateau; il n'a plus lieu d'être en main ; le compagnon a compris la transmutation de la mort en une autre vie;et, en écoutant l'allégorie du mythe Hiram ,l'acacia se gravera dans son cœur  comme la symbolique de ce que devra être sa propre fécondité ;ce rameau le ramène au plus profond de lui -même dans un temple intérieur.

Tout à reconstruire;cet acacia s'enracinera dans les profondeurs et regermera de la terre nouvelle, de cet hiram nouveau.


En levant la main droite sur la branche d'acacia il remplira son obligation et sera reconnu M\, il est  le nouvel hiram  aidé par le miroir de ses frères et sœurs  sans lesquels il ne pourrait être et avancer.

C'est une initiation dont le cheminement est sans fin.


A la fin de l'élévation ce nouveau M\ emportera ce rameau ,mémoire d'identification et de filiation.

« l'acacia m'est connu » restera une formulation accrochée à sa mémoire et à son engagement.


En maçonnerie, les plantes évoquées sont associées à la fertilité et aux cycles de vie;elles nous enseignent que vie et mort sont indissociables;elles ont construit un lien entre les hommes par delà le temps.

Le  végétal sert de trait d'union entre le règne minéral dont il dépend et le règne animal qui dépend de lui;les plantes ont un rapport avec les besoins de l'homme ; agriculture et architecture sont intimement liées et ont bouleversé le cours de l'évolution humaine; elles nous apprennent que l'effort de civilisation est le seul chemin de l'humanité.

Pour nous F\M\, c'est dans le cabinet de réflexion que germent les graines de l'avenir.


J'ai dit;

J\ C\


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