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Cheminement vers la Fraternité

Ce midi je vais aborder avec vous le thème de la Fraternité et en particulier mon cheminement vers cet idéal.
Ce travail comporte deux parties distinctes, la première partie est assez intimiste, la seconde rappelle des faits historiques et étymologiques sur la notion d’amour fraternelle vue depuis l’antiquité grec.

Un plan un peu surprenant j’en conviens.

Comme le dit Marc Aurèle dans les pensées pour moi-même « le sage se souvient que tous les êtres raisonnables sont parents et qu’aimer tous les hommes est conforme à la nature de l’homme ».
« Aime ton prochain comme toi-même » rappelle ce commandement de Jésus de Nazareth repris dans les Evangiles et lui même issu de l’ancien testament.
A la veille de sa passion Jésus à nouveau dit aux apôtres qui l’entouraient « aimez vous les uns les autres, comme je vous ai aimes ! »
Fort de ces références à la fois philosophique et religieuse, ce travail aurait dû n’être qu’une simple formalité.
Alors pourquoi ai-je mis un temps certain à vous le présenter ?

Permettez-moi de vous faire part de quelques considérations personnelles qui vous montrerons comment j’ai longtemps douté, quels ont été mes questionnements avant de parvenir à m’exprimer aujourd’hui devant vous.

Ce travail je vous l’avais promis, j’ai tarde, j’en connais les raisons, je n’étais pas prêt à le réaliser, mon esprit et mon cœur se refusaient à ce que ma main prenne la plume.

Autant plancher sur la symbolique de la Rose ou du nombre cinq furent des chantiers relativement faciles, autant la je me suis trouve dans une situation de blocage psychologique pour aborder ce sujet.

Je pense que cela était du d’une part, aux horreurs commises à travers le Monde et d’autre part, à des circonstances personnelles et professionnelles.

Comment vous parler de Fraternité, lorsque la torture, la haine, le fanatisme les crimes contre l’humanité, les conflits armes, sont étales quotidiennement dans les medias ?
Comment vous parler de Fraternité quand la loi du Talion ou la Charia sont appliquées en ce début de siècle ? Que le simple fait d’être homosexuel, de commettre un adultère permet de condamner un être humain à mort.
Comment vous parler de Fraternité lorsque des nations civilisées en arrivent à légitimer le recours à la torture, à l’élimination physique sans autre forme de procès ?
Comment vous parler de Fraternité face à ces milliers de noyés aujourd’hui en Méditerranée, hier en mer de Chine, face à tous ceux qui fuient la misère, l’intolérance, la répression dans leur pays ?
Comment vous parler de Fraternité face au discours de haine, de rejet que tiennent une partie de nos compatriotes ?
Comment vous parler de Fraternité face a ces naufrages de la vie qui mendient sur les trottoirs, qui crèvent de faim, à ces vieillards malades qui meurent dans la solitude de nos hôpitaux ?
Comment parler de Fraternité face à l’indifférence ou au mépris de beaucoup de nos concitoyens qui ferment les yeux, refusent un regard à ces exclus de la vie ?
Comment vous parler de Fraternité lorsque les seules valeurs de notre société deviennent le nombrilisme, le consumérisme, le matérialisme, quand l’appréciation individuelle du bonheur se fonde de plus en plus sur l’avoir et non l’être ?

Oui, comment vous parler de Fraternité, alors que le lien social se distant, que les communautarismes apparaissent dans notre société, que des ghettos se créent dans nos villes et dans nos campagnes ?

Face à cet état d’égoïsme généralise, face à cette cruauté de l’homme pour l’homme, je me suis recroqueville, mon regard étant devenu subitement sceptique, cynique, oui je devenais misanthrope, un comble pour un franc maçon !

Et pour reprendre une expression d’un film célèbre : le coté obscur de la Force semblait m’emporter, la lumière se faisait absente.

Pour qu’une planche de cette nature ne soit pas le fruit d’une simple compilation, une synthèse de recherches il faut qu’elle soit l’expression d’un ressenti, qu’elle vienne du cœur.

Je suis entre en maçonnerie avec des désirs profonds, mieux me connaître, participer à la construction d’un monde meilleur.
Pour cela je dois dégrossir, puis polir la pierre brute qui est en moi, mon tablier devant me protéger des éclats.
Avant d’être admis parmi vous, d’être un initie et de parler de Fraternité, le destin des plus démunis, des oublies de la vie, me préoccupait déjà.
Je n’ai pas découvert subitement après mon initiation qu’il existait une humanité en détresse autour de moi.
Cette appréhension des inégalités, des souffrances, des injustices m’a toujours interpelle, pour ne pas dire révolte.
Je pense que cette sensibilité est due en grande partie à l’éducation, l’on n’échappe jamais totalement à ses origines, à son milieu familial.

J’ai reçu une éducation à l’école Laïque où l’on enseignait encore la morale, les instituteurs, puis les professeurs avaient l’amour de leur métier, le gout de transmettre.

Mon père émigré Italien a eu à cœur de travailler pour élever sa famille et lui assurer un confort matériel, je dirai que son intégration dans la société Française a été une réussite ; à force de travail, de persévérance et d’acceptation des règles.

J’ai reçu un enseignement religieux et entendu les valeurs chrétiennes, elles se sont ancrées en moi, mais avec un recul sceptique et critique dès le plus jeune âge.

Pour résumer, une acceptation du message humaniste du Christ, mais un doute récurrent sur sa nature divine, sur les miracles, en d’autres temps j’aurais été qualifié d’hérétique et brulé vif.

Je suis le fruit de l’Ecole de la République teinté d’un humanisme Chrétien, j’ai eu la chance de vivre dans une France qui savait encore intégrer et qui avait foi en son avenir.

Ce vécu constitue l’humus, sur lequel a pu prendre racine et se développer les idéaux de notre ordre.

Aujourd’hui, j’estime que le travail accompli sur moi est plus avance, que mon être profond a retrouvé une forme d’optimisme, de sérénité, j’éprouve le besoin de vous dire à tous, mes frères et mes sœurs mon ressenti par rapport à cette valeur qui nous lie, la Fraternité.

La lumière est enfin revenue et a repris le dessus sur les ténèbres. Je ressens à nouveau la chaleur, bien que le monde autour de moi soit terriblement anxiogène.

Je me suis souvenu de mes devoirs de maçon, du serment que j’ai prêté à l’issue de mon initiation.

Je me suis rappelé de mes augmentations de salaires, je me suis souvenu que je disposais d’outils pour construire à l’intérieur et à l’extérieur du temple l’amour fraternel.

Liberté, Egalité, Fraternité telle est la devise de notre République et de notre Ordre.

Ces principes sont au nombre de trois, et cela n’est pas une coïncidence comme je le rappellerai avant de conclure.

Plus que jamais ces valeurs doivent s’ancrer au fond de notre conscience collective, elles doivent être inculquées aux hommes, elles ne sont pas innées mais résultent d’un long et patient apprentissage.

Ces idéaux sont issus de combats, de luttes contre l’obscurantisme, le fanatisme, et toutes les formes d’oppressions.

Quoi de plus facile pour réduire en esclavage un autre homme, que de lui refuser toute humanité, de ne pas le reconnaître comme son semblable, en faire un « untermensch », un métèque, un mécréant.

La Fraternité ne se réduit pas à mes yeux à une Fraternité entre maçons, issue de l’initiation commune, elle est pour moi une valeur universelle sinon comment expliquer la phrase qui clôture notre rituel et que prononce le second surveillant : « ils répandront les vérités qu’ils ont acquises, ils feront aimer notre Ordre par l’exemple de leurs qualités, ils prépareront, par une action incessante et féconde, l’avènement d’une humanité meilleure et plus éclairée ».

Oui, la Fraternité à l’échelle de la Terre est peut être une utopie mais elle mérite que je me batte, que nous nous battions ensemble, pour la faire avancer.

Notre communauté fraternelle n’a véritablement de sens qu’en portant cette Fraternité au-dehors sinon elle perd toute perspective universelle.

Cet idéal issu du siècle des lumières a été repris progressivement dans nos valeurs Républicaines.

La Fraternité apparaît dans le premier article de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sons doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de Fraternité ».

Certains pourront me rétorquer qu’il ne faut pas confondre la Fraternité initiatique et la solidarité humaine, je l’admets bien volontiers, mais je persiste à croire que les deux sont lies, que l’on ne peut être un bon maçon sans l’amour du genre humain.

Cette capacité à m’indigner, à me révolter, face à l’injustice qui est faite à tout être humain exploité ou martyrisé est ancrée en mon cœur et je souhaite plus que jamais qu’ensemble nous luttions pour l’avènement d’une société faite de tolérance et d’humanité.

Je vais me battre avec vous pour que cette Jérusalem n’existe pas seulement dans le ciel mais qu’elle soit présente sur terre, ici et maintenant.
Je vais me battre contre l’ignorance qui est la mère du terrorisme religieux.
Je vais lutter contre les inégalités monstrueuses qui poussent les plus démunis dans les bras des fanatiques religieux et dont les dogmes les poussent au terrorisme.

Tout comme les 4 à 5 millions de Français qui se sont rappelés en manifestant après ce drame du 11 janvier que la Liberté, l’Egalité et la Fraternité avait du sens, et que le creuset commun de ces valeurs était la laïcité.

Cette laïcité qu’il faut enseigner des le plus jeune âge et faire respecter sans concession aucune, les considérations confessionnelles devant rester du domaine prive, à l’instar de ce qui est rappelé à l’article 1 de notre Ordre.

Tout comme les libres penseurs se sont battus contre l’obscurantisme Catholique symbolisé par l’inquisition, la répression des hérésies, les massacres de la Saint Barthelemy, nous avons le devoir aujourd’hui de ne pas reculer devant le fanatisme des fondamentalistes musulmans.

Ne pas faire d’amalgame, mais ne pas faire preuve d’angélisme, ne pas céder d’un pouce sur les valeurs Républicaines.

Je ne veux pas d’un Munich, d’une capitulation sur nos idéaux. Je sais qu’il ne faut pas sombrer dans le syndrome identitaire pour combattre l’obscurantisme, que la frontière est vite franchie.

La récente élection d’un député dans le département du Doubs nous prouve que les idéaux Républicains peuvent être récupères par les adversaires de la liberté pour servir une cause que nous honnissons : le rejet de l’autre.

Ces principes sont récupères par un parti qui en détourne le sens originel en capitalisant sur les peurs, un parti fondamentalement xénophobe.

La Fraternité passe par le vivre ensemble, les communautarismes de tous ordres remettent en cause les principes de la révolution Française, n’oublions jamais que nous sommes au Grand Orient les loges de la République.

La Fraternité de cœur et non sanguine est un acte volontaire, elle nait de la prise de conscience que nous sommes tous liés, que nous appartenons au genre humain.

Quel que soit notre couleur de peau, un sang rouge coule dans nos veines, nous respirons la même atmosphère, buvons la même eau, nous sommes les fils de l’air, du soleil, de la terre.

En s’élevant dans l’espace et en observant celle-ci, nous pouvons prendre la mesure de notre interdépendance, et la petitesse de nos querelles face à l’immensité de l’univers.

Pour progresser dans la Fraternité, Il nous faut apprendre à vaincre nos préjugés, à écouter l’autre, à tolérer mais sans jamais transiger sur ces valeurs communes que nous avons partages avec le reste du monde.

Si nous transigeons sur les principes qui constituent à la fois la pierre angulaire de notre ordre et de la République alors nous perdrons notre souffle, notre âme.

Il nous faut apprendre à lutter contre la peur des différences, la crainte de l’autre, il nous faut apprendre à remettre en cause les comportements sociaux dictes par le conformisme, l’éducation, l’environnement familiale, tout cela dans le cadre du triptyque Républicain.

Mais comment cultiver cette tolérance qui nous amène progressivement à la Fraternité ?
Les réponses résident dans la méthode maçonnique dont nous nous imprégnons grâce à notre travail et au respect des règles.
Des notre entrée en apprentissage nous apprenons à écouter, le silence est la règle.
Ce silence nous oblige à l’introspection, à nous contenir, à observer.

Le rituel, nos travaux, contribuent à faire évoluer notre perception du monde, les idées se complètent, s’opposent, comme sur le pavé Mosaïque mais pourtant un lien unit ces dalles, maintient la cohésion, ce ciment c’est la Fraternité.

Je sais qu’après le travail de chacun de vous, au plateau mon regard intérieur s’est enrichi.

Il s’est modifie à double titre premièrement par l’apport des idées ou des expériences vécues, et deuxièmement sur le Frère ou la Sœur qui a travaillé.

Le processus de transformation intérieure, de transmutation alchimique s’est mis en œuvre à l’écoute des frères qui ont pris la parole. Chacun d’eux m’est apparu sous un jour différent, sa sensibilité, son vécu, ses émotions se sont intégrés à mon être.

Les catalyseurs de cette métamorphose ont été les regards des frères et sœurs sur les colonnes, c’est dans les regards, dans l’intensité émotionnelle de nos Chaînes d’union que le désir de Fraternité a pris corps en moi.

La Fraternité maçonnique est fille de l’harmonie. Elle se conjugue au féminin car comme Vénus, déesse et planète de l’amour, elle représente les actes de douceur symbolisée dans nos Loges par la chaîne d’union.

Une loge est un microcosme de la société civile. Tous les Frères ont des aspirations différentes au vécu de la fonction initiatique. Cette grande diversité est une richesse immense car elle permet une dialectique permanente par un dialogue serein et respectueux de nos différences.

Les accolades fraternelles, le contact de nos mains non gantées, participent à cette transmutation, ces rapprochements physiques permettent de saisir l’humanité de l’autre.

Le sentiment d’un partage intemporel, universel des nos idéaux je l’ai ressenti lors de certaines tenues, ce que l’on nomme je pense l’Egrégore.

Les voyages dans d’autres ateliers que nous réalisons contribuent à cette prise de conscience d’individualités qui se fondent pourtant dans un collectif qui nous transcende.

Le travail que chacun exécute avec son cœur et expose en toute humilité finit par avoir une interaction avec notre propre vie, nous prenons ainsi conscience de notre besoin de partage avec les autres, de se besoin de Fraternité.

Pas de Fraternité sans partage, la Fraternité n’est pas la Charité qui s’accommode des inégalités et qui est unidirectionnelle.

Oui, le maniement du maillet, du ciseau, sur la pierre brute ont permis une mise en forme. Cette pierre qui conserve pourtant son rayonnement propre peut désormais s’intégrer à une construction plus vaste.

La Fraternité est en quelque sorte le fruit d’une lente maturation qui s’est développée inexorablement en moi avec le temps au contact des membres de notre Atelier.

Aujourd’hui les mots que je prononce sont en accord avec mon être profond, je sais que je ne me mens pas.

Oui, j’ai retrouvé la foi et l’espérance en l’Homme, en son perfectionnement, à commencer par nous mêmes dont nous sommes à la fois le chantier et le maître d’œuvre.

L’amour fraternel n’est pas un sentiment inné loin de là, il est le fruit d’un travail sur soi progressif et long.
Il faut savoir mettre son égo de coté, laisser les métaux à l’extérieur, ouvrir son cœur, laisser l’énergie du collectif nous envahir.
Il faut savoir passer la truelle pour enlever les aspérités, pour lier les frères et sœurs de l’atelier.
Cette truelle est le symbole de l’amour fraternel qui nous unit, du mortier qui lie chaque pierre à l’édifice.

Je suis intimement convaincu que la Fraternité ne peut se découvrir simplement et uniquement dans le cadre d’un processus rationnel ou intellectuel, il faut y ajouter des émotions partagées.

La liberté, l’égalité sont des valeurs issues d’une vision rationnelle de l’organisation sociale, mais la Fraternité nécessite que soit mis en œuvre des processus d’empathie, de chaleur humaine.

J’ai été longtemps convaincu que la véritable fraternité ne pouvait naitre que des épreuves de la Vie, du partage des souffrances.

Le message d’amour universel et inconditionnel du Christ n’existerait pas sans l’acceptation de la crucifixion du don de sa vie pour le bien des hommes.

J’avoue que cette conception est assez pessimiste et à l’opposé de notre idéal, nous aspirons en effet à ce que la raison nous amènes à la découverte de l’amour fraternel et de la solidarité humaine.

Je tiens à souligner que nous ne détenons aucun monopole sur le sujet, l’essentiel de notre discours humaniste et des valeurs de fraternité provient de notre héritage Chrétien.

La Fraternité inscrite au fronton des établissements publics et la solidarité qui en découle, ne se limite pas au paiement de l’impôt sur le revenu.
Elle commence avec l’intérêt porte à chacun au travail, à notre famille, dans notre attitude dans la vie de tous les jours, dans nos prises de parole sur des sujets d’actualité.
Elle débute dans notre regard sur les autres, en nous efforçant d’envoyer de l’amour nous récolterons de l’amour.

Pour ceux qui s’investissent dans les associations, la Fraternité débute avec des gestes simples, tendre une tasse de café ou servir un repas chaud a un sans abri, et cela sans esprit de pitié, de compassion, ou avec le sentiment d’un quelconque esprit de devoir, ou d’acheter quelconque une place dans un hypothétique paradis.

Je souhaite à présent revenir sur l’appréhension de ce concept de Fraternité à travers le temps et la philosophie.
Que nous enseigne l’histoire religieuse, la mythologie gréco romaine que la Fraternité de sang est loin de donner une image idyllique :
Caïn tue son frère Abel par jalousie, Abraham échoue dans la relation avec Loth, entre Isaac et Ismaël le dialogue est impossible.
Souvenons nous aussi de l’épisode de Joseph et de ses frères ; ces derniers sont si jaloux de leur frère qu’ils cherchent à le tuer, il est livre aux Egyptiens. Il retrouve ses onze frères et leur pardonne.

Suite à une dispute qui éclate Remus franchit par dérision le sillon sacré que vient de tracer son frère Romulus qui le tue sous le coup de la colère.

Depuis que le monde est monde nous voyons des familles se déchirer pour un héritage, des frères et des sœurs qui se jalousent, se disputent, l’envie qui dévore et ronge les esprits.

Cette fraternité de sang est donc loin de tisser des sentiments idylliques dans les familles.

Mais que recouvre exactement le terme fraternel, qu’entend on nous lorsque nous parlons d’amour fraternel.

Il est possible de reprendre cette définition.

« La fraternité ou l’amitié fraternelle est, au sens populaire du terme, l'expression du lien affectif et moral qui unit une fratrie. « Fraternité » vient du latin « frater » qui désignait tout membre de l'espèce humaine. Pour spécifier un lien de descendance, il fallait accoler l'adjectif « germain » évoquant le « germen », la graine.

Par extension, cette notion désigne un lien de solidarité et d’amitié à d’autres niveaux : on peut parler de fraternité à l’échelon d'un groupe telle la fraternité au sein d'une association qui unit ceux qui luttent pour la même cause, la fraternité d’armes qui unit des combattants, ou encore les fraternités scoute, monacale, sportive… »

Ce lien moral qui comporte une dimension affective certaine, relève bien d’une notion d’Amour, mais de quelle notion d’Amour s’agit-il ? En langue française, s’il n’existe qu’un seul mot qui recouvre différentes notions, en grec ancien, il y en avait 10, nous allons nous attacher à trois d’entre eux :

L’Eros

Eros est le dieu de l’Amour et de la puissance créatrice dans la mythologie grecque.

Le personnage d'Eros est souvent utilise comme figure allégorique représentant le désir ou le plaisir sexuels, ou plus généralement la pulsion de vie, et souvent opposé à Thanatos, dieu de la mort.

Pour Socrate c’est tout ce que l’on aime passionnément, l’amour basé sur le désir. Eros, c’est se regarder l’un l’autre, c’est attendre quelque chose de celui ou celle que l’on aime. Pour Socrate, l’amour est désir et le désir est manque. Quand le désir est satisfait, le manque disparait et l’amour avec lui. Socrate déclare que l’amour vient de notre désir d’immortalité qui ne peut s’accomplir que de deux manières : la procréation et la création. Il propose une hiérarchisation de l’amour en six degrés de l’amour du corps à celui du beau. En aimant l’absolu, on n’est jamais déçu parce qu’on ne le possède jamais et le désir continue d’exister.

Philia

Philia est le mot grec pour exprimer l'amitié ou la camaraderie. Il désignait à l'origine l'hospitalité, autrement dit « proprement non une relation sentimentale mais l'appartenance à un groupe social ».

Dans l’Ethique a Nicomaque, Aristote appelle philia l'affection qui fait que nous aimons un être pour ce qu'il est et non pour ce qu'il peut nous apporter.
Philia, c’est aimer ensemble une même chose et s’aimer l’un l’autre pour cela.
A titre d’exemple les philosophes ont en commun l’amour de la sagesse.
« S’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble une même direction » a écrit Saint-Exupéry.
Dans philia réside l’idée qu’il faut désirer ce que l’on a, qu’il faut aimer l’autre pour ce qu’il est. C’est l’amour qui ne demande rien. Je me réjouis que tu existes, penser à toi me rend heureux.

Agapè

Agapè est le mot grec pour l'amour « divin » et « inconditionnel » L'Agapè, souvent comparée à la charité chrétienne est, pour Platon, la troisième forme que prend l'amour après l'amour physique « Eros » et l'amour de l'esprit de l'autre « Philia ». C'est un amour désintéresse, sans recherche d'un enrichissement personnel, c'est donc l'amour pour l'amour c'est-à-dire l'acte de charité principalement.

C’est l’amour de charité, lorsqu’on accepte de se diminuer pour que l’autre grandisse, d’exister moins pour que l’autre existe plus.

Pour synthétiser ces trois formes d’amour, j’utiliserai l’image suivante :

Dans un couple, la relation entre l’homme et la femme débute dans éros et se poursuit dans philia, dans l’amour apaise qui construit ; agapè, c’est l’image de la mère qui nourrit son enfant. Elle n’attend rien de lui, elle l’aime pour lui même, elle donne : son amour est agapè. Mais lui, l’enfant, qui aime sa mère parce que qu’elle le nourrit : lui est à éros a nouveau.

Au quel de ces trois concepts pouvons nous rattacher la Fraternité maçonnique ?

Je pense que nos relations en loge s’inscrivent dans le parcours décrit précédemment. Nous somme tour à tour éros, philia et parfois agapè. Notre parcours maçonnique débute par éros, par notre fort désir d’être initié. Ce désir commence par une longue attente, des entretiens, des enquêtes, le sentiment de demander à appartenir à une élite, le mystère qui entoure l’initiation. Notre ego est fortement sollicite, c’est l’amour qui désire : éros.

Ensuite vient philia quand nous contemplons avec plaisir nos frères, quand nos regards se tournent vers la lumière et que nous ressentons l’égrégore sous l’effet du rituel et d’une vibration collective partagée.

Nous sommes dans l’agapè quand nous ne prenons pas la parole pour la laisser à un frère moins prompt que nous à la demander, quand nous savons nous effacer pour laisser la place.

Ces différentes notions du sentiment Fraternel apparaissent assez théoriques et parfois éloignées de notre vécu.

Le quotidien de notre vie de maçon nous rappelle que nous nous affranchissons parfois de cette valeur, que nous ne savons pas toujours laisser nos métaux à la porte du temple et que notre égo prend parfois le dessus.
La Fraternité fut elle initiatique est parfois source d’amertume.
Je ne parlerai même pas des conflits de Chapelle entre la Franc Maçonnerie dite régulière et notre obédience adogmatique puisque à leurs yeux nous n’existons pas.
Nous aspirons à un tel idéal que nous tombons parfois de haut devant les remarques ou le manque d’attention des frères pour l’un des leur.
Nous ignorons pourquoi tel ou tel frère ne vient plus ou semble s’éloigner, parfois le seul souci semble être celui du non paiement des capitations.
Je sais que la Fraternité initiatique n’est pas à confondre avec l’amitié, nos frères de la loge nous ne les choisissons pas, nous apprenons à les connaître.
Le travail commun, les temps fort du rituel, l’étude des symboles, les agapes nous rapprochent deux fois par mois. Mais cela suffit il pour créer le lien ?
Je pense qu’il faut que le travail de la raison soit constant pour modérer nos pulsions, nos émotions, notre ego et vaincre nos déceptions, l’intelligence du cœur nous amène à la Fraternité.
Il nous faut prendre conscience que lorsque la tenue est ouverte nous devons atténuer nos individualités pour faire triompher le collectif, nous devons apprendre à effacer nos vanités.
Nous devons devenir une ruche, le miel que nous devons produire doit nous fortifier et être donne à l’humanité.

Le temple est un espace sacré, un creuset qui doit permettre de fondre les égaux de midi a minuit.

Notre fraternité se renforce par l’amour de la vérité, de la justice, il s’agit d’un amour créateur.

La Fraternité vécu dans nos ateliers, nous fait prendre conscience qu’il existe une forme d’amour différente de celle que l’on peut connaître dans le monde profane, l’affectif est gommé.

Dans notre amour fraternel, il n’y est pas question de sentimentalité, ni d’affectivité, nous sommes réunis pour parvenir à la Gnose « c’est à dire la connaissance morale la plus étendue, la plus généreuse aussi, qui porte l’homme à apprendre toujours d’avantage et qui est le principal facteur de progrès ».

Etre initie, c’est accepter de mourir à la vie profane pour renaître dans la Lumière.
C’est aussi comme l’a écrit Hermès, « la création d’une âme par elle-même ».
Cet acte de création est en définitive l’accès de l’informulé au formulé.
Dans l’espace sacre du Temple, le Vénérable Maître crée et constitue le récipiendaire franc-maçon.
Il le place en fait sur un chemin accepté et voulu par le postulant qui va ainsi prendre conscience à son rythme de la réalité et de sa spiritualisation.

Nous avons reçu la Lumière le jour de notre initiation, la quête du sens que nous partageons, qui est de l’ordre de l’intime et incommunicable, est le mystérieux secret, le ciment qui fait de nous des Frères en esprit.

L’appartenance de chacun de nous à l’Obédience résulte d’un élan, en ce qui me concerne je le qualifierai de spirituel et d’une adhésion aux idéaux de la Franc Maçonnerie.

Nous somme une alliance d’homme de toutes races qui se reconnaissent comme Frères et se doivent aide et assistance.

Nous sommes les fils de la Lumière, nous sommes les fils de la Veuve, nous sommes les descendants d’Adam et d’Eve, nous sommes les fils de la création ou du néant surgit l’univers.

Permettez-moi avant de conclure de situer géométriquement et symboliquement le principe de Fraternité.
La fraternité naît de l’amour des autres, mais elle est aussi étroitement liée aux concepts de liberté et d’égalité.
Ces trois mots forment un ternaire. Les deux premiers termes liberté et égalité sont en fait opposés et signifie que la liberté sans limite crée le désordre et l’égalité crée l’injustice.
Nous voyons qu’il est nécessaire de trouver un équilibre entre ces deux forces, lequel est réalisé grâce à la fraternité.
Cette relation duale trouve sa résolution naturelle dans un troisième terme qui n’exclut pas les deux premiers mais qui les associe en formant un ternaire.

La représentation symbolique du ternaire est souvent le triangle dont la surface est inscrite dans un cercle.

Ce cercle symbolise l’Unité.

La règle qui définit l’Harmonie primordiale du ternaire est une vieille connaissance de la géométrie.

En effet a partir de n’importe quel point à l’intérieur d’un triangle équilatéral, la somme de la longueur des perpendiculaires abaissée sur chacun des côtés est égale à la hauteur du triangle et quel que soit l’endroit ou est situé le point. Cette relation remarquable montre a quel point la représentation ternaire des trois concepts de liberté, d’égalité et de fraternité sous la forme d’un triangle équilatérale suppose de celui qui l’accepte une attitude humaniste, une capacité au renoncement et au sacrifice et enfin, une éducation civique.

Il est temps de conclure ce chantier.

En synthèse, la pratique de la Fraternité maçonnique est bien la conséquence d’un travail de maturation et d’introspection.

Ce travail sur soi commence dans le Temple doit pour avoir du sens se poursuivre à l’extérieur au milieu de nos frères en humanité par la pratique de la solidarité.

Fort de notre foi en l’homme, nous combattrons l’obscurantisme et œuvrerons pour l’avènement d’une société de justice et de liberté.

Dans son célèbre discours de 1738, Ramsay, proclame que le « monde entier n’est qu’une grande république dont chaque nation est une famille et chaque particulier un enfant » Nous contribuerons à faire régner la Paix sur Terre, ainsi que l’Amour règne parmi les Hommes.

J’ai dit.

A\ F\


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