GODF | Site : http://www.troispoints.info/ | 02/06/2008 |
Fraternité
et complaisance
Bien
des mythologies commencent par l’histoire de deux
frères : Caïn et Abel,
Romulus et Remus et ces histoires tournent souvent mal et aboutissent
au
fratricide. Elles nous montrent qu’il est bien difficile de
coexister et nous
rappellent que chacun de nous est un peu comme un
aîné
pour qui le monde
s’écroule le jour où il doit le
partager avec un
frère cadet. Prendre
conscience de l’autre, de sa légitimité
à
être lui aussi, c’est forcément
déchanter,
mourir même, symboliquement. Car c’est abandonner
la toute
puissance de notre
désir. Et oser appeler un homme son "frère",
c’est lui
signifier qu’on est prêt à accepter cet
abandon et à travailler avec lui, pour
que de cette acceptation vécue puisse naître un
élargissement de notre
conscience. Ce qui implique que le travail maçonnique sur
soi-même est
indissociable de la fraternité. Aussi,
dissocier la fraternité de la notion de travail,
réunir régulièrement des
frères en dehors du travail en loge, comme cela se passe
dans les fraternelles,
ou dans certaines associations maçonniques, ou dans certains
dîners en ville,
est très souvent porteur d’une lourde
ambiguïté et d’un risque réel
de
régression vers le clan. Les francs-maçons
doivent prendre garde à tout ce qui
peut les amener à se considérer comme une
puissance, à nouer des alliances avec
d’autres clans, d’autres puissances, qui
dégénèrent inéluctablement
en
confusion. Il
y a risque de régression au niveau du clan, lorsque trop
d’interrelations,
d’interconnexions, lie l’ordre
maçonnique à l’ordre politique. Chaque
maçon est
libre et a le devoir d’adhérer aux mouvements de
son choix. Mais si les
francs-maçons sont souvent avisés pour
écarter les idéologies et les
éléments
incompatibles avec leur engagement, ont-ils toujours bien
évalué le danger
d’une trop grande proximité avec des mouvements ou
des partis politiques qui
pourraient avoir, en apparence, un discours proche du leur ?
Car avec la
meilleure volonté du monde, lorsque la double appartenance
atteint une certaine
masse critique, lorsque les discours deviennent trop convergents, il
peut
arriver que l’on ne sache plus si l’on doit dire "Bonsoir
mes frères,"
ou "Salut camarades" et qu’il devienne
très difficile de
spécifier ce qui dans une relation est réellement
d’ordre maçonnique, c’est à
dire initiatique. Alors peut s’instaurer, à la
place de la fraternité
maçonnique, la complaisance de ceux qui cherchent moins
à se poser des
questions les uns aux autres, qu’à simplement
faire alliance avec les uns
contre les autres, en vue de défendre des idées
ou des intérêts communs. Parmi
les pouvoirs qui dirigent la société profane, il
n’y a pas que les partis
politiques et l’Etat. Il y a également
l’argent, qui est devenu une puissance à
part entière. Or il existe parfois, entre les relations
socioprofessionnelles
et économiques d’une part, et les relations que
doivent entretenir les frères
dans le temple d’autre part, une confusion telle que
l’on ne sait plus toujours
très bien si c’est la fraternité
vécue en loge qui rapproche les maçons pour
travailler ensemble dans le monde profane ou si c’est un
intérêt qui se cache
derrière ce qui ressemble parfois un semblant de
fraternité. S’habituer à faire
des affaires avec des frères et mettre en sommeil sa
vigilance, c’est s’exposer
tôt ou tard à tomber dans l’affairisme.
Cette situation, pour aussi rare
qu’elle soit, ne constitue pas une hypothèse
d’école et représente bien un
risque réel. Voilà,
mes frères, ce que j’ai, non pas sur le
cœur comme une rancune, mais dans le
cœur comme un élan de réelle
fraternité envers vous, en excluant toutefois tout
sentiment d’autosatisfaction collective. Car nous sommes tous
responsables des
aliénations de la fraternité
maçonnique. Tous ! Y compris ceux qui
considèrent à juste titre qu’ils
n’ont rien à se reprocher vis à vis des
liens
entre la politique et la maçonnerie, entre
l’argent et la maçonnerie ! Car même
lorsque nous ne sommes pas coupables, nous sommes responsables,
si nous pensons que, dans le Temple, notre relation se situe
au-delà des
limites du droit. Un
jeune prophète juif d’il y a bien longtemps a dit "Rendez
à César ce
qui est à César et rendez à Dieu, ce
qui est à Dieu" - si vous y
croyez, bien sur ... Voici une belle définition de la
laïcité. J’y ajouterai "Rendez
à l’argent ce qui est à
l’argent, c’est à dire ce qui
relève des contingences
économiques que chacun de nous doit assumer, au quotidien.
Mais pour mériter
d’être digne de pouvoir être
appelé mon frère en maçonnerie, rendez
à la
maçonnerie ce qui est à la maçonnerie,
et qui n’appartient ni à César, ni
à
Dieu, ni à l’argent. Et, exigez la même
chose de vos frères, sans
complaisance". par Eusthènes publié dans : Franc-maçonnerie communauté : Franc-maçonnerie |
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