Obédience : NC Loge : NC 14/03/2009


Réflexion sur Le Labyrinthe

La NEF, nom de notre Loge qui veut dire, soit le navire, soit le coeur des cathédrales, m’a particulièrement interpellé pour vous parler des labyrinthes !

La prime raison, c’est que souvent, dans le passé, des labyrinthes ont été représentés à l’intérieur de monuments religieux, à l’entrée ou au centre de la nef, en raison de leur signification profonde.

En effet, le labyrinthe, élément décoratif, signature des Compagnons tailleurs de pierres, était avant tout un substitut au pèlerinage en Terre Sainte, d’où son appellation de « Chemin de Jérusalem ». Les pèlerins qui ne pouvaient faire le pèlerinage originel parcouraient le labyrinthe pour atteindre son centre, représentant symboliquement le Saint-Sépulcre.

De même pour les alchimistes, le labyrinthe remplirait une fonction magique qui serait un des secrets attribués à Salomon.

Si quelque magie il y a, à en croire la résonance des chants ou des paroles prononcés au centre des labyrinthes dans les églises, il est normal que le clergé ait voulu prendre à son compte, pour ses ouailles, ce symbole à l’origine païen… Pourquoi par exemple a-t-il jugé bon de laisser la représentation de Thésée et du Minotaure au centre de certains de ces dédales ?

Durant les fêtes Pascales, les prêtres jouaient avec une balle autour de ces mêmes labyrinthes mais cette pratique a, de nos jours, effectivement disparu et cela depuis la fin du Moyen Âge. Le symbole de la balle ou pelote jaune était celui du « Sol Salutis », « Lumière du salut », représentant le Christ ressuscité, resurgi des Ténèbres de la mort, le Vendredi Saint… C’est donc par ce moyen, par ce jeu de balles, que le doyen de l’église donnait la grâce pascale aux fidèles.

L’entrée virtuelle de ces tracés symboliques était toujours positionnée face à l’Occident, endroit d’où venait le Mal, le Diable et, de ce fait, si ce dernier souhaitait accéder au coeur de la cathédrale, il ne pouvait s’y rendre, se perdant dans le dédale des circonvolutions de cet élément.

Il est peut-être utile de vous parler brièvement de l’étymologie du mot labyrinthe. Pour certains dictionnaires, ce mot vient du latin « labyrinthus », vaste édifice comprenant d’innombrables salles agencées de telle manière que l’issue se trouve très difficilement.

D’autres ouvrages parlent à la fois de : « labrus - labrum » qui est le fossé, le sillon que trace le « labor », cette hache à double tranchant, précurseur de la charrue et de « lapis » qui est la pierre, le rocher.

Dès lors, comment ne pas penser au labeur et trouver qu’il y a dans le labyrinthe une notion immédiate de difficultés de travail ?

De plus, l’étymologie de ce mot permet de comprendre pourquoi le labyrinthe a eu pour signification le « palais de la double hache », nom d’ailleurs donné par Hérodote au 5ème siècle avant notre ère à l’un des labyrinthes les plus renommés en Egypte.

Notons enfin, pour l’anecdote, que des dessins de labyrinthes étaient parfois représentés sur ces haches avec lesquelles le laboureur creusait des sillons dans la terre.

Vous parler de Dédale, du fil d’Ariane, d’Icare, de Minos, de Thésée et de Cnossos, noms rattachés aux labyrinthes depuis la plus haute Antiquité risquerait de n’être qu’une sorte de copié collé de Wikipédia, je vais donc m’en abstenir et ne pas vous faire cet affront… De plus, lorsque vous approfondirez cette réflexion sur le labyrinthe, peut-être dirigerez-vous vos pas vers d’autres sites que celui précédemment nommé…

Vous épargner la lecture d’un article du Web m’a semblé de bon ton mais il m’a paru intéressant et enrichissant de partager avec vous un questionnement plus profond : pourquoi un jour, un homme, des hommes, ont-ils tracé cet enchevêtrement de courbes et en ont fait un symbole rattaché à l’Initiation ?

De nombreuses représentations de labyrinthes ont été découvertes dans diverses contrées, souvent proches d’étendues d’eau et cela, à des milliers de kilomètres les unes des autres. La proximité de l’eau me paraissait normale, les premières civilisations s’étant toujours installées près de rivières, de lacs ou de bras de mers, mais ma question restait entière : pourquoi de telles représentations ?

J’ai soulevé trois hypothèses :

- La première est peut-être tout simplement la représentation des lignes qui se trouvent sur chacun de nos doigts, nos empreintes digitales, tout bêtement !

- La deuxième, c’est qu’en jetant un objet dans l’eau, en l’occurrence une lance lorsque l’on pêche, on accroche au bout de cette arme un animal, on prend la vie, et peut-être les circonvolutions créées par ce geste ont été la première des représentations de ce phénomène qui, par la suite, à donné le symbole du labyrinthe.

- La troisième est que nos ancêtres n’étaient assurément pas des tendres et devaient se battre pour survivre, soit contre des animaux, soit contre d’autres êtres humains. Lors de combats violents, souvent avec comme seul objet une hache de pierre, l’homme préhistorique, après avoir fracassé le crâne de ses ennemis, a dû mettre à nu le cerveau d’un de ses adversaires, homme ou animal, et a dû vouloir représenter par le dessin cet élément que renferme la boite crânienne avec ses différentes formes, ses courbes, son tracé sinueux.

En partant de cette hypothèse, on comprend peut-être alors pourquoi le labyrinthe est devenu ensuite le symbole de la quête de la connaissance, du savoir.

J’imagine cet homme rustre, suivant du bout de ses doigts les méandres d’un cerveau, se demandant d’où pouvait provenir ce qui donnait la vie à l’autre, ce qui le faisait fonctionner, ce qu’aujourd’hui, on nommera l’essence de la vie.

D’un acte banal, si tant est que fracasser le crâne de quelqu’un est chose banale, un symbole est né, le symbole de l’Initiation.

Il est étonnant, si mon hypothèse devait être juste, de constater le cheminement que peut prendre un simple dessin découlant d’un acte humain des plus violents, pour arriver à cette symbolique !

Et puisqu’il est question d’Initiation, comment ne pas associer le labyrinthe et notre Pavé mosaïque qui ont, à mon sens, de nombreux points de ressemblance ?

Si sur le Pavé, lors d’un déplacement tant physique que spirituel, nous devons faire le choix entre le blanc et le noir, il en est de même, d’une certaine façon, pour trouver notre chemin dans le dédale… Différence de taille : l’initié Franc-Maçon est déjà mort à sa vie profane avant de travailler sur le pavé alors que celle ou celui qui entre dans le labyrinthe n’aura sa résurrection spirituelle qu’après avoir parcouru le chemin, aller et retour.

Il est à noter que si les premiers labyrinthes avaient eu la forme de ceux représentés dans les cathédrales, le fil d’Ariane n’aurait à mon avis pas servi à grand-chose, en effet il n’y avait qu’un chemin possible…

Il est un labyrinthe, disparu depuis 1778, qui m’interpelle, c’est celui du château de Versailles, inspiré par Perrault d’après les fables du conteur Esope. Il était décoré de 333 statues d’animaux, en majorité des oiseaux. Ce labyrinthe était l’expression de la quête de la Sagesse, non pas spirituelle comme nous l’entendons, mais il savait, parait-il, donner des conseils sur la vie aux personnes qui le parcouraient.

Perrault a écrit nombre de contes et de légendes regroupés dans un recueil nommé « les Contes de ma mère l’Oye » et je me pose la question : Perrault aurait-il pu être un initié ?

A lire ses contes on retrouve nombre d’analogies aux mystères de l’Initiation et de symbolismes liés à la démarche initiatique.

D’ailleurs, est-ce un hasard de retrouver un labyrinthe dans un célèbre jeu ayant comme dénomination « le jeu de l’oie » ?

Le plateau de ce jeu, par sa forme, rappelle celui du labyrinthe et également celle de l’oreille ; il semblerait d’ailleurs que oie, oreille et entendre aient la même racine.

Ce jeu n’évoque-t-il pas l’apprentissage de la vie avec son chemin traversé par des épreuves plus ou moins heureuses ? Et paradoxalement, le Verbe, la Parole ne sont-ils pas perçus qu’à travers l’ouïe ?

Souvenons-nous que dans la mythologie égyptienne, Geb, Dieu de la terre aurait pondu l’oeuf d’où serait sortie la vie. Il est l’un des quatre éléments qui formèrent la terre et souvent, en hiéroglyphes, ce Dieu est représenté par une oie.

Ce mot Dieu est synonyme de Divin, Parfait, Absolu et Absolum était le nom du labyrinthe de Cnossos… Nous-mêmes, dans notre parcours de vie, tant profane qu’initiatique, trouverons-nous le chemin qui nous amènera à l’absolu ou aurons-nous besoin de magie ou autres subterfuges pour nous échapper du dédale de la vie et toucher le vrai secret ?

J’ai, tout au long de cette planche (ou de ce morceau d’architecture), suivi les méandres de mes idées et espère malgré tout ne pas vous avoir perdu dans le labyrinthe de mes réflexions… Si tel était le cas, j’espère que vous aurez tout de même une petite pensée pour moi lorsque vous verrez sur un bâtiment une plaque sur laquelle est inscrit « Monument de France ». En effet, le petit dessin qui précède cette inscription n’est ni plus ni moins que la représentation du labyrinthe qui décorait le pavé de la nef de la cathédrale de Reims et qui fut également détruit comme celui de Versailles en 1778.

A l’origine, figuraient des dessins aux quatre coins de ce labyrinthe, représentant quatre personnages, l’un tenant une équerre, le deuxième une corde à noeuds, le troisième un compas et le quatrième l’index levé. Au centre se trouvait un personnage représentant le commanditaire
de l’oeuvre et à l’entrée deux personnages non identifiés.

Quelle analogie me direz-vous, quelle similitude, quelle ressemblance étrange avec un Ordre, un lieu, des gestes, des personnes ou des outils qui nous sont connus et familiers !

Au terme de cette réflexion, je vous livre ces ultimes questions :

Me suis-je perdu dans le labyrinthe de mes pensées ou suis-je sur la bonne voie ?

Suis-je physiquement ce labyrinthe essayant de me connaître au plus profond de moi-même et espérant un jour trouver la lumière ou dois-je parcourir péniblement les dédales du labyrinthe de la vie tâchant de suivre le bon chemin pour arriver vers cette même illumination ?

Deux voies, une seule finalité, telle sera ma conclusion.

J’ai dit.


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