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Le Labyrinthe


Le Larousse nous dit que Labyrinthe vient du latin « labyrinthus » et le définit comme un vaste édifice comprenant d’innombrables salles agencées de telle manière que l’on n’en trouve que difficilement la sortie.

Il désigne un espace délimité, aménagé ou naturel, à l’intérieur duquel des voies conduisent ou égarent le voyageur.

Dans toutes les civilisations, le labyrinthe est d’abord un symbole, puis le support d’un mythe, enfin, un mode de communication. Il est donc quelques chose comme un mode d’expression, un langage d’avant l’écriture.

Le premier labyrinthe connu fut construit en Egypte entre 1833 et 1797 av JC à Hawara dans la région du Fayoum. Long de 300 pas, large de 240 ce bâtiment était non seulement un palais gigantesque divisé en 12 parties mais aussi un édifice cultuel puisqu’il était en relation avec la pyramide de Hawara et le tombeau, demeure d’éternité du Pharaon. Ce labyrinthe aurait servi de modèle au fameux labyrinthe crétois de Cnossos que Dédale inventa pour abriter et cacher le Minotaure mis au monde par la Reine Pasiphaé.

Lorsque le nomade laisse la place au sédentaire le labyrinthe s’installe dans les lieux du sacré et y symbolise le sacré. En Egypte, il représente le chemin emprunté par l’âme. Ailleurs, sur le pourtour méditerranéen il sert de guide à des danses rituelles. Dans toutes les cultures plus tardives de Chine ou d’Amérique, il raconte le voyage intérieur d’un homme en quête de vérité.

Au Moyen Age le labyrinthe est présent dans tous les lieux de culte. Il figure parmi tous les symboles gravés dans la pierre des châteaux, dans les signatures de maçons.Les labyrinthes s’installent également sur le sol de toutes les cathédrales et abbayes de la Chrétienté : Amiens, Chartres, Reims, St Quentin.

Dans le pavement de la cathédrale de Reims ont été sertis en 1290 une équerre et un compas, les instruments étaient maniés par un des architectes qui avait calculé les plans du sanctuaire. Ils se trouvent à un des angles opposés du grand labyrinthe octogonal noir et blanc de la nef. Ce labyrinthe avait un rôle à jouer lors du sacre sorte de parcours initiatique où chaque geste avait sa raison d’être
L’impétrant pénétrait par le grand portail et s’avançait droit vers un trône en traversant le labyrinthe, sans en suivre les détours, marchant vers l’Orient entre l’équerre et le compas par l’invariable milieu. Ce rite avait pour but d’éviter au roi de s’égarer dans les méandres de l’existence. Il fut pratiqué jusqu’au milieu du 18 e s et c’est lors du sacre de Louis XVI que, pour la première fois, un Roi de France s’avançait à coté du labyrinthe sans passer par son milieu.

Au 19e s le labyrinthe devient passe temps, distraction du peuple. Il devient également jeu sur papier avec le jeu de l’oie connu comme un jeu de dédale

En alchimie, quelle que soit leur forme les labyrinthes sont des symboles du Grand œuvre chargés d’exprimer les deux grandes difficultés que  comporte l’ouvrage : accéder à la chambre intérieure, et avoir la possibilité d’en sortir et refaire, en sens inverse, mais avec prudence, lenteur, persévérance le parcours effectué au début de son labeur.
Que les labyrinthes figurent dans les manuscrits alchimiques ou sur le pavement des cathédrales, ils enseignent que la difficulté consiste à rencontrer le Maître d’œuvre, le seul être toujours situé dans le juste milieu

Pendant des millénaires, la connaissance de l’homme par lui-même passa par le labyrinthe. Celui-ci était la condition de la normalité : celui qui ne le connaissait pas était étranger à son groupe, non initié, exclu.

On peut distinguer successivement quatre significations du labyrinthe :
- dans les toutes premières civilisations, nomades ou sédentaires, où la mort est un voyage, le labyrinthe raconte d’abord l’histoire du passage vers l’au-delà, du rituel funèbre.
- il prend une deuxième signification par la traversée d’une épreuve par un individu ou une collectivité
- un troisième sens s’instaure : toute épreuve, tout sacrifice, toute victoire sur un monstre, toute conquête d’un trésor constituent une initiation
- le quatrième sens, dérivé du premier, est celui de la résurrection. Entrer dans un labyrinthe, prendre le risque de mourir, traverser une épreuve, être initié, tout cela transforme celui qui s’y hasarde

Le labyrinthe est l’image du destin où en définitive chaque individu accomplit seul le trajet jusqu’à la chambre du milieu et quand il y est parvenu doit s’inquiéter du moyen d’en sortir.
Chacun de nous possède son labyrinthe intime de gouffres, de terreurs et de désirs qui nous attire et nous désoriente. Chaque fois que nous songeons à la vie à la mort, à l’instant et à l’éternel, au visible et à l’invisible, nous rentrons dans des labyrinthes spirituels où chaque idée renvoie à son contraire.
Le labyrinthe est l’emblème de notre existence terrestre.

Il a une double raison d’être en ce sens qu’il permet ou interdit, suivant les cas, l’accès à un certain lieu où tous ne doivent pas pénétrer indistinctement ; ceux qui sont « qualifiés » pourront seuls le parcourir jusqu’au bout, tandis que les autres seront empêchés d’y pénétrer ou s’égareront en chemin

Ceci m’amène à traiter le labyrinthe dans le sens du chemin parcouru de notre naissance à la maîtrise en passant par l’initiation car, image du Cosmos, figure du grand œuvre alchimique, incarnation du pèlerinage vers l’Orient, le labyrinthe paraît indissociable de la démarche initiatique.

Gravir les différents degrés de l’existence et ses multiples états d’être passe par une initiation longue et difficile que symbolise précisément le labyrinthe.

Quand nous avons frappé à la porte du Temple, tout en ayant quelques informations sur l’ordre maçonnique, nous nous sommes présentés un peu comme devant un dédale dont on connaît si peu de choses.

Entre le départ et l’arrivée, entre l’initiation et la maîtrise nous avons trouvé des solitudes, des épreuves . Nous nous sommes transformées en pèlerin et l’errance est devenue une traversée du monde orientée de soi vers l’autre, traversée de miroirs, qui menée à bien ouvre au voyageur l’accès de toutes les portes basses.
 
Le labyrinthe représente le parcours initiatique du passage des ténèbres à la lumière, des eaux inférieures aux eaux supérieures. Il est constitué de morts successives et de re-naissances. Il démontre en effet que la création est un éternel processus de métamorphoses au cœur duquel naissance et mort s’engendrent mutuellement sans fin et s’entrecroisent sans cesse.

Le labyrinthe conduit aussi à l’intérieur de soi même, vers une sorte de sanctuaire intérieur et caché, dans lequel siège le plus mystérieux de la personne humaine, aux profondeurs de l’inconscient, ne pouvant être atteint par la conscience qu’à la suite de longs détours ou d’intense concentration.

A partir de la connaissance de soi et de l’homme la FM doit parvenir à la maîtrise d’elle-même, à la maîtrise de son action, à la maîtrise de son destin personnel et si possible à une participation à la maîtrise du devenir de l’humanité.

Dans un labyrinthe, les premiers pas se dirigent vers le centre, ce qui permet de visualiser le but à atteindre. Mais très tôt il faut se rendre compte que le chemin ne sera pas direct. Ce chemin est trompeur, il paraît court alors qu’il nécessite en fait un long parcours.

Pour nous FM, comme pour Thésée dans le combat se déroulant au centre du labyrinthe, il ne s’agit pas de tuer un monstre, mais de percer le secret de l’art royal, d’acquérir la puissance de création du maître. Le minotaure symbolise à la fois la puissance créatrice qui permet de construire le temple et le sacrifice entendu dans un sens traditionnel, à savoir Faire le sacré.

Dédale, dont le nom signifie bien construire, est l’incarnation du Maître d’oeuvre. Il détient la connaissance du feu et des secrets des bâtisseurs. Son histoire illustre le devoir qui incombe au maître  de construire sans cesse . Dépositaire de l’art royal, la MM connaît les arcanes de l’œuvre qu’elle se doit d’élever à la gloire du grand Architecte de l’univers pour transmettre sans trahir.

Pa ailleurs, un nombre considérable de mythes parle d’une liane, d’une corde, d’un fil d’araignée qui relie la terre au ciel

Le chemin que nous parcourons est à l’image du fil d Ariane qui relie entre eux tous les états de l’existence, et ces derniers au Centre à l’origine de leur manifestation. Le fil d’Ariane est comparable à un fil de lumière qui relie les initiés passés, présents et à venir vers un même destin, celui de faire perdurer le chemin de la connaissance tout en évitant de s’égarer dans les méandres de l’âme humaine. Ce fil d’or est donné par la tradition et la transmission rituelle. Il relie aux ancêtres qui ont ouvert le chemin. Il est la voie léguée et à transmettre.

Le labyrinthe, loin de l’enseignement dogmatique laisse à chacun la possibilité d’exercer sa liberté et nul ne peut dire aujourd’hui quel chemin il aura à emprunter dans les années à venir .
Le labyrinthe peut comporter des impasses, réelles ou apparentes, des obligations de retour sur ses pas. Il faut y voir l’occasion inespérée d’approfondir, de réviser sa pensée. Les méandres du labyrinthe peuvent en effet présenter des lieux de réflexion nécessitant un arrêt, un temps de repos méditatif.

Il n’est pas un piège conçu pour s’égarer, il est là pour diriger les pas vers ce qui est juste. Il ne représente pas de fausses pistes, il est l’itinéraire de la rectification permanente.

Devant l’entrée du labyrinthe, le profane, l’ignorant ne voit qu’un tunnel semé de pièges, sans échappée. S’il entre, s’il accepter d’être désorienté, de vivre hors de l’espace et du temps, d’avoir le vertige, de ne connaître d’avance ni la durée ni le chemin, d’admettre, alors qu’on croit atteindre le but, qu’on est peut être en train de s’en éloigner, il découvrira que  la peur fortifie, que l’erreur grandit. Initié, il pourra même y retourner, recommencer son parcours pour aller encore plus loin et même apprendre aux autres à traverser.
Se perdre n’est jamais un échec. C’est une occasion de prendre du recul, d’aller là ou l’on n’est pas attendu, de se trouver. Il ne faut pas craindre l’errance, la solitude, dominer la peur de l’inconnu, accepter d’avancer à l’aveugle. Mais il faut faire preuve de curiosité : elle permet d’apprendre dans l’égarement, de découvrir dans l’inconnu, de rencontrer dans l’ignorance.

Le labyrinthe contient en lui-même le début et la fin, donc la signification toute entière de notre quête. Pour nous cette quête n’est plus une errance car elle a pris tout son sens, déambulation d’occident en Orient, d’apprentie à compagnonne, à la recherche du centre, de la chambre du milieu.

La MM est en route et la mort ne l’effraie plus, les préjugés ne l’arrêtent plus sur son chemin vers la Vérité. Comme Hiram, en voyageur du labyrinthe elle meurt symboliquement, elle va rejoindre le royaume des morts pour en revenir initiée. Elle est aujourd’hui la nouvelle M dans laquelle Hiram revit, mais sera demain à la place d’Hiram sous l’acacia. Ce jour là une autre jeune maîtresse prendra la relève.

Mais toute entrée dans le labyrinthe implique également une sortie. Cette notion de retour vers la sortie dépend de notre rapport avec la mort. Dans la tradition égyptienne antique, seul compte le parcours jusqu’au centre. Le voyage de retour n’est pas évoqué. Dans la tradition grecque, en revanche, l’accent est mis sur la capacité à en ressortir vivant.
Dans le labyrinthe moyenâgeux, c’est au centre que l’homme effectue son retournement à la fois physique et spirituel. Là il prend conscience du chemin parcouru et revient sur ses pas dans le monde profane enrichi de son expérience du sacré, prêt à accomplir un nouveau cycle.
En ce qui nous concerne, il convient d’être conscient que revenir dans le monde pour témoigner et transmettre est essentiel. C’est le sens même de la Tradition et de notre rôle .

Mais que ressent-on à la sortie d’un labyrinthe : une délivrance, une impression de plénitude ou au contraire un sentiment de perte, un manque un vertige ? La réponse restera tout à fait personnelle.
Quoi qu’il en soit, traverser ne serait-ce qu’une fois un labyrinthe, transforme la conscience pour toujours. Après s’être perdu, on a ouvert toutes les portes de soi même, on s’est exploré. On n’a peut être pas trouvé sa vérité, mais un chemin vers une question plus difficile.

La vraie maîtrise ne s’acquiert qu’au prix d’efforts soutenus dirigés contre toutes nos faiblesses intellectuelles et morales.

A la sortie de tout labyrinthe, l’homme ne trouvera jamais que d’autres labyrinthes. En passant de l’un à l’autre, certains croiront y rencontrer Dieu, d’autres la vérité, d’autres enfin un fragile chemin vers la Sagesse.

Pour conclure j’insisterai sur le fait que tout n’est pas acquis avec l’initiation ou un passage de grade. La vie continue et la Maîtresse a le devoir de travailler à son perfectionnement jusqu’à la fin de sa vie. Si elle ne le fait pas, elle retourne inévitablement au profane. Mais vivre le labyrinthe en conscience n’est ce pas également mourir. Mourir à soi même, mourir aux faux chemins, à l’apparence des êtres et des choses.

M\C\ S\V\

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