GODF Loge : Les Ecossais Roannais - Orient de Roanne
Date : NC


Le Labyrinthe


Les mythologies foisonnent de symboles, et parmi eux, les plus importants, ce sont ces récit fabuleux mettant en scène des actions qui évoquent symboliquement des aspects de la condition humaine. Ces récits, souvent d’origine populaire ou d’inspiration religieuse, tendant à expliquer l’origine de l’univers ou les grandes forces qui dirigent le monde. La fonction des mythes est ainsi de proposer des explications levant métaphoriquement de l’incertitude concernant les problèmes humains fondamentaux, liés à la vie et à la mort donc philosophiques.

Le croyant leur attribue, évidemment, une origine divine, et les considère comme issues d’une révélation. Le septique affirme qu’elles ont été inventées de toutes pièces. Le chercheur ou le Franc-Maçon remarque que les symboles et les concepts religieux ont été pendant des siècles l’objet d’une élaboration minutieuse et très consciente. Il est également vrai, comme l’entend le croyant, que leurs origines nous font remonter si loin dans les mystères du passé qu’elles semblent n’avoir pas de racines humaines.

Il n’est pas original de penser que tout mythe, tout récit symbolique s’appuie sur une certaine réalité, même si elle n’est pas nécessairement historique. Le mythe est vrai en tant que référence à la réalité d’une époque, à des vécus humains, à des processus et des formes qui se manifestent revêtus de symboles et se mettent à cheminer au fil du temps, pour arriver jusqu’à nous. Le travail qui nous incombe est de dénouer l’écheveau, de retrouver le sens occulte et mystérieux des choses, mais aussi et surtout son sens profond.
Le mythe du labyrinthe est fort ancien et commun à la plupart des civilisations antiques. Le plus connu, nous est parvenu à travers la mythologie grecque au travers d’un récit si naïf, si accessible et presque infantile. Mais sous cette  puérilité  se cache une complexité symbolique que nous allons essayer de décrypter ensemble.

Tout d’abord, en guise de piqûre de rappel, et sous forme d’un résumé de B.D. restituons  la chronologie de l’histoire.
Il était une fois, il y a bien longtemps, Pasiphaé, la femme du roi Minos de Crète enfanta un monstre, mi-homme, mi-taureau, résultat d’amour zoophile. ( Vous avez remarqué : C’est une B.D. pour public averti ) Le roi ne voulant ni tuer le monstre ni le montrer à son peuple  demanda à Dédale le plus talentueux des architectes de son temps de construire une prison où le Minotaure (son nom de baptême est Astoria) pourrait être libre en étant enfermé. Le célèbre artiste construisit donc, une forme de palais-prison à ciel ouvert,  avec des murs très hauts, infranchissables, et une multitude de couloirs, fait de méandres de chicanes et d’impasses. Réussite parfaite puisque personne (ou presque) n’en put s’échapper. Fin du 1er chapitre
2ème chapitre : pour nourrir et distraire le monstre le roi Minos exigea, tous les neuf ans, du roi Egée, le roi d’Athènes, la fourniture de 7 vierges et 7 éphèbes, et ceci continua jusqu’à ce que  Thésée, le fils du roi Egée, décida que cela ne pouvait durer.  Il partit, donc en Crète pour tuer le minotaure. Armé de son glaive, au propre comme au figuré, il séduit Ariane, la fille du roi Minos, qui lui confia un secret tout simple pour ressortir du piège : dérouler un fil.
3ème chapitre : Thésée réussit l’exploit, ressortit, vivant du labyrinthe, et regagna, avec Ariane le royaume d’Athènes. Accueilli en héros  avec force coupes d’hydromel et sous les acclamations des hellènes.
4ème chapitre : le roi Minos s’aperçut que Dédale l’avait trahi, puisque celui-ci instruisit Ariane en lui indiquant de quelle façon son amant, le jeune Thésée, pourrait ressortir du piége et en la conseillant pour la fabrication du fil de la délivrance.  Minos enferma donc son architecte, avec son fils Icare, dans le labyrinthe
5ème  et dernier chapitre : Dédale, le fabuleux inventeur, genre « prix Nobel» de l’époque inventa deux paires d’ailes pour lui et Icare avec des plumes et de la cire d’abeilles pour s’envoler par-dessus les murs

Il y a, bien sûr, beaucoup d’autres versions de ces événements mythologiques.

D’une façon primaire que pouvons-nous en déduire ?
- 1 / que le labyrinthe est une prison : c’est incontestable
- 2 /que l’on peut s’en évader, mais pour cela il faut une imagination débordante et une science du bricolage à toute épreuve
- 3 / qu’il est simple d’y pénétrer librement, mais que seule l’Amour peut nous aider à en sortir.
- 4 / les 4 acteurs principaux, Minotaure, Dédale, Thésée, Ariane, plus le décor : le labyrinthe, semblent  tous avoir un rôle autre que celui de la pure représentation.
Reste donc à ordonner les éléments de ce complexe mythique dont le foisonnement semble rebelle, au premier abord, à toute explication logique.

Je me propose donc, de centrer uniquement mon intervention sur le décor. Les acteurs du drame pouvant faire l’objet d’une autre planche.
Essayons donc de  tenter de définir, d’un point strictement formel l’écriture secrète que constitue le labyrinthe, dont le tracé, par un degré plus ou moins grand de complexité, répond toujours à une intention d’initiation, sur un registre dont la sacralité ne semble jamais totalement absente.

Notre frère Daniel Béresniak nous dit «   voyager dans le labyrinthe, c’est  vivre l’histoire, éprouver l’insoumission du vivant : plus on tente de l’enfermer, plus il s’échappe pour vivre encore. Vivre c’est créer. « Fin de citation.

Le labyrinthe est insaisissable. Son aura fascinante repose sur le  flou symbolique qui l’entoure. Figure originelle, géométrique, sacrée ou magique. Chacun y trouve son bonheur ou son malheur et chaque culte ou civilisation le manipulent comme une incarnation de leurs conceptions du monde, de la vie ou de la mort.

Mais de quoi le labyrinthe nous détourne-t-il à travers ces méandres, ces couloirs et ces impasses qui dérobent aux regards du profane non seulement les dangers qui menacent les aventuriers que nous sommes, mais l’enjeu même de son cheminement. Que recèle le labyrinthe ? Est-ce le trésor interdit ou le monstre ni homme ni bête ? Est-ce au contraire le Graal, la pierre philosophale ou tout simplement la sérénité.

Sur le plan matériel, il n’y a pas à chercher beaucoup : tout ce monde qui nous entoure, tout ce en quoi nous sommes immergés, où nous vivons et nous développons, constitue un labyrinthe. En sommes-nous conscient ? Oui, bien sûr, d’où cette angoisse, cette peur ou ce désarroi de l’homme d’aujourd’hui. Nous avons peur parce que nous ne savons pas, peur parce que nous ne connaissons pas les choses et dans cette méconnaissance, nous nous sentons insécurisés. Cette angoisse qui se manifeste bien souvent par le fait de ne savoir que choisir, que faire, vers où se diriger, et de laisser courir les années de sa vie dans une médiocrité constante, épuisante et finalement infiniment triste.

Le désarroi est l’autre maladie qui nous afflige psychologiquement dans le labyrinthe actuel. Désarroi car il est, évidemment, très difficile de pouvoir dire de nous-mêmes qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons. Ces trois interrogations si simples, si naïves, qui semblent bonnes pour les enfants de 6ème, ce sont elles pourtant qui créent notre désarroi fondamental. Pourquoi travaillons-nous ou pourquoi étudions-nous ? Pourquoi vivons-nous et qu’est-ce que le bonheur ? Que poursuivons-nous et qu’est-ce que la tristesse ? Psychologiquement, nous restons plongés dans un labyrinthe et le seul monstre que nous pourrions rencontrer c’est peut-être l’image de nous mêmes

Pour le Maçon, pour celui qui a reçu la lumière au moment de son initiation, pour celui qui s’obstine à ne pas vouloir subir une vie que d’autres ont choisi pour lui, à sa place, pour celui-là, chaque jour passé en ce monde exige de lui qu’il se détermine, qu’il choisisse chaque étape de sa destinée, qu’il en choisisse les petites comme les grandes. De la couleur du vêtement ou de sa coupe de cheveux de ce jour comme de la remise en cause de ses certitudes les plus intimes et des actes qui en découleront obligatoirement.

Chaque jour impose à l’homme debout, à l’homme épris de justice et de liberté, l’épreuve du labyrinthe. L’épreuve par laquelle il réussit ou non à mettre en adéquation ses pensées et ses actes.
Accepter l’épreuve du labyrinthe, c’est accepter le danger de vivre, le danger de sa citoyenneté, le danger de s’émanciper, le danger d’être libre.
Refuser l’épreuve du labyrinthe, c’est se condamner à la stagnation, à la putréfaction, à l’errance dans les méandres de la misère morale. C’est se condamner à ce que certains nomment l’enfer.

Parce qu’il est, à mon sens, et en premier lieu, la représentation d’une philosophie humaine. Il impose l’obligation de découvrir la voie d’une secrète issue. L’homme désire toujours sortir, ne serait-ce que de sa condition, pour découvrir la vision d’un autre monde. Celui que projette l’esprit du chercheur, du quêteur de connaissances qui gît au plus profond de chacun d’entre nous.

A travers la pluralité et la complexité des cheminements comment éviter les impasses et les méandres, comment faire un choix ? Faut-il tout expérimenter ? Le premier labyrinthe que tout homme réfléchi rencontre est évidemment sa pensée. Elle fourmille d’idées, d’images, mais le lien susceptible de les unir est parfois bien difficile à saisir.

C’est peut-être là qu’intervient la nécessité de découvrir un fil ou le fil, qu’il soit d’Ariane ou de tout autre guide. Lui seul permet en effet de se retrouver dans l’enchevêtrement des voies qui se présentent et d’échapper au piège que nous dressons parfois nous-mêmes. Le problème est de créer le fil, son fil, celui du raisonnement intuitif et personnel.

Le labyrinthe est lié, bien sûr, aussi, à la notion de mystère, de messages cachés, qu’il nous faut découvrir au prix de nombreuses errances d’erreurs parfois et d’expériences plus ou moins positives. Il éveille la curiosité qu’elle que soit la difficulté du parcours présentée par les multiples arcannes. Mais n’est-ce pas la somme de cette progression qui va aider à dérouler le fil ?

Le labyrinthe demeure toujours un espace à parcourir. Il invite à regarder la réalité en face, telle qu’elle est, reconnaître sa complexité et la maîtriser, c’est à dire la comprendre, la lire et la visiter. C’est ainsi que le labyrinthe devient une métaphore universelle à mesure qu’elle se détache de la pensée mythique.

L’enseignement, résultant de cela, est que si l’on croit à l’indispensable présence d’un guide, et ce peut-être le père, l’instit, le prof. ou n’importe quel formateur chez qui l’on aura reconnu ce petit quelque chose d’indéfinissable qui vous porte à l’écouter, à le suivre parce qu’il sera vous distiller sa pensée en respectant votre liberté. Et il convient, à mon sens, d’être, bien sûr, très attentif sur ce point. Sachant que le véritable maître prépare aux épreuves, mais ne les annonce pas et ne les commente pas.

Mais est-il raisonnable, si surprenant que l’idée puisse paraître, d’en accepter un autre que celui que l’on aurait su se créer soi-même ?
D’où l’idée toute simple, que la raison d’être du labyrinthe est de conduire à une possible élévation de l’esprit, et à une possible modification spirituelle de la personne, n’est-ce pas ce que propose le mythe de Dédale ? Alors que le mythe de Thésée (le Rambo de service) n'a pas modifié la voie indiquée par le fil, certes, il a tué le monstre mais est ressorti par la même porte sans en modifier, d’un iota le parcours initial. Il n’a fait qu’une expérience suivie d’un retour en arrière.

Bien sûr le labyrinthe peut également exprimer l’expérimentation, le labyrinthe étant le laboratoire. Il ne peut donc, alors y avoir aucun retour en arrière puisque chaque avancée devrait détruire automatiquement la précédente. Ce symbole pousse l’impétrant à avancer de nouveau, à parcourir la voie et donc à se mettre en mouvement permanent, car on ne peut rester statique, ce serait évidemment l’antinomie de  notre engagement maçonnique. C’est pour cela que vivre le labyrinthe en conscience c’est accepter la renonciation aux faux chemins et à l’apparence des être et des choses. Mais c’est aussi d’accepter de tuer le monstre qui dort au plus profond de chacun d’entre nous, pour enfin imaginer une souveraine liberté .

Il va de soi que le symbole du labyrinthe, comme tout symbole est avant tout un prétexte pour suggérer et  proposer d’autres ouvertures sur d’autres modes de pensée, qu’une simple étude ne peut en aucun cas révéler pleinement. Il y a, vous l’avez compris, une richesse sur le chemin de la Conscience de chacun d’entre nous, c’est pourquoi chaque symbole peut être vu comme un labyrinthe. Comme chacun de nous est, lui même, aussi, un labyrinthe.

J’ai dit

J\ B\

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