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Le passage des eaux

L’eau est un des quatre éléments symboliques. Elle fait référence à trois notions : elle est à la fois source de vie, purification, régénérescence (mort du profane et naissance de l’initié).
L’eau, matrice originelle
L’eau c’est la vie, l’origine du monde : eau de pluie, eau de mer, eau tranquille des lacs, eau tumultueuse des torrents. L’eau est Mère et matrice, source de toutes choses. La notion d’eaux primordiales, d’océan des origines, est quasi universelle. L’eau est partout, même dans les déserts, sous forme d’oasis. L’eau est l’origine et le véhicule de toute vie, le fluide vital, le sang de nos veines, la sueur de nos efforts, les larmes de nos yeux.
Ainsi que l’a dit René Guénon dans son « aperçu sur l’initiation », l’eau a toujours été et est particulièrement le symbole de « la Substance universelle » qui, par la purification, ramène l’être humain à la materia prima, afin qu’il soit apte à recevoir la vibration du « Fiat Lux » initiatique, stade suprême de cette spiritualité toute particulière, que doit lui donner l’initiation maçonnique. L’épreuve de l’eau est donc subie au moment de l’initiation. Au cours de ce deuxième voyage, le récipiendaire entend moins de bruit et trouve moins d’obstacles que pendant le premier voyage. Cela signifie que l’homme qui persévère dans l’effort et dans la vertu peut aplanir peu à peu les difficultés rencontrées sur son chemin de vie. Cependant, la route est encore sinueuse et irrégulière, il n’est donc pas encore affranchi des combats qu’il lui faudra mener pour triompher de ses passions. L’épreuve de l’eau représente donc le milieu du gué, et montre que le chemin parcouru ne doit pas nous faire oublier la distance qu’il faut encore franchir.

S
'immerger dans les eaux et en ré-émerger signifie passer par une phase de désintégration, de dissolution suivie d'une phase de ré-intégration et de ré-génération comme dans le baptême et les rites initiatiques. Il s'agit d'une mort dans un état, suivie d'une re-naissance dans un autre. Comme le feu, les eaux sont à la fois sources de mort et de vie, destructrices et créatrices. Le feu fait bouillir l’eau jusqu’à l’évaporer, mais l’eau peut calmer et éteindre le feu. Le feu est masculin et puissant. L’eau est féminine, sensuelle et maternelle.
L’eau est primordiale, c’est la mer originelle où tout a débuté, le liquide symbiotique où chacun de nous a baigné et où nous avons commencé à exister. C’est la source et le véhicule de toute vie.

Le cycle de l’eau
L'eau est fluide elle épouse toutes les formes qu'elle rencontre sans jamais les contrarier, l'eau suit son cours, elle semble faible alors qu'en réalité elle est la force. Des trois éléments terrestres, elle domine toujours. Que ce soit par la douceur lorsqu'elle érode les rochers au fil des siècles et dessine les côtes en forme de dentelles. Par ses colères, en torrent ou en pluie, elle soumet la terre à son courroux. Même le feu, qui possède lui aussi la vertu symbolique de purification, ne lui résiste pas. Si par hasard le feu devient vengeur, l'eau le ramène toujours à la raison.
L’eau est libre et sans attaches. Elle se laisse couler en suivant la pente du terrain ou en suivant le courant. L’eau s’abandonne. La force de l’eau est une force Yin, dite féminine. Elle a aussi ses côtés sombres. La force de l’eau, on peut la constater lors d’une inondation ou d’un tsunami. Elle s’insinue partout, elle va dans tous les sens. On peut arrêter un incendie, on ne peut contenir une inondation.
Les eaux descendent du flanc de la montagne dans la vallée et rejoignent la mer, où toutes se retrouvent pour retourner à un état indifférencié. De là, elles regagnent le ciel sous la forme de nuages. Poussées par le vent, elles terminent leur course en averses au-dessus des sommets et recommencent un nouveau cycle.

L’eau et les religions 
De tout temps et partout, l’eau a été considérée comme un symbole de la propreté matérielle et morale, une source de vie, un centre de régénérescence.
C’est la raison pour laquelle l’eau est regardée aussi bien en maçonnerie que dans les religions comme un symbole de purification, qui lave l’être humain de ses souillures.
Cette notion est confirmée par toutes les traditions.

Dans toutes les religions, dans toutes les civilisations, dans tous les mythes, l’eau est source de vie, moyen de purification ou de régénérescence, promesse de développement. L’eau est aussi le symbole de la vie spirituelle : eaux du baptême, eaux de Pâques. Elle est un symbole universel de fécondité et de fertilité, de sagesse, de grâce et de vertu. La pluie et la rosée symbolisent une semence ou une bénédiction du ciel, qui fertilise la Terre.

Les religions du Livre  (judaïsme, christianisme et islam) ont toutes pris naissance dans des zones désertiques, où l’eau est précieuse. C’est un “ don de Dieu ”.
L’eau, dans l’ancien Testament, apparaît comme « principe créateur, au travers des nuées et des brouillards ». C’est de l’eau et de la terre qu’a été façonné le premier homme.
L’épisode du déluge montre ensuite le caractère destructeur et purificateur de l’eau : les hommes qui ne respectent pas la loi divine sont noyés et seul Noé et son Arche survivront aux flots dévastateurs.
De nombreux travaux ont démontré l’existence d’un tel épisode dans les textes fondateurs des grandes civilisations, comme l’Amérique Latine, l’Egypte ou la civilisation mésopotamienne, où l’on retrouve des éléments de déluge liés à une notion de jugement et de sélection par les flots, à la fois dévastateurs et purificateurs.
L’eau, élément protecteur des bons et destructeur des méchants, se retrouve dans l’épisode du passage de la Mer Rouge par Moïse, lui même “sauvé des eaux” à sa naissance. Ce dernier fait également surgir une source en tapant sur un rocher avec son bâton : c’est cette eau, symbolisant la Loi, qui sera bue pour fonder la civilisation de Moïse. Il dut aussi laver son corps et ses vêtements pour recevoir la loi divine.

Le symbolisme de l’eau
Dans bien des pays, l’eau est une bénédiction. Dans la tradition asiatique, le coeur du sage est une maison où loge l’eau. On compare le coeur d’un sage à un puits, à une source, et la parole du sage à la puissance d’un torrent.
Le symbolisme de l'eau peut nous mener très loin, de la source à l'estuaire, puis de l’estuaire à la source. Le circuit de l'eau est riche de nombreux enseignements. C’est la fin qui engendre son commencement, car, par l’éternité de  son cycle perpétuel, l’eau semble ne jamais finir ni commencer, et s’ouvre un passage vers l’infini.
Le Feu et l'Eau sont souvent associés dans les rites initiatiques de purification et de ré-génération. Ces éléments se complètent l'un l'autre, mais à différents niveaux. Si l'eau purifie l’âme jusqu’à la suprême spiritualité, le Feu rend la chose effective par la réalisation du plus haut degré de spiritualité : l'illumination. Avec l'Eau, l'être progresse lentement, tandis qu'il est complètement transformé avec le Feu.
Dans la nature, l’eau est partout. La sève des plantes, c’est de l’eau. Un arbre est un fleuve dressé vers le ciel : l'eau, par la sève, s'avance dans l'arbre à la rencontre de la lumière.

Les eaux douces reviennent dans de nombreuses histoires ou contes comme élixir de vie, de connaissance et de vérité. Les eaux calmes symbolisent la paix et l’ordre. L’eau fait partie de tous les rites initiatiques. Tout lieu de pèlerinage a son point d’eau, sa source sacrée ou sa fontaine de guérison.

Retourner à la source ou traverser la rivière d'une berge à l'autre signifie toujours surmonter un obstacle séparant deux états différents de l'être, passer d'un état inférieur à un état supérieur. Dans bien des mythes, il faut traverser un cours d’eau pour se purifier ou accéder à la connaissance. C’est l’origine du mot de passe du compagnon : SCHIBBOLETH, qui signifie « épi » ou « passage à gué », et qui provient d’un épisode de la Bible, dans le livre des Juges : les hommes d’Ephraïm, qui voulaient traverser le Jourdain pour sauver leurs vies, ne purent prononcer correctement ce mot, que leur demandaient les hommes de Galaad, et furent égorgés sur la rive.
Symboliquement, cet épisode signifie que ne pas savoir prononcer correctement SCHIBBOLETH, c’est ne pas avoir suffisamment dégrossi sa pierre, et donc ne pas pouvoir prétendre passer d’une rive à l’autre, d’un état inférieur à un état supérieur. L’apprenti qui peut donner le mot de passe est admis dans la chambre des compagnons, il est donc libre de franchir la rivière.
L’eau peut nous laver de tout. Un texte du poète indien Rigveda nous le rappelle :
« Vous les eaux, qui réconfortez,
Apportez- nous la force,
La grandeur, la joie, la vision !
Souveraines des merveilles,
Régentes des peuples,
Vous les eaux, donnez sa plénitude aux remèdes
Afin qu’ils soient une cuirasse pour mon corps,
Et qu’ainsi je vois longtemps le soleil !
Et vous les eaux, emportez tout ceci :
Ce péché quel qu’il soit, si je l’ai commis,
Ce tort, si à qui que ce soit, j’ai pu le causer
Et ce serment mensonger, si je l’ai prêté »

L
’eau enfin, c’est le liquide amniotique, le début de la vie, le ventre de ma mère. J’y ai passé 9 mois dans un monde chaud, obscur et confortable. Puis je fus expulsé dans un monde froid, lumineux, vaste et métallique. J’ai vécu des années dans ce monde, qui petit à petit, m’a rendu aveugle de nouveau. L’obscurité m’enveloppait peu à peu et j’ai ressenti un besoin de lumière.
Puis un soir, un frère est venu me chercher dans le cabinet de réflexion, pour me déposer, le cœur nu et les yeux bandés, dans un nouveau ventre, une nouvelle matrice, chaude, chaleureuse et nourricière, dépourvue de métaux. J’ai donc vécu une seconde naissance, sans sage femme, mais avec des hommes sages, mes frères désormais.

J
e ne retournerai jamais dans le ventre de ma mère, mais je retrouve, de semaine en semaine, ma loge mère, ce ventre bienveillant et accueillant. Puis je retourne dans le monde profane, froid, métallique, parfois cruel, mais moins effrayant, depuis que je sais que je peux, à la mesure de mes moyens, le réchauffer et l’adoucir.

C\ R\

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