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La Lune


Parmi les instructions au grade d’apprenti figure la question suivante :
« Qu’avez vous vu en recevant la lumière ? »
Et la réponse de l’Apprenti est ainsi définie :
« le Soleil, La Lune et Le Maître de la Loge »
Dès lors, lorsque tombe notre bandeau d’impétrant, nous découvrons que ces trois luminaires sont Indissociables et qu’ils nous guideront tout au long de notre cheminement maconnique.

De tous temps, la Lune a été l’inspiratrice des philosophes, des poètes et des conteurs, tantôt « magique » dans le personnage de Jean de La Lune, bonhomme lunaire et naïf qui nous a fait rêver dans sa boule argentée, tantôt « croquemitaine » au travers des multiples récits contés jadis aux enfants qui n’étaient pas sages.

Présente dans les différentes cultures artistiques, elle a été également l’inspiratrice de nombre de peintres et de musiciens, d’ailleurs l’une des premières chansons que nous apprenons dès l’enfance n’est elle pas « au Clair de la Lune » ?
Nous avons également tous le souvenir d’un « Rendez vous entre le Soleil et la Lune » chanté par l’un de nos plus célèbre artiste français.
Inspiratrice de grands compositeurs classiques, tantôt imprégnée de nostalgie et de mélancolie telle la « Sonate au clair de Lune » de Beethoven, tantôt passionnée chez Wagner, la référence essentielle en matière de symbolisme maçonnique reste bien sûr l’opéra « La Flûte enchantée ».
La musique de Mozart, mystérieuse et sacrée, y décrit le combat du jour et de la nuit, opposant la Reine de la Nuit, symbole lunaire, image de la puissance cosmique et Sarastro, grand prêtre de la sagesse et du principe solaire.

Mais quittons le domaine musical et poétique pour appréhender l’aspect fondamental de l’Astre lunaire et la place qu’il occupe dans la Religion et les Mythologies :
Le mot qui nomme la Lune dans les langues indo-germaniques est le plus ancien de tous les noms d’astre et signifie « je mesure », ainsi parle Mircéa Eliade, et au plus lointain de l’histoire de l’humanité, les phases croissantes et décroissantes de la Lune ont servi à définir les calendriers, bases de repères de l’homme, tant pour rythmer sa vie sociale et religieuse, que pour le guider dans les étapes des récoltes nécessaires à sa subsistance.

La Lune est donc à l’origine du calendrier le plus archaïque qui soit : le calendrier pastoral, point de départ du calendrier des sept jours (car tous les sept jours, la Lune va changer de forme :
- Nouvelle Lune, Premier Quartier, Pleine Lune, Dernier Quartier, tout ceci formant le mois lunaire défini par le terme de « Lunaison ».
- L’année se composait ainsi de 13 mois de 28 jours auxquels on rajoutait un jour supplémentaire pour rattraper les 365 jours du calendrier solaire.
- Dans l’antiquité, les trois nuits sans lune étaient redoutées, c’est ce que nous appelons « la Lune Noire », qui s’explique par le fait que durant trois nuits la Lune se lève et se couche en même temps que le soleil, mais chaque jour la Lune retardant son lever de 50 minutes sur le Soleil, elle va redevenir visible sous forme de « nouvelle Lune », signe de Renouveau et de Fécondité pour les anciens et objet de nombreuses manifestations : nous savons que les Olympiades débutaient à la Nouvelle Lune chez les Grecs, de même que les druides Gaulois attendaient cet événement pour procéder à la cueillette du gui.

Cette unité de mesure qu’est le rythme lunaire a influencé la conscience humaine et a servi de pont entre les civilisations, depuis les premières civilisations matriarcales jusqu’à nos civilisations patriarcales et monothéistes.
Mircéa Eliade explique très bien la raison pour laquelle les hommes primitifs les moins civilisés attachaient une plus grande importance à la Lune qu’au Soleil.
« Le Soleil, dit-il, est un astre éternellement pareil, égal à lui-même et dépourvu de tout  « devenir » ;
La Lune, au contraire, est un astre qui croit, décroît, disparaît et renaît, un astre soumis aux lois de la naissance et de la Mort ».
L’homme a donc lié très vite les rythmes lunaires à sa vie sociétale et religieuse.

C’est à ces époques archaïques que les premiers symboles cosmiques apparaissent unissant : Lune, la Femme , la Terre, la Fertilité, l’Eau.
L’un des plus anciens cultes au dieu lunaire naquit voici 5000 ans en Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate, ce qui correspond à l’Iraq actuel. Sumériens et Babyloniens allaient créer les bases d’une religion qui influencerait la majorité des religions antiques = égyptienne, grecque, Romaine et hébraïque.

La divinité le plus importante à laquelle ces peuples vouaient un culte fervent était le Dieu-Lune Nanna, appelé plus tard Sin et dont le culte était célébré dans la Cité de Ur. Le temple se trouvait dans une ziggourat, sorte de tour à plates-formes superposées et ouvertes sur le ciel.
Au sommet de la tour le prêtre attendait que la barque céleste vienne s’amarrer à l’embarcadère sacré, tandis que les fidèles s’amassaient dans la cour du temple.
Cette barque, symbolisée par le croissant de lune lorsque les pointes sont dirigées vers le haut, était l’attribut du Dieu Sin, dieu mâle plus puissant que le soleil. Cette religion se répercutait dans l’organisation politique et sociale de la Cité, puisque les rois de Babylone étaient considérés comme les images vivantes du Dieu Lune.

L’importance de la civilisation babylonienne fut telle que, au lendemain des premières grandes découvertes architecturales en Mésopotamie, on a même pensé que les monuments babyloniens et assyriens allaient bouleverser et remettre en cause les perspectives bibliques.
Initialement représenté sous la forme  d’un taureau chez les Egyptiens, le Dieu-Lune est ensuite féminisé en la personne de la majestueuse Isis, coiffée des cornes lunaires de la vache, symbole de fécondité. Ses caractéristiques sont retrouvées de façon plus précise chez le Dieu Osiris qui meurt pour ressusciter après avoir vu son corps coupé en 14 morceaux (soit une demi-lunaison) et enfin symbolisée par le mythe de l’œil d’Horus, influence maléfique de Seth en phase Décroissante, influence restauratrice des puissances du bien en la personne de Thot en lune Croissante.

Un autre peuple mythique ayant connu une civilisation matriarcale dès l’age de bronze était le peuple des Pélasges, surnommé « Peuple de la Mer » par les égyptiens. Les Pélasges se considéraient comme le plus ancien peuple de l’Antiquité et honoraient une déesse mère lunaire.
Evincés par le peuple des Achéens vers 1900 av. J.C. , nous retrouvons cette civilisation des Pélasges de la mer Egée en Irlande vers 1500 av. J.C.  puisque la mythologie Celte parle d’un peuple mythique « venu de la mer » : les Tuatha de Danann, à qui l’on prêtait des pouvoirs magiques.
Dans leur fuite, les Pélasges étaient passés par le Danemark auquel ils avaient donné leur nom « le Royaume des Danéens ». La déesse Celte Danna était donc bien la grande déesse blanche des origines du monde, dont les descendants honoraient  un culte lunaire, de même retrouvons nous dans l’ancien nom de l’île de Bretagne  Albion la racine étymologique d’Albina « la déesse blanche ».

La religion des premiers celtes est donc bien une religion matriarcale et lunaire.
La lune était enfin honorée sous le nom de Belisama en Gaule et nous la retrouvons encore dans le personnage de la Fée Morgane, redoutable magicienne des romans Arthuriens.
La mythologie grecque classique est celle qui marque le plus le passage du matriarcat au patriarcat et qui met le plus en évidence l’opposition Lune-Soleil.

Les exploits des Dieux et héros grecs s’appuient essentiellement sur la lutte pour la suprématie de la Lune ou du Soleil. En apparence, la mythologie greco-romaine est dominée par le règne solaire et patriarcal en la personne de Zeus, Poseïdon, Apollon, mais le pouvoir véritable n’appartient il pas aux déesses lunaires telle la déesse Hera (ou Minerve) qui, dans l’ombre manipulent les dieux.

Enfin nous ne quitterons pas  le domaine de la mythologie grecque sans parler d’Artémis, déesse de la Lune nouvelle et des Naissances et nous retrouvons ici encore l’association de la Lune et du Soleil, puisque Artémis était la sœur jumelle d’Apollon, dieu du Soleil.

Dans la mythologie hébraïque, les trois jours de Lune Noire étaient symbolisés par Lilith, insoumise et indépendante, première femme d’Adam avant Eve ; pour la punir, Dieu avait ordonné la mort de 100 de ses enfants chaque jour, cette hécatombe renvoie au nom de la terrifiante Hécate, déesse de la Mort, associée aux ténèbres de la Lune Noire.
Ce parcours de mythologies nous démontre que les différentes représentations de la grande déesse Lunaire matriarcale sont liées de façon indissociable au symbole de la Maternité, des rites funéraires, de la Mort et de la Renaissance, en un mot de l’Eternité ; il est d’ailleurs frappant de retrouver les iconographies lunaires sur certaines tombes des peuples archaïques sous la forme de Cornes, de Volutes ou de Spirales.

Nous pouvons également en conclure que les anciennes civilisations matriarcales révélaient  des Synthèses mentales plus riches. L’esprit Humain y était plus pur de par sa naïveté, naïveté que nous pouvons associer à la naïveté de l’Apprenti taillant sa pierre brute.
Face à cette omniprésence des Dieux lunaires dans les civilisations antiques et païennes, le premier souci de la religion Chrétienne fut d’interdire son culte.
Dans l’ancien testament le Soleil et la Lune sont désignés comme des « luminaires » créés par Dieu, pour bien abolir leur puissance divine, mais force est de constater que le calendrier de l’année liturgique chrétienne s’appuie malgré tout, pour nombre de fêtes sur le rythme lunaire, nous pensons spécialement à la fête de Pâques dont la date est fixée invariablement au premier dimanche qui suit la pleine Lune de l’Equinoxe de printemps.

De même, dans l’Islam, les périodes de début et de fin du Ramadan sont liés à l’apparition de la nouvelle lune.
Nous retrouvons le croissant de Lune sur les tombes et sur les drapeaux des pays de l’Islam.
Lié à l’Etoile, le croissant de lune devient symbole du Paradis.

C’est également en Extrême-Orient que nous retrouvons la même association Lune-soleil, Mâle-Femelle, puisque dans l’antiquité chinoise le Soleil est associé au Yang, principe mâle et la Lune au Yin, essence féminine.
La Lune est symbole de fécondité, de la Nature et des animaux, canon de beauté absolue.
Dans l’ancienne Chine , jusque dans la construction des ponts en arc de cercle, qui associés au reflet de l’eau, reconstituent le disque lunaire.
Dans la vie profane, la Lune est symbole de passion et de séduction.
Dans le mythe Celte de Tristan et Yseult, Yseult est la femme solaire qui console le Tristan Lunaire.
Nous savons enfin que sur le plan scientifique, la Lune influence les mouvements de l’Eau, de l’Air, de l’Activité sismique, et notamment de la vie organique, elle agit sur les animaux dont elle régule les migrations et les reproductions, et sur les plantes (ne citons pour exemple que la nouvelle lune d’Avril dont la clarté seule a le pouvoir de roussir les bourgeons de printemps, ce qui lui vaut le nom de « Lune Rousse ».
Elle a enfin une influence particulièrement importante sur l’être humain : elle règle nos rythmes biologiques et influe sur nos caractères et nos états d’âme. Je ne quitterai pas le domaine scientifique, sans parler de l’éclipse solaire, puissant révélateur du Divin et du Sacré, ce moment terrible où la Lune passe devant le soleil faisant peser sa chape d’obscurité et de Silence sur l’Humanité, moment d’écrasement et d’Humilité , ce phénomène qui causait tant de frayeurs et de panique chez les peuples  primitifs.

Selon le Dictionnaire des Symboles, le symbolisme de la Lune ne peut être dissocié de celui du soleil, la Lune n’ayant pas de lumière propre n’est qu’un reflet de la lumière du Soleil ; de même ceci nous rapporte au Prologue de l’Evangile de Jean : Jean vient en témoin pour rendre témoignage à la Lumière.
Elle est le symbole de notre colonne d’Apprentis, la colonne du Nord, dont elle éclaire les ténèbres, elle symbolise notre phase constructive et évolutive elle éveille notre conscience, notre imagination et notre sensibilité et, comme elle guide l’homme.

Dans la nuit vers l’Aube, elle guide l’Apprenti vers la Lumière, et plus précisément vers la recherche de la Lumière, pouvant se traduire par notre soif toujours plus grande de la Connaissance.
L’Astre lunaire nous ouvre une porte sur le chemin de l’éveil spirituel.
Les Celtes dans leur conception du temps considéraient d’ailleurs la Nuit comme le commencement de la Journée, la nuit propice au Travail spirituel, à la germination des idées, cocon protecteur et merveilleuse attente de l’Aube.

Jean Hover et Claire Vernon, au travers de leur ouvrage sur le symbolisme du Soleil et de la Lune, nous indiquent que « l’espace du temps sacré requiert d’inverser les lumières », signifiant que notre médiation se doit d’être active.
Citons encore Jean Hover et Claire Vernon affirmant que « tout comme la Lune change de forme meurt et renaît, chaque étape de notre vie d’Apprenti conduit vers une nouvelle porte que nous Devons reconnaître et qui est une nouvelle ouverture sur la vie initiatique » Chaque nouvelle transformation produit l’énergie de la nouvelle métamorphose nous permettant d’adapter notre perception du sacré à notre vie profane, de travailler à l’association du Spirituel et de l’Humain.
La Lune est bien « la grande Mesureuse » nous rappelant que les actes justes doivent être réalisés aux moments justes. Elle est symbole de discernement et nous aide à sélectionner l’essentiel dans la taille de notre Pierre.

J’ai lu quelque part que la Lune était le Luminaire de notre paysage intérieur…

J’ai dit V.M.

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