La Lune

 
Depuis que je suis secrétaire de notre loge, je m'assois à l'orient et au-dessus de moi la lune brille de sa pâle clarté.

c'est pourquoi j'ai eu envie de vous parler d'elle, si belle, si mystérieuse, si féminine.

La lune est associée au plateau de la secrétaire. Pourquoi ?

De même que la lune croit et décroît et change jour après jour, selon le moment de son cycle, de même dit Beresniak “les tracés sont inégaux en grosseur, en densité, selon la nature et le contenu des réunions. Ils sont à chaque fois différents et reviennent toujours à des formes initiales. Ils marquent le rythme et découpent le temps. ils sont destinés à laisser des traces des travaux dans le monde profane et, à ce titre, ils sont comme la lune, la connaissance indirecte et la lumière dans les ténèbres”.

La lune est merveilleuse car elle est à la fois mythe et force réelle et physique.

L'homme a voulu l'atteindre. Il a construit des fusées qui sont arrivées jusqu'à elle, des astronautes ont foulé son sol. Ils en ont ramené des cailloux qu'ils ont ensuite étudiés mais ils n'ont pas réussi à la déflorer, elle reste énigmatique et dans l'imaginaire la lune est un grand symbole de fécondité et de résurrection.

Au début de la création, le soleil et la lune brillaient d'une lumière égale, éclairantla terre chacun à son tour, le soleil le jour et la lune la nuit. Jusqu'au jour où la lune voulut comparer sa lumière à celle du soleil. Le soleil et la lune réunirent alors leurs enfants - les étoiles - et leur demandèrent de choisir. Et les étoiles, à l'unanimité, dirent que la lumière la plus brillante était celle de la lune puisqu'elle pouvait changer la nuit en jour. En colère, le soleil ramassa une poignée de cendres et la jeta au visage de la lune. Depuis ce jour son éclat a terni et on peut toujours voir les cendres à sa surface. Les étoiles, effrayées, se réfugièrent auprès de leur mère : c'est pourquoi elles brillent seulement pendant la nuit.

On considère généralement la soleil comme un principe actif, masculin et la lune comme un principe passif, féminin puisqu'elle réfléchit la lumière du soleil.

La lune est liée à la femme, à la fertilité sous toutes ses formes de l'agriculture à la procréation. Ishtar, Artemis, Hecate et Isis sont des déesses qui ont servi le culte lunaire.

La Vierge Marie, elle aussi est parfois représentée trônant sur la lune, comme dans ce passage de l'Apocalypse de Ste Jean :

“Un grand signe apparut dans le ciel ; une femme vêtue de soleil, la lune sous ses pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles”.

Mais cette féminisation de la lune n'a rien d'absolu puisque le mot est masculin dans toutes les langues indo-européennes anciennes et qu'il l'est toujours en allemand. Dans de nombreuses régions telles l'Arabie, l'Ethiopie ou en Asie Centrale le genre masculin est dévolu à la lune. Au japon, la lune est représentée par le Dieu TSUKUYOMI.

Mais qu'importe, la nature de chaque créature n'est elle pas à l'origine androgyne. Tout comme le Ying et le Yang l'un n'existe que par rapport à l'autre.

Les premières traces d'une divinité lunaire se retrouvent à Sumer, plus de deux millénaires avant J.C. Il s'agit d'un dieu lune, on le mentionne sous plusieurs noms dont “la barque” ou sous le vocable SIN , racine que se retrouve dans Mont Sinaï, c'est à dire montagne de la lune. Son nombre symbolique 30 évoque le nombre des jours du mois, dont il est par excellence le seigneur, fruit que se renouvelle sans cesse. Son idéogramme signifiait le maître du savoir.

Les cycles de la lune contrôlent les cycles cosmiques et biologiques : marées, pluies, végétation, fertilité 

Dans la mythologie grecque primitive, le lune passe avant le soleil, car on lui attribue le pouvoir de fournir de l'eau aux cultures ou de les en priver. Les trois phases de la lune étaient identifiées aux transformations, suivant les saisons de la vie végétale et animale et donc aussi avec la Terre Mère qui, au début de l'année dans le monde végétal ne produit que des feuilles et des bourgeons, puis des fleurs et des fruits, enfin cesse de produire.

Elle règne sur le monde paysan, où de nombreux dictons règlent le travail de la terre.

 “En pleine lune la vigne ne plante,

Non plus ne taille une jeune plante”.

On sème à la nouvelle lune, assurant ainsi à la semence une croissance en accord avec la croissance du disque lunaire ; en revanche on taille les arbres et on ramasse le légumes lorsque la lune décroît pour ne pas contrarier le rythme cosmique.

Parce qu'elle traverse des phases différentes et qu'elle change de forme, la lune symbolise la transformation et le renouvellement. Tantôt ronde, tantôt en croissant, elle apparaît, grossit et disparaît pendant trois nuits, chaque mois lunaire. Mais sa mort n'est jamais définitive. Ce n'est qu'un repos, une halte, une régénération mais jamais une fin.

Elle disparaît à nos yeux pendant 3 nuits. Puis une nouveau cycle entier se répète. C'est ainsi que la lune est à l'origine du mythe de l'éternel retour.

En Islam, le croissant de lune qui figure sur de nombreux drapeaux, est symbole de résurrection.

Nous connaissons maintenant un peu mieux la lune blanche, dont la douce lumière éclaire la nuit. Mais qu'en est-il de la lune noire dont il est parfois question en astrologie.

La lune noire est associée à LILITH qui d'après la tradition juive a remplacé EVE auprès d'ADAM après la chute. Eve est symbolisée par la lune, La Lune Noire devient alors une seconde épouse, l'aspect maléfique si l'on veut de la lune et contient comme démon de la nuit une forte puissance sexuelle.

La lune noire est un point fictif dans le ciel. Son hiéroglyphe représente deux croissants de lune dessinant un soleil central ponctué d'un point : formant un oeil.

Elle symbolise la solitude, l'énergie à vaincre, les ténèbres à éclairer. Elle est l'aspect néfaste de la lune : l'anéantissement, le vide absolu.

La lune correspond à la 18ème lame du tarot.

Le chiffre 18 s'articule sur une notion de passivité et d'inertie . Selon sa constitution 10 +8, il met en présente deux chiffres pairs. le dix incarne le mouvement perpétuel de la roue de la fortune, tandis que le 8 se rattache aux notions d'infini, d'éternité et d'immuabilité. 18 évoque le cercle vicieux, ce qui n'a ni issue, ni fin, l'Ouroboros (le serpent qui se mange la queue). Selon certains, cet arcane exprimerait la chute et l'enlisement de l'esprit dans la matière, ou encore la fausseté, le fanatisme, les apparences trompeuses. Je préfère penser qu'elle fait référence au travail, à la conquête difficile du vrai, à la difficulté d'échapper à l'illusion.

La lame est divisée en trois plans bien distincts : le ciel, la terre et les eaux.

Du disque lunaire bleu, où est dessiné un profil dans un croissant, partent vingt-neuf rayons : sept bleus, sept blancs et plus petits, quinze rouges. Entre le ciel et la terre, huit gouttes bleues, six rouges et cinq jaunes semblent être aspirées par la Lune.

La terre, jaune est accidentée, et ne porte que deux petites plantes à trois feuilles, alors que dans le fond, à droite et à gauche, deux tours crénelées à pans coupés se dressent qui paraissent être l'une à ciel ouvert, l'autre fermée. Au milieu du paysage, deux chiens couleur chair se font face, gueule ouverte, et paraissent hurler.

Enfin, dans le tiers le plus bas de la lame, au centre d'un miroir d'eau bleue, rayée de noir, s'avance une énorme écrevisse vue de dos, bleue également.

La lune domine ces trois plans. Comme dans la réalité elle n'éclaire que par reflet et aspire vers elle toutes les émanations de ce monde. L'écrevisse a souvent été associée à la Lune pour sa marche d'avant en arrière, semblable à celle de notre satellite.

Plutarque a dit : “La lune est le séjour des hommes bons après leur mort. Il y mènent une vie qui n'est ni divine, ni bienheureuse, mais pourtant exempte de souci jusqu'à leur seconde mort. Car l'homme doit mourir deux fois”.

Par conséquent, la lune est le lieu de repos des humains entre la désincarnation et la seconde mort, qui adviendra avant la nouvelle naissance.

Les âmes sont sous forme de gouttes, leurs trois couleurs différentes correspondraient à trois stades de spiritualisation ; elles montent alors vers la lune et si les chiens cerbères essaient de leur faire peur, c'est pour qu'elles ne franchissent pas les frontières interdites ou se perdrait l'imagination. L'écrevisse rappelle le signe du Cancer, traditionnellement le domicile de la lune et qui favorise le retour sur soi, l'examen de conscience.

Pour Gérard de Nerval, elle est le refuge des âmes fraternelles qui, délivrées de leurs corps mortels, travaillent plus librement à la régénération de l'univers.

Ainsi les apprenties qui sont installées sur la colonne du Nord, du côté lunaire, ne reçoivent qu'une lumière mesurée, celle qui éclaire la nuit relative dans laquelle elles se trouvent encore, puisque la lune n'est que le reflet de la lumière du soleil.

Au sortir du cabinet de réflexion, la lune est la première lumière accessible pour aider à ordonner notre chaos intérieur. A une période d'obscurité, sombre de la vie de profane, l'initiation nous ouvre les portes d'une nouvelle vie lumineuse, pure, régénérée, mais on ne peut passer de l'obscurité à la pleine lumière sans l'étape intermédiaire de la lune. Comme la semence enfouie dans les ténèbres du sol, nous allons germer puis croître pour percer à la lumière. La splendeur de la lune est pareille à la considération de la pensée. Dépouillée de ton et de chaleur, c'est elle seule qui est proposée pour abandonner le feu de nos passions, le tumulte de nos sentiments.

La lumière de la Lune et son côté argent, présentée à l'orient dans sa phase croissante indique à l'apprentie qu’elle est sur la bonne voie, ce qui est confirmé par la blancheur de son tablier. Le blanc qui est à rapprocher en Alchimie à l'albification, phase où la matière après la dissolution et la putréfaction, appelée Oeuvre au Noir, devient une substance appelée Alkaest. Sa blancheur indique que la transformation est commencée. Cette substance possède un grand pouvoir énergétique et porte en elle le germe de la pierre philisophale.

La lune reflète la lumière, mais elle n'est pas la source, ainsi la connaissance qu'elle suscite est indirecte, elle se fera pas à pas, lentement par l'intermédiaire du travail que nous ferons sur nous mêmes, par un questionnement incessant, par une réflexion approfondie des symboles qui nous fera passer un jour de la colonne du Nord, côté lunaire à la colonne du Sud où brille le soleil. Entre les deux se tient la Vénérable Maîtresse, lumière de la Loge.

D'ailleurs, en écriture chinoise le vocable “lumière” se compose de l'association de ceux de “Lune” et de “Soleil”.

Pour conclure, je laisse la parole à Cyrano de Bergerac, le plus exquis des êtres sublunaires qui raconte à DE GUICHE comment il est monté dans la lune :

J'ai dit.