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Les grenades

Vous avez du remarquer comme moi qu’il y a 3 grenades sur chaque Colonne de l’entrée du Temple…et pourtant le rituel n’y fait jamais allusion… !

Comme ici tout est symbole…dures grenades entr’ouvertes j’ai tenté de trouver le vôtre. Dès lors je n’ai plus tout à fait regardé le fruit du grenadier comme un fruit banal. Je l’ai observé plus minutieusement : tout autant fermé, qu’ouvert. Son nom savant est Punica granatum, traduit par les Romains « pomme à grains », et surnommé « milgranier » : ou : le fruit aux mille grains.

Mes souvenirs d’enfance voient les grenades sur les étals des Halles, bien rangées, brillantes, leurs écorces d’un beau beige aux reflets d’or, d’un rose veiné de rouge, ou d’un pourpre éclatant. Le marchand prenait bien garde qu’elles ne tombent à terre car si cela arrivait : elles éclataient telle une multitude de gouttes de sang.

Mon père m’avait enseigné que bien que ses fruits soient délicieux, il ne fallait pas consommer les racines d’un grenadier car elles étaient toxiques. Je trouvais alors cela un peu bizarre. Mais, bien plus tard, j’ai compris que c’était une façon de m’expliquer que du « bon » pouvait naître dans du « mauvais ». Fruit à l’aspect surprenant, mais ne manquant pas de ressources, on lui attribue également de nombreuses propriétés médicinales (contre la toux, la fièvre, la diarrhée…)

Le grenadier produit de magnifiques fleurs orange-rouge, fragiles, aux belles étamines, qui s’arrondissent gracieusement en couronne qui embellira le fruit jusqu’à consommation. Arrivé en France au 13ème siècle, grâce à un certain ADONT, il pousse sur le pourtour méditerranéen. Originaire du Moyen-Orient (Iran), son fruit est connu depuis l’Antiquité. Il serait avec la vigne et le figuier, l’un des premiers arbres à être cultivés par l’homme. Cité dans la Bible sous le nom de « rimmon » (qui en hébreu signifie grenade), il a donné son nom à plusieurs localités en Palestine. On le retrouve servant de décor sur des tombes égyptiennes.

Pour les Musulmans, les graines de la grenade sont les larmes que versa le Prophète lors de la mort de son petit-fils à Kerbala. Elle est également pour la mystique musulmane le symbole du jardin de l’essence, la multiplicité de la création, l’œuvre divine, l’intégration de la multiplicité dans l’unité.

Quel arbre avait abrité le cadavre d’Osiris dont la résurrection avait vaincu la mort ? Un grenadier ! il devient là : symbole de vie nouvelle.

La grenade au jus rouge évoque aussi le mystère du sexe de la femme, du sang, et de la fécondité. C’est ainsi que l’on trouve encore de nos jours sur les bords de la Méditerranée (vers Chypre en particulier) des rites de noces où l’on jette des grenades qui explosent sur le seuil de la maison des jeunes mariés, signes de promesse de fécondité, et de bonheur.

Les Grecs, les Romains, les Hébreux, les Chinois, en ont tous fait un symbole de fertilité.

Ce fût également dans la mythologie grecque, le fruit de Perséphone, liée à jamais aux enfers, et contrainte de retourner au Royaume des morts à l’époque des semailles pour rejoindre son époux durant la moitié de l’année…uniquement parce-qu’elle s’était laissée tenter, et avait goûté 1 graine de grenade qui lui avait tendue Hadès, Dieu du monde souterrain.

Déjà vénérée 4000 ans av JC la grenade était représentée sur les vases des temples Eanna à Uruk (actuel Irak) pour sa prétendue capacité à aider dans le passage vers une renaissance à la vie.

Dans la Génèse, le grenadier est considéré comme étant l’arbre de vie, et dans la Bible il est écrit, que les grenades doivent figurer sur le bord des vêtements des prêtres, alternées par une clochette d’or (lien ou pas : le calice de la fleur du grenadier a aussi 5 pétales arrondies en forme de clochette… !)…

Nous pouvons penser que symboliquement la grenade, visible, était destinée à attirer le regard par sa couleur pourpre, et la clochette dorée, audible, devait intriguer pour donner l’envie de regarder, de deviner ce que l’enveloppe extérieure pouvait cacher ! Cette précision se retrouve aussi sur le manteau recouvrant le rouleau de la Torah où s’agitent 4 clochettes sous des grenades brodées.

Les grands Prêtres, censés avoir atteint la façon de combiner l’intelligence comparative avec la Sagesse, pour arriver à la Connaissance, avaient pour emblème de la Grande Prêtrise la « grappe aux trois grenades ». On la retrouvée également sur des mosaïques lors de fouilles archéologiques dans le quartier sacerdotal de Jérusalem.

3 grenades, 3…et ainsi le retour à l’unité !

Le roi Salomon lui-même possédait de grands vergers de grenadiers, et la Bible, dans le Livre des Rois, décrit le temple de Salomon ayant devant sa porte 2 colonnes ornées de lys, de filets, et…surmontées chacune de 200 grenades. Deux fois 200, donc 400 grenades. Pourquoi ? C’était le choix délibéré d’Hiram, choisi par Salomon pour construire le Temple, pour cela il faut savoir qu’à cette époque le nombre 400 était pour les Anciens synonyme de multitude.

Au premier regard la grenade se présente sous une forme unitaire, arrondie, et telle une reine : toujours surmontée d’une couronne. Sa peau dure est une protection…qui peut évoquer un temple à couvert ! Son écorce est dure, mais en fait : c’est un cadeau du ciel ! Grâce à cette peau dure la grenade peut voyager…et garder ses graines intactes ! Elle apaise la soif, et fournit l’énergie nécessaire pour continuer sa route. En ce sens, elle peut être un rappel du voyage, de notre soif de savoir, et du retour que nous sommes toutes amenées à faire régulièrement en nous pour y retrouver l’énergie afin d’avancer sur notre chemin initiatique. C’est une façon d’accepter la dureté des efforts pour parvenir au suc de la connaissance qui nous donnera force et vie.

Mais…quand elle est mûre, elle cache de doux secrets. Ouvrons là délicatement. Une multitude de graines, toutes à la fois semblables et différentes, sont séparées par des membranes fines, mais résistantes. Son intérieur peut évoquer une ruche où chacune vit sa vie, mais toujours dans l’intérêt commun.

Qui d’entre-nous, enfant, n’a pas eu envie de compter les graines…mais a été vite découragée devant leur grand nombre, et surtout devant leur imbrication. Moïse CORDOVERO (1522-1570) a écrit en 1548 dans « le jardin des grenades » qu’elles étaient au nombre de 613 : soit le nombre des obligations (mitsvot), ou l’équivalant de la somme des nombres des lettres du Décalogue (les 10 Commandements) et des jours de l’année.

Chaque graine semble être un minuscule fruit fondant dans la bouche, quasiment impalpable si elle est seule. Toutes ces graines, bien rangées, peuvent indéniablement représenter les Franc-Maçonnes étroitement unies.

La grenade, par ses multiples graines de différences et de richesses, image symboliquement toutes les Soeurs d’une même Loge.

Plus j’observe une grenade ouverte…plus je vois en elle un symbole végétal de la Franc-Maçonnerie ! Nous sommes toutes mes S\ S\ une des graines ! Elles symbolisent nos richesses cachées : tout comme l’exotérisme voile l’ésotérisme aux yeux des profanes.

Ces multiples alvéoles (fins cloisonnements) peuvent être assimilées symboliquement aux différentes Loges Maçonniques, et à leurs caractères spécifiques. On l’a vu : elles ne sont pas identiques, bien que faites de la même texture. De même il existe une multitude de Loges de sensibilités différentes, mais qui forment un tout : notre Ordre Universel.

Toutes ces graines, bien que différentes…sont solidaires les unes des autres, presque soudées. Chacune a sa morphologie individuelle, mais forcément adaptée à celle de ses voisines. Toutes s’imbriquent, donc sont complémentaires.

Essayez de désolidariser une seule graine, vous constaterez vite que ce n’est pas sans difficultés, ni surtout sans abîmer les autres graines, ni sans prendre le risque de gâter tout le fruit. Telle une Loge souffrirait du départ intempestif d’une de ses S\ S\ ! Toutefois : si la graine est ôtée avec une grande attention, de la délicatesse, avec amour dirais-je : les autres graines ne seront pas abîmées !

Chacune a sa place pour vivre, s’épanouir, grandir, seule..., mais intimement liée aux autres, à l’ensemble. A la fois libre et dépendante. Serrée contre les autres, mais sans étouffer : toujours attachée à la membrane qui image la Loge.

Les graines sont douces, agréables au goût. Mais…mordez un peu dans la membrane…et vous reviendra vite à l’esprit la coupe d’amertume !...

Telles les F\ M\ elles vivent sous la triple Loi : Liberté, Egalité, Fraternité. Libre puisque chacune a son intimité dans sa petite logette, égale car chacune bénéficie de la même protection, et fraternelle car issue d’une même fleur, et allant vers le même destin.

Tout comme notre but commun est la construction du Temple de l’Humanité, nous, F\ M\, nous devons être comme les graines : promesses d’un nouvel enracinement…mais seulement après un travail souterrain et caché : c’est le rappel de la vie qui vainc toujours la mort, et de la continuité de notre Ordre.

J’y perçois aussi le symbole de la recherche du « réel » caché derrière une apparence modeste, voire austère. L’étudier implique la nécessité de faire une pause afin de rechercher sans cesse ce « vrai », caché sous « l’apparent ».

Son aspect extérieur, et son aspect intérieur sont aussi dualité. L’un contient l’autre, l’autre renferme la multiplicité. Sa sorte de carapace protectrice cache bien l’essence du processus de métamorphose. Symbole porteur d’espoir, il germe dans l’ombre pour sortir et se transformer dans la lumière.

Sa racine qui est toxique, alors que son fruit est délice, est aussi signe de dualité et rappelle le pavé mosaïque et ses contraires. Cette dualité nécessaire unit le visible et l’invisible ! A mon sens la grenade est l’image de l’idéal recherché : que tous les Hommes s’imbriquent pour faire une société où chacun aurait sa propre place, mais où il serait solidaire des autres.

De la fleur au fruit, comme de la profane à la maçonne : un long cheminement est nécessaire. Nous trouvons aussi parfois dans les grenades des graines plus petites ou coincées, donnant le sentiment qu’elles ne sont pas à leur place, qu’elles ne se développent pas…cela interroge.

Certaines graines sont claires, et d’autres plus foncées, allant du rose pâle au rouge vif, serait-ce symboliquement le signe d’une « maturité maçonnique » plus ou moins avancée ? Tout cela fait partie de nos différences, mais mes S\ S\ évitons surtout de devenir des graines acides…

Pour un bon développement il faut tout d’abord choisir une bonne semence, mais aussi savoir lui apporter les éléments nutritifs nécessaires, rectifier, aider à la croissance avec vigilance, amour ; car si le travail est bien fait…il donnera de beaux fruits.

Nous, F\ M\ avons la chance d’avoir une nourriture spirituelle, car lors de chaque tenue le rituel, les paroles, les travaux, sont autant de terreaux dans lesquels nous pouvons puiser pour grandir. Pour renaître la grenade tombe à terre afin que celle-ci nourrisse ses graines et perpétue l’espèce…

Prenons là en exemple.

Nous F\ M\ devons travailler pour apporter au dehors l’œuvre commencée dans le Temple et enraciner de nouveaux maillons solides, afin que la chaîne ne se rompe pas !

M\ S\


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