GLMMM Loge :  La Lumière de la Vérité Date : NC

L'usage du cadre en FM

Commençons par définir le sens du mot Cadre. Il apparait au 13ème siècle dans le langage militaire. Il nous vient du latin quadrum « carré ». Nous sommes donc au-delà du nombre 3 et de la spiritualité. Nous entrons pleinement dans le monde du 4, celui la matière. Nous connaissons tous de très nombreuses déclinaisons de ce mot : Cadre de la porte, Cadre sur Internet (appelé aussi frame), Cadre champêtre, Cadre en Marine (qui est un lit), cadre doré du tableau, Le cadre de feu, (un supplice des sauvages des USA), Cadre du vélo, Cadre de vie, Statut de cadre d'entreprise, Loi cadre, Cadre noir d’équitation…, il en existe encore de très nombreux.

En règle générale, le cadre est une limite. Il permet de constituer une distinction, une séparation entre deux espaces. En maçonnerie, le plus connu de nos cadres est le Temple, ce lieu dans lequel la Loge se réuni. D'ailleurs, la séparation entre l'intérieur et l'extérieur de ce cadre de travail porte un nom. Au dedans on trouve le sacré, au dehors on retourne au profane. Profane qui veut justement dire pro-fanum : « devant le Temple ». Ce cadre permet de considérer deux espaces distincts et séparés. Le Septentrion et le Midi sont eux aussi des cadres. Le travail nous conduit donc du profane qui se trouve à l'extérieur du cadre, vers le sacré à l'intérieur. On part de l'occident dans un premier temps, avec la porte du Temple, puis le Nord et enfin on se dirige vers le Sud. On forme ainsi un autre cadre non visible, en forme d’équerre, encore un cadre.   

Les officiers dans la Loge répondent eux aussi au cadre Il se nomme hiérarchie. Justement, ce mot est constitué de hieros « sacré », auquel est ajouté arkos, qui signifie « rectitude ». Nous sommes toujours dans ce rapport du sacré dedans et du profane dehors. Pour beaucoup d’entre nous, son contraire se nomme Anarchie, Ce n’est pas exact, il se nomme en réalité Anomie. Anarchie voulant dire refus d'une autorité unique, alors qu'anomie vient du grec anomia qui signifie "A" privatif et nomos, « loi, ordre, structure ». Nous observons ainsi une dualité entre le cadre du sacré en opposition avec l'absence d'ordre.

Dirigeons-nous maintenant vers les SS:. & FF:. sur les colonnes. Ils pratiquent un rituel. Ils ont tous prêté un serment. Cette codification de gestes, de formes et d'esprit, n'est-elle pas un cadre elle aussi ? Continuons encore un peu, la Loge et ses membres, toute cette organisation n’est-elle pas un autre cadre ? L'Obédience qui se trouve au-dessus, ne le serait-elle pas elle aussi, puisqu’elle encadre ?

Résumons-nous, le maçon semble évoluer dans un ensemble de cadres. Tous les outils, les gestes, les déplacements, les paroles, les structures humaines, les locaux. Tout est cadre. Certains cadres ont des formes triangulaires, d'autres sont carrés ou rondes. Cette prise de conscience doit en conduire certains à nous poser une question : « Avec autant de cadres, comment peut’on être Freemason > Maçon Libre ? » Car être libre n'est-ce pas de se débarrasser de ses chaînes ? Or le cadre représente souvent une contrainte. Comment résoudre ce paradoxe ?

Tout le monde sera d’accord pour affirmer que la liberté est au centre des préoccupations maçonniques, voire profanes. Pourtant, notre monde contemporain n'a jamais été aussi structuré, aussi protégé, aussi connecté… autant de cadres pour notre bien-être. Cela est vain, car nous vivons dans une peur croissante. Nous réclamons toujours plus de cadres. Ils prennent plusieurs formes : le cadre policier, le cadre législatif, le cadre médical, le cadre familial... mais cela ne fonctionne pas. La peur et son corolaire : l'agressivité, sont les contrepoids de ces cadres vides de sens et surtout, ces similis cadres déconnectés de la réalité humaine car ils sont vides de désir ou de conscience, ils ne sont que force et violence pour s’opposer à la violence.

Larochefoucault nous le dit dans ses pensées : « La peur n'est pas dans le danger, la peur est en toi ». Elle est le fruit de la prise de contrôle de notre être par notre mental. Nos peurs prennent le pouvoir et plus aucun contrôle par la raison n'est alors possible. Le point du centre est perdu et nous sombrons dans l’itinérance. Lorsque l'Humain n'est pas intégralement rempli de lui-même, de toutes ses forces d’amour, de toutes ses richesses créatives, il délègue, il se trouve des Maîtres de substitution, il s'argentise. Il devient l'agent d'une force supérieure qui le rassure. C'est le prix qu'il paie pour s’acquitter de sa dette de peur.

Celle-ci peut prendre mille formes. Elle est parfois, l'entreprise multinationale qui l’embauche et qui lui donne l'illusion d'une valorisation supérieure. Cela doit être vrai puisque l'employé de Google ou d'IBM va être payé 2 à 3 fois plus cher que l'employé de l'entreprise Dupond, Durant ou Martin à Sarcelles. Elle peut être aussi la nationalité qui finalement divise les êtres plutôt que de les rassembler. J'en veux pour preuve qu'en cas d'accident d'avion, la famille d'un ressortissant américain victime d'un crash aérien touchera 16 fois le dédommagement perçu par la famille d'un européen. Vous ne me croyez pas ? Je vais vous donner le montant exact financé par AXA pour le Rio / Paris - d'Air France en 2009 : Pour un Américain, les assurances ont payé 4 millions de dollars, pour un Brésilien 750 000 dollars, et seulement 250 000 dollars pour un Européen.

A cette étape, la question qui nous taraude tous est : « Le cadre est-il une bonne chose ou pas ? » Je ne répondrai évidement que pour moi-même. Lorsque nous cheminons sur une montagne, le chemin, les panneaux, le sommet, les guides qui m’accompagnent et même mes chaussures qui sont une autre forme de cadre, sont acceptés ou refusés par ma conscience. Si mon voyage n’a pour seul but de me valoriser aux yeux de mes amis, car mon guide est l’ancien champion du monde de la spécialité, alors ma conscience à abandonné son rôle au profit de l’orgueil. Si mes chaussures sont les plus chères du marché et que mon trek n’a d’autre but que de me comparer aux autres, alors je suis esclave de mes vices et mes passions. L’atteinte du sommet ne me nourrira jamais car le chemin était vide. Il me faudra d’autre sommet, d’autres challenges pour remplir ce vide sidéral.

Les cadres qui nous accompagnent ou qui bloquent notre route ne sont que des outils ou des épreuves qui nous permettent justement de sortir de la dualité Sacré / Profane pour nous élever vers notre centre. Si notre conscience est entièrement convoquée pour conduire et animer notre vie, il n’est plus besoin de s’enfermer dans un espace dit sacré, puisque de fait, tout devient sacré. Il n’est plus utile d’être plus de ceci, ou moins de cela, puisque nous sommes toujours à la juste place. Les notions absurdes issues de nos religions manichéennes avec le bien et le mal se transforment aussitôt en juste ou en chaos créateur qui sont deux états transitoires et alternatifs de la vie. Le bien et le mal étant pour leur part des notions morales comparatives. J’en veux pour preuve que le militaire qui tue son voisin ennemi est décoré, la femme qui tue son mari après des années de violence est qualifiée de criminelle.

Souvenons-nous un instant de cet homme qui avait commis 200 actes terroristes dans sa jeunesse et qui fut condamné à la prison à vie. Après 27 ans de détention, il ressort et le cadre de sa cellule est devenu son support de travail, son véhicule de sagesse. Il devient ensuite Président d’Afrique du Sud, puis Prix Nobel de Paix. L’univers carcéral fut pour lui, le cadre nécessaire pour gravir sa montagne et grimper jusqu’aux tréfonds de son cœur, de son être, pour se connecter à son humanité la plus profonde et nous toucher tous, puisqu’il est devenu un symbole de paix.

Pour se libérer de ses chaînes, le maçon qui croit recevoir la Lumière lorsque le bandeau lui est retiré, commet une grave erreur d’appréciation. Ses yeux sont des menteurs. En réalité, il retourne à cet instant précis à la porte du Temple, au profanum, puisqu’il retourne à l’extérieur par la vue. Il quitte le sacré de son intériorité. Ce bandeau qui constituait un cadre de cécité, l’obligeait durant toute sa cérémonie à imprimer en lui les épreuves, à sentir, à vivre sans savoir, à être le docile pénitent qui accepte la vie dans le doute de l’action mais la foi de ses futurs Frères et Sœurs. On veut tout savoir, pourtant en langue des oiseaux « savoir, c’est voir ça ». Or voir, c’est déjà chercher à se rassurer afin de positionner après coup la cible au centre de la flèche. Ce bandeau est un outil béni du GADLU, il oblige le candidat à faire un travail introspectif. Il impose à l’impétrant la confiance dans l’Expert qui le guide, dans les FF :. & SS :. qui le taquinent de leurs épées lors du premier voyage accompagné. Ce bandeau est une bénédiction pour le futur maçon, car tout le génie de notre Art se trouve concentré dans ce moment. Le futur maçon fait confiance, il se met en mouvement, il est dans le silence et il s’imprègne docilement de ce que l’amour fraternel lui réserve durant ce moment trop bref des 3 voyages en Loge.

Combien d’entre nous avons gardé ce souvenir inoubliable de cet autre cadre dont je vais vous parler ? La chaîne d’union, lorsque les yeux bandés, nous passions de mains en mains sans savoir qui nous prenait et nous transmettait au voisin bienveillant. Certains en avaient même les larmes aux yeux. Avez-vous déjà vu un candidat négocier son serment ou nous demander de lui épargner l’épreuve du dernier élément sous prétexte qu’il est sensible au feu ou à la piqure ?

Et pourtant, nous avons tous courbé l’échine devant la porte basse, sans broncher nous nous sommes soumis au cadre qui nous était imposé. Ah mes Sœurs et mes Frères, je dois vous confesser qu’il m’arrive parfois de sourire en écoutant certains maçons remplis de certitudes. Je les imagine le genou à terre avec leur bandeau sur les yeux, inquiets comme nous l’avons tous été. Je me demande ce qui pousse l’humain à trop vite oublier ces moments de doute qui engendre l’humilité, pour se réfugier dans l’univers de la peur, de la comparaison ou de la compétition ?

Je n’ai pas de réponse définitive à cette question, juste une proposition. Je me demande si le fait d’être connecté à l’amour de soi, je parle du réel amour, l’inconditionnel, ne serait pas l’antidote de la peur, de la comparaison et de la compétition. Ce virus qui engendre la maladie du pouvoir et de l’orgueil. Si une équation pouvait être dégagée de cette réflexion ne pourrait-elle pas être la suivante : « Plus je m’aime, plus j’aime les autres - Moins je m’aime, plus je me coupe des autres. »

Les deux termes de « vices et les vertus » qui ont constitués la base de la création de la Franc-maçonnerie ne seraient alors plus un cadre moral nécessaire à notre pratique. La nouvelle référence deviendrait : « La conscience ». Comme le rappelle d’ailleurs notre Rituel, c’est par sa conscience que le maçon est relié au Divin. Lorsque je cite la conscience, je ne parle évidemment pas des émotions qui nous travestissent trop souvent la réalité, je parle de l’action juste au moment opportun. 

En conclusion le cadre serait pour le Maçon, un moyen pour définir le dedans du dehors avec sa ligne de démarcation, bienvenu dans la dualité. Puis dans un second temps, affranchi des excès de ses émotions et de ses passions par le travail intérieur, il trouve son juste centre, porteur de sagesse. Une fois aligné en ce centre, il laisse les choses se faire sans aucun laisser aller, il observe sans réagir. Il « est » sans être obligé de faire, son écoute et sa parole deviennent justes. Bienvenu dans le monde ternaire. Il est désormais habité par la conscience.

Après ce long chemin, le Maçon peut enfin quitter son tablier, son Temple et ses Rituels car où qu’il soit, il est porteur de cette essence qui contient le sacré et le profane. Vous êtes arrivée, nous espérons que vous avez fait un bon voyage ? Espérant vous revoir prochainement sur nos Colonnes.

J’ai dit VM

Franck Fouqueray    


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