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Croire en Loge

Dieu n'est pas architecte ! Dieu est un chercheur, un doctorant en universologie.

L'univers où nous vivons est le résultat de ses recherches. L'originalité de son travail  réside dans l'utilisation d'hydrogène comme matière première de base. Cette méthode réduit très fortement les coûts de production. L'auteur n'a pas insisté sur la pollution générée par des impuretés d'hydrocarbone en quelques points épars du nouvel univers. Il est d'ailleurs persuadé qu'une simple stérilisation suffira, pour en débarrasser le produit final. Notre créateur a été reçu haut la main. Le nouveau docteur, après quelques jours de vacance, mettra la dernière main à l'univers qu'il a créé… Organisé, avant de quitter son laboratoire, le docteur Dieu a déjà placé sa création dans l'autoclave.

V\ M\, je ne crois pas un mot de cette histoire, pas plus que je ne me crois inspiré « à l’insu de mon plein gré »… Mais, est-ce que je sais qu'elle est fausse ? A mon avis, non ! Je ne pourrais l'affirmer avec certitude que si nous savions, de science sûre, comment est né l'univers dans un cas, comment fonctionne la créativité dans l'autre.

V\ M\, cette planche a pour but de traiter de l'admission ou non d'un candidat qui se dit catholique dans une loge. Je vous propose donc de réexaminer ensemble un certain nombre de concepts :
-    qu'est-ce que croire ? qu'est-ce que savoir ?
-    qu'est-ce qu'un catholique ?
-    qu'est-ce qu'un dogme ? Avons-nous des dogmes ?
-    quelles sont nos conditions d'admission ?

Et pour terminer : Est-ce que le combat contre le cléricalisme est une notion dépassée ? avant d'essayer de tirer une conclusion.

Commençons donc, par le besoin de croire.

L'origine de l'univers, celle de l'homme, la vie après la mort, pourquoi, c'est joli, un coucher de soleil ? Voilà quelques-unes unes des questions auxquelles l'homme essaye de répondre depuis le début des temps et, aujourd'hui encore, leur réponse nous échappe.

Le sociologue Duprèel définit la religion comme la science de l'intervalle. Entre les réponses que l'homme peut se procurer par ses propres moyens, par sa technique, sa science et  ce qu'il voudrait savoir, il y a un intervalle, lequel est comblé par une technique spécifique, la religion, concept à prendre ici au sens large car il englobe les sciences occultes telles que l'astrologie, l'alchimie, la sorcellerie.

La frontière de l'intervalle évolue avec le progrès du savoir, faire un feu a longtemps été sacré, aujourd'hui quand j'allume ma pipe, il n'y a plus beaucoup de magie dans l'opération, par contre, le progrès découvre de nouvelles zones d'ombre, de nouvelles questions, ce qui oblige les religions à évoluer, même si c'est le plus souvent contrainte et forcée.

V\ M\, La théorie de Dupréel souligne la différence entre deux verbes souvent utilisés, à tort, l'un pour l'autre, dans notre langage courant : croire et savoir. Elle explique la tension permanente entre les croyants et les incroyants.

Savoir, exprime un état : je sais parce que je suis instruit dans un domaine, parce que j'ai la pratique de faire ceci ou cela, parce que je suis informé. Il s'agit d'un état dynamique puisqu'il change parce que j'ai reçu une information, parce que j'ai suivi une instruction, parce que mes erreurs ont élargi mon expérience, etc.

Croire, n'est pas un état mais une action.

V\ M\, je crois en beaucoup de chose, notamment que le jour viendra demain, que les élections auront lieu en mai 2004, que je prendrai, après cette tenue, un verre avec nos FF\ et nos SS\ , que nous partagerons les Agapes. Pourtant, la réalisation de ces choses ne suffira pas à vous convaincre, de me décerner un diplôme de voyance ; si aucune de ces prédictions n'est absolument sûre, si je ne SAIS pas qu'elles se produiront, nous savons qu'elles sont probables.

Croire peut également s'employer pour exprimer la confiance que l'on veut avoir dans une institution : je crois en la justice de mon pays.

Il peut exprimer une position, une acceptation de valeurs : je crois dans la démocratie, dans les droits de l'homme.

Croire peut même exprimer le doute, l'anxiété : je crois que ce travail entraînera une large discussion.

Croire, a donc des sens multiples mais toujours, il y a une zone d'incertitude, une subjectivité, qui se manifeste et qui n'est balayée que par un acte de volonté; je crois parce que je veux croire.

V\ M\, je suis un croyant et je pense que vous en êtes une autre, ainsi que toutes nos SS\ et tous nos FF\ dans ce temple. Nous croyons à un certain nombre de valeurs, pas toujours les mêmes d'ailleurs, nous les tenons pour vraies et nous cherchons à contribuer à ce qu'elles se répandent, et même, pour certains d'entre nous, à les traduire dans la réalité par nos actes. Autrement dit, nous cherchons à apporter notre contribution à la construction du Temple de l'Humanité.

Comme le remarquait déjà Ovide :
« Toutes les autres créatures baissent les yeux vers la terre, mais l'homme a reçu un visage afin qu'il puisse tourner son regard vers les étoiles et contempler le ciel. »
(Les Métamorphoses)

Nos croyances, tout comme la foi de l'homme religieux, nous permettent de nous positionner dans l'univers, elles orientent nos vies, elles nous aident à trouver une solution à nos problèmes personnels. Se faisant, elles nous apportent une cohérence qui a du sens, une sécurité mentale, un bien-être spirituel.

Notre F\ Salvador Allende nous en a fait la démonstration. En visite à la Grande Loge de Colombie, il a évoqué les critiques de ses FF\ d'une part, de ses camarades de l'autre, sur la non compatibilité entre être maçon et être communiste. C'est sa croyance dans la tolérance, dans la liberté de conviction qui lui a permis de répondre à ses critiques, que si la Loge lui interdisait d'être communiste, il quitterait la Loge et que si le parti lui interdisait d'être maçon, il quitterait le parti.

Si nous sommes tous des croyants, V\ M\, pourquoi en exclure certains de nos travaux ? C'est la réflexion que propose le F\ Jacky Goris, S\ G\ M\ N\ du G\ O\ B\, lorsqu'il écrit : « Il faut oser se demander si des croyants non-dogmatiques qui sont disposés à entamer un dialogue fraternel (et j'insiste sur « fraternel ») avec des libres penseurs et des agnostiques ne pourraient pas échanger des idées et collaborer à la construction du temple. » [i]

Cette phrase, pour moi, comme pour beaucoup d'entre nous, du G\ O\ B\ ou d'ailleurs, a amené bien des réflexions.

Nous vivons dans une société qui ne jure que par l'ouverture, la coopération, l'ocuménisme, le dialogue. Exclure, refuser des gens pour ce qu'ils sont, n'est pas dans l'air du temps. Son côté négatif donne, dans l'opinion publique, au groupement qui le pratique, une image d'intolérance, difficile à supporter aujourd'hui.

Je ne cacherai pas que l'exclusion des femmes a joué un rôle dans mon coix du  DH. Les échanges sur des listes maçonniques, francophones et anglophones, me permettent de dire que très peu de FF\ osent aujourd'hui défendre publiquement que l'autre sexe n'est pas initiable et s'ils le font, des FF\, de leur obédience, sont les premiers à réagir. Même la Grande Loge Unie d'Angleterre ne s'y risque plus. Dans les Questions et réponses sur son site, elle répond à la question « pourquoi n'avez-vous pas de membres féminins ? » en invoquant l'histoire et la tradition mais termine par l'information que pour les femmes désireuses d'entrer en maçonnerie, il y a deux obédiences féminines en Angleterre. [ii]

Il me paraît évident que, si les grandes loges américaines acceptent, aujourd'hui, presque toutes, et les autres y viennent, de reconnaître les Obédiences noires de Prince Hall, en dépit de leur sacro-saint principe de territorialité, leur motivation est à chercher dans le souci de s'adapter à la société d'aujourd'hui et d'échapper ainsi à l'image d'une organisation raciste que les antimaçons américains étaient trop heureux de leur donner.

Bref, un vent de tolérance pousse à l'ouverture et il est légitime de se demander pourquoi nous continuerions à exclure les cathos. Tout comme nos FF\ suédois se demandent sans doute s'il leur est possible de continuer à ne recruter que des chrétiens.

Remarquons quand même que, contrairement à l'exclusion pour raison de sexe ou de race, celle des catholiques n'est pas un refus d'admettre quelqu'un pour ce qu'il est, mais qu'elle se base sur le choix qu'il a fait, sur la conviction qu'il a choisie.

Vous me direz que les jeunes baptisés n'ont pas eu le choix. C'est vrai, mais, à l'âge adulte, ne pas remettre un fait en cause, c'est également un choix. [iii]

Mais, pourquoi est-ce que leur choix nous gêne ? La Loge est fière d'être « le Centre d'Union et le Moyen de nouer une véritable Amitié parmi des Personnes qui eussent dû demeurer perpétuellement Éloignées. » mais être catholique, est-ce être quand même trop éloigné ?

Avant de proposer une réponse à cette question, je crois qu'il est nécessaire de se demander ce qu'est un catholique dans la société où nous vivons.

Pour mon petit Larousse, un catholique, c'est  un  chrétien qui reconnaît l'autorité du pape, en matière de dogme et de morale. Donc, V\ M\, le pape dicte au catholique ce qu'il doit croire, le dogme, et ce qu'il doit faire, la morale.

Si nous nous en tenons là, il n'y a aucune raison d'accepter un candidat qui n'est manifestement ni probe, [iv] ni libre.

Son Eminence, le Cardinal Ratzinger, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, serait si heureux si c'était aussi simple !

En effet, même si nous avons du mal à l'admettre, le catholique belge et occidental en général, a évolué.

Au grand dam, sans doute, des responsables de l'Eglise qui ont béatifié Pie IX, peu de catholiques du monde occidental sont prêt à accepter le Syllabus, pourtant toujours la doctrine officielle de l'Eglise, lorsqu'il condamne la démocratie. [v]

Au grand dam, également, des libres-penseurs, pour qui il est plus confortable de croire que les cathos sont des petits pois dans une boîte dont l'étiquette précise « made in Roma », de croire que les catholiques ont échappé aux mouvements d'individualisme, de contestation qui ont changé notre société depuis 50 ans, de croire que, depuis l'époque de leur catéchisme, il n'y a pas eu Vatican II.

Et pourtant :

-    En Belgique, une institution comme l'UCL a pris ses distances en terme de liberté d'enseignement et de recherche. [vi]

-    En Belgique, des catholiques trouvent normal de louer les services d'un prêtre de « Rent a Priest », soit  pour célébrer les cérémonies que l'Eglise catholique refuserait, soit pour choisir un rituel qu'elle n'accepterait pas.

-    En Belgique, des prêtres de paroisse ne marient pas, mais bénissent la nouvelle union de catholiques divorcés.

-    En Belgique, les femmes catholiques se confessent, avec leur boite de pilules dans le sac à main, et les prêtres leur donnent l'absolution, sans se préoccuper que la contrition implique pourtant la ferme résolution de ne plus recommencer.

-    En Europe, des femmes défient les interdits du Vatican, se font ordonner prêtres et sont excommuniées mais se disent toujours prêtres catholiques.

-    A l'ONU, une centaine d'associations catholiques ont lancé, en 2000, une campagne pour que le statut du Vatican soit réduit à celui d'une ONG, comme celui des autres Eglises. Leur but, en essayant de le priver de son statut d'observateur, est d'empêcher le Vatican de continuer à interférer, comme il le fait aujourd'hui, dans l'élaboration des programmes de luttes contre le sida et le planning familial. Malgré les vives critiques de Rome, ces associations continuent leur combat. [vii]

V\ M\, est-ce que ces gens ont abandonné leur liberté de penser et d'agir leur morale à un gourou en soutane blanche ? Je ne le crois pas. Au contraire, il me semble que bon nombre de ceux qui s'affirment catholiques aujourd'hui ont développé leur propre morale, leur esprit critique, indépendamment du Vatican. Ce serait non seulement leur faire injure, mais aussi, une erreur, de dire que ces catholiques ne sont pas libres.

L'Eglise est beaucoup plus pragmatique que beaucoup de Maç\ ne veulent l'admettre. Elle est ainsi fidèle à ses principes en s'adaptant aux pays, aux mours, aux temps et circonstances. Elle a une série de visages en fonction de ses intérêts locaux et de sa « force relative ». Parce qu'elle a, dans nos pays, besoin de toutes ses plumes, l'Eglise tolère ce qu'elle ne peut pas empêcher et fait mine d'ignorer ce qu'elle ne pourrait pas tolérer. [viii]

Mais, le dogme me direz-vous ?

Pour nous, le mot évoque Galilée, Giordano Bruno, les bûchers de la Sainte Inquisition, la persécution des hérétiques, des Juifs et de tous les pauvres diables qui ont eu le malheur d'être appelé sorciers ou sorcières, les croisades contre les Albigeois et les Bogomiles [ix], les guerres de religion. Le dogme nous semble symboliser toute l'intolérance du monde.

D'ailleurs, n'appelle-t-on pas dogmatique quelqu'un qui est si sûr d'avoir raison que tous ceux qui croient autrement ne peuvent qu'avoir tort ? Et pour nous, libres-penseurs de Belgique, dogmatique  est synonyme de catholique.

Le dogmatisme n'est pourtant pas réservé à la seule Eglise romaine ; souvenons-nous de Spinoza, des bûchers de Genève. Andrew Dickson White, celui qui a créé l'université Cornell, la première université américaine basée sur les principes libéraux et dont l'enseignement en matière de religion, d'éducation des femmes, de race et de science, n'était pas influencé par les dogmes religieux, a rencontré autant, sinon plus, d'opposition que notre F\ Théodore Verhaegen avec l'ULB. [x]

Aujourd'hui, l'intégrisme de certains mouvements islamiques, juifs, brahmanistes ou protestants me paraît d'une intolérance et d'une violence supérieure à celui de leurs équivalents catholiques, même s'il est vrai que des mouvements catholiques « pour la vie » ont commis quelques attentats.

Pourtant, notre franc-maçonnerie accepte des Juifs, des protestants, des musulmans et je suppose qu'elle accepterait un brahmaniste le cas échéant mais elle refuse les catholiques parce qu'ils sont dogmatiques.

V\ M\, il m'a donc paru nécessaire de réexaminer la notion de dogme.

Hachette définit le dogme comme :
1.      Principe établi ; enseignement reçu et servant de règle de croyance, de fondement à une doctrine. Le dogme de la Trinité. Dogme philosophique, politique.
2.      RELIG Le dogme : l'ensemble des articles de foi d'une religion, notamment du catholicisme.

L'encyclopédie des éditions Atlas ajoute que « Le mot est grec, dogma, signifiant à l'origine « opinion », puis prescription légale et enfin doctrine imposée. » [xi]

A l'opposé de ces définitions, il y a des catholiques progressistes, notamment l'abbé Ringlet qui se dit libre penseur et écrit sur le dogme : « Et le dogme ? Et la Révélation ? Même sincère, même ardemment soucieux de laïcité, un chrétien peut-il sérieusement pratiquer le libre examen alors même que sa foi repose sur une vérité «révélée», donc extérieure à lui ? La vraie tension entre chrétiens et laïques n'est-elle pas une difficulté à réconcilier dogmatisme et liberté de pensée.
Si la Révélation est un dépôt figé auquel on ne peut jamais rien ajouter, rien retrancher, alors oui, je mesure la difficulté et je partage la révolte de Camus contre une Révélation « qui frapperait de terreur un peuple rebelle ». La Tradition n'est alors qu'une répétition et la nouveauté, une menace pour la « pureté » doctrinale. Comme si Dieu ne continuait pas à se révéler. Comme si on pouvait «arrêter» la Révélation.
Comme si elle ne se frottait pas à l'histoire, à la culture.
La formulation dogmatique est supposée dire le consensus d'un moment, non pas la lecture d'une hiérarchie « inspirée» mais la perception large de tout un peuple. Le dogme est un coup de projecteur, un gros plan. Il est une référence, une «mémoire vivante » qui ne supprime pas l'intelligence, le discernement critique, l'autonomie de jugement. » [xii]

V\ M\, ce qui me trouble dans ce texte, c'est qu'un projecteur, ça s'éteint ou alors le faisceau balaye, il se porte naturellement ailleurs. Hors, une fois le dogme catholique établi, le cercle de lumière y reste jusqu'à la fin des temps.

Je me demande si notre subtil abbé ne joue pas sur deux compréhensions  du mot dogme car en effet l'encyclopédie Atlas m'apprend que « Le dogme, dans le sens strict, est défini et promulgué solennellement, soit par le pape, soit par un concile ocuménique (le magistère «  extraordinaire»). Mais ont valeur de dogmes également des vérités de foi déclarées de fait et enseignées par l'ensemble des évêques (le magistère « ordinaire »). Les dogmes ne sont donc pas tous, ni formellement, ni solennellement définis

Quoiqu'il en soit, je n'ai pas d'ambition comme théologien catholique et je retiens que, pour certains catholiques, le dogme implique la réflexion et même l'évolution. En effet, quelle que soit la définition admise par Jean-Paul II et le Cardinal Ratzinger, notre problème se borne à l’admission ou non de candidats qui se disent catholiques.

Il me semble également, V\ M\, que si le dogme exclut, son but est tout autant de rassembler, de relier ceux qui partagent la même foi. Mon professeur de religion, que je ne me rappelle pourtant pas comme un prêtre particulièrement ouvert, définissait le Chrétien comme l'homme capable de réciter le Credo avec conviction. Il simplifiait et le catholique doit y ajouter quelques dogmes plus récents mais le principe reste le même et je définirai personnellement le dogme comme le lien qui unit ceux qui y adhèrent.

Vu ainsi, le dogme n'est plus exclusivement religieux. Il embrasse tout le champ des convictions, qu'elles soient philosophiques, politiques ou morales, auquel l'homme peut adhérer.

Je partage ainsi l'avis exprimé par notre F\ H\ S\ de la R\ L\ L\ du GOB [xiii] sur un forum :
« Notre credo en cet humanisme n'a-t-il pas finalement les mêmes faiblesses que bien des religions dites dogmatiques ?...c'est-à-dire d'avoir foi en une chose qui n'est ni rationnelle, ni démontrée (comme si réellement nous n'acceptons que ce qui est démontré)...notre Dieu devient Rationalisme, Laïcité, Droits de l'Homme, Humanisme etc... Soit ! J'y souscris à 100%, mais reste (tente de rester) conscient qu'il s'agit là d'options de vies personnelles, de choix éthiques et subjectifs qui équivalent ceux de l'homme qui embrasse la religiosité. En sommes-nous plus libres pour autant ? La question est à poser. Pour moi nous ne le serons uniquement si nous savons qu'il s'agit de choix ».

Je pense que notre frère H\ accepterait que je retourne sa proposition pour dire qu'un croyant qui s'abandonne consciemment à sa foi, qui accepte le credo, les dogmes de son Eglise, en toute conscience qu'il se positionne dans l'intervalle au-delà de la connaissance et qu'il ne peut y être que par un acte volontaire, est un homme libre au sens requis par nos critères de sélection : il est un homme libre qui exerce sa liberté de choisir, en conscience, sa position dans l'univers.

Plus d'un ici, V\M\, est sans doute surpris, peut-être même choqués que l'on puisse venir à cette stalle et défendre la thèse que si un homme libre accepte le dogme de son plein gré, il reste un homme libre.

Nous appartenons à une franc-maçonnerie que nous proclamons fièrement adogmatique. Dans nos forums sur le net, on échange avec la maçonnerie universelle. Des FF\ et des SS\, réguliers, adogmatiques, membres de toutes obédiences et de tous pays, s'y reconnaissent comme tels et discutent des idées qui nous sont chères.

Les conditions d'admission sont un sujet récurrent de ces débats. Je crois que parmi tous les critères utilisés, je peux en discerner trois qui sont communs à tous :

1.      être probe et libre ;
2.      être initiable, quels que soient les mots que nous employons pour en parler ;
3.      être capable de s'intégrer dans le groupe d'individus que constitue un atelier.

Souvent, une réponse négative à cette troisième question n'est pas un non pour la maçonnerie. L'atelier ou les parrains/marraines essayent de réorienter le candidat. A l'opposé, un non à l'un des premiers critères laisse le candidat en dehors du Temple.

Jusqu'ici nous avons beaucoup parlé de liberté, le concept d'initiabilité me paraît maintenant utile pour continuer notre réflexion.

Pour nos FF\ réguliers, la réponse est simple, l'initiabilité repose sur la croyance en Dieu, point à la ligne. Mais pour un F\ ou une S\ adogmatique, qu'il ou elle travaille « à la gloire du G\A\D\L\U\» ou au « progrès de l'humanité », qu'est-ce qui se cache derrière la notion d'initiabilité ?

J'y ai beaucoup réfléchi, sur base de nombreux échanges, et aujourd'hui je pense qu'il s'agit de la  spiritualité, de la conviction que quelque chose est supérieur à notre moi individuel. Ce quelque chose, chacun le définit pour lui-même mais, tous, nous croyons qu'il existe quelque chose qui dépasse l'individu et ses égoïsmes, nous croyons que par le travail nous pouvons, au moins individuellement, nous rendre meilleur.

Oh, je sais que certains d'entre-nous avouent ne plus y croire mais si, influencés par les guerres, la misère du monde, ils désespèrent du progrès de l'humanité entière, chacun d'entre eux reste pourtant persuadé qu'il peut, au moins, tailler sa pierre, s'améliorer lui-même par ses efforts.

Nous n'en demandons pas plus V\ M\, mais, nous exigeons au moins cela ! [xiv]

Voilà notre dogme !

V\ M\, je viens de dire « tous, nous croyons qu'il existe quelque chose qui dépasse l'individu et ses égoïsmes ». Une soeur après avoir lu cette phrase m'a dit,  « tous mais pas moi, tu définis la transcendance et je n'y crois pas ». Je veux donc insister V\ M\ que  je ne parle pas plus de transcendance que d'immanence. Je veux tout simplement dire que n'importe qui ici a un fondement à sa morale, une valeur, quelque chose, par exemple l'humanité, les droits de l'homme, la libre pensée, etc., etc. au nom de quoi il justifie ses actes et le désir qu'il a de s'améliorer.

V\M\, que nous restions libres, tout en partageant ce dogme de la perfectibilité au moins de l'individu et en refusant ceux qui ne la partagent pas, je n'en doute pas un instant. Est-ce également possible pour un catholique vis-à-vis des dogmes de son Eglise ?

Certains le revendiquent, qu'il s'agisse de l'abbé Ringlet, de l'abbé de Locht ou de André Hannaert et André Verheyen, respectivement animateur responsable et membre fondateur de "Libre Pensée Chrétienne". Répondant, dans La Libre Belgique, [xv] à une intervention de Robert Joly, intitulée « Libre pensée sans évangile », ils écrivent en effet : « Nous n'avons nullement l'intention de réfuter l'ensemble des idées émises par R. Joly, car il y en a bon nombre avec lesquelles nous sommes d'accord, à condition de remplacer `sans évangile´ par `sans dogme´ ou `sans Magistère´ ou tout au moins `sans la conception dogmatique de l'actuel Magistère de l'Eglise´. En effet, ce n'est pas l'Evangile qui est un obstacle à notre liberté de pensée; c'est la conception des responsables de l'Eglise quant à la portée contraignante des vérités `révélées´. »et plus loin : « Il est clair que la libre pensée se heurte souvent à un manque flagrant d'esprit critique chez les responsables religieux qui affirment l'autorité divine de leurs textes de référence et qui en font dès lors une relecture littérale ou fondamentaliste. Pour ne prendre que l'exemple de la Bible ou du Coran, combien de responsables n'ignorent-ils pas - ou pire, ne refusent-ils pas de savoir- le rôle de ceux qui ont composé, transmis, transcrit, adapté, modifié les textes de référence! Ce qui les empêche évidemment d'en avoir une exégèse et une compréhension crédibles. »

Est-ce que ces catholiques sont des exceptions ? S'ils l'étaient, je ne pense pas que la Libre Belgique leur aurait ouvert ses colonnes. Je n'ai pas souvenance d'articles de ce genre dans La Libre de ma jeunesse.

Il me paraît donc très possible que certains croyants, qui, dans notre pays, se disent aujourd'hui catholiques, croient dans les dogmes de leur religion révélée tout en  admettant également que ces dogmes sont du domaine de la foi, c.-à-d. qu'ils appartiennent au croire et non au savoir et qu'un parfait honnête homme peut les refuser, de bonne foi, c'est le cas de le dire.

Peut-on pour autant leur ouvrir, sans plus, les portes de nos Temples ?

Répondre par l'affirmative à cette question ferait bien peu de cas de l'engagement des loges adogmatiques pour la  laïcité, pas tant celle du CAL que celle de « La laïcité = la neutralité de l'Etat, ce concept qui veut ignorer le facteur religieux ou philosophique dans la vie publique mais lui laisse toute liberté de s'épanouir dans la sphère privée. Cette laïcité est l'héritage des Lumières. A ma connaissance, seules l'Amérique, la France et la Turquie l'ont formalisée dans leur législation. Elle est pourtant généralement pratiquée en Occident. Dans la plupart des pays d'Europe, sauf l'Irlande et demain la Pologne, même s'il existe une religion d'Etat, l'Eglise officielle n'est  plus à même de dicter les lois.

Selon moi, ne pas être laïc dans le cadre de cette définition, se refuser à admettre que la morale d'une religion puisse ne pas être imposée par la loi à l'ensemble des citoyens, doit exclure d'office l'acceptation d'un candidat dans une maçonnerie belge dont la conception de l'humanisme est essentiellement anticléricale, c.-à-d. l'acceptation dans une maçonnerie qui a toujours combattu l'influence de la religion dans la vie officielle.
Vouloir qu'il en aille autrement, ce n'est plus être ouvert, c'est accepter de remettre en question un fondement de notre maçonnerie. Et pour tout vous dire, V:. M:., je n'en vois pas la nécessité.

Si le combat contre le cléricalisme est gagné plus ou moins complètement, selon les pays d'Europe, le danger demeure, comme le démontre les appels répétés du pape, pour que la future constitution européenne reconnaisse l'identité culturelle et spirituelle de l'Europe à peine de mettre en danger l'identité européenne elle-même, selon lui. Jean-paul II presse expressément pour une collaboration étroite entre les dirigeants politiques et les clercs. La dernière « Note doctrinale à propos de questions sur l'engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique » publiée en novembre est très claire en citant le modèle à suivre : « S. Thomas More, proclamé Patron des Gouvernants et des Politiciens, a su témoigner jusqu'à la mort «la dignité inaliénable de la conscience ». Il a refusé tout compromis, bien que soumis à diverses formes de pression psychologiques. Sans renier « la fidélité constante à l'autorité et aux institutions légitimes » qui l'avait distingué, il a affirmé par sa vie et sa mort, que « l'homme ne peut séparer de Dieu, ni la politique, ni la morale ». Et bien sûr, c'est l'Eglise qui exprime la volonté de Dieu.

Le péril clérical existe donc toujours. Son combat est toujours d'actualité et la place d'un ultramontain n'est toujours pas dans une loge de notre maçonnerie adogmatique.

C'est la raison pour laquelle, V\M\, j'hésiterais beaucoup, je relirais certainement ses livres, je le questionnerais très sérieusement sous le bandeau, avant de voter, le cas échéant, sur l'acceptation dans notre loge Condorcet d'un abbé Ringlet qui écrit : « Je revendique simplement d'être moi-même en public et je prétends qu'il y va de la solidité de la laïcité. Il ne peut pas y avoir l'Etat en semaine et l'Eglise le dimanche. La position laïque pure et dure selon laquelle « l'espace public ne se partage pas » me semble conduire droit à l'impasse. »

Ces phrases me semblent affirmer clairement que, selon l'abbé, l'Eglise a un rôle à jouer dans la vie publique. L'article 51 du projet de constitution européenne, celui qui organise un contact régulier entre les Eglises et les Institutions européennes ne lui déplait sans doute pas. Ces phrases démontrent en tous cas une opposition claire avec la mission de combattre le  cléricalisme que s'est donnée la franc-maçonnerie belge. L'abbé semble confondre le Centre d'Action Laïque et la laïcité de la vie publique. Je ne crois pas qu'il s'intégrerait facilement dans notre loge, s'il ne peut nous rassurer sur sa position à ce sujet.

V\ M\, j'ai essayé de démontrer qu'un candidat se disant croyant catholique, même adhérant aux dogmes de son Eglise, pouvait être un homme libre et devenir un bon maçon, qu'il pouvait apporter sa pierre à ma « Loge Mère » :
« Nous nous réunissions sur le niveau et nous nous quittions sur l'équerre.
Moi, j'étais second diacre dans ma Loge-mère, là-bas !
Quand je jette un regard en arrière,
Cette pensée, souvent me vient à l'esprit :
« Au fond il n y a pas d'incrédules
Si ce n'est peut-être nous-mêmes ! »
Nous nous réunissions sur le niveau et nous nous quittions sur l'équerre. » [xvi]

Examinons donc nos candidats et nos candidates dans l'esprit tant de Kipling que de la phrase de notre frère Goris, Sér\G\M\ Nat\ du G\O\B\ mais complétons sa phrase pour tenir compte de ce danger clérical, toujours d'actualité. Je suggère donc d'y ajouter deux mots et d'écrire: « Il faut oser se demander si des croyants non dogmatiques et anticléricaux qui sont disposés à entamer un dialogue fraternel (et j'insiste sur « fraternel ») avec des libres penseurs et des agnostiques ne pourraient pas échanger des idées et collaborer à la construction du temple ».

J'ai dit, V\ M\


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