Obédience : NC Loge : NC 02/11/2009

Des Tavernes à nos Loges d’aujourd’hui

Il est raisonnable de penser que la Franc Maçonnerie moderne est née en Angleterre, le pays alors avait besoin d’une atmosphère d’entente et de tolérance parce que divisé et fatigué de guerres et de malentendus ?

La seconde moitie du 17eme siècle l’Angleterre s’était nourri de  l’influence des courants philosophiques qui suivirent la Renaissance, et cela surtout par l’entremise de la Hollande qui était le symbole de la prospérité économique et spirituelle.
Comme  l’influence des hommes de pensée d’origine juive, « les Conversos »,  qui étaient revenus au Judaïsme et qui défendaient l’entente et la coexistence entre les religions, comme Spinoza, Menasseh Ben-Israel, {Rabbin très influent, estimé des banquiers} etc. Quant aux grades supérieurs, nés en France et dénommés  « Le Rite Ecossais », c’était  parce que ce sont ceux qui ont été a son origine, eux-mêmes d’origine écossaise.

Un chercheur contemporain, le Professeur David Stevenson de l’Université de Saint Andrew, auteur de deux ouvrages remarquables sur le sujet de la Franc-Maçonnerie: « L'origine de la Franc Maçonnerie, le siècle Écossais 1570-1710 », thèse éditée à Cambridge en 1988, et  « Les Premiers Franc-maçon » ouvrage édité à Aberdeen la même année, réussissant a bousculer les idées existantes sur l’histoire et la question tant controversée des sources de la Franc-Maçonnerie spéculative.

C’est a la demande du Pasteur Jean-Teophile Desaguilier (1683-1739) que le Pasteur James Anderson (1679-1739), accepta de faire connaître son mémoire sur les « Ancien Devoirs » (old charges) relatant l’histoire légendaire du métier de bâtisseur où sont les racines de la F.M. moderne. Anderson mentionne les monuments majeurs cités dans la Bible et induit l’idée de l’architecture.

Les maçons spéculatifs n’apportent rien de nouveau, mais s’inscrivent dans une chaîne ou l’architecture sainte est très présente. Ce sont les analyses, les exégèses, {sens d’un Texte, notamment de la Bible}, et les commentaires qui au fur et a mesure ont fait évoluer le concept, voire même le détourner.
 
Le concept est le suivant : Les loges de Francs Maçons opératifs ont introduit au fur et a mesure des membres qui n’étaient pas des bâtisseurs de profession, jusqu’a ce que la FM  devint  ce que nous appelons la « FM spéculative » ou la « FM moderne ». Tout cela se passe en Angleterre, fin du 17eme début 18eme siècle.
Je voudrais attirer votre attention sur les mots « libres et admis » par lesquels on qualifie les maçons participant à l'Assemblée et Fête de la Grande Loge. Le terme libres (free) a donné lieu à de multiples et savantes discussions que pourrait éclairer l'étude de son correspondant français, le mot franc, qui semble avoir été appliqué en France bien avant le 17e siècle, dans l'expression Franche-Maçonnerie. Qui sait même si cette expression ne précéda pas celle qu'on a plus tard adoptée en Angleterre et si free n'est pas la traduction de franc, contrairement à l'opinion générale qui fait du mot franc la traduction de free.

D'autre part, les mots franc et franche peuvent être entendus dans le sens de possédant la franchise, c'est-à-dire la faculté d'agir à leur gré. Il est notamment fait mention, dans le Larousse, de la faculté que possédaient ancienne­ment les ouvriers qui ne pouvaient acheter une maîtrise de travailler à leur compte en des lieux ou des quartiers déterminés d'une ville. {Numerus clausus}. Mais nous ne croyons pas qu'il y ait lieu d'admettre une liaison entre cette condition semi-­indépendante de certains artisans et ce que l'on entend par le mot franc-maçon dans l'acception symbolique.

Nous sommes plutôt portés à admettre que, dans l'expression franc-maçon, le mot « franc » signifie « li­bre », c'est-à-dire affranchi d'obligations.
Un franc-maçon serait, d'après cette définition, un maçon qui ne serait pas astreint à la besogne matérielle des maçons, qui ne serait lié à la maçonnerie de métier que par l'usage d'une terminolo­gie empruntée au vocabulaire des mots spéciaux à l'exercice de cette profession.

Le mot « admis » (accepted) ne présente aucune diffi­culté.

Gould {Anonyme} donne dans The Four Old Lodges {travail est sur les fondateurs de la Maçonnerie moderne, et leurs descendants}. L'indication suivante relative à la Taverne de l'Oie et du Gril, dans laquelle la loge de Saint-Paul avait le siège de ses tenues, Il existait au nord-ouest de la cour de l'église de Saint-Paul, un music-hall. Lorsqu'il cessa d'exister, le propriétaire de taverne qui lui succéda, prit pour enseigne, en vue de ridiculiser l'ancienne destinée de la maison, une oie qui pinçait avec sa patte les barres d'un gril, en imitation de l'enseigne ordinaire des anciens music-halls, qui représentait un cygne pinçant les cordes d'une harpe.

L'enseigne de l'Oie et du Gril contribua à la promotion des filiales de la Grande Loge de Londres, une réputation qui la fit adopter en beaucoup de lieux dans les provinces.

L’ensemble de recherches du Professeur David Stevenson, Écossais lui même mais non initié,  propose de revenir sur les origines, notamment sur la période pour laquelle nous disposons des sources les plus sérieuses, à savoir de 1598 à 1717 :

Période au cours de laquelle s’opéra la transition et la transformation de l’ancienne maçonnerie dite “opérative”, {celle qui survivait au sein des corporations locales de métiers}, en une institution spécifique qui émergea au 18eme siècle sous le nom de Franc-Maçonnerie Spéculative ou Moderne.

En dépit des assertions des historiens Anglais, il n’y a aucune preuve de l’existence de Loges permanentes en Angleterre jusqu’à la fin du 17e siècle, en dehors des réunions régulières et ponctuelles dans les « Auberges » pour se réunir et recevoir de nouveaux membres. 
« L'oie et le Grill, Le Gobelet et les Raisins, le Pommier et la Couronne ».
Mais en Écosse, des loges perduraient depuis pas mal de temps, leurs registres existent et le prouve, ce n’est pas par hasard qu’Anderson était Écossais.

Au moyen age, en Europe, à l’époque des grands chantiers de construction, deux types d’organisation existaient cote a cote dans une même localité :
D’une part les corporations, guildes ou fraternités, qui étaient des organisations professionnelles ayant des finalités plutôt économiques (telles que salaire, organisation de la profession, entraide mutuelle, qualifications techniques, comportement moral et social).
A peu près comme les organisations professionnelles de nos jours.

Et d’autre part, les loges de chantier : un local ou se regroupaient les ouvriers du bâtiment (maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, etc.) , dans le but de réunion, formation,  stockage des outils, dortoirs, etc.

Par ailleurs, les maçons avaient une particularité : celle d’être itinérants.
Le chantier achevé, ils partaient sur d’autres chantiers pour augmenter leur connaissance des métiers et aussi dans le but d’avoir un meilleur traitement salarial. Certains pourtant restaient sur place pour l’entretien et s’intégraient aux corporations locales conservant une sorte d’association professionnelle. La Loge servait de structure d’accueil pour les gens de métier ou de passage.

A la Saint Jean, les Maçons se réunissaient pour faire le bilan, et sans doute aussi prévoir de prochains déplacements pour se rendre sur d’autres chantiers. N’oublions pas que ces Maçons Opératifs avaient la particularité d’être de grands voyageurs.

Pendant cette ultime réunion qui marquait la séparation, tous les plans ; mémoires, manuscrits, étaient brûlés. Les cendres broyées récupérées étaient mélangées dans un pot avec du vin, chacun en buvant  contribuaient ainsi à la disparition de ce qui devait rester secret aux yeux des profanes. Seuls les Maîtres du Trait les gardaient en mémoire pour à nouveau réaliser l’équivalent des cathédrales comme celles de Chartres ou d’Amiens dans ce tour d’Europe qu’ils ont accompli pour construire plus de 40 cathédrales en moins d’un siècle.
A propos de la cathédrale de Chartres, elle fait exception car nous ne savons pas qui est le génial architecte qui est à l‘origine de celle-ci.
Or, déjà en Europe au 16eme siècle  on ne retrouve plus de trace d’aucune forme de ces loges de maçons, si ce n’est qu’en Écosse. Et pourtant on sait que ces loges de maçons opératifs ont existé, sans qu’on en connaisse par des documents la manière dont ces loges pouvaient fonctionner vraiment.
Il y a de nombreuses raisons à cela.
Prenons comme exemple « Le grand incendie de Londres »
Du 2 au 6 septembre 1666, 13.000 maisons et 87 églises furent détruites par les flammes, soit les deux tiers de Londres. La plus grande partie de Londres était construite sur et aux abords de la Tamise. Pour la reconstruction de toute une partie de la Ville, les habitants ont dû trouver à tous prix des ouvriers. C’est justement à cet occasion que les Maçons restés à Londres ont été embauchés sur place, au moins ceux qui âgés et ne voulant plus pérégriner, sont devenus les formateurs de toute une grande quantité d’ouvriers sans spécialisation, occasionnels ils sont devenus des professionnels grâce à la formation communiquée par les oeuvriers exercés à la construction des cathédrales. C’est justement la période de transition qui nous intéresse,
C’est une des raisons qui ont favorisé la communication des secrets à des profanes, et qui leur ont permis de devenir des ouvriers confirmés, mais, aussi, comme dans les Loges de chantier cités-plus avant, de faire partie des organisations professionnelles ayant des finalités plutôt économiques (notamment sur les salaires, l’organisation de la profession, l’entraide mutuelle, les qualifications techniques, comportement moral et social), {Syndicats}

Le temps des cathédrales se terminait.

En vérité, on sait peu de choses sur l’origine de ces constructeurs, sur le savoir-faire dont ils ont été les dépositaires. Ils étaient réunis en confréries, fraternités. Où le compagnonnage, un mot qui vient de "compas", leur outil de prédilection, et signifie aussi {qui partage le même pain}.

Les confréries les plus connues avaient pour nom les Enfants du père Soubise, les Enfants de Maître Jacques ou les Enfants de Salomon. Elles ont aujourd’hui pour héritiers les Compagnons du devoir du Tour de France. Certains d’entre eux ont gardé une tradition initiatique et morale de savoir-faire et de « Chevalerie dans leur métier» en refusant, par exemple, de construire des forteresses et des prisons, leur œuvre étant dévolue aux hommes libres.

La cathédrale, dans cette éthique, apparaît paradoxalement comme un édifice laïc, au sens originel du terme, car construit pour l’âme du peuple et non pour la gloire des seigneurs.
De saint Louis, ardent croisé, les bâtisseurs de cathédrales obtinrent des franchises royales qui en firent des "maçons francs".
C’est dire la reconnaissance et l’estime dont ils jouissaient.

Que dire des privilèges mais aussi de l’acharnement du roi Philippe le Bel, déployé pour anéantir les Templiers, et les supprimer sèchement...
Ceux qui sont quand même à l’origine ! {Mais c’est là une autre histoire}


Il y a quand même un petit détail ?

Comment peut-on apprécier les affirmations et les recherches de Stevenson, qui  considérait les corporations de métiers et des loges de chantier comme les ancêtres directs de la franc-maçonnerie dans son acception moderne.

Il n’existe aucune preuve qu’il y ait eu continuité entres loges semi permanentes (de la fin du moyen age a la période de la Renaissance) et les loges de maçons qui apparurent au début du 17e siècle en Ecosse.

Comme il est difficile d’affirmer que la FM moderne naquit en Angleterre, croyance entretenue par les Anglais, qui récupérèrent le mouvement seulement au début du 18eme siècle, et qu’il y eut un processus continu d’évolution directe entre les organisations subsistantes de maçons (ne pas confondre avec les guildes des métiers de Londres « voir Incendie de Londres », ou toutes les professions étaient représentées, y compris les maçons et la Franc-Maçonnerie. 

Cela ne ressort d’aucune des preuves existantes.

A présent il faut que je vous parle de cet architecte Écossais, William Shaw, qui, en se basant sur des principes anciens, édifia pour les maçons une nouvelle façon qui ne serait pas une impasse.  Il représente pour moi l’exemple parfait de ceux qui refusent une fin médiocre à une belle histoire.

A la recherche des éléments devant lui permettent de construire son Temple intérieur, il a basé son édifice à partir d’éléments spirituels et moraux puisés surtout à l’antiquité et imbibés de l’influence de la Renaissance. .

C’était au début du 17eme siècle en Écosse,
Ce qui prit naissance en Écosse, contient l’essentiel de ce qui deviendra la franc-maçonnerie moderne. 

Voici les principes qui  marquent les Statuts de Shaw:

1- Une histoire légendaire du métier de constructeur et de ses traditions :
« Old Charges = Ancien devoirs » , « les manuscrits de Cooke, de Regius »
Les documents anciens du 14eme siècle, ces « Old Charges » font référence à Hermès, Abraham qui enseigna aux Égyptiens les Sept Arts libéraux,  Euclide,  David, Salomon et a la construction du premier Temple.

2- L’art de bâtir avec les mathématiques et la Géométrie,

3- L’idée d’école de formation professionnelle et morale (collège fonde par Euclide en Alexandrie) Idée reprise plus tard par Saint Fulbert de Chartres, l’écolâtre.

4- Des rites d’admission dans le métier avec signes de reconnaissance (gestes, attouchements, mots) et un serment du secret.

5- Le caractère international de l’institution puisque les maçons voyageaient d’un pays a l’autre et pouvaient être de nationalités différentes.

6- Un lieu ou local appelé Loge, ou les ouvriers se rassemblaient et organisaient leur vie
    Professionnelle et même personnelle,

7- Un esprit de solidarité du métier et d’assistance mutuelle,

8- Enfin, les maçons médiévaux ont toujours convoqué la protection des saints ou des autorités locales ou civiles. Ces dernières étaient aussi les responsables de loges de chantier. C’est pourquoi, initiés ou non, il y eut toujours dans les loges des membres non-opératifs acceptés, et parmi eux, les promoteurs ou le financier de la construction.

En 1598 et 1599, Shaw élabora les statuts et des règles pratiques pour les maîtres de la corporation de bâtisseurs réunis a Edimbourg, en Ecosse, dont la stricte observation est conditionnelle à tout maçon.

Les deux premiers articles des Statuts de Shaw prescrivent l’obéissance et l’honnêteté.
Ils prévoient une « Initiation maçonnique » de grande simplicité, une prestation de serment et la communication du Mot de Maçon.

Pour la première fois apparaissent les grades d’apprenti et de compagnon.
Ces deux grades deviendront la référence standard jusqu’au début du 18eme siècle, ou le grade de Compagnon (fellowcraft) fut scindé entre compagnon (en cours de formation) et compagnon fini, complet appelé Maître (Master), généralement après avoir assumé la fonction de Maître de la Loge.

Les statuts de Shaw ont abouti très rapidement a l’apparition en Écosse des nouveaux types de loges spécifiquement maçonniques. Notamment celle d’Edinburgh (Mary’s Chapel), qui existe encore et qui a conservé ses archives. La création de cette loge et son lieu de réunion (dans le bâtiment des corporations) sont spécifies dans un édit municipal datant de 1475.

Déjà en 1710 existaient en Écosse 25 Loges formées et travaillant suivant les statuts de Shaw datant de 1598 et 1599, tels que (Edinburgh Mary’s Chapel, Atchinson Haven, Saint Andrews, Sterling, Aberdeen, Glasgow, Kilwinning, etc.)

Le Professeur Stevenson, dans son livre “Les Premiers Franc-maçon”, émet l’hypothèse que Shaw avait pour objectif d’introduire dans le savoir et dans les institutions du métier de la construction un mélange complexe des influences de la Renaissance qui pouvait être relié  a la tradition ancestrale et aux Anciens Devoirs de ces bâtisseurs  qui avaient réalisé ces constructions monumentales à l’époque médiévale, tels que cathédrales et palais que tout le monde admirait et admire encore..

Pour Mémoire : 
- l’importance du rôle de l’architecte et du prototype de construction
- le Temple de Salomon,
- la réhabilitation des métiers manuels, en soulignant que l’artisan peut aussi être un artiste,
- les sept arts libéraux, et notamment l’art de la mémoire dans la rhétorique,
- la fusion des philosophies différentes (le syncrétisme) et la sagesse hermétique,
- l’esprit de solidarité,
- l’usage des thèmes symboliques universels.


P.S. J’ai failli terminer mon travail sans évoquer en guise de conclusion les :
« Statuts de Shaw… »

J’ai travaillé sur cette compilation depuis tant de temps que j’ai cru que ce serait facile, mais autant que je vous dise que cela n’a pas été une ballade sur un long fleuve tranquille,
Je ne sais si vous y avez trouvé du plaisir, personnellement, j’ai le sentiment du devoir accompli…

J’ai dit
                                            
H\ M\

[2] - L'ancien mot « franc » est resté en usage, à titre qualificatif dans le parler de la région lyonnaise et stéphanoise, où l'on dit, par exemple, de quelque chose d'exquis : « C'est franc bon », ce qui veut dire « parfaite­ment bon ». Il pourrait y avoir quelque chose de cela dans l'appellation franc-maçon, qui serait alors synonyme de maçon remplissant toutes les conditions requises pour pouvoir se dire un membre de l'institution.
[3] Ce que nous avons dit de l'ancienneté de la franc-maçonnerie spéculative, de l'action des Templiers et du rapprochement probable de la franc-maçonnerie originale {Les oeuvriers} sur un groupement de corps de métier anciennement formé en imitation imparfaite des grands mystères de l'antiquité nous incite à penser que franc-maçon veut dire « membre d'une association de personnes faisant usage de termes de maçonnerie sans être tenus d'exercer la profession ».

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