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Transmettre

V\ M\, et vous toutes mes sœurs en vos grades et qualités,

Qu’avons-nous donc reçu de si précieux que nous ayons le devoir de transmettre ? En voilà un vaste sujet. Et pourquoi ai-je donc choisi ce thème. Me voilà perdu dans tous les méandres de cette réflexion. Par où commencer ? Et pourquoi justement à ce moment, je me pose cette question ?

Qu’ai-je donc reçu en héritage qui puisse me charger ainsi. Recevoir en transmission serait-il ainsi parfois un poids trop encombrant. Arrivée à une étape de ma vie, c’est bien une question essentielle. Comment, quoi et pourquoi transmettre ?

Bien sûr, lorsque l’on parle de transmission, on pense aussitôt à celle d’un patrimoine. Je laisserai donc de côté cet aspect matériel de la transmission pour aborder davantage la transmission de la connaissance, la transmission en Franc-Maçonnerie.

Transmettre : retour aux sources.

Un retour rapide sur l’étymologie nous amène sur les bords du Tibre, en pays latin, pour rencontrer le verbe « transmittère », envoyer de l’autre côté, faire passer au-delà. C’est aussi transporter et accompagner. C’est encore laisser passer. Autre signification du mot, franchir, traverser. Il est intéressant de constater que nous sommes en présence de différentes versions d’un même mouvement, le passage d’un lieu à un autre, ou d’un état à un autre.

Une autre signification, plus largement connue, est remettre. En effet, en première évidence, la transmission s’entend comme l’acte consistant à laisser à un sujet, en héritage ou en mémoire un objet, une chose ou mot, idée ou croyance, exemple ou souvenir, en les lui proposant selon certaines formes et donc en se servant de certains outils.

Ainsi, l’acte de transmettre fait entrer en scène différents types de mouvements, différents acteurs et différents outils.

Transmettre, en permettant à l’autre de venir chercher ce qu’il attend parce qu’il en a besoin, s’y intéresse, et que ce plus peut et va s’ajouter, s’imbriquer puis se confondre avec ce qu’il possède.

Transmettre aurait ainsi comme attendu que celui auquel on s’adresse puisse et veuille rentrer en perspective d’ouverture et de découverte, et de remise en question de ses savoirs. Il ne s’agit pas de donner, d’imposer un savoir, mais rendre l’autre capable de se laisser traverser.

Transmission du savoir

Les maîtres ont été souvent considérés comme des détenteurs de connaissances et des transmetteurs de savoirs. Ne s’agit-il pas d’être, non pas des pasteurs qui guident un troupeau suivant simplement le guide, sans se poser de questions, mais plutôt un passeur celui qui initie les autres dans le labyrinthe des connaissances, à trouver eux-mêmes leur chemin vers le savoir.

Transmettre ? ce n’est pas seulement donner des informations, c’est se transmettre « soi », car ce que l’on transmet est également fait d’émotions, de passions, de désir. Ainsi, une part de soi se trouve inévitablement liée aux idées et aux connaissances, aux mots et aux images, aux valeurs et aux interdits dans l’acte même de transmettre. Mais, avant tout, transmettre, c’est éveiller l’autre au désir d’être « soi-même », éveiller le soi de l’autre et non le forger à sa propre image.

Faut-il s’interroger davantage sur le sens de la transmission. Transmettre, ce n’est pas répéter le passé, c’est engendrer l’avenir, ce n’est pas reproduire, c’est poursuivre un élan. Transmettre ne doit pas vouloir que l’autre reproduise à l’identique ce qu’on vit soi-même.

Transmission en Franc-Maçonnerie

L’institution maçonnique doit, probablement et sous toutes réserves, son existence à une confrérie des maçons constructeurs, qui voyageaient en Europe dès le VIIIème siècle. Ces maçons opératifs se partageaient des secrets liés à leurs métiers. Ses secrets étaient transmis de façon orale.

Ensuite, la Franc-maçonnerie dite spéculative s’est organisée depuis le début du XVIII ème siècle, par et autour de personnes d’origine diverse qui recherchaient un espace de liberté pour exprimer leur quête de tolérance réciproque, de libre examen et d’union. C’est dire que de très nombreux maçons nous ont précédés et que, pour que leurs traditions et la Franc-Maçonnerie se perpétuent, ils ont transmis leur savoir…

Ils nous instruits du fait que le travail n’est jamais terminé, que chaque situation conduit à la nécessité d’étudier, de comprendre, de rectifier avec humilité, mais avec dignité. Ils nous ont donné les outils pour y parvenir : les symboles et le rituel.

Ils nous ont également instruits du fait que la progression est graduelle et que c’est lorsque les connaissances du degré précédent sont assimilées que l’on peut incorporer à cette base solide, des connaissances complémentaires. Il s’agit d’une méthode de développement de la pensée symbolique.

Tous les outils et les voyages de la compagnonne nous renvoient à cette progression symbolique.

Le chemin de l’initiation maçonnique est cette quête de sens, ce désir de progresser, de comprendre, pour agir au-delà des opinions partisanes, des clichés réducteurs. C’est cela notre héritage et c’et le capital que nous devons transmettre.

Chaque franc-maçon prend conscience par le symbolisme et guidés par les Maîtres de sa loge, que tout ce qu’il apprend, tout ce qu’il reçoit, il devra un jour le transmettre, et qu’il faut beaucoup d’humilité pour recevoir et pour donner. Je citerai ici toute la place du premier surveillant qui transmet aux compagnonnes et le deuxième surveillant aux apprentis.

Transmission de la lumière

La lumière, dans le symbolisme maçonnique est liée à l’initiation qui suppose transmission d’une connaissance d’un initié à un impétrant. Cette transmission correspond à l’accès à une autre connaissance : le passage des ténèbres à la lumière. Cette lumière est représentée en loge par le Vénérable Maître qui siège à l’Orient « pour ouvrir la loge, éclairer les travaux et mettre les ouvrières au travail ». Cette lumière à l’orient permet d’éclairer d’autres flammes et de diffuser la lumière à toute la loge. Cette lumière est également triple, symbolisée par les trois piliers éclairés par le V\ M\, les premier et deuxième surveillants.

Le vénérable possède la sagesse, la prudence, la réflexion et doit transmettre la flamme, la lumière pour aider ses frères. La force est nécessaire pour lutter contre les ténèbres, pour passer de l’ombre à la lumière. La beauté orne le temple et permet au néophyte de s’engager sur le chemin de la connaissance. Ces lumières ouvrent l’esprit des franc-maçons et l’initié commence à comprendre ce qu’il est venu chercher lors de sa première entrée dans le temple, ce qu’il reçoit et ce qu’il devra transmettre. Cette lumière rayonne dans le temple et nous montre le chemin et même celui de l’au-delà quand nous devrons franchir la ligne vers l’éternité.

La Chaine d’union

Dans notre rite, nous avons la chaîne d’union qui est une tradition que l’on retrouve aussi bien dans le compagnonnage que dans la maçonnerie.

Son origine remonterait au Moyen-Age et à la maçonnerie opérative. Cette chaîne puissante de fraternité unissait les compagnons bâtisseurs. Cela leur permettait de rester en contact les uns avec les autres.

Le rituel maçonnique nous invite à former une chaîne en partant de la Vénérable Maîtresse, en croisant les bras, les maillons représentant chacun des frères ou sœurs franc-maçon, reliés entre eux physiquement par les mains qui sont d’ailleurs dégantées. Elle est formée autour du pavé mosaïque. Cette chaîne d’union permet la transmission de l’énergie créatrice. La main joue à la fois le rôle de récepteur et de transmetteur pour le passage de fluide et l’éveil des forces spirituelles créées par une assemblée unie dans un but commun. Cette chaîne permet bien la transmission des égrégores. Elle permet aussi la transmission des mots de semestre. Cette chaîne d’union me permet de me ressourcer, de me recharger en énergie me permet d’acquérir chaque fois une force supplémentaire en vue de tailler ma pierre brute et faire grandir cette petite lumière que je porte en moi, pour la transmettre dans le monde profane et contribuer ainsi à plus de fraternité.

Transmission orale

Certes, la transmission des bâtisseurs du Moyen-Age était orale. Elle était naturellement due aux conditions de l’époque, en l’absence de textes imprimés accessibles à tous. Cette transmission des principes et des procédés par « initiation professionnelle » était donc une nécessité. Elle était aussi sans doute due à la nécessité de garder des secrets à l’écart du bûcher des inquisitions qui condamnèrent aussi bien les détenteurs de savoirs que les mystiques de la Connaissance, et pour éviter de disséminer ce savoir-faire qui était la profonde valorisation et le moyen d’existence des Compagnons.

La Franc-Maçonnerie est aussi une tradition orale. La réponse à la demande du mot sacré de l’apprenti est « Je ne sais ni lire, ni écrire, je ne sais qu’épeler : donnez-moi la première lettre, je vous donnerai la seconde… ». Cela symbolise bien cette transmission orale et cette réception. Chaque soeur apporte à sa soeur les éléments de progression nécessaires à la poursuite de son chemin, ne lui apporte la lettre suivante que lorsque la précédente est assimilée ; Et c’est ainsi que se poursuit la transmission : ce que l’on a reçu, nous avons la charge de le transmettre.

Transmission symbolique

Parler de transmission nous amène bien naturellement à parler des symboles. Il s’agit bien d’un moyen de transmission de messages, de progression, laissant toute liberté à celui qui approche cette démarche de trouver son espace et de construire son temple intérieur. Ainsi, chacun reste libre non seulement de son interprétation, mais de la profondeur de sa recherche, de l’importance de son parcours. Rien n’est donné, rien n’est imposé, tout est à découvrir. Le choix est total, la liberté absolue.

Chaque symbole peut avoir plusieurs significations qui se complètent et se précisent.

Les Symboles n'imposent pas, ils proposent. Ils n'enseignent pas, ils éveillent. S'appuyer sur les symboles pour avancer c'est d'abord affirmer et préserver sa propre liberté et celle d'autrui. Mais c'est aussi cheminer à son propre rythme, sans contrainte, sans échéance imposée. Le Symbolisme ignore le dogme et la vérité révélée. L'homme y cherche (et parfois y trouve) sa parcelle de vérité personnelle. La trouver, c'est vivre l'harmonie en soi. Les symboles permettent que rien ne soit figé, que tout progresse, tout en permettant aux traditions de se poursuivre et donc que la transmission se réalise.

Transmission et la mort

On a jamais fini de transmettre : on transmet tout au long de sa vie et même au-delà. Comment peut-il y avoir histoire, progrès, devenir s’il n’y a pas transmission ? Transmettre, pour ne pas mourir tout à fait, laisser de soi une trace, une émotion et un souvenir. Transmettre pour laisser la place et le passage à d’autres, sur un territoire à occuper autrement.

Transmettre pour se convaincre d’exister, contribuer à l’émergence d’une autre identité, une invention de soi à partir des héritages, des messages glanés à chaque rencontre et qui permet à l’individu de s’auto-construire.

La transmission ne peut s’inscrire que dans une histoire, qu’elle est histoire de temps.

La transmission est bien un devoir pour que l’histoire se perpétue, mais ne doit pas être imposée et subie. Elle doit être pour le receveur une liberté, pour progresser, se nourrir, grandir, maîtriser, se construire, transmettre à son tour et ainsi répandre la fraternité, la connaissance, la vie, la lumière, l’histoire, et au-delà l’universalité.

J’ai dit.


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