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La Transmission

Le travail que vous m’avez demandé de préparer, et que j’ai le plaisir de pouvoir vous présenter ce soir, s’intitule « La Transmission », tout simplement, un titre bien court pour un si vaste sujet.

Il s'agit bien sûr de Transmission en Franc-Maçonnerie, Ordre comme vous le savez dont la vocation est de rassembler et d’unir tous les hommes de bonne volonté, libres et de bonnes mœurs, dans un idéal de recherche et de perfectionnement moral et intellectuel.
 
Dans ce but, elle pratique une méthode de pensée faite de complète et entière liberté, qu’elle offre à tous sans distinction d’origine, de classe ou de confession.

La Franc-Maçonnerie ne se réclame d’aucune école, d’aucune église, d’aucune philosophie, d’aucune vérité. Pour découvrir, il faut d’abord chercher. Oui, mais chercher comment ? Et selon quelle méthodologie ?

C’est l’initiation qui conduit l’initié vers la connaissance. Elle constitue une véritable exploration dont le sens est un effort vers l’unité et la finalité, l’intégration de l’individu au cosmos.
 
Notre initiation, nous la poursuivons conformément à la tradition millénaire des constructeurs qui, dans la pratique quotidienne de la réflexion et du travail, réalisaient eux-mêmes et dans leur œuvre, l’équilibre de la sagesse, de la force et de la beauté par une quête perpétuelle et dynamique de la vérité, et par une collaboration active et constante à l’effort de création.

Le travail initiatique d’un Franc-Maçon est un labeur de tous les jours, de toutes les minutes. Il chemine pas à pas sur la voie de la connaissance et il ne peut en brûler une étape sans sortir du chemin tracé.
 
Il le suit, ce chemin qui lui est rigoureusement personnel, face à lui-même, en écho avec sa conscience d’homme libre, dans une méditation qui lui est propre... C’est son secret, c’est le secret maçonnique de l’initié : il est inviolable et le restera. Mais la grande question qui se pose : qui va montrer son chemin à l'initié, qui va le mettre sur la voie ?

Mes Frères, tout au long de mon parcours en Maçonnerie, un bien modeste parcours d'une dizaine d'années, je n'ai eu de cesse de transmettre et de guider ceux qui étaient plus jeunes dans les grades. J'ai adoré tenir les Plateaux de Premier et Second Surveillant. Et je sais que vous tous, mes Frères plus âgés, vous agissaient de même.

Mais qu'avons-nous donc reçu de si précieux que nous ayons le devoir de transmettre ?

L'Institution maçonnique doit, probablement et sous toutes réserves, son existence à une confrérie de maçons constructeurs, qui voyageaient en Europe dès le VIIIe siècle. Ils se partageaient des secrets reliés à leurs métiers.

Ensuite, la Franc-Maçonnerie, dite spéculative, s'est organisée depuis le début du XVIIIe siècle, par et autour de personnes d'origines diverses qui recherchaient un espace de liberté pour exprimer leur quête de tolérance réciproque, de libre examen et d'union. C’est dire que de très nombreux maçons nous ont précédés : ils nous ont transmis leur savoir pour que leurs traditions et la Franc-Maçonnerie se perpétuent.

Ils nous ont instruits du fait que le travail n'est jamais terminé, que chaque situation conduit à la nécessité d'étudier, de comprendre, de rectifier avec humilité, mais avec dignité. Ils nous ont aussi donné les outils pour y parvenir : les symboles et le rituel.

Ils nous également instruits du fait que la progression est graduelle, et que ce n’est que lorsque les connaissances du degré précédent sont assimilées que l’on peut incorporer à cette base des connaissances complémentaires.

Ce legs qu’ils nous ont fait au fil des siècles est cette méthode de développement de la pensée symbolique, véritable outil d'évolution. Elle se dévoile dans un champ individuel, intime, et s'affirme dans la confrontation fraternelle et collective de la Loge.

Car c'est en Loge que tout se passe, là où tout est ordonné, orienté, séparé, différencié. Le rituel rythme et ordonne toute chose, situe chacune, constitue un espace d'apprentissage des liens du soi à soi, de soi à l'autre, de soi au monde.

C'est le vécu, jour après jour, dans la recherche permanente au sein des Loges, qui façonne le rapport de la Franc-Maçonnerie avec elle-même, avec son groupe, puis avec la Confrérie et au-delà, avec l’Humanité.


Quand on parle de Transmission, il ne s'agit pas de "Savoir", mais d'éveil par une méthode très spéciale.

Le chemin de l'initiation maçonnique est cette quête de sens, ce désir de progresser, de comprendre, pour agir au-delà des opinions partisanes, des carcans sociaux, de la pensée unique et des clichés réducteurs et stériles.

Notre « méthode » maçonnique, s’il est possible de l’appeler ainsi, s'inspire de tout cela pour nous permettre de tendre vers l'idéal que nous nous sommes librement imposé : le perfectionnement spirituel, moral et matériel de l'Humanité.

C’est cela notre héritage, et c’est le capital que nous devons transmettre.

Voyons donc comment s'organise cette Transmission 

Comme d’autres sociétés, la Franc-Maçonnerie est Traditionnelle. Et qui dit Tradition, pris en son sens premier du terme "tradere", dit nécessairement transmission. Et s’il y a transmission, il a donc un contenu à faire passer, et pour faire passer un contenu, il faut des récepteurs.
La transmission se fait dans un va-et-vient constant entre certains qui demandent et d’autres qui proposent. Les rites ne sont pas donnés dans une structure permanente qui se répèterait invariablement, mais ils sont inscrits eux-mêmes dans une variante qui les modèle.

Pour qu’un profane « récepteur » ait un intérêt pour la voie maçonnique, il faut qu’il puisse comprendre le sens de la Maçonnerie et les œuvres qu'elle révèle, parce que les hommes qui la pratiquent se distinguent des autres hommes. C’est pour informer, enseigner, transmettre, échanger, que la Maçonnerie doit savoir communiquer, c’est-à-dire savoir être en relation.

Personnellement, je pense qu’une des autres voies par lesquelles on devient Franc-Maçon est la rencontre d’un modèle que l’on souhaite imiter, d’un Maître qui, avec les Arts Maçonniques, s'est transformé en un être digne d'admiration et de respect. La Franc- Maçonnerie sera condamnée le jour où les Maîtres maçons n’auront plus envie de se surpasser et de semer dans le monde profane.

La Franc-Maçonnerie se déclare être une société initiatique, elle doit donc initier. L'initiation n'est pas un acte de connaissance, mais bien de transmission dont le sens prend forme tout au long de notre vie maçonnique, à travers une remise en question personnelle et permanente.

Dans le Regius, manuscrit datant d'environ 1390, on trouve un poème d'Euclide sur les devoirs moraux : « Le treizième article, que Dieu me garde, C'est que si le maître a un 'prentis, Il l'enseignera de manière complète, Pour qu'il connaisse bien le métier, Où qu'il aille sous le soleil. »


Dans les Constitutions d’Anderson, dont le texte a été adopté en 1723, au chapitre V, on peut lire :
« On instruira un Frère plus jeune dans le travail pour que les Matériaux ne soient point gâchés par manque d'Expérience et pour accroître et consolider l'Amour Fraternel. »


Que ce soit dans le Regius ou dans les Constitutions d’Anderson, nos anciens avaient bien compris que la transmission commence à l’initiation, se poursuit par l’instruction des apprentis à qui il faut transmettre les connaissances, le désir de progresser, l’envie d’être un Franc-Maçon toujours en progrès.

Les réponses à cette problématique sont la formation, l'instruction, les planches et l'exemplarité des Maîtres.


Pour illustrer mon propos, ce que je peux vous livrer de mon propre parcours en tant qu'apprenti, c'est que mes Frères me montraient un chemin, mais ce chemin était seul connu de moi et j'étais le seul à pouvoir le parcourir.
Pourtant, ce sont eux qui me le montraient, et c’est un paradoxe total que l'on ne peut vivre que si l'on est Franc-Maçon. On se rend compte que certaines personnes vous ouvrent les yeux, tout en vous laissant parcourir votre propre chemin. Cette Transmission, elle est là, dans la méthode d’éveil.


Il nous faut être vigilant pour consolider les racines fragiles de nos Frères apprentis et leur donner le bonheur de se découvrir par la Franc-Maçonnerie. Il leur sera alors possible de transmettre à leur tour ce qu’ils auront connu et reçu.

L’initié apprend, par le symbolisme et guidé par les Maîtres de sa Loge, à maîtriser sa peur, à fuir ses vices, à vaincre ses passions et à se dégager de la matérialité, mais sans la nier. Il doit prendre conscience que le chantier sur lequel il œuvre, sa pierre, est celui d’un vécu qui sera un jour dépassé. Il doit également prendre conscience que tout ce qu’il apprend, tout ce qu’il reçoit, il devra un jour le transmettre, et qu’il faut beaucoup d’humilité pour recevoir et pour donner.

Les Apprentis et les Compagnons sont en droit de se demander ce qu’ils ont récolté après avoir assisté aux travaux de la Loge.

Les Maîtres maçons ont le devoir de faire régulièrement le bilan de ce qu’ils ont semé, non seulement en Loge, mais aussi en dehors, car l’essentiel de notre existence n’est pas dans la Loge, mais dans le monde profane.

Si les Francs-Maçons font appel à des règles particulières pour transmettre leur enseignement, selon un certain rythme et selon certains rituels dits "initiatiques", ce n’est pas la seule façon de transmettre.

Il faut également transmettre l'enthousiasme, l'envie de s'accomplir, le désir d'évoluer. Il est impératif que nous puissions communiquer notre bonheur d’être Franc-Maçon, le besoin que nous avons d’être avec nos Frères et de partager. Si nous n’avons pas renié nos engagements, si nos convictions sont intactes, si nous sommes heureux d’être Francs-Maçons, alors nous devons rayonner en tant que tel !


Pour conclure, je dirai qu'en entrant en Franc-Maçonnerie, il n’y a pas à adhérer à un programme prédéfini, à croire les enseignements d’un fondateur éclairé. On devient Franc-Maçon petit à petit, au fil du temps, par imprégnation, par osmose, par le travail en Loge. C’est en "maçonnant" que l’on devient Franc-Maçon.

Mes Frères, l'exemple est le meilleur moyen de transmettre la Franc-Maçonnerie. Le respect de nos engagements, envers nous-mêmes et le G.A.L.D.U., est une condition sine qua none de notre réussite.

J’ai dit, Vénérable Maître.

J\M\ G\


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