DH Loge : L’Etoile du Nadir - Orient de PAU 24/11/2009


La Transmission en F
\ M\


Préambule :
  • En préambule, je rappellerai que si, comme chaque année, la tenue commune des loges de P…, permet de nous retrouver et de partager un moment de Fraternité, c’est aussi l’occasion de nous enrichir de nos complémentarités et de nos différences, en travaillant en commun.
  • Aussi, le seul propos de cette planche est d’être une base de départ pour le véritable travail qui sera vos apports et enrichissements lorsque la parole circulera.
  • Le thème retenu cette année est la transmission en F\M\
Introduction

La transmission des savoirs et des connaissances, acquis par l’expérience ou par l’étude, est pratiquée depuis la nuit des temps par le genre humain, au moyen de méthodes et de supports nombreux et divers.

La transmission s’exerce généralement par l’éducation, le but poursuivi dans ce cas étant alors avant tout social, de manière à assurer la pérennité du groupe.

Dans cette approche sociologique, il s’agit d’une transmission entre générations qui équivaut à la socialisation de la génération nouvelle et, en même temps, à la conservation d’une civilisation.

Le sujet est donc vaste et passionnant mais pour ma part, je limiterai cette pl\ à la spécificité de la transmission en F\M\. Je ne reviendrai donc pas sur les exégèses classiques qui traitent des différences entre formation, éducation, enseignement, etc…

Par contre, je rappellerai que transmettre, au sens étymologique, signifie « faire parvenir quelque chose à quelqu’un » et que, dès à présent, il faut souligner la similitude avec l’étymologie de tradition, qui  signifie « faire passer à un autre, remettre ».

De même, ce n’est pas devant vous, mes SS\ et mes FF\, que je vais développer les fondamentaux de la F\M\ moderne, ou retracer le rappel de ses origines.

Partant de là, ma réflexion va se décliner en deux parties :

- la première partie, rappellera quelques principes s’articulant autour des questions suivantes :
      - Que transmettre en F\M\ ?
      -  Comment le transmettre, par qui et à qui ?

- la seconde partie mettra en exergue certains aspects spécifiques de la méthode employée pour cette transmission.

I - Rappel des Principes

  1. Que transmettre en F\ M\ ?
La F\M\ dite spéculative s’est organisée depuis le début du XVIIIe siècle, dans un contexte historique anglais particulier, par et autour de personnes d’origines diverses qui recherchaient un espace de liberté pour exprimer leur besoin et donc leur quête de tolérance réciproque, de liberté de conscience, et d’union. C’est dire que de très nombreux maçons nous ont précédés  et qu’ils ont su transmettre...

Au terme de ces trois siècles et malgré l’évolution du monde jusqu’à nos jours, nous constatons que les fondamentaux n’ont pas changé. Ainsi, les points suivants sont les mêmes :
  • Il nous a été transmis que le chemin Maç\ est initiatique et qu’il nous appartient de découvrir un peu plus de vérité sur soi-même.
  • Nous avons été instruits du fait que le travail n’est jamais terminé, que chaque situation conduit à la nécessité d’étudier, de concevoir, de questionner, de rectifier avec humilité et avec dignité.
  • Des outils nous ont été confiés pour y parvenir :
    • D’une part, les symboles qui enrichissent la raison pure ;
    • Et d’autre part, le Rituel qui donne l’axe de la pensée, du corps mais aussi du cœur.
  • Enfin, nos prédécesseurs nous ont également instruits que la progression est graduelle et que ce n’est que lorsque les connaissances du degré précédent sont assimilées qu’il est possible d’intégrer à cette assise des connaissances complémentaires. La progression ne peut s’effectuer que dans la transcendance de la verticale et l’immanence de l’horizontale.
Ce legs qu’ils nous ont fait au fil des siècles est cette méthode de développement de la pensée symbolique analogique qui, née de l’intuition ou de l’émotion, a le don d’entraîner un foisonnement d’imaginaire créatif, mais toutefois raisonné. L’acte de bâtir oblige, en effet, à donner du sens.

Cette pensée symbolique éclot dans une sphère personnelle, intime et s’affirme dans la confrontation fraternelle et collective des idées en loge.

Car c’est en loge que tout advient. C’est là, où tout est ordonné, orienté, discriminé. Le rituel rythme et ordonne toute chose, constitue un espace d’apprentissage des liens de soi à soi, de soi à l’autre, de soi au monde.

Le chemin de l’initiation maçonnique est donc cette quête de sens, ce désir de progresser, de comprendre pour agir au-delà des opinions partisanes, des carcans sociaux, de la pensée unique et des poncifs bornés et stériles.

Notre méthode maçonnique s’inspire de tout cela pour nous permettre de tendre vers l’idéal que nous nous sommes librement imposés : le perfectionnement spirituel, moral et matériel de l’Humanité.

Cela constitue notre héritage et c’est ce patrimoine que nous devons transmettre…

  1. Comment effectuer cette transmission, par qui et à qui ?
Pour effectuer la transmission, la F\M\, se sert de la Tradition.

La tradition maçonnique présente la particularité de contenir des valeurs qui affectent, au-delà de la morale, une manière d’être intemporelle.

Voilà pourquoi la F\M\ va rechercher dans un passé mythique et historique une façon de vivre la modernité.

Si la tradition maçonnique avait été comprise comme la tradition d’un dogme, elle se serait sans doute révélée inadaptée à la modernité car le dogme se retrouve prisonnier du temps et empêche l’homme d’évoluer.

Par sa conception même de la Tradition, la F\M\ évite cette pierre d’achoppement : elle s’affirme adogmatique en se référant à des archétypes non définis.

Ce choix entraîne trois conséquences majeures :
-         elle n’impose jamais le chemin mais se contente de montrer la direction ;
-         tous les principes de la tradition demeurent susceptibles d’un enrichissement personnel permanent ;
-         la démarche maç\ se situe dans le domaine de l’expérience intime, ce qui explique le caractère fondamental du secret, à ne pas confondre avec la discrétion.

La Tradition affirme aussi l’idéal de fraternité, facteur de reliance entre tous les initiés.

La fraternité, construite dignement par la règle et l’équerre, est autant un mode de communication qu’un but, un lien horizontal entre les maçons.

Dès les textes les plus anciens, nos prédécesseurs avaient compris que la transmission commence à l’initiation et se poursuit par la formation des App.App\.

Dès l’apprentissage, il faut avoir conscience que tout ce que l’on apprend, tout ce que l’on reçoit, devra un jour être transmis et qu’il faut beaucoup d’humilité pour recevoir et pour donner.

Les MM\ ont le devoir de faire régulièrement le bilan de ce qu’ils ont semé en L\, mais aussi au dehors, dans le monde profane, où se passe l’essentiel de leur vie.

Cependant, ces règles bien particulières de transmission qui sont les nôtres, initiatiques et graduelles, ne sont pas les seules façons de transmettre.

Il faut également transmettre à nos App.App. et Comp.Comp\ l’enthousiasme, l’envie de s’accomplir, d’évoluer, de cheminer et de partager avec d’autres FF\ et SS\.

En tout état de cause, la transmission de la Tradition suppose, avant tout, l’exemplarité. La F\M\ permet à l’être de se réaliser, de devenir ce qu’il est. Et pour que cette transformation s’effectue, il faut des exemples vertueux, des témoignages vivants de FF\ et de SS\. L’homme a besoin de modèles, le F\ Maç\ aussi.

II - Spécificités de la méthode M\

Après nous être interrogés sur les principes généraux de la transmission en F\M\, rentrons à présent davantage dans le concret.

Les différentes constitutions de nos Ordres et Obédiences respectives font toutes référence dans leurs préambules, ou pour le moins, dans leurs tous premiers articles, au caractère initiatique de la M\ et à une méthode rituelle et symbolique.

Prenons quelques exemples de la spécificité de notre méthode.

Je vous propose de survoler très sommairement et très partiellement trois pistes.

  • Première piste de réflexion : le caractère initiatique.
    • Bien d’autres sociétés ancestrales ont utilisé des cérémonies de passage ou d’intégration sociale.
    • Pour notre part, il s’agit de permettre à un individu en recherche de se débarrasser du superflu qui l’encombre pour accéder à la lumière qui le guidera sur un nouveau chemin dont nous savons qu’il n’a pas de fin.
    • Par contre, dans tous les cas, l’initiation présuppose qu’il existe un avant et un après, un initié et un initiateur.
    • Par la même, seul un initié est apte à préjuger si un impétrant possède les qualités nécessaires pour être initié et poursuivre le plus loin possible son chemin. Nous sommes donc, par essence, dans une transmission de type vertical, où seuls les initiés, ou encore « les sachants », peuvent décider de l’accès des autres à chacun des degrés précédents du parcours initiatique.
    • Cela nécessite de la part du Maît\, une prise de conscience réelle et profonde de sa responsabilité lorsqu’il mettra dans les urnes des boules blanches ou noires.
      • Puis-je proposer untel et est-ce que je m’engage pour lui et avec lui pour l’accompagner ensuite ?
      • Comment conduire l’entretien avec le postulant, et ensuite, rendre compte de façon suffisante de l’enquête que l’on m’a confiée, de façon à ce que les MM\ qui vont voter soient informés au mieux ?
      • Comment étayer mon jugement sur celui ou celle dont on vient de me lire les enquêtes et que je viens d’entendre sous le bandeau ?
      • Ici, il ne s’agit pas de faire passer « à l’essai », au risque de créer des désillusions certaines et probablement de futurs aigris.
      • Cette question est d’autant plus importante lorsqu’il subsiste un doute en soi. Même en pays de rugby, là, on ne peut pas taper en touche. La boule est blanche ou elle est noire, il n’y a pas de boule grise, ici le feu est vert ou il est rouge, il ne peut pas être orange clignotant.
  • Deuxième piste de réflexion : le symbolisme.
    • La F\M\ demeure un des seuls endroits de construction de soi, en dehors de la religion ou de la psychanalyse. Mais contrairement à ces deux autres voies, chez nous il s’agit de la construction en premier lieu de soi, certes, mais aussi de la construction des rapports humains avec les autres et enfin de la construction d’une société meilleure.
    • La pierre que nous travaillons, c’est la nôtre et non pas celle de l’autre. Bien entendu, nous devons toujours garder à l’esprit que notre pierre devra s’intégrer dans l’édifice global et donc qu’il nous faudra toujours tenir compte des spécificités de l’autre pour parvenir à la cohésion de l’ensemble.
    • En ce sens, je m’interroge pour savoir si, lorsque qu’un Maît\, et bien évidemment en premier lieu le premier ou le second Surv\, accompagne le travail d’un App\ ou d’un Comp\, le terme d’instruction est le plus pertinent ?
      • Au sens étymologique, instruire c’était en premier lieu « assembler, bâtir, dresser, construire », avant d’avoir évolué vers « dispenser un enseignement ». Mais nous ne construisons pas l’autre ! Celui-ci doit à l’aide du maillet et du ciseau se façonner lui-même !
      • Par ailleurs, nous sommes dans le domaine du symbolisme. Or le symbolisme est, par nature, un champ d’ouverture et de liberté. Nous sommes, donc bien, dans un système à l’opposé du dogme et de la pensée unique.
      • Enfin, la F\M\ n’est pas une secte. Chacun est libre, non pas d’y entrer mais d’en sortir ou d’avancer à son propre rythme. La seule condition imposée est l’assiduité et le travail.
      • En conséquence de tout cela, le Maît\ n’est pas là pour transmettre la bonne parole ou la seule réponse admissible. Le Maî\ est là en situation « d’éveilleur » !!! Il doit accompagner l’App\ et le Comp\ dans leurs recherches, les mettre en situation de découvrir leurs voies par eux-mêmes. Il doit les inciter à explorer au maximum les différentes pistes qui s’ouvrent devant eux.
      • Par contre, le Maît\ devra aussi être là pour permettre d’analyser la situation lorsque la voie se sera révélée sans issue ou que l’on aura frôlé  le précipice.
      • Tout cela est beaucoup plus exigeant que de simplement « révéler une vérité unique ». La F\M\ se vit pour libérer les esprits et non pour les inféoder.
      • Au-delà de ce questionnement, l’exemplarité du comportement du M\ au quotidien, en loge mais aussi dans sa vie profane, est préalable à toute crédibilité de son discours.
      • Pour paraphraser Claude Lévi-Strauss qui à dit : « le savant n’est pas l’homme qui fournit de vraies réponses, c’est celui qui pose les vraies questions », nous pourrions dire : « le Maît\ n’est pas celui qui transmet La Vérité, mais celui qui ouvre de nouvelles pistes de réflexion à explorer ».
  • Dernière piste de réflexion : le rituel et les règles de comportement.
    • Quelque soit la diversité de nos Rites, nous devons tous suivre un rituel. Le rituel est imposé et, une fois fixé ou révisé, il ne peut pas être « bidouillé » selon le bon vouloir de chacun.
    • Là encore, ceci n’est pas spécifique à la F\M\. Bien d’autres groupes sociologiques pratiquent des rituels destinés à établir une cohésion interne. Tout rituel est une langue véhiculaire commune et fédératrice d’un groupe.
    • Au delà d’une simple technique de passage du profane au sacré, le rituel nous accompagne tout au long de la tenue.
    • Son intérêt tient, entre autre, au fait qu’il est là !!!, omniprésent, mais surtout « qu’il a sens » !!!  Je ne suis pas un convaincu d’un rituel qui ne serait que « rabâché par cœur » sans être compris. Par contre, je suis un convaincu de la nécessité incontournable de cet appel permanent au travail. Ce travail consiste à chaque tenue :
      • d’une part, à décrypter ce livre ouvert sous nos yeux que sont les symboles qui nous entourent dans le Temple ;
      • et, d’autre part, à retrouver le sens ancestral profond des mots et de la gestuelle. Ainsi, je suis convaincu de l’intérêt de retracer et de ré effacer à chaque  fois le tableau de loge, pour recréer un espace sacré hors du temps, même si par commodité on ne fait plus que dérouler un tapis ou retourner une planche.
    • De même, la symbolique de la construction de nos relations avec les autres, nous a conduit à formaliser strictement des règles de prises de paroles et de communication en L\, basées sur l’écoute, le respect de l’autre, la maîtrise de ses passions.
Conclusion

Je conclurai simplement en retenant ceci :

Tout maçon s’est engagé volontairement en F\M\ pour servir l’idéal de perfectionnement spirituel et moral universel qu’elle propose.

Tout maçon s’est imposé librement la voie initiatique symbolique pour tendre vers une amélioration de lui-même et de l’Humanité.

Tout maçon a, en conséquence, le devoir de tenir ses engagements, pour lui-même, pour ses FF\ et SS\ et pour l’Obédience ou l’Ordre auquel il appartient.

Tout maçon a le devoir d’être le fidèle garant, pour sa pérennité, de la Tradition maçonnique et de sa transmission. Cela exige l’exemplarité toujours perfectible de son comportement, dans le temple et au dehors.

J’ai dit.

B\ M\LL\T

Tenue commune des LL\ de PAU

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