GLNF Loge : Les Chevaliers du Graal - Orient de Chatou-Le Vésinet 10/2008


Le Pavé Mosaïque

C’est avec grand plaisir et non sans émotions que je vais vous parler du Pavé Mosaïque. J’ai pu constater lors de mes différents échanges avec d’autres frères que ce sujet est riche et complexe marqué d’évidences autant que de non dits.

Le Pavé Mosaïque est un élément essentiel du Temple !

Dans le paragraphe 'Décoration de la Loge", il est précisé : "Le sol de la loge est pavé de carreaux noirs et blancs alternés. Lorsqu'il est aménagé autrement, il y a lieu de réaliser un tel pavage sous forme réduite d'un carré long placé au centre de la Loge, orienté comme cette dernière".

Le Pavé Mosaïque est un pavage en damier noir et blanc qui recouvre le sol des temples maçonniques permanents. Il est parfois restreint à un rectangle placé au centre de la loge. Les proportions du rectangle doivent s'approcher au plus près du rapport harmonique, il prend alors le nom de "carré long" considéré par les Anciens comme le point de départ de toute géométrie.

Si l’on remonte aux origines de l’homme, il semble que le lieu de culte a toujours eu besoin d’être différencié. Quand l’homme vivait encore sur la terre battue, Dieu avait droit au sol pavé. En Afrique, en Asie encore aujourd’hui, les cérémonies traditionnelles se pratiquent sur la terre battue et balayée.

Au-delà de la simple limitation de l’espace sacré, le revêtement du sol représente également une coupure qui isole des profondeurs de la terre.

Ce pavé fixe de nos civilisations occidentales sera d’ailleurs nomadisé dans les tapis de prières islamiques indispensables aux musulmans.

"Pavé" vient du latin "pavare" qui signifie battre la terre pour l'aplanir, niveler le sol, le terme pavé désigne un bloc de pierre cubique et le revêtement formé par ces blocs (fouler le pavé).

"Mosaïque" vient du latin "museum", issu du grec museion" qui signifie lieu où viennent les muses. Les anciens ont nommé ainsi ce pavé, sans doute pour que les Muses président à son tracé et à sa réalisation

Le terme Mosaïque avait au moyen âge une autre référence, celle de Moïse dont l'un des hauts faits a été d'unir les douze tributs d'Israël. Il est celui qui a réussi à rassembler ce qui était divisé et à ramener à l'existence un peuple, qui de part sa division n'existait pas en tant que tel.

Les premières loges spéculatives étaient réunies dans des auberges ou loges ou les compagnons étaient logés et nourris. Leur essaimage a rendu nécessaire de matérialiser l’espace sacré par une représentation de ce même pavement en le dotant d’une origine symbolique dans le Pavé du temple de Jérusalem.

Le tableau de loge, comme le tapis de prière, représente ainsi le temple ramené à sa plus simple expression.

Pavé, et non carrelage, il est formé de pierres taillées et non de céramiques moulées : En cela même, c’est déjà un symbole maçonnique. Il ne semble pas innocent ce choix qui privilégie l’une des formes les plus parfaites de la taille. Quel travail prodigieux devait réclamer chaque pavé, coupé d’équerre, aux dimensions exactes au millimètre après, parfaitement plan, poncé et poli comme un miroir. Il représente alors l’aboutissement exact de l’œuvre

Mosaïque, sa définition est donc une juxtaposition d’éléments de diverses couleurs formant par leur assemblage une sorte de peinture. Notre damier noir et blanc en devient alors la forme la plus épurée. Si la mosaïque classique éclate en feu d’artifice multicolore, quand les couleurs se fondent et s’imbriquent, c’est le noir et le blanc qui les contiennent toutes. De même, quand les éclats disjoints se rapprochent pour former la plus complète continuité, c’est le carré qui est la plus parfaite unité de base.

Ses dimensions vont de l’Orient à l’Occident, du Midi au Septentrion, du Zénith au Nadir. Le pavé mosaïque se veut donc universel. Cet assemblage parfait de pavés aussi contrastés que peuvent l’être les hommes s’étend sans frontière dans les quatre directions géographiques pour unir l’humanité par delà les pays et les nations, les religions, etc.…

Il reste pourtant deux dimensions que seul l’esprit pourra voir :

Le Nadir qui nous unit au monde des morts et de la terre, marquant ainsi notre union dans l’humanité passée, nos racines, prolongement de nos pieds. La terre n’est-elle pas faite de poussière, celle-là même que nous sommes et vers laquelle nous retournerons.

Dans mon métier cette énergie de la terre est celle de l’enracinement de la stabilité, de l’identité, du sens de la vie, des ressources, des croyances de ses véritables besoins, de l’innocence et de la sagesse caractérisé par le chakra Mûlâdhâra représenté par l’élément "terre" gouverné par des méridiens Yin.

Le Zénith qui nous unit à l’univers et à son Grand Architecte, prolongement de notre tête que l’on a parfois dans les étoiles. 

Dans mon métier cette énergie du ciel  est celle de la volonté d’être, de l’unification, de la compassion, de la spiritualité universelle, de la conscience caractérisé par le chakra  Sahasrara représenté par l’élément "vibration" il est gouverné par des méridiens Yang.

Au Rite Ecossais Ancien et Accepté, il est hors de question de fouler aux pieds un tel lieu qui est à la fois l’Univers et la perfection de son Créateur, encadré de ses piliers que sont la Sagesse, la Force, la Beauté et la recherche de notre propre place dans cette construction. Notre but ultime n’est-il pas d’être, un jour, le quatrième pilier.

La structure géométrique du pavé Mosaïque contient l’essentiel des symboles maçonniques :

• Le trait droit, c’est la règle qui permet l’alignement des pierres formant les murs. C’est le symbole de la rectitude, de la ligne de conduite maçonnique. Le premier devoir du maçon est en effet de fuir le vice et de pratiquer la vertu.
• L’angle droit, c’est l’équerre qui permet la taille en vue d’une cohésion parfaite du monument. C’est le symbole de la pensée droite, sans détour, véritable signe de reconnaissance du franc-maçon.
• Les intervalles réguliers forment les divisions qui se retrouvent sur la règle. Ils symbolisent la mesure, l’alternance du temps, des heures et des jours…
• L’horizontale, c’est le plan où se situe le pavé, le niveau. Il marque la frontière entre le Zénith et le Nadir, c’est le niveau du présent, le niveau de l’homme.
• La perpendiculaire n’apparaît pas, mais les trois colonnes qui en marquent les angles en sont la représentation.

Les auteurs maçonniques, mettent régulièrement le pavé Mosaïque en rapport avec la fraternité. Selon PLANTAGENET, qui fut Vénérable Maître de la loge de Goethe, la succession des dalles alternativement blanches et noires est là pour rappeler que tous les maçons répandus sur la surface du globe ne forment entre eux qu’une famille de Frères.

Le pavé Mosaïque est l’une des représentations symboliques les plus abouties de l’invisible. En effet, l’alternance des pavés bicolores, par un effet d’optique, occulte à nos yeux les lignes de jonction que sont les joints de constructions. Ces lignes n’apparaissent pas aux yeux des profanes : ils ne voient que les dalles blanches et noires et suivant la voie "large" la voie exotérique, ils passent alternativement du blanc au noir et du noir au blanc ; ils ont alors, à leurs droite, à leur gauche, devant et derrière eux une couleur opposée à la leur ; ainsi se trouvent marquées les oppositions multiples qui se forment sous leurs pas.

Dans de nombreuses constructions, les anciens bâtisseurs ont déployé des efforts d’ingéniosité pour dissimuler et rendre invisible les joints de construction. Es ce  pour que les observateurs ne voient que l’essentiel ? Ou pour le leur cacher ? Le joint ainsi occulté devient alors une évocation de l’humilité au service de la formulation. Il était en effet autrefois inconcevable de laisser paraître les joints de constructions, ainsi que l’aspect brut de la pierre ou des ossatures.

Le joint qui est entre le pavé noir et le pavé blanc, qui représente la fraternité entre les maçons, est certainement le lieu de d'initiation à la charnière entre les mondes, là où la conciliation des contraires est rendue possible, le lieu où les initiés apprennent à faire le joint. Vieille expression de Bâtisseur qui exprime le fait de vivre un devoir de fraternité consistant à se créer les uns par les autres, non pour soi-même mais pour le service de la loge. Faire le joint, c’est apprendre à réunir ce qui est épars d'apparemment opposé pour que le travail permette à la loge de faire symbole avec le Principe créateur.

Ce lien de fraternité je l’ai perçu le jour où le bandeau c’est levé et que la lumière a fait apparaître vos sourires et je le vis à chaque tenue et lors de nos agapes.

Ses deux couleurs qui sont le noir et le blanc sont formées de toutes les autres. Elles ont ceci de remarquable qu’elles n’existent pas par elles-mêmes, mais parce que toutes les autres couleurs existent.
Ce sont des couleurs absolues que nous ne pouvons qu’imaginer : oui, plus blanc que blanc, ça existe. Nos yeux ne verront jamais au-delà d’un gris très clair ou très foncé. La symbolique est donc forte, puisque, comme le divin, ce sont des couleurs infinies.

On donne au blanc l’acception courante de "bien" et au noir celle de "mal" il serait plus juste de dire "spiritualité" et "matérialité".

Par matérialité nous entendons tout ce qui rapproche l’homme de l’animal, c’est à dire une vie purement physiologique, et par spiritualité, au contraire, tout ce qui tend à dégager l’homme des liens de la matière. La spiritualité envisagée ici ne doit pas être confondue avec la conception religieuse faite d’austérité et de pénitence qui ne peut en aucun cas ou dans des cas extrêmement rares conduire à la plénitude de l’Initiation.

Le symbole du pavé Mosaïque peut nous conduire de la manifestation extérieure jusqu’aux frontières du non-manifesté, jusqu’au monde du principe créateur.

On peut le considérer comme la manifestation d’une forme contenant l’univers vivant et manifesté. A ce niveau, le pavé Mosaïque apparaît comme une évocation de la dualité : noir blanc ; ombre lumière, masculin féminin, ciel et terre… Le pavé Mosaïque nous rappelle à ce stade que la dualité est inhérente à toute vie, ce qui ne veut pas dire que toute vie se résume à la dualité.

On peut aussi le voir comme l’un des éléments de la construction symbolique de la loge. Il en constitue la base, le fondement, le sol. A ce titre, il donne la dynamique de la démarche et conduit à rechercher et à vivre le troisième terme. Cette dynamique permet de trouver la stabilité à partir de laquelle il devient possible d’élever l’œuvre.

Sur le plan moral cela rappelle en permanence au maçon que si toute chose créée est nécessairement duelle, une vision duelle des choses ne conduit qu’au dogme, à la division et à l’intolérance. Il y’a une démarche à entreprendre pour concilier, réunir, harmoniser. Intégré dans un espace sacré, le pavé Mosaïque évoque un mouvement, une action de dépassement ainsi tout cela débouche sur une règle de vie.

Le pavé mosaïque est donc, à la fois la Loge, l’univers, l’humanité, notre vie et le chemin qui nous mène vers la lumière et vers le Grand Architecte De L’Univers.

J’ai dit, Vénérable Maître.

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