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Le Miroir


Mes SS\ & mes FF\, je vais vous proposer de franchir le réel pour appréhender l'autre dimension du miroir, je souhaite, avec ce travail, vous faire re-fléchir sur la propagation de la lumière et non sur sa vitesse.

« Dans ce travail, je parlerai de réflexion du miroir, et de re-flexion, car le miroir ne réfléchit pas seulement, il re-fléchit l’image qui lui est suggérée.
Il nous permet, peut être, d’avoir un point de vue différent, qui nous ouvre d’autres horizons. »

Mes SS\ & mes FF\, je vais tenter de refléter les différents éclats du miroir à travers ses aspects symboliques, mythologiques, religieux et  psychanalytiques.

L’image de cet objet insolite qu'est le Miroir et ses reflets magiques, est enfouie au plus profond de nos souvenirs enfantins.

Chaque matin, la méchante reine interrogeait le miroir magique :
« Miroir, gentil miroir, qui est la plus belle femme du royaume ? »
Le miroir lui répondait toujours :
« Toi, Oh, ma reine ! »
Mais un sombre matin, la reine reçu une réponse bien différente :
« La plus belle femme du royaume, c'est Blanche-Neige ! »

Nous avons également :
Alice au pays des merveilles traversant le miroir pour se retrouver de l’autre côté, et elle vit des aventures qui la confrontent à ses propres peurs et ses propres doutes.

Dans Don Quichotte, le Chevalier des Miroirs est l'ennemi mortel de l'Hidalgo dont il renie l'inspiration.

A peine quelques années plus tard, nous avons tous en mémoire nos errements au sein d'un Cabinet de Réflexion qui nous a permis de re-fléchir le flot continu de notre conscience.

Après cette immersion dans ces ondes agitées, une voix d'outre-tombe nous a demandé de nous retourner en déclarant « que ce n'était pas devant soi qu'on rencontrait ses ennemis : le plus à craindre, se trouvait toujours derrière soi ». Apparaissaient alors au travers de nos yeux embrumés, les contours de notre visage réfléchis dans un Miroir. Encore lui !

Mais pour moi le premier contact avec le miroir symbolique est cette question que l’un de nos FF\ m’a posée lors de mon passage sous le Bandeau :
« Monsieur, si vous vous rencontriez dans la rue, quel serait votre réaction ? »
Bonne question, Difficile réponse.

Nous passerons volontiers sur les premiers hommes qui découvraient l'image de cet autre qu'ils tentaient de saisir vainement… dans l'eau. Le miroir est d'abord cet objet constitué d'une surface en métal poli ou en verre étamé qui réfléchit une lumière, l'image de quelqu'un, de quelque chose. Cet objet est aussi vieux que notre civilisation.

Dans la Grèce antique, la représentation de ce miroir antique évoque, sans nul doute  le symbole féminin, formé d'un cercle surmonté d'une croix. C'est le miroir de Vénus, qui s'oppose à l'arc d'Apollon, cercle d'où monte une flèche oblique. Mais en fait, que reflète le miroir ?

Mais avant, Les Egyptiens ont eux aussi possédé des miroirs, dont deux restent fabuleux : l'un était suspendu à la tour du Phare, et l'autre, incliné sur le sommet du temple d'Héliopolis, devait réfléchir sur son autel les rayons du soleil. Cette fonction exceptionnelle accordée au miroir par les Egyptiens en fait un objet de luxe pour les femmes des classes dirigeantes égyptiennes, et cela dès l'époque prédynastique. Les miroirs égyptiens sont souvent liés au culte d'Hathor, parfois d'Isis, de Bès ou du dieu solaire Horus, comme l'indiquent leurs manches en bois, en ivoire ou en bronze les représentant.
Ils étaient destinés à « faire revivre » le visage du défunt : « Sa forme ronde, ses couleurs, son pouvoir de réfléchir la lumière évoquent les Deux Astres, soleil et lune qui, pour les Egyptiens, étaient aussi les deux yeux du grand dieu du ciel. Les miroirs déposés dans les tombes étaient destinés à éclairer les ténèbres de l'au-delà pour ceux qui ne jouissaient plus de la lumière du soleil ».
Symboliquement il s'agit de faire survivre la lumière, contre les forces des ténèbres. Le miroir possède alors plusieurs pouvoirs qui assurent à son possesseur de ne pas s'égarer dans ce nouveau domaine et d'y acquérir quelque importance. Si le premier pouvoir est de s'assurer la possession, rare en ces lieux, de la lumière, le second est de pouvoir offrir, don tout aussi précieux, à la déesse des lieux, lorsque nécessaire, la vision de son apparence. Voici une prière pouvant accompagner l'offrande du miroir et résumant son usage : « Les deux miroirs que j'élève à Ton Ka ce sont les Deux Puissants réunis en leurs formes, regarde ton visage afin que ton coeur soit ravi et que tu sois dans l'allégresse à la splendeur de ton apparence ».

Le miroir plan renvoie une image fidèle (mais inversée) de la personne qui se regarde dedans ; il est donc chargé d'une forte connotation symbolique. Il permet de se voir tel que l'on est, mais toujours sous un seul et même angle (face à face et inversé), notamment avec ses défauts.
 La loi de réflexion signifie par ailleurs que l'image d'origine apparaît de façon plus ou moins complète et précise, selon la forme et la position du miroir. Cette hypothèse se vérifie également dans la réflexion spirituelle.

 A ce propos, il existait dans le Japon ancien une coutume, Yotochimachi, à laquelle on soumettait tous les enfants de 15 ans : ils devaient poser un bol empli d'eau dans la nature et attendre que la nuit se reflétât dans l'eau du bol. Cette étape initiatique avait pour but de révéler leur moi intime mais il s'agissait d'une nouvelle illusion car « la lune qui se reflète dans le miroir de l'eau n'est elle-même que le miroir du soleil. L'eau ne capte donc qu'un reflet de ce reflet dans un jeu de miroirs qui se succèdent en cascade » (Mishima dans la neige au printemps). Mais la lune est aussi rapprochée du miroir du cœur car comme lui, elle réfléchit la lumière du soleil en divers niveaux de perfection selon sa position orbitale.

Soleil, lune, position orbitale....nous évoluons là en pleine cosmologie car n'oublions pas que la traduction latine de miroir est spéculum, spéculation, qui signifiait « observer les étoiles et leurs mouvements relatifs à l'aide d'un miroir».
Le miroir constituerait alors la Clé, par sa lumière réfléchissante, pour ouvrir la lumière des cieux, voire la porte magique avec le divin. Il n'y a qu'un pas, fusse-t-il sidéral.

Souvenons-nous du miroir de Galadriel, la reine des Elfes, dans le Seigneur des
Anneaux de Tolkien, où apparaissent « des choses non demandées, souvent plus étranges et plus profitables que celles que nous désirons contempler ». C'est ainsi que dans l'eau d'un ruisseau, au fond d'un vallon sombre du pays de Lhotorien, Frodon, le héros porteur de l'Anneau, voit se former un œil unique dans une révélation terrifiante qui lui permettra de tout savoir.

En d'autres cieux, la déesse Athéna se contemplait dans l'eau en train de jouer de la flûte et se trouva effrayée par le spectacle de cette femme aux joues déformées par le souffle.

Pythagore, selon une légende, avait un miroir magique qu'il présentait à la face de la lune, avant d'y voir l'avenir, comme le faisaient, du reste, les sorcières de Thessalie.

Au Mexique, il existait des miroirs d'obsidienne sur lesquels était gravé le nom du dieu aztèque Tezcatlipoca qui signifie «miroir fumant» dont la signification divinatoire se traduit par des apparitions.

En Asie Centrale, les chamans pratiquaient la divination avec l'aide du miroir, en dirigeant celui-ci vers le soleil ou la lune qui sont censés être aussi des miroirs et sur lesquels se reflète tout ce qui se passe sur la terre. Leurs costumes étaient, en outre, ornés de miroirs qui devaient réfléchir les actions des hommes et protéger en même temps les chamans contre les esprits malfaisants.

Dans certaines traditions Africaines, les initiés saupoudrent le miroir ou la surface d'un bol d'eau de poudre de kaolin afin que les esprits leur donnent la réponse attendue.

Dans la mythologie japonaise, la déesse Amaterasu Omikami, consacrée au Soleil, sort de sa caverne grâce à l'intervention du miroir pour rendre au monde la lumière divine. Depuis lors, les temples shintoïstes disposent d'un miroir sacré, comme celui exposé dans le Palais Impérial.

Un des enseignements du bouddhisme T'Chan stipule que : « Tous les êtres possèdent à l'origine l'illumination spirituelle, de la même façon qu'il est dans la nature du miroir de briller. Si, par contre, les passions voilent le miroir, il est alors invisible, comme s'il était couvert de poussière. Si les mauvaises pensées sont maîtrisées et détruites selon les indications du maître, elles cessent alors de se manifester. Alors l'esprit est éclairé, comme c'est sa nature propre, et rien ne sera caché».

Dans la mystique musulmane, Attar a prétendu que le corps est dans son obscurité comme le dos du miroir ; l'âme étant le côté clair du miroir. A propos des 2 faces du miroir, Rûmi a estimé que Dieu a créé ce monde, qui est obscurité, afin que sa lumière puisse être manifestée.

Par ailleurs, ramenant l'idée de Création à celle de Connaissance, les Soufis comparent l'Univers à « un ensemble de miroirs dans lesquels l'Essence infinie se contemple sous de multiples formes, qui reflètent à divers degrés l'irradiation de l'Etre Unique ». Sont irradiés les croyants qui sont eux-mêmes des miroirs des autres croyants : plus la face du miroir de l'âme a été polie par l'ascèse, et plus le croyant sera capable de refléter fidèlement ce qui l'entoure, selon les aptitudes du cœur.

Cependant, dans l'iconographie occidentale, la signification du miroir est double.
D'une part, on le représente dans les mains des sirènes qui mènent les hommes à leur perte. Il est l'attribut de Luxuria (la luxure, la vanité), voire l'antichambre de la mort lorsque Narcisse se noie dans son image, dans le reflet ondin de sa beauté.
D'autre part, il symbolise les vertus de la connaissance de soi, Veritas (la vérité) et Prudentia (la prudence).

On trouve dans le dialogue de Phèdre, de Platon, l’expression : « Se voir en son amant comme dans un miroir ». Et dans Le Banquet d’Aristote, on trouve également cette fusion amoureuse qui  vient du souvenir de l'unité originelle de l'androgyne, dont l'âme garde la nostalgie, qui lui permet de retrouver l'autre moitié d'elle-même. Et Proclus pense que les théologiens anciens ont proposé le miroir comme symbole de la conformité à la perfection intellectuelle de l'Univers.

Mais c'est le christianisme qui, à l'appui des théologiens et des philosophes de l'antiquité, va ériger le miroir en un symbole fusionnel. Par l'intermédiaire de Jésus fait à son image, Dieu s'est réfléchi dans le miroir et a imprimé son image dans la Vierge Marie. Sans offenser, ni transformer le miroir lui-même. Dieux a fait l’Homme à son image, mais pour ce  simple mortel la ressemblance de l'Eternel pose un problème, car il ne peut voir que des aspects ou des fragments de la divinité.

C'est pourquoi le miroir est ce qu'il reflète, dans la mesure exacte où il le reflète. Il pourra seulement tendre vers la divinité par le miroir du cœur ou l'esprit de la connaissance.
C'est en ce sens que l'apôtre Paul disait : « A présent se reflète en nous tous la clarté du Seigneur à visage découvert, et nous sommes illuminés dans la même image d'une clarté à l'autre».

Selon Maître Eckhart : «l'âme se contemple elle-même dans le miroir de la divinité. Dieu est lui-même le miroir qu'il dévoile à qui il veut et qu'il voile à qui il veut... Dans la mesure exacte où l'âme est capable de dépasser toute parole, dans cette mesure, elle s'approche du miroir».

L'usage du miroir peut être donc considéré comme une étape devant conduire le Persévérant au delà du monde des visions, pour franchir la porte de la perspective ou celle de la psychanalyse.

Ainsi, en dehors de cette approche cardiaque ou religieuse, apparaîtra au 16ème siècle la découverte de la perspective, grâce à l'utilisation du miroir, découverte appelée anamorphose, où des peintres illustres tels Léonard de Vinci et Dürer dont les portraits, les paysages peints sur des fresques où sur toile, présenteront la caractéristique de se révéler déformés lorsqu'on les regarde frontalement et de retrouver leur forme habituelle lorsqu'on les regarde d'un point de vue déterminé en se plaçant généralement sur le côté et en regardant alors en oblique.

Plus proche de nous, Jacques LACAN va analyser ce qu'il appelle le stade du miroir dans lequel le bébé percevra son reflet mais ne le reconnaîtra pas. Sa propre image lui sera étrangère au point qu'il s'efforcera de la saisir derrière la glace, sans jamais, bien sûr, la trouver. Passé ce stade, le bébé, âgé maintenant de 6 mois, saura que le reflet est le sien: il appréhendera son image de l'extérieur et trouvera sa place dans sa relation aux autres.

Toujours, dans le domaine de la psychanalyse, l'exploration des rêves fournit un écrin supplémentaire au miroir. Ce dernier, perçu comme imaginaire, s'inscrit d'emblée dans une dynamique de transgression de l'apparence. Il prend alors une dimension qui le rapproche du sens que lui confèrent les grandes mythologies évoquées dans notre propos. Le miroir du rêve s'offrira le plus souvent comme un passage, une voie de communication entre l'apparence et l'essence. Il ne faudra cependant jamais ignorer que le miroir imaginé est d'abord un miroir déformant, dont la métamorphose est opérée comme par magie, pour permettre une ouverture sur des aspects imprévus de l'être.

Il est intéressant d'associer à la symbolique du miroir celle de la photographie. Cette technique permet d'emprisonner un instant du devenir en gelant le présent et permettant ainsi le gel du temps. La glace est aussi l'autre appellation du miroir, l'eau cristallisée, l'eau figée. Une eau qui devient glace est une eau arrêtée, un flux interrompu. Comme la photographie, la glace suspend la vie, elle ne la sert pas. Le miroir, dans le rêve, n'incite pas toujours à découvrir l'autre côté de soi-même. Il favorise presque toujours, aussi, l'accès à l'autre côté du monde visible.

Il me faut également vous parler d’un autre aspect du miroir, ou plutôt de notre miroir, l’empathie, ce besoin, cette envie de se mettre à la place de l’autre. Mais il ne faut pas nous tromper, il faut savoir prendre ses distances avec cet état qui peut être à la fois une qualité, et un élément auto destructeur. Certain de nos SS\ &  FF\ du corps médical pourront vous expliquer  comment ils en souffrent avec leurs patients, et comment certain de nos SS\ &  FF\ se plonge dans l’autre au point de ne plus vivre leur vie, mais celle de l’autre.

J’aurais put, et peut être dû, aborder dans ce travail un aspect  plus personnel de ma rencontre avec le Miroir, donc voila un peux de moi…
Le Miroir est un des éléments constitutif de mon moi d’aujourd’hui.
J’ai passé énormément de temps devant des miroirs afin de m’accepter. Comme certains ont pu le remarquer, la vie m’a laissé quelques traces, et, enfant,  j’en ai souffert. Pour l’accepter,  pour m’accepter, je me suis regardé devant les miroirs que j’ai pu croiser sur mon chemin. Miroir en verre étamé, les yeux des autres (miroir de l’âme ?). Cette confrontation au miroir m’a également permis une plus grande ouverture à l’autre. Un autre aspect de moi que j’ai et que je dois encore beaucoup travailler.

Je nous ai conduit à un seuil qu'il vous appartient de franchir afin de dépasser les apparences, à vivre l'engagement dans la transparence, seul chemin conduisant, peut être, à la réalité de l'Être.

Je souhaite vous reposer cette question, à vous mes SS\ &  FF\ :

« Mesdames, Messieurs, si vous vous rencontriez dans la rue, quel serait votre réaction? »

V\ M\  J’ai dit.

M
\ D\

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