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Le Miroir

3013-7-1

Vénérable maître et vous tous mes frères en vos rangs, degrés et qualités.

J'ai effectué mon travail d'augmentation de salaire sur le thème du miroir.

Après une brève introduction, je traiterai, dans un premier temps, du miroir face à la connaissance, dans un deuxième temps du miroir face à l’être et dans un troisième temps du miroir face à moi.

On connaît la fortune du miroir dans la littérature occidentale : des contes traditionnels aux contes modernes, du fantastique au surréalisme, le miroir excite les imaginations, car c'est un objet étrange : d'une part, le reflet de soi dans le miroir dédouble le sujet et d'autre part, l'espace du reflet peut être perçu comme le prolongement de l'espace réel au-delà du miroir.

Mais cet objet  n'est pas l'apanage du monde occidental. Le miroir est présent depuis fort longtemps dans  biens des parties du monde, en Chine, au Japon comme en Égypte. Egalement, la surface réfléchissante de l'eau ou d'une quelconque matière pouvant refléter l’image a tout de même permis aux hommes qui ne possédaient pas de miroir de pouvoir admirer leur reflet.

Le miroir et la connaissance

L'étymologie du mot miroir vient du latin « mirari » qui signifie admirer mais aussi regarder avec étonnement, avec surprise.  Il existe également plusieurs synonymes du mot miroir, dont un « spéculum » a donné le nom de spéculation bien en rapport avec la Franc Maçonnerie actuelle ; A l’origine, spéculer était le phénomène d'observation du ciel et des mouvements relatifs aux étoiles grâce à l’utilisation d'un miroir. Ces études, grandement intellectuelles, ont supposé que le miroir, en tant que surface réfléchissante et d’un éclat absolu, est le support d'un symbolisme extrêmement riche dans l'ordre de la connaissance.

En effet, le miroir limpide est un symbole de la sagesse et de la connaissance alors que le miroir couvert de poussière est celui de l'esprit obscurci par l'ignorance.

Saint Paul, dans l'épître aux corinthiens, mentionne le miroir qui peut faire progresser la connaissance de soi-même ; je vous en livre le passage :

« La charité ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra. Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie, mais qu'en ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel  disparaîtra. Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je résonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant.

Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face-à-face ; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai connu. » Fin de citation.

La connaissance de Dieu est pareille à une image obscure réfléchie par un miroir. Il s'agit bien là d'une incitation à s'examiner soi-même, à grandir et tendre ainsi vers la perfection car Dieu n’est il pas le miroir parfait, celui qui renvoie l’image la plus pure de l’homme à l’homme.

Lorsque l’homme est un tout jeune enfant, il ne sait pas comment se comporter face aux différentes représentations  que lui renvoie un miroir. Il va, tout d’abord, commencer par vouloir agir avec le miroir comme si une autre personne se tient devant lui, avec un mélange d’étonnement et de fascination. Il va percevoir l’espace du reflet comme un prolongement de l’espace réel avec ce que l’on appelle la stratégie du contournement du miroir. Puis, viendra la reconnaissance de soi, avec la faculté d’identifier le geste et la parole. Enfin, ce n’est que vers l’âge de trois ans, âge qui est le mien actuellement, que l’enfant lèvera le voile sur tous ces paradoxes face à une apparence devenue familière. Mais bien sur, il ne s’agit là que des premiers balbutiements de ce qui sera une existence.

Le miroir et l’Être

La symbolique du miroir s'appuie ainsi sur la réalité bien étrange d'une forme de perception qui donne à voir un double de soi et de ce qui nous entoure. Dans la pratique initiatique, le miroir joue un rôle de premier plan car son pouvoir réfléchissant permet une mise en profondeur de l'être et rend possible un travail complexe sur celui-ci :

C’est la mise en relation énigmatique de soi et de l'autre, avec nos incertitudes et nos doutes. Dans le cabinet de réflexion, le face-à-face de l’Être avec son propre reflet manifeste que l'initiation est un retour sur soi. Le miroir ne sert alors pas d’objet de réflexion mais de réflexion sur l’objet qui se reflète. C’est une des façons d’aborder ce symbole que l’on peut percevoir de prime abord comme une épreuve à surmonter.

Fixer intensément sa propre image, et notamment se regarder soi-même dans les yeux, permet ainsi d'instaurer une relation avec soi. Car loin de n’être qu’une simple confrontation, le retour sur soi est toujours un travail de transformation, de métamorphose, du à phénomène de concentration sur sa propre image. L'initiation repose donc ainsi sur notre propre usage du miroir qui permet un échange avec l'autre, avec toutes les difficultés que cela amène.

Car que renvoi t-il sinon la vérité, la sincérité et notre propre conscience.

Je voudrais citer Carl Gustav Jung, psychiatre suisse qui a été le pionnier de la psychologie des profondeurs :

« Le miroir ne flatte pas, il montre fidèlement ce qui regarde en lui, à savoir le visage que nous ne montrons jamais au monde, parce que nous le dissimulons à l'aide du masque du comédien. Le miroir, lui, se trouve derrière le masque et dévoile le vrai visage. C'est la première épreuve de courage sur le chemin intérieur, épreuve qui suffit à effaroucher la plupart, car la rencontre avec soi-même est de ses choses désagréables auxquels on se soustrait tant que l'on a la possibilité de projeter sur l'entourage tout ce qui est négatif. »

Pour ma part, j’ajouterai qu’il y a également un miroir qui nous permet de tomber ce masque, c’est le regard des autres, ce regard par lequel nous sommes. Ce qui soulève le caractère important de nos actes et combien nos agissements peuvent donner un sens, positif ou négatif, à notre vie et de quelles façons ils peuvent changer ce que nous sommes. Cela me laisse penser que, symboliquement, l’homme est un miroir pour l’homme et qu’il faut d’abord arriver à bien se percevoir pour pouvoir percevoir les autres de la façon la plus juste.

Le miroir et Moi

A mon sens, le miroir est le symbole important de mon parcours maçonnique, celui qui m'a permis de commencer mes premiers pas sur mon chemin initiatique.

 Car il y a bien une première question que je me suis posé face à lui : qu’est ce que je fais ici ? Mais pas dans le sens de savoir si j’avais effectué le bon choix en étant là mais celui de me demander si j’allais être à la hauteur de ce qui m’attendais ou de mes espérances. Je sais maintenant  que si je suis entré en Maçonnerie c’est pour effectuer un travail de réflexion, qui est personnel, sur ma propre spiritualité.

C'est dans le cabinet de réflexion que le miroir, au-delà de ma propre image physique, m'a fait imperceptiblement prendre conscience de mon image spirituelle et de son évolution par la connaissance du moi. De façon imagée, chaque reflet de moi-même que j'y ai perçu était unique car, de même que s'écoule le temps, ce reflet change inexorablement et me renvoie à ma propre évolution. Évidemment, l'image physique que l'on voit dans le miroir du cabinet de réflexion est claire, sans aucune opacité alors que l'image spirituelle, constituée par l'essence même de chaque être, est invisible voire nébuleuse.

C'est aussi pendant la cérémonie d'initiation que, pour la seconde fois, le miroir a joué un rôle important. Ce face-à-face a été plus brutal lorsque, après avoir balayé mon environnement immédiat du regard et constater qu'aucun ennemi ne composé cette honorable assemblée, le Vénérable Maître me suggéra que les ennemis que je pouvais le plus craindre se trouver peut être derrière moi et que je m'aperçus de nouveau dans ce symbole. Oui, ce fut un moment fort, fort mais juste, car j'ai toujours estimé que l'on est vite prompte à combattre celui que l'on considère comme son ennemi et qu'il est souvent inconcevable de penser que l'on puisse être celui ci. Dès lors, on préfère chasser cette idée d'un revers de la main plutôt que d'avoir à affronter ses propres démons. Est-ce que cela signifie alors que l'on ne souhaite pas se retrouver face à ses propres défauts ? Oui et non sont possibles. D'un côté, personne n'aime regarder son reflet dans un miroir car, la plupart du temps on y voit de petites, voire de grandes imperfections. D'un autre côté, voir ses imperfections n'est-ce pas prendre conscience de leurs existences et qu'elles sont sûrement modifiables voire effaçables.

Tout ce que je sais à l’heure actuelle est que ce symbole qu’est le miroir ne me parlera que si je veux bien l’écouter. Comment pourrai-je être Franc Maçon si je ne suis pas capable de chercher qui je suis afin d’effacer ce que je crois être. Simplement, il n’est pas de meilleur juge que celui qui ose affronter la Vérité et si soumettre.

J’ai dit

M\ P\


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