GLSA Loge : Fidélité et Prudence - Orient de Genéve - Suisse 27/11/2003


Le Miroir
Planche du Frère Orateur

V\ M\, dignitaires qui décorés l’O\, et vous tous mes TT\ CC\ FF\, en vos grades et qualités.

C’est à vous que je m’adresse, plus particulièrement, FF\ nouveaux CC\. Ce soir, vous avez franchi une nouvelle porte. Oh certes depuis votre initiation, dans votre vie profane, vous avez dû et su franchir une multitude de portes sans lesquelles vous ne seriez pas là ce soir. Mais ce soir, dans notre temple, l’ouverture de cette nouvelle porte vous a amené à faire de nouveaux voyages qui vous invitent à découvrir de nouveaux matériaux, de nouveaux symboles.

Parmi ces nouveaux symboles, il y en a un qui doit retenir plus particulièrement votre attention, un qui va vous permettre de vous mesurer avec vous-même, un, qui va vous permettre de REFLECHIR sur ce que vous étiez, sur ce que vous êtes et sur ce que vous devriez être, un qui va vous permette de mieux vous connaître :  le Miroir!

Mais avant de vous faire lecture de cette planche « Miroir » laissez-moi, mes TT\ FF\ CC\ , vous faire part des quelques réflexions, ou tracés, qui ont contribué à l’architecture de cette planche..

1 - Il est des miroirs naturels dont la fonction est irremplaçable et qui contribuent à l’accomplissement de l’Univers. Tel est le cas de la lune qui peut être considérée comme étant le miroir du soleil. Peut-être que sa fonction serait tout autre si elle ne recevait pas la lumière solaire. Elle est en quelque sorte la garante de la permanence de la lumière, au moins dans notre galaxie.

2 - On sait que le tain du miroir est ce qui permet la réflexion. Or ce tain est obtenu par le broyage de métaux. Dès lors, peut-être qu’un sens alchimique peut être lié au miroir:

  • transformer les métaux,
  • diriger et se diriger vers la lumière
  • transformer le regard par le voir de l’angle codé qui n’est jamais fixe,
  • voir au-delà du miroir, passer au-delà des métaux afin de retrouver la transparence.

3 - Le miroir (dont le nom dérive de spéculum) peut devenir outil de spéculation, avec toutes les ambivalences qui s’y rattachent et toutes les déviations qu’elles peuvent engendrer. A l’origine, spéculer c’était observer le ciel et les mouvements relatifs des étoiles, à l’aide d’un miroir. Sidus (étoile) a également donné considération, qui signifie étymologiquement regarder l’ensemble des étoiles.

4 - Que reflète le miroir? La vérité, la sincérité, le contenu du coeur et de la conscience, comme le Soleil, comme la Lune, comme l’eau, comme l’or, lit-on sur un miroir chinois du musée d’Hanoi, « Sois clair et brillant et reflète ce qu’il y a dans ton cœur ».

5 - La vérité révélée par le miroir peut également être d’un ordre supérieur : évoquant le miroir magique des Ts’in, Nichirien lui compare le miroir du Dharma bouddhique, qui montre la cause des actes passés. Le miroir sera l’instrument de l’Illumination. Le miroir est en effet le symbole de la sagesse et de la connaissance, le miroir couvert de poussière étant celui de l’esprit obscurci par l’ignorance.

La Sagesse du grand Miroir du Bouddhisme tibétain enseigne le secret suprême, à savoir que le monde des formes qui s’y reflète n’est qu’un aspect de la shûnyâtâ, de la vacuité.

Ces reflets de l’intelligence ou de la Parole célestes font apparaître le miroir comme le symbole de la manifestation reflétant l’intelligence créatrice. Il est aussi celui de l’intellect divin réfléchissant la manifestation, la créant comme telle à son image. Cette révélation de l’identité et de la Différence dans le miroir est l’origine de la chute luciférienne. Plus généralement pour les chrétiens, elle est l’aboutissement de l’expérience spirituelle b plus haute. Le miroir du cœur reflète chez les Bouddhistes, la nature de Bouddha : chez les Taoïstes, le Ciel et la Terre.

Miroir, oh, mon miroir.., dis-moi, mais qu’est ce qu’elle a ma gueule?

En fait, La symbolique du miroir est d’une extrême richesse et largement antérieur à l’arrivée sur le marché des beaux miroirs de bronze, que l’on retrouve dans les fouilles de sépultures. Une flaque d’eau, un fragment de cristal de roche servent à refléter un rayon de soleil ou la lune dans sa plénitude. Que de spéculations s’y rattachent. Plus que pour tout autre symbole, peut-être faut-il prendre garde au caractère ambivalent de la ou des fonctions du miroir.

La première de ses fonctions venant à l’esprit est celle du reflet. Mais, ce reflet est-il une réalité ou une illusion ? C’est, pour le moins, une inversion de la réalité qu’il est aisé de vérifier. Il suffit en effet de lire dans un miroir le reflet d’un mot écrit sur un papier pour constater que l’ordre des lettres se trouve totalement inversé. Le mot miroir vu dans un miroir devient riorim. Par l’effet de ce miroir, le mot a perdu sa réalité. On pourrait dès lors estimé que, d’une certaine manière, le miroir est menteur.

Mais, d’une autre manière, on peut aussi penser qu’il nous livre l’autre face du monde. li pourrait alors apparaître comme étant le révélateur de l’antimatière qui serait ici, quantitativement égale à la matière.

L’image du miroir est immatérielle. Mais elle peut néanmoins présenter une certaine forme d’énergie, en ce sens qu’elle établit une sorte d’axe entre deux dimensions de la réalité. La réalité abstraite et la réalité concrète. Etant toutefois entendu que l’une et l’autre ne sont pas porteuses de l’essence de la véritable réalité qui, selon la vision la plus haute, ne peut être que d’Ordre Principiel.

À l’encontre de l’homme, le miroir est dépourvu de mémoire, il ne livre que l’image d’un instant, image qui s’efface avec le retrait de l’objet reflété. L’image peut cependant demeuré dans la mémoire de celui qui a vu le reflet donné par le miroir. Celui-là risque fort d’être pris en un piège narcissique. Car le danger du miroir est qu’il peut flatter la vanité, la prétention, en enfermant l’être dans une contemplation complaisante. Contemplation d’une image inversée, ne l’oublions pas, par rapport à l’objet reflété.

Il peut également nous renvoyer une image que nous jugeons indésirable, sans que l’approche qu’offre celle-ci soit pour autant totalement fausse. Simplement, on voudrait être autre que cette image qui nous est renvoyée. Autre que ce qui nous fait face. Se pose alors le problème : comment, face au miroir, voir celui qui est et non celui que nous voudrions voir?

Le miroir peut être déformant, mais au fond qui déforme ?, le miroir ou celui qui se contemple devant lui ? Vérité - mensonge ne sont en fait qu’un problème de lecture. Un problème de justesse du regard. Un problème de lucidité, c’est-à-dire un problème de réception de la véritable lumière et non pas de sa réception plus ou moins illusoire.

On peut se chercher dans l’image, dans le reflet que nous livre un miroir et ne jamais se trouver. Le miroir n’a fonction d’éveil que pour qui sait voir, que pour qui a une certaine capacité d’éveil, que pour qui a une certaine conscience de son état d’être. Faute de cela, le miroir risque d’être extrêmement dangereux. Toujours le problème de Narcisse.

Voir au-delà du miroir, c’est le traverser en pensée. C’est tenté d’aller dans l’autre monde, non pas vers la mort, mais vers le monde cosmique que nos sens ne parviennent pas à appréhender. Ce qui est fort dommageable, car ce qui est derrière le miroir est peut-être plus créateur que le reflet qu’il nous offre.

Il est diverses manières d’aborder le miroir qui se dresse devant nous comme une épreuve, comme un défi. Il est une sorte de porte invisible, invisible parce que masquée par l’attrait du reflet. En fait, le problème posé est de savoir oublier ce matériau opaque interposé entre nous et la réalité.

On peut être parfois tenté de briser le miroir, afin d’effacer l’image déroutante qu’il renvoie. Briser le miroir peut sembler une action vaine, mais ce peut être aussi une action de l’imaginaire pour tenter de voir la réalité qu’il nous masque. Aller au-delà où traverser le miroir, c’est la démarche de l’imaginaire qui habite certains hommes. Le miroir joue alors le rôle de la page blanche devant l’écrivain. Cette page qui attend... qui attend..... qui attend...et en même temps provoque, la projection de la réalité recréée par le regard, par la pensée, par l’imagination de l’auteur. Tout cela est peut-être voisin du mirage (mirage - miroir, même famille).

Et s’il était des mirages plus constructeurs, plus révélateurs à l’esprit du quêteur que la vision de la simple réalité? N’oublions pas que révéler c’est au fond re-voiler, autrement dit présenter le mystère de façon différente. D’où l’obligation d’apprendre à voir différemment.

Tenter de voir par le miroir, c’est tenter de fixer, en se substitut, une révélation cachée qui ne peut apparaître qu’à son habile utilisateur. Le miroir est aussi une sonde de notre cœur (centre, âme), il est alors impitoyable.

Si surprenant que cela puisse paraître, un livre peut également faire fonction de miroir. il peut offrir un reflet révélateur de la sensibilité du lecteur. Les images-rencontres qu’il suggère sont effectivement des reflets de lieux où nous aimerions être ou d’états de conscience que nous aimerions revêtir.

Le peintre (l’artiste véritable) peut, par les images qu’il soumet à notre vision, être créateur d’une sorte de miroir. Encore que l’on puisse se demander si ce n’est pas, en certain cas, le miroir qui crée le peintre. Mais, il se peut aussi qu’un miroir imaginaire se présente devant lui pour qu’il y voie.., le Monde.

En fait, le miroir n’est peut-être pas un instrument pour regarder, encore moins pour se regarder. L’étymologie du mot insiste sur “regarder avec attention” et, plus encore, sur son sens d’origine qui est mirer, de “s’étonner”.

Il faut également retenir le sens de visée (venant du mot mire). Le miroir doit être l’instrument qui permet la visée... l’alignement.

C’est pourquoi le miroir n’est pas, en fait, un objet d’auto contemplation, mais l’instrument de la ligne de mire qui doit révéler l’angle secret de ce qui n’apparaît pas encore, mais qui est en gestation.

La personnalisation de notre perception est en fait fonction de l’angle que nous donnons au miroir. De la recherche du bon angle, du pur principe de vie et de la quête pure. Nous devons apprendre à contempler (con-templer), “être avec le temple”, à trouver l’angle harmonique qui révèle et diffuse la lumière en justesse.

Partant de cette idée, on peut oser cet exemple du secret initiatique : celui qui sait « tenir » le miroir peut trouver le fameux point qui révèle la genèse de l’Univers.

Jean-Claude von L\

3013-3 L'EDIFICE \