GODF Loge : Le Réveil Anicien - Orient du Puy en Velay Date : NC

Le Miroir


Le miroir est un objet constitué d’une surface polie qui sert à réfléchir la lumière ou à produire des images d’objets ou de personnes.

Pendant l’antiquité on utilisait des miroirs en métal poli , Au 13ème siècle on eut l’idée de fixer des feuilles d’étain derrière des plaques de verre avec une colle transparente et l’on obtint ainsi une réflexion des objets plus claire. L’étamage des glaces ne date que du 16ème siècle.

 Le miroir plan, pour ne pas parler des miroirs déformants, donne des objets et des personnes une image proche de leur réalité physique ; je dis bien proche et non exacte car cette image présente une double étrangeté.

Tout d’abord l’image de notre visage perçue de l’autre côté du miroir n’existe nulle part dans l’espace ; l’optique l’appelle « image virtuelle » ; c’est seulement sur notre rétine qu’elle se forme. A  une distance égale de celle qui nous sépare du miroir, mais dans un au-delà imaginaire que nous rétablissons en deçà dans le réel, nous voyons donc ce que nous savons n’y être pas. C’est pourtant bien nous même que nous sommes convaincus de voir dans cette altérité surprenante.

Deuxième étrangeté, purement géométrique, à laquelle nous ne prêtons pas attention : personne, en fait, n’a jamais vu son visage dans un miroir ! Cette image à laquelle nous nous fions est notre énantiomorphe, différente de ce dont elle est le reflet comme la main droite de la main gauche.

En effet l’image virtuelle donnée par un miroir est une représentation symétrique par rapport au plan du miroir, dons inversée.

Si, par exemple, vous êtes peigné avec une raie à gauche vous voyez, en vous regardant dans le miroir, un visage peigné avec une raie à droite. Ce n’est donc pas vous, c’est un autre visage !

Par habitude nous ne nous en rendons pas compte mais essayez donc l’expérience de vous peigner, de vous raser, ou de vous maquiller mesdames, devant une caméra branchée sur un écran de télévision qui reproduit alors votre visage tel qu’il est, c’est à dire non inversé droite-gauche, vous serez surpris du résultat !

 Tous les miroirs, et même votre glace matinale, sont donc des miroirs déformants, ils ne reflètent pas la réalité, ils peuvent même devenir un leurre qui peut cacher un piège, ne dit-on pas « miroir aux alouettes » .

 Mais les miroirs ne sont-ils qu’un système optique donnant uniquement une image des aspects physiques d’une personne ? Le miroir n’a t-il pas étendu ses pouvoirs bien au delà des simples propriétés de réflexion qui le définissent comme peuvent en témoigner la magie, la littérature, la psychologie ?

On connaît la fameuse phrase de Cocteau « Les miroirs devraient réfléchir davantage avant de nous renvoyer un image »

Les yeux dit-on sont les miroirs de l’âme, et si les miroirs étaient les yeux de l’âme ?

Une « psyché » est un grand miroir mobile monté sur pivots grâce auxquels on peut l’incliner et se regarder en pied, curieusement le même mot désigne aussi l’ensemble des phénomènes psychiques considérés comme formant l’unité personnelle.

Nos rapports avec le miroir ne sont-ils donc pas seulement optiques et physiques ? Cette question pose le problème du rapport de tout individu avec la représentation, l’image qu’il se fait de son propre corps.

J’ai eu l’occasion, à maintes reprises, au cours de mon travail de formateur en audiovisuel, de constater que si on rencontre rarement des difficultés pour placer quelqu'un derrière une caméra pour filmer, on se heurte par contre à de nombreuses réticences lorsqu’on demande à une personne de passer devant pour être filmé.

Refus de son image ? Peur de celle-ci, ou du moins peur des différences entre l’image enregistrée et celle qu’on se fait, qu’on s’est construite de soi ?

Ou encore, peur du regard des autres ou peur de son propre regard sur cette image ?

Comme l’a dit Merleau-Ponty « Même chez l’adulte l’image du miroir n’est pas toujours un simple reflet, il y a deux façons de considérer cette image, l’une analytique, réfléchie selon laquelle l’image n’est rien qu’apparence dans un monde visible qui n’a rien à voir avec moi, et l’autre globale, directe, telle que nous l’exerçons dans la vie courante quand nous ne réfléchissons pas… ».

« Même plus tard, l’image de soi garde une certaine présence, un quasi réalité » selon Jean-Paul Sartre.

C’est sans doute ce qui lui permet d’être le support de toutes les identifications narcissiques successives grâce auxquelles se construira la personnalité.

Malgré l’acquisition progressive d’une sorte de statut de symbole, l’image de soi reste quasi réelle, même chez l’adulte où le reflet spéculaire de soi peut revêtir ce caractère « d’inquiétante étrangeté » selon l’expression de Freud.

L’importance de la prise de conscience de sa propre image a été soulignée par Lacan comme correspondant à ce qu’il a appelé le « stade du miroir ».

Il voit dans la jubilation de l’enfant reconnaissant pour la première fois son image spéculaire le signe de l’importance fondamentale de ce « stade du miroir » dans le développement de la personnalité.

A la naissance l’enfant ne possède aucune maîtrise de son corps, il ne peut pas appréhender celui-ci comme une unité. Il peut bien regarder ses mains, ses pieds mais non l’ensemble de son corps. Il s’agit donc pour lui de comprendre que l’image qu’il voit là-bas dans le miroir ce n’est pas lui puisqu’il n’est pas dans le miroir.

Il doit ensuite prendre conscience, aidé en cela par le regard de témoins extérieurs, de l’endroit où il se trouve (endroit qui n’est pas dans le miroir). Il lui faut établir la relation entre l’image et lui, et pour cela déplacer l’image spéculaire du lieu apparent, virtuel qu’elle occupe au fond du miroir, jusque sur lui c’est à dire qu’il doit s’identifier à distance avec son corps.

Il y a dans l’image spéculaire chez l’enfant un mode d’appréhension de l’espace tout à fait différent de ce qu’est la spatialité adulte.

 Il reste de cette jubilation devant le miroir dont parle Lacan une sorte de « moi idéal », toujours fictif qui marque à jamais l’être humain d’une référence amoureuse indélébile.

Référence amoureuse que l’on retrouve dans le mythe de Narcisse, jeune homme doué d’une grande beauté qui surprenant son reflet dans l’eau d'une source en tomba amoureux et, absorbé par la contemplation de son image, se laissa mourir de langueur : la fleur qui poussa sur le lieu de sa mort porte son nom.

Mais il existe une autre version rapportée par Pausanias, c’est pour se consoler de la mort de sa sœur jumelle, qu’il adorait et qui était faite exactement à son image, que Narcisse passait son temps à contempler dans l’eau de la source son propre visage lui rappelant les traits de sa sœur.

 En F\M\le symbole du miroir a une toute autre signification.

Quand à la question « Reconnaissez vous un ennemi parmi les personnes présentes ? » le nouvel initié découvre sa propre image dans le miroir qui lui est présenté ce n’est pas d’une fascination narcissique dont il doit faire preuve vis à vis de celle-ci, mais d’une attitude analytique, réfléchie, pour reprendre les termes de Merleau-Ponty.

En effet cette image virtuelle que lui renvoie le miroir va devenir un objet : l’objet principal de son travail de F\M\, la pierre brute qu’il va devoir dégrossir, tailler sans relâche d’abord en tant qu’apprenti, ensuite comme compagnon, et encore lorsqu’il aura obtenu le grade de maître.

Le travail du F\M\est en effet un processus par lequel il prend conscience de ce qu’il est réellement et accède ainsi à la véritable liberté de penser et d’agir. Car en plus des obstacles extérieurs à la liberté individuelle il existe des obstacles intérieurs, motivations plus ou moins inconscientes de chacun déterminées par sa propre histoire, son milieu social.

Le travail maçonnique consiste essentiellement à abolir ces déterminations par une évolution personnelle basée principalement sur la connaissance de soi, un « soi » symbolisé, au cours de l’initiation, par cette image que nous renvoie le miroir.

 Dans l’article premier de notre constitution il est précisé que la F\M\  « travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social  de l’humanité. ».

Quand le Maçon travaille à sa propre amélioration, il perfectionne déjà un membre de cette humanité.


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