Obédience : NC Loge : NC 20/11/2009

Le cabinet de réflexion ou l’enfer qui régénère

Le cabinet de réflexion. C’est la, que commence l’initiation maçonnique. Là où le profane est conduit de façon consentante car il a frappé librement à la porte du Temple, demandant à être initié.

Dans ce lieu obscur, isolé au milieu d’objets qui lui rappellent la mort avec comme seule lecture, des maximes de fermeté et d’espoir, le futur initié est seul, seul avec lui même. Il opère alors une réflexion, un renversement sur lui même, un retour en arrière pour mourir symboliquement à son ancienne vie et se préparer à une vie nouvelle. Cette symbolique se retrouverait un peu partout dans l’histoire : bois sacré chez les africains, chapelle retirée pour les chevaliers, sarcophage chez les anciens égyptiens et cabinet de réflexion chez nous, les francs-maçons.

C’est par ses doutes et ses questions que l’initié trouvera la liberté, c’est à dire cette disposition intérieure qui fera de lui un être libre. La liberté, c’est comme le bonheur, une aptitude de l’esprit, un état à conquérir ou à reconquérir.

C’est  la minute de vérité. Il  lui faudra, sans complaisance chercher à se connaître, à découvrir ses défauts, ses points faibles pour que, purifié par sa méditation, faisant table rase du passé,   il puisse renaître symboliquement à une autre vie, une vie où le Moi va s’effacer progressivement pour laisser la place au Soi. Un Soi enrichissant, qui lui permette désormais de se construire autrement pour construire ensuite avec d’autres, ce que nous appelons « le Temple de l’Humanité ».

Dans cette étroit cabinet de réflexion, aux murs peints en noir, dont la seule source lumineuse se trouve être une simple bougie avec une flamme qui vacille lentement. Peu à peu, il découvre un autre symbole, dont aucun support matériel ne peut exprimer la présence et qui pourtant est le plus important des symboles : le SILENCE. Il est dit que « quand se taisent les bruyantes passions du monde, le cherchant peut enfin écouter », ainsi le profane est invité à faire le silence, afin qu’il puisse écouter au plus profond de lui-même les paroles de sagesse que lui inspire son cœur.

 Le cabinet de réflexion est comme une caverne alchimique où se déroule un rite de purification, une matrice dans laquelle notre être renaîtra purifié, c’est un lieu tout à fait propice pour se rapprocher de l’illumination intérieure.

On emploie communément l’expression suivant laquelle " les apparences sont trompeuses " qui signifie que le réel n’est pas ce qui apparaît, que l’être est au-delà des apparences. Or, il revient à Platon d’avoir formulé le premier de façon " savante " cette distinction. Pour Platon, en effet, il convient d’opposer les apparences à la réalité, ou encore, le monde sensible au monde des Idées.

Le début du livre VII de la République établit la différence entre les deux mondes de la connaissance. Dans l’antre, des hommes sont enchainés depuis leur enfance : privés de tout mouvement ils ne perçoivent du monde extérieur que les ombres projetées sur la paroi arrière de leur prison. Ils pensent ces images réelles et représentant la vie alors que la réalité intelligible appartient à celui qui séjourne dans la lumière, en dehors de l’antre. L’Homme qui se contente de sa vision, sans en rechercher la cause, reste un esclave enchaîné dans ce lieu sombre : ses sens sont abusés par un reflet. L’esclave doit faire tomber ses chaînes puis lutter contre son ignorance s’il veut atteindre la porte qui donne accès à la vraie lumière. Vous voyez surement ou je veux en venir…

Dans le cabinet de réflexion, le profane n’est pas enchainé. Le cherchant sait où il va, il suppose qu’il va revivre, qu’il va pouvoir acquérir de nouvelles forces. La caverne de Platon traduit un « monde mort » qui ne peut s’élever, le cabinet de réflexion est la caverne, l’œuf qui va ouvrir les voies de l’illumination et celles de la transcendance.

Seuls quelques élus arrivent à contempler les réalités supérieures. Ce processus participe à une élévation initiatique avec sa gradation de connaissance. Lorsque le silence se fait, et par un contrôle de la respiration il est possible d’atteindre une tranquille méditation, alors le profane commencera à devenir sensible aux messages qui l’entourent. 

Une inscription énigmatique nous invite au plus profond de nous-mêmes. V.I.T.R.I.O.L, énigme indéchiffrable, dont je ne comprends intellectuellement le sens qu’aujourd’hui. Ce septénaire a fait naitre de nombreux commentaires dans les lectures que j’ai découvertes et les auteurs maçonniques reconnaissent une valeur alchimique et peut-être le couronnement du grand œuvre. Les lettres V.I.T.R.I.O.L pourraient être les initiales de cette phrase «  Visita Interiora Terrae, Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem » que l’on traduit par « Visite l’intérieur de la terre, et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée ». Cette formule condense le processus alchimique de la transmutation de l’être et des métaux. Rectifier c’est rendre exact en corrigeant.

Le Sel, le Souffre, et le Mercure expriment ensemble le véritable équilibre, auquel le profane doit tendre afin de se régénérer.  Le Souffre représente l’énergie expansive, le Mercure représente l’énergie attractive, le Sel qui résulte de l’action du Soufre sur le Mercure, est neutre.

Le sablier symbolise le temps, il représente sur le plan matériel, le temps qui s’écoule et qu’on ne peut inexorablement pas arrêter. Chaque grain de sable qui tombe nous rapproche irréversiblement du jour de notre mort.

Il est aussi curieux de noter que dans de nombreuses légendes, particulièrement avec celles de la fée Mélusine (Dont l’histoire est immortalisée en prose par Jean d'Arras, dans son Roman qu'il offrit en 1393 au frère du roi), églises, châteaux, ponts sont construits en une seule nuit « avant le chant du coq ». Mélusine est à l'origine de la construction de nombreux bâtiments médiévaux. Elle fonde les villes de Parthenay, Tiffauges, Talmont, édifie les murailles de La Rochelle et fait construire nombre d'églises et d'abbayes. Si quelqu'un la surprenait dans son ouvrage, qui avait lieu la nuit, elle cessait immédiatement ses travaux. Mélusine a demandé qu’une âme lui soit remise pour l’aider à accomplir cette tâche. L’homme malicieux a fait chanter le coq avant l’heure habituelle. Le coq figure dans le cabinet de réflexion pour annoncer l’aube qui va venir, la naissance d’un nouveau jour pour  l’impétrant.

Pour que ce rite de vie et de mort puisse être efficace et aboutir à la purification du profane, il lui faut encore un puissant symbole, un « témoin » psychique permettant de relier les vivants aux morts, un lien puissant exprimant la chaîne ininterrompue entre les Maîtres passés à l’Orient Eternel et le profane qui aspire à reprendre le flambeau en devenant Franc-maçon à son tour : un crâne humain.

Enfin, le profane doit répondre par écrit à des questions et rédiger son testament moral et philosophique. Le nombre et le libellé des questions varient selon les époques. Les questions dans cette obédience qu’est la notre, concernent les devoirs de l'homme envers lui-même, sa famille, sa patrie, l'humanité.

La rédaction du testament philosophique permet de faire le point sur nous-mêmes et sur ce que nous estimons essentiel. Quelle que soit la qualité du testament rédigé, cette démarche est fondamentale dans le processus de l'initiation maçonnique. En sortant du cabinet de réflexion, le candidat sera considéré comme ayant subi l'épreuve de la terre.

Chacun d’entre nous est sensé y croire et toute la cérémonie initiatique se déroulera comme si le candidat avait été transformé par cette épreuve. Personnellement, j’ai grandi grâce aux travaux de recherche symbolique du cabinet de réflexion. Depuis, cette épreuve et ce travail, je me suis transformé et ai pris conscience de ma nouvelle naissance. J’en profite pour remercier mon second surveillant qui a vu ma grimace le jour où il m’a annoncé ce sujet…et pourtant…

Comment en effet prétendre sérieusement que les épreuves rituelles transforment réellement, immédiatement ou à terme, celui qui les subit ? Le cabinet de réflexion est un décor de théâtre. Il suggère ce qu'il ne peut être réellement. Ce petit cagibi, décoré avec des figures symboliques est tout à fait dérisoire, mais c'est justement là que réside sa signification essentielle.

Fermer les yeux sur le dérisoire, procède d'une attitude "bigote" à l'égard du rituel. Ouvrir les yeux sur le "dérisoire" pour en pénétrer la signification, là est la voie de l'éveil. Ce n'est souvent pas simple. Cela implique une remise en question des réflexes mentaux acquis. Comment prendre au sérieux ce qui ne l'est pas en apparence. Et comment ne pas prendre au sérieux ce qui semble l'être ? Tant de gens ne parviennent pas à répondre à ces questions.

Le cabinet de réflexion est à mon sens, une des épreuves la plus importante sur le chemin de l’Initiation, car c’est en son sein qu’il faudra, je cite Clémence DUVAL  « procéder à une sorte  décrassement intellectuel et moral ayant pour but de débarrasser l’esprit de tout ce qui empêche la lumière de parvenir jusqu’à lui »

Le cabinet de réflexion utilise le langage universel de la symbolique, afin de faire vivre au profane sa première épreuve, qui est celle de la terre.

Il est écrit dans la bible « tu es sorti nu du ventre de ta mère et tu retourneras nu dans le ventre de la terre. Tu n’emporteras rien en mourant, tu n’emporteras pas tes richesses avec toi », et en effet, avant que le profane ne rentre dans ce cabinet, on lui demande de se défaire de tous les métaux, mes amis apprentis et moi-même avons réfléchi collectivement au sens de ceci à l’occasion de la tenue en octobre dernier. 

Mourir pour renaître à nouveau, c’est une loi universelle : « En vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruits » (Evangile selon St Jean). 

« La lumière brille dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l’ont pas reçue » Cette lumière, à l’instar des grains enfouis sous la terre, il faut la chercher en dehors des ténèbres qui règnent sur le monde profane. La mort du grain donne naissance à la pousse qui monte vers la lumière et au bout de laquelle va mûrir l’épi. C’est-à-dire à plusieurs bons grains…qu’il faudra séparer de l’ivraie…

Mes chers frères, je nous souhaite à tous d’excellentes moissons et je poserai ces deux questions pour que nous puissions repartir pensifs : Le Cabinet de Réflexion est-ce « Réfléchir » ou « se réfléchir » et avons-nous  intérêt à faire notre introspection régulièrement ?

Et moi dans tout çà ? Avais-je compris tout ceci le 2 avril 2009 à l’occasion de l’épreuve de la terre ? Oui, résolument au plus profond de moi-même. Je savais que cette soirée aller marquer d’une façon indélébile le sens de ma vie. Mourir et renaitre. Retourner dans les entrailles et comme l’enfant nouveau, profiter de ma naïveté pour grandir encore et encore. Tendre vers un idéal de perfection. Cette épreuve est un délicieux mélange d’euphorie,  d’excitation, de questionnement, de peur, de retour au niveau zéro.

Mon régal ? D’avoir eu la chance de travailler cette partie de l’initiation. J’en reviens transfiguré. J’ai découvert contrairement à mes croyances que la descente  c’est l’enfer qui régénère. Peut-être que Jules VERNE allait aussi le comprendre en voyageant au centre de la terre.

J’ai compris que pour approcher le paradis intérieur, il fallait d’abord descendre. Puiser la force pour ensuite aller plus haut, toujours plus haut.

V\M\  J’ai dit !

L\ D\


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