Obédience : NC LogeHarmonie et Libres Pensées - Orient de Bordeaux 01/11/2016

 

L’Egrégore


Ce mot m’était inconnu avant d’entrer en maçonnerie. Il m’a laissé interrogative, j'avais beau chercher dans les dictionnaires, ce mot n'existait pas, même dans le Littré. Je l’ai de nouveau rencontré lors de mes études en histoire ancienne et là mon travail personnel a alors commencé.

Ce mot m’était inconnu avant d’entrer en M\. Il m’a laissé interrogative, j'avais beau chercher dans les dictionnaires, ce mot n'existait pas, même dans le Littré. Je l’ai de nouveau rencontré lors de mes ét Selon  une ancienne tradition hébraïque rapportée par le livre apocryphe d’Hénoch l’éthiopien ; dont une partie du manuscrit a été retrouvée à Qûmran, en effet, c’est sur la montagne Hermon que les anges qui se sont révoltés contre Dieu, ont chutés, je cite :

« Ils étaient en tout deux cents anges révoltés. Ils étaient descendus au temps de Yered sur le sommet du mont Hermon.On appela la montagne « Hermon » parce que c’est là qu’ils avaient juré de prendre les filles des humains pour épouses et s’étaient voués mutuellement à l’anathème. » (Hénoch I, ch. 6, 6). 

C’est dans une traduction  du livre d'Hénoch vers 1850 que le terme égrégore figure dans son sens Biblique ; on peut l’interpréter dans le sens de veilleur.

Autre racine, du grec « egrégoroî », qui veille, qui est vigilant, du latin « egregori »  sortant de, ainsi que « grégarius » besoin qu'ont les animaux de se rassembler en troupeaux. De ces différentes origines, a découlé le néologisme français d'égrégore. Double signification donc, de veilleur et d’un être collectif, d’une entité issue d'une assemblée, qui pousse les êtres humains à former des groupes ou à adopter le même comportement. Le concept d'égrégore semble spécifique pourtant à la F\ M\ et n'est que très rarement employé dans un usage profane. Quoiqu’il en soit l’origine du mot est loin d’être évidente.

Dans les années 1850, Eliphas Lévi ; ecclésiastique français, figure de l'occultisme et F\ M\, popularise le terme égrégore en conservant son sens Biblique. Cette explication est proche de celle de Stanislas De Gaita poète et occultiste qui parla de l’égrégore comme d’une entité occulte, d’un être caché, non visible. Son secrétaire et franc-maçon célèbre, Oswald Wirth (1865- 1943) adopte le terme et est ainsi le premier maillon à transmettre à la F\ M\ le mot et le concept occultiste d'égrégore. Marius Lepage, début du XX°S, F\ M\, ami fidèle d’Oswald Wirth, continuera d'utiliser le mot égrégore dans son acceptation occultiste. Vers les années 1940, Jules Boucher, écrivain F\ M\, occultiste et alchimiste français, rendra plus familier dans la F\ M\ française le terme d'égrégore en le libérant de son origine occultiste. En effet sa définition de l'égrégore se rapproche de celle de Gaita, soit une « entité », un être collectif issu d'une assemblée, en quelque sorte une âme de collectivité.

Certains, comme Robert Ambelain ; auteur français, spécialisé dans l'ésotérisme, l'occultisme et l'astrologie, font  un doux mélange de la voie biblique et la voie occultiste. Ce concept d’Egrégore est définit alors comme un accumulateur d’énergie, il le considère comme une pensée chargée d’énergie émotionnelle. Un peu comme la matérialisation de miracles réalisés en des lieux de pèlerinage, jouant ainsi le rôle de condensateur, ce qu'on retrouve d'ailleurs à Lourdes ou à Jérusalem.

D'après certains philosophes et sociologues, cette force collective serait une communion, qui représenterait le degré maximum de fusion des consciences. On le décrit également comme un champ psychique global, tentaculaire qui relierait les membres d’une même communauté ayant les mêmes intérêts. Il représenterait alors l’inconscient collectif d’un groupe.

Ainsi, chaque membre verse son énergie dans l’Egrégore et réciproquement chaque membre reçoit en retour l’influence accrue de toutes les énergies du groupe.

Si tous les membres du groupe sont soudés, si chacun est “ sur la même longueur d’onde ”, l’Egrégore sera puissant. Si le groupe comporte une ou plusieurs “brebis galeuses” qui ne partagent pas la même ferveur que les autres membres, la force de l’Egrégore s’amenuise, C’est ainsi que les Egrégores se créent, se développent, puis peuvent s’anémier jusqu’à disparaître.

Il existe des analogies possibles avec d’autres concepts plus connus et reprenant cette notion « d'esprit de groupe ». Nous pouvons opérer un rapprochement entre le concept d'égrégore et la conception de l'inconscient collectif chez C. Jung, ainsi qu’à  la notion de dynamique de groupe développée par le psychosociologue Kurt Lewin en 1944.

S’agirait-il dès lors de l’Energie qui pourrait émerger d’une réunion de personnes en quelque sorte d’une âme de collectivité. Devons-nous nous contenter de ces définitions. Pourquoi ce mot égrégore résonne en moi. Quelle est cette impression de mystère qui l’entoure. Quelle parole pourrait-il murmurer à nos oreilles, Ecoutons au plus profond de nous résonner ce mot.

Face à un déluge, un tremblement de terre, l’homme depuis ses origines à crée des divinités, des démons, des anges pour expliquer l’inexplicable. Ces énergies aussi sont des égrégores, certes énergies psychiques engendrées par des croyances. L’univers de ce mot serait donc aussi spirituel, emplit de symboles, passerelles entre le monde visible et le monde invisible. Ces symboles sont les chemins qui nous amènent à la connaissance. Le psychologue Carl Gustav Jung, dont nous avons déjà parlé, a nommé « archétypes » ces symboles primitifs, qui pour lui, sont des accumulateurs d’énergie et forment ainsi l’égrégore d’origine. Ne serait-ce pas alors l’âme de nos ancêtres.

Maintenant nos cieux ne sont plus emplis de divinités mais de satellites, de gaz à effet de serre. Cependant, l’égrégore de la maçonnerie concentre des Energies qui visent à retrouver cette « parole perdue ». C’est grâce à la recherche spirituelle transmise par l’initiation et notre travail intérieur que la maçonnerie continue sa quête de la connaissance. C’est l’âme du groupe qui apporte à l’initié par l’égrégore la lumière : lui restituant ainsi peut-être des secrets oubliés mais présents au plus profond de chacun de nous depuis l’aube des temps.

La L\ donne à cette énergie une force, par les pensées de ces membres ; pensées dirigées vers un même but, une entité propre. C’est notre rituel qui nous montre le chemin et qui, une fois les métaux laissés à la porte du Temple, le silence intérieur fait en nous-mêmes, fait de nous ces êtres libres, prêts à accepter cette pensée qui permet à ce qui est en bas de rejoindre ce qui est en haut, d’accéder au sacré. Nous sommes alors dans  la verticalité donc l’égrégore.

C’est pour cela que chaque point de notre rituel est important, ses mots, ses silences, ses attitudes. En effet, de la qualité de ce dernier dépendra la force de notre égrégore, chacun doit prendre sa place pleinement et pourtant il est fondu avec les autres. Des temps forts dans notre rituel sont à souligner ou ce sentiment peut-être perçu :

L’ouverture des travaux ou la musique présente, appropriée pour accompagner l’événement contribue à établir un cérémonial harmonieux.

La chaîne d’union, ou chacun, côte à côte sans notion de plateau, de fonction, bras croisé ou une main droite donne, une main gauche reçoit, corps dans la position de la rectitude, renforcée par les paroles du V\ M\ nous rappelle le lien fort fraternel qui nous unit tous F\ et S\ présents et absents.

Si le rituel que nous connaissons permet une transmutation spirituelle on peut parler alors de fusion dans le sacré et de sensibilité collective.

Nous découvrons l’Autre en L\, c’est le miroir, qui nous confronte les uns les autres. Au-dessus des soucis de la vie matérielle s'ouvre pour nous le vaste domaine de la pensée, alors cet égrégore n'est-il pas l'action qui manque à cette dimension si vaste et si méconnue ? Je crois à cette force du groupe qui  permet d’élever notre âme, notre esprit : le point d’orgue étant bien sûr la chaîne d’union. C’est ainsi que parfois l’harmonie des pensées se crée au sein du groupe  et ainsi peut se former l’unité. L’espace formé par la Chaîne d’union ne deviendrait – il pas alors le Mont Hermon au-dessus duquel planent les Egrégores remplis de Sagesse, Force et Beauté.

Ce ressenti d’union est certes fugace mais il nous faut  œuvrer sans fin à la recherche de notre source, vers un avenir qui mène à l’harmonie des âmes pour que ce moment se renouvelle.

Le  lâcher prise avec le monde profane est indispensable si l’on veut entrevoir une autre dimension. Rêver peut-être pour dépasser la réalité et envisager un autre état de conscience. L'intérêt de cette alchimie réside ne croyez-vous pas dans le mélange des individualités pour former un tout cohérent, cohérent  avec soi-même et cohérent avec les autres.

Des paliers sont donc nécessaires pour passer du brouhaha de la vie profane à la quiétude de l'espace sacré, ainsi pour arriver à canaliser cette énergie, je propose à votre réflexion la possibilité d’une chaîne d’union lors de l’ouverture de nos travaux ; celle-ci nous permettrait d’accéder à cette communion de l’esprit plus rapidement avec apaisement, plénitude, nous prendrions ainsi notre place. En effet, je pense que l’élévation philosophique, intellectuelle, spirituelle dépend de notre ressenti.

Lorsqu’au sein d’une entreprise un groupe de travail se forme autour d’un projet, lorsque des foules s’agglutinent pour vibrer à l’unisson au son de la musique d’un concert, lorsque nous participons à la victoire de notre équipe lors d’activités sportives, certains peuvent penser que nous connaissons aussi une forme d’Egrégore. Pour moi, c’est un moment de communion certes éphémère comme l’est l’égrégore qui peut fixer la sérénité, le beau du moment sans nous  élever vers le sublime. Nous sommes dans l’horizontalité.

Travailler sur la pierre brute c'est aussi découvrir ce qui est caché et que nous pouvons transcender. Bien sûr manier le verbe, décrire ce que l'on ressent est un exercice très difficile. Mais la satisfaction de trouver ce que l'on cherche peut s'exprimer de différentes manières. En écoutant, on peut entendre ce que d'autres ne percevront pas, et transformer cette écoute en silence intérieur pour mieux percevoir l'indicible, comme l'inaccessible. Cela peut nous amener sur la voie de l'égrégore, car ici tout est symbole.
 
Réfléchissons ensemble au vécu de chacun d'entre nous et posons-nous la question de savoir quel est notre source, notre idéal ? Chacun y trouvera sans doute sa définition, à condition de relativiser le sens que l'on veut bien lui donner. L'égrégore est  une probabilité, féconde, associative. Il s'agit donc d'une personnalisation de la pensée idéale, une pensée utopique qui pourrait se propager au monde, à l'univers  afin de rendre tangible l'idée même de la beauté, de la paix, de la sagesse. Le rêve est un véhicule qui nous fait voyager vers le fantastique, l'improbable, l'exceptionnel, le divin... Cette parcelle de divin que nous avons tous en nous.

J’ai dit,

M\ F\,

M\ M\


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