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Le Temple intérieur


La symbolique maçonnique repose essentiellement sur les outils et l'histoire de la construction du temple du roi Salomon.
Sans entrer dans des détails ésotériques, le temple de Salomon, comme le roi Salomon lui-même, sont auréolés d'un mythe indestructible. La sagesse et la quête éternelle de perfection de ce roi biblique l'ont conduit à édifier ce temple extraordinaire auquel il a voulu apporter toute sa science et la transcendance de sa relation avec Dieu.
Le temple fut la réalisation suprême de sa vie. Pourtant, elle ne le satisfit point. Et l'amertume le suivit jusqu'à la fin de ses jours.
 
La franc-maçonnerie a repris dans sa symbolique cette recherche de la perfection qu'est la construction du temple appliquée à l'homme, au frère.
La recherche du franc-maçon est spéculative. C'est-à-dire que son travail n'est pas l'édification d'un véritable édifice architectural de pierre ou d'autres matériaux, mais la perpétuelle reconstruction de soi, de son intellect et de son psychisme. Ce que l'on appelle le travail sur soi, le temple intérieur.

Et la tâche du franc-maçon est grande, noble et d'autant plus méritante qu'il est sûrement plus difficile à un homme de se surpasser, de lutter contre ses démons et ses imperfections profondes que de bâtir un véritable ouvrage architectural.
Mais le travail sur soi n'est pas l'apanage des Francs-Maçons. De nombreux profanes oeuvrent perpétuellement à devenir meilleurs tout autant que certains Francs-Maçons, rares je l'espère, sont incapables de cette démarche. Ou alors, ils le cachent bien…

Nul homme n'est détenteur de la perfection. Nul homme, d'ailleurs, ne peut se prévaloir de quelque pouvoir magique ou ésotérique lui permettant de s'affirmer comme supérieur à n'importe quel autre homme.
Les seuls rapports naturels qui existent entre les hommes sont des rapports de force. Les règles de la vie en société, les lois et l'éducation tendent à atténuer cet état de fait. Mais il est difficile de contourner cette règle fondamentale. Et le plus fort écrasera encore et longtemps le plus faible. Et ce dans tous les domaines et dans toutes les circonstances.
Les hommes sont tous les mêmes, du plus humble mendiant au plus puissant monarque. Leur seule différence réside dans la chance qu'ils ont eue de naître puissant ou misérable.

Et la sagesse veut que n'importe quel mendiant puisse devenir un puissant monarque autant que n'importe quel monarque puisse sombrer dans la plus profonde déchéance.
Mais les monarques n'aiment pas ce genre de discours… Pas plus qu'ils n'aiment entendre dire qu'un roi peut engendrer un fou (à cause de problèmes de consanguinité, par exemple) et que le brassage des peuples donne la vie aux hommes les plus beaux, les plus forts et les plus intelligents…

Pour le franc-maçon, la construction de son temple intérieur est donc une de ses tâches premières. L'introspection, l'aptitude à identifier ses propres imperfections et à les reconnaître comme telles, ainsi que la volonté d'y remédier, sont les fondements mêmes de la construction et de la perpétuelle reconstruction de ce temple intérieur.

Nous sommes tous, humains, héritiers d'un patrimoine culturel ou intellectuel dans lequel nous cherchons à nous fondre pour ressembler à nos pères et nous faire accepter par nos frères.
Nombreux sont les erreurs, les travers, les défauts et les faiblesses de notre jugement, surtout lorsqu'il s'agit de nous-mêmes.
Nous sommes prompts à condamner les autres, auxquels nous sommes pourtant si semblables.
Une force intérieure que l'on appelle ego, corollaire de nos instincts et de nos pulsions profondes, nous pousse constamment à nous affirmer, à nous imposer aux autres pour les dominer ou pour les séduire. Nous avons un besoin puissant d'être connus, reconnus, aimés, appréciés, respectés. Et lorsque nous n'avons pas tout cela, nous souffrons et nous pouvons avoir des comportements excessifs dictés par la frustration ou le désespoir. On ne doit pas ignorer son ego. On ne doit pas le refouler, mais plutôt tenter de canaliser nos pulsions et nos réactions passionnelles afin que la vie en société soit possible. Pour certains, malheureusement, ce travail sur leur moi profond n'est pas facile et leur vie leur échappe au point qu'ils ne contrôlent plus rien.
Paradoxe de l'esprit humain, nous ne pouvons nous passer de l'amour ou du contact avec les autres, mais nous édifions des murs infranchissables pour que les autres ne soupçonnent pas notre vulnérabilité, nos faiblesses et nos besoins. Parfois, nous ouvrons une porte de notre forteresse, pour la refermer aussitôt, pour ne présenter aux autres que notre enceinte inexpugnable.
Mais la vraie force est d'accepter nos faiblesses et de paraître tels que nous sommes. Vivre dans une forteresse ou dans une tour d'ivoire n'est pas vivre. Et les autres ne sont pas différents de nous. Ils sont loin d'être aussi forts qu'il veulent bien le laisser paraître. Les apparences ne sont que les apparences. Deux êtres ne peuvent communiquer au sens spirituel ou émotionnel qu'en ouvrant leurs cœurs et en faisant fi des apparences.
La vraie communication est là, au-delà des considérations futiles et du verbiage inconsistant. A un certain niveau, on parle de " métacommunication ". Mais ce sera l'objet d'une autre planche, rassurez-vous… !

Revenons à du concret…

Nous qui sommes tous des hommes ordinaires, nous sommes aussi tous égaux en malignité.
Nous avons le devoir de devenir plus tolérants, moins orgueilleux, moins dissimulateurs, hypocrites et arrogants. Apprendre à écouter les autres, pour mieux les connaître et nous enrichir de ce qu'ils nous offrent. Apprendre à donner plutôt qu'à toujours prendre. Apprendre à aimer et à partager. Apprendre à être justes et avoir de la compassion. Apprendre à nous détacher du matériel et du clinquant qui sont des obstacles majeurs à une approche de la sagesse. Le silence de l'apprenti doit lui faire comprendre que la parole est précieuse et que celui qui parle fort et qui écrase les autres n'a pas forcément raison…
L'ambition, le pouvoir, la gloire et les honneurs sont les buts de ceux qui n'ont guère de richesse intérieure.

Trop souvent, on voudrait faire changer les autres. C'est tellement plus facile que de changer soi-même. Mais c'est beaucoup moins gratifiant.

Faute avouée est à moitié pardonnée, affirme la sentence populaire. Et déjà, la reconnaissance de nos propres défauts est sûrement une belle preuve de notre volonté de nous améliorer. Mais cette reconnaissance est insuffisante. " Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies Occultum Lapidem ". Ces mots sont inscrits en initiales sur les murs du cabinet de réflexion (sous l'acronyme de VITRIOL) dans lequel on invite le postulant à méditer et à rédiger son testament moral et philosophique. On peut les traduire littéralement par : " Visite l'intérieur de la terre et en rectifiant découvre la pierre des secrets ou la pierre cachée ". Ce qui, en clair, peut s'exprimer par l'interprétation ésotérique : " Descends à l'intérieur de toi-même et par la méditation connais-toi toi-même et découvre l'essence secrète des choses ". Toute cette symbolique appelle à descendre dans les profondeurs de la terre et de soi-même pour y trouver ce que nous ignorons. Au retour de cette descente dans les profondeurs, notre testament moral et philosophique est une étape au cours de laquelle nous devons comprendre qu'ici nous devons abandonner nos préjugés pour nous tourner vers l'avenir, vers une nouvelle vie et vers la lumière de nouvelles connaissances. Cette lumière qui nous sera donnée lors de l'initiation au premier degré.

A ce niveau, la tâche est loin d'être finie, mais il est temps alors de commencer ce long travail de recherche et d'apprentissage de la connaissance de soi, de l'éradication de nos travers les plus profonds et de l'approche difficile de la sagesse.
Pour cela, le franc-maçon n'est pas seul. Ses frères l'entourent et le soutiennent dans cette quête parfois douloureuse. Ils lui apportent aussi leur savoir et leur amour ainsi que toute la force de cette symbolique maçonnique qui puise ses sources dans les écrits des anciens.
Les outils symboliques sont les outils de l'homme et du franc-maçon dans son œuvre de transformation de soi. Les symboles de la loge et du temple sont des concepts compréhensibles et recevables par tous. Ils doivent nous aider dans notre réflexion et dans notre recherche profonde.
L'interprétation des symboles est une choses très subjective. Et les frères apprendront à mieux les déchiffrer grâce aux travaux successifs des uns et des autres. Le symbolisme n'est pas propre à la maçonnerie. On le retrouve dans de nombreux domaines, soient-ils philosophique, religieux, artistique, scientifique, mathématique et même technique.
Attention à ne pas confondre symbolisme et ésotérisme. Le symbolisme est un mode d'enseignement qui fait appel à des analogies structurelles entre des concepts différents. L'ésotérisme rassemble d'innombrables théories plus ou moins sulfureuses dans lesquelles il convient de ne pas trop s'attarder. Esotérisme signifie chose cachée. Son contraire, exotérisme, évoque la chose révélée.
L'enseignement du symbolisme maçonnique passe par l'étude de tous les symboles par ordre croissant de difficulté. Mais une autre composante de cet enseignement est la répétition. Le rituel de la loge donne une intensité accrue à la perception et à la compréhension des symboles auxquels il se réfère.
Ici, tout est symbole… !
Mais cette méthode nécessite la plus grande rigueur et le plus grand sérieux.
Notre idéal maçonnique et notre enseignement symbolique ne doivent pas être pris à la légère. Au sein de la Loge, le frère qui veut véritablement évoluer, s'épanouir et accéder à un autre niveau de la connaissance peut réaliser sa démarche. Il en a les outils.
L'approche, la discussion et la compréhension des symboles doivent rapprocher les frères autour de cette recherche commune des secrets de la pensée et des lois qui régissent l'univers. Cette exceptionnelle communion d'idées est peut-être l'essence même du fameux secret maçonnique. Loin des dogmes et des préjugés, dans le partage des idées et dans le respect de la parole de l'autre, nos travaux nous enrichissent tous autour d'un idéal positif.
Malheureusement, il peut arriver que des frères ne soient pas convaincus de l'utilité de ce travail personnel et ne s'y attachent pas. C'est très regrettable. Mais cela montre aussi que les autres frères de la loge n'ont peut-être pas donné à ces frères-là tous les outils de leur propre recherche de transformation.
On peut être franc-maçon et ne rien faire au niveau de son temple intérieur. Mais le grand perdant est toujours celui qui a abdiqué tout espoir de devenir meilleur et de rayonner à son tour vers ceux qu'il aime.

Nous savons bien que des frères, çà et là, pêchent encore par des attitudes excessives, des débordements et des travers insurmontés. Et ils nuisent parfois à l'harmonie de leur atelier.
On ne leur demande pas de devenir des parangons de vertu. On ne leur demande pas d'avoir atteint la perfection. On demande aux frères d'être honnêtes avec eux-mêmes, d'accomplir leur maçonnisme et de travailler leur pierre brute afin de ne plus être des profanes habillés en francs-maçons.

On parle parfois de maçons sans tablier et je n'aime pas cette formule qui n'a pas de véritables sens (être Franc-Maçon est un engagement complet), mais on peut aussi parler de profanes en tablier. Et ça, ce n'est pas ce que l'on attend d'un homme qui a voulu entrer en maçonnerie, après un parcours parfois difficile et qui a fait la promesse solennelle de devenir un vrai franc-maçon.

Il y a quelques années, j'entendais parfois dire que l'on pouvait reconnaître un franc-maçon, dans la vie profane, à son seul comportement, sa façon de s'exprimer, ses qualités d'écoute, son ouverture d'esprit, etc… Bien sûr, il ne faut pas croire que seuls les francs-maçons présentent ce genre de profil. Certains profanes y répondent aussi. Ce que je veux dire, c'est qu'un véritable travail sur soi peut amener un homme, un frère, à se montrer sous un tel jour. Son temple intérieur rayonne alors sur l'extérieur, et ses frères le reconnaissent. C'est un peu du message que je voudrais faire passer à travers ce travail.

L'homme seul, sans famille, sans amis, sans lien social, ne peut survivre bien longtemps. La force de vivre nous est aussi donnée par les autres.
Association philosophique, philanthropique et progressive, la Franc-maçonnerie se veut donc le point de rencontre (réunir ce qui est épars) d'hommes et de femmes de toutes origines qui oeuvrent en commun à la recherche et à la compréhension des problèmes du monde et qui privilégient ce qui est bon pour l'homme. Cette activité humaniste s'inscrit dans un esprit d'acceptation et de recherche du progrès. Rechercher ce qui est bon pour l'homme se vit au quotidien.
Un Franc-Maçon ne redevient pas un profane en quittant l'enceinte du temple. Son action et sa réflexion se poursuivent au-delà. De même, il ne suffit pas de connaître quelques mots de passe et quelques coutumes de la maçonnerie pour être Franc-Maçon. Si le profane est superficiel, le Maçon doit voir le monde et les hommes avec un regard plus scrutateur.
Lorsque nous nous saluons avec trois bises et " salut, mon frère, tu vas bien " et que l'autre répond " ça va ! ", on peut passer à autre chose si l'on est profane et qu'on attache peu d'importance à celui que l'on vient de saluer nonchalamment. Mais un franc-maçon se doit d'aller au-delà des simples conventions profanes et penser que l'autre a peut-être répondu machinalement et que la réalité est tout autre. C'est dans le regard et dans les expressions du visage que l'on peut voir ce que les mots ne disent pas.
Parmi nous, certains sont bien nourris et n'ont peut-être pas de problèmes. Mais dans toute collectivité il y a des hommes ou des femmes qui souffrent. Pas forcément de souffrance physique visible, mais bien souvent de drames secrets que l'on ne peut révéler à personne. La souffrance psychique est un des inconvénients de la pensée humaine évoluée et des lois complexes qui régissent les relations entre individus dans nos sociétés dites civilisées.
Un homme qui souffre ou qui a des problèmes n'en fait généralement pas étalage au premier venu. Et il est difficile de s'en rendre compte. Surtout quand on sait que des personnes qui vivent sous le même toit peuvent tout ignorer les unes des autres.
Mais un humain émet toujours des signaux codés pour exprimer sa souffrance et son besoin d'amour. Le franc-maçon se doit de tenter de capter et de comprendre ces signaux. Et, naturellement, d'y répondre d'une façon ou d'une autre. Pour cela, il faut être capable de se débarrasser de sa carapace de macho et de grande gueule et d'ouvrir ses yeux et son cœur. Un peu de réceptivité et de sensibilité bien placées n'ont jamais tué personne.
Quelqu'un qui répond gaiement " ça va ! " est peut-être atteint d'une maladie mortelle ou bien va se supprimer le lendemain, tant sa souffrance, sa détresse ou son désespoir sont profonds. A ce niveau, plus rien ne compte pour lui.

D'ailleurs, un de nos frères de Scola s'est donné la mort il y a deux ou trois ans et nous avons été incapables de le pressentir et de tenter de lui apporter ce qui aurait pu éviter ce drame ou simplement adoucir sa souffrance. Ce frère souffrait. Je ne sais pas de quoi. Mais on ne se suicide pas sans raison. Et un homme qui souffre a tendance à se replier sur lui-même et à s'isoler du monde. La fraternité n'a pas joué dans ce cas précis. Pourquoi ? Est-ce que personne n'avait de lien privilégié avec ce frère ? Pourquoi ne s'est-il pas tourné vers notre fraternité, vers notre affection et notre soutien ? Probablement parce que nous ne sommes pas tout à fait ce que nous prétendons être. Parce que lorsqu'un frère s'isole de la loge, nous ne pensons qu'à lui réclamer sa capitation, lui rappeler son devoir d'assiduité et lui envoyer des lettres recommandées. Nous nous comportons en purs profanes. Je ne juge ni ne condamne aucune personne en particulier. Mais je dénonce cette carence de toute notre communauté maçonnique que l'administratif et la routine éloignent parfois de son idéal.

Nous ne sommes pas des psys de métier, mais nous pouvons ouvrir notre cœur.
Une personne dans la détresse matérielle ou morale a tendance à s'isoler du monde, par honte, par crainte d'être rejetée et parce qu'elle sait ne rien avoir à attendre des autres. Nous, franc-maçons, n'avons pas le droit d'ignorer cela.
Un franc-maçon doit aller au fond des choses. Ne pas laisser subsister de doute. C'est trop facile de se détourner. Dans nos loges, nous comptons des tas de frères… Mais parmi eux, combien d'amis ? Au fond, que signifient ces mots, amitié, fraternité ? Après tout, des frères peuvent se déchirer et même s'entretuer (voir Cain et Abel). Par contre, un véritable ami peut être un merveilleux compagnon pour la vie et nous apporter beaucoup de bonheur.
N'oublions pas que nous vivons dans un monde où les hommes s'isolent de plus en plus et où l'hostilité et la violence reprennent peu à peu le dessus, après des décennies passées dans des conditions sociales peut-être plus humaines.
Savoir s'ouvrir un peu aux autres et ne pas rester replié sur soi…
Beaucoup d'hommes et de femmes pensent qu'ils sont très importants dans leur vie sociale ou professionnelle, qu'ils sont irremplaçables et indispensables. Et forts de cette certitude, ils pensent aussi que les autres sont à leur service. Ceux-là sont dans l'illusion, car nul n'est vraiment indispensable ou irremplaçable en ce monde. Les personnages que l'on croit absolument uniques et irremplaçables sont bien souvent remplacés en quelques secondes, quand cela devient nécessaire. Car les candidats sont innombrables à guetter leur place. Et comme le dit la sentence populaire, les cimetières sont remplis de gens irremplaçables.
Le pouvoir, les signes extérieurs de richesse ne sont que des métaux. Ils n'ont pas cours en Loge ou les valeurs sont différentes. Nous honorons le travail, qu'il soit manuel ou intellectuel, sans glorifier le clinquant et les apparences souvent trompeuses.
Cependant, je dois bien à la vérité d'admettre qu'il existe une certaine hypocrisie collective en ce qui concerne la reconnaissance et l'honneur que l'on devrait porter au travail manuel. Il est étrange de voir comme certaines personnes se classent parmi les " intellectuels " et bien peu parmi les " manuels ".
Et il est pourtant notoire qu'un bon manuel doit avant tout être une personne à l'esprit vif et cultivée dans son art et que les plus grands chirurgiens ou pianistes du monde font assurer leurs mains et non pas leur cerveau.
Je ne veux pas choquer, mais je ne planche jamais pour flatter la vanité de mes contemporains. Je sais trop bien, moi-même, combien la vie peut-être précaire et dérisoire.

Certains pensent que la Franc-maçonnerie est un bon tremplin pour la vie politique et l'abordent en tant que tel. Parce que l'on peut y nouer des alliances, des réseaux d'influence et y faire des rencontres utiles.
Je reste prudent vis-à-vis de ce genre d'approche. Si un vrai Franc-maçon, qui a véritablement travaillé sur son temple intérieur, s'engage dans la carrière politique, on pourra espérer que son action sera utile et bonne pour tous. Mais si ce franc-maçon n'est entré en maçonnerie que pour y trouver des alliances politiques, il est fort probable que son action ne sera pas meilleure que celle du tout venant de la politicaille.
Dans de nombreuses loges, des clans se forment entre certaines catégories de frères, autour d'activités ou de préoccupations communes. Que ce soit des clubs d'investisseurs, des joueurs de squash ou de tennis, des randonneurs, des fumeurs de cigares, des médecins ou des hauts fonctionnaires. La chose en soi est naturelle et sans malice. Il est normal que des gens qui ont une activité commune se rapprochent.
Ce qui est moins normal, c'est que se forment de véritables clubs desquels sont carrément exclus et rejetés les autres frères de la loge. C'est une attitude parfaitement inadmissible et pourtant très répandue.
Une loge est un lieu de réflexion et de recherche commune. La division d'une loge par des clans ne peut qu'être source de discorde. Le travail en commun n'y est plus possible et le travail sur soi difficile.

Restons lucides. Le pouvoir, les honneurs et l'argent sont les motivations des égoïstes et des accapareurs. Ceux-là ne donnent jamais. Ils ne savent que prendre. Certains hommes politiques ont fait de longues carrières sans jamais avoir rien donné à la France que quelques décrets minables. Et encore…
Bien sûr, certains ont aussi accompli de grandes choses et ont œuvré au progrès ou à la paix. Et c'est tout à leur honneur. Il ne faut pas les oublier.
Mais aujourd'hui, il faut bien le dire, le monde de la politique brille plutôt par ses affaires nauséabondes, ses scandales, son incompétence et sa médiocrité.
Surtout, ne glorifions pas et n'idolâtrons pas ces miroirs aux alouettes.
L'idolâtrie est l'apanage des masses incultes et sans jugement. Le franc-maçon doit être capable de s'informer et de juger en ses âme et conscience sans avoir à subir d'influence. Loin du bourdonnement des médias, les frères doivent conserver un esprit critique, affûté et objectif.
Dans le monde profane ont cours des activités ou des sports dits " de l'extrême ". De même, on exalte les masses à se surpasser, à se dépasser, à reculer les limites, à atteindre des performances, à être le premier, le vainqueur, le battant… Sans cela on n'est que l'ombre de soi-même, un fantôme, un zombie, un loser, un éternel perdant…
Cette mode est beaucoup plus dangereuse qu'il n'y paraît, car elle incite l'homme à une quête de sensations et de victoires dans des domaines futiles, dérisoires et la plupart du temps parfaitement inutiles. La performance sportive à un certain niveau n'a plus rien de sportif. Cela devient de l'entêtement absurde. De surcroît, ceux qui pratiquent les sports de l'extrême, en totale déraison, mettent souvent à contribution et au périls de leur vie des sauveteurs ou des gendarmes qui auraient sûrement des choses plus utiles à faire. Ces pratiques n'apportent rien d'autres que la satisfaction d'un égoïsme sans borne. Elles n'élèvent pas les hommes et ils n'en tirent aucune morale propre à en faire des citoyens responsables, ouverts et tolérants. Et là où on accède à la plus pure dérision, c'est de voir ses résultats publiés dans le livre Guinness des records…
Toutes ces activités participent du principe romain " du pain et des jeux ", qui permet de détourner l'intérêt des citoyens de la chose publique.

A notre naissance, notre mère nous a donné la lumière de la vie, celle du soleil et de l'amour. Mais en cela, elle n'a fait que nous poser sur les rails de l'existence. Plus tard, nous avons rencontré des aiguillages et avons dû faire des choix… Nos amis et nos frères nous ont parfois aidés à choisir.
Lors de notre initiation au premier grade de la maçonnerie universelle, notre loge mère nous a offert une sorte de renaissance et nous a donné la chance d'accéder à une autre lumière. La lumière de la connaissance, de la sagesse et de la vertu. Mais une fois encore, nous nous sommes retrouvés sur des rails. Seulement, cette fois-ci, la voie et les aiguillages étaient éclairés et la nuit nous a paru moins menaçante.
Au sein de la loge, un principe que l'on appelle l'égrégore, constitué de l'amour, de la fraternité et de la connaissance de nos frères, nous a donné la possibilité d'y voir plus clair en nous et de voir le monde avec d'autres yeux.

Nul ne détient la sagesse suprême, pas plus que la vertu ni que la connaissance absolue. Mais toutes ces valeurs sont réparties dans le cosmos et dans l'univers et chaque corps céleste, chaque poussière d'étoile, chaque objet, chaque forme de vie, chaque être humain en est détenteur d'une petite part.
Ainsi, au sein de la loge microcosmique qui représente une petite fraction du cosmos, l'égrégore, qui unit les frères dans une même et noble quête, donne à chacun la force et le courage du groupe dans sa recherche de la vérité.
Sans les autres, nous ne sommes rien.
Et l'autre, c'est chacun de nous.
Et chacun de nous est une pierre de l'édifice de notre groupe.
Nous oeuvrons ensemble à l'édification d'un édifice commun et simultanément à l'édification de notre temple intérieur.
L'approche de la sagesse implique l'abandon de nombreuses chimères matérielles qui corrompent le raisonnement pur. Le sage a abandonné l'amour de l'or et de l'argent pour aimer la sagesse et les hommes. Celui qui est né riche peut approcher de la sagesse en faisant passer en arrière plan de son existence ses richesses matérielles.

Notre loge ne s'appelle-t-elle pas " Scola Sapientiae ", " L'école de la Sagesse "… ?

Tout cela peut paraître futile et creux à certains. Je leur répondrai que le symbolisme est une méthode d'enseignement universelle et très ancienne et que le travail que doit accomplir sur lui-même le franc-maçon peut très bien être comparé à celui que doit faire sur lui-même le sujet d'une psychanalyse.
Si l'on parle de pierre brute, pierre taillée et pierre polie, tout le monde comprend les symboles contenus dans ces mots.
Plus élevé et plus complexe, l'approche du ciseau et du maillet et plus encore l'équerre et le compas. Ou encore la règle et le levier.
Selon les grades, les outils symboliques sont différents et leur approche plus subtile. Les grades maçonniques ne sont pas des grades de pouvoir ou d'autorité. Ils sont la reconnaissance d'un travail accompli, mais essentiellement symbolique. Mais le Maître, comme le Compagnon, doivent poursuivre leur œuvre d'introspection et d'avancée personnelle. Et ce travail n'est jamais achevé.
Alors, pourquoi entreprendre une œuvre que nous ne pourrons jamais achever, me demanderez-vous… ? En effet, notre passage à l'orient éternel nous privera de toutes nos ressources matérielles pour parachever cette œuvre. Mais le travail accompli ne le sera pas en vain. Nos frères, enrichis de tout ce que nous aurons apporté à l'œuvre commune, la poursuivront en gardant en mémoire l'art ou la science de ce que nous aurons appris et partagé ensemble. Chacun de nous apporte aux autres quelque chose de précieux.

Au-delà des mots, ce sont les concepts qui doivent être perçus et compris par l'élève.
Mais encore une fois, aucun enseignement symbolique ne peut se révéler utile sur des personnes qui ne veulent pas les entendre et qui ne veulent pas se remettre en question.
Car tout le problème est là. Pour évoluer, avancer et s'améliorer, il faut le vouloir et être capable de se remettre en question.
Et dans notre société actuelle, qui a tourné le dos à toutes les philosophies, religions et idéaux positifs pour se consacrer uniquement à la jouissance des biens de consommation, il semble que les hommes aient de plus en plus de mal à se remettre en question et à accepter de se voir dans le miroir de la réalité.
Le citoyen lambda n'aime pas que l'on soit différent de lui. Il a peur des différences. Au Grand Orient de France, rue Cadet, il est inscrit sur un mur du hall d'accueil une citation de St Exupéry : " Toi qui diffères de moi, loin de me léser, tu m'enrichis ".

Même au sein de nos obédiences, des dérives ont lieu, et c'est humain, qui nous conduisent vers des chemins plus chaotiques. Depuis quinze ans que la lumière m'a été donnée, j'ai ressenti ce glissement progressif et j'en suis déçu et peiné. J'aimerais retrouver dans la maçonnerie de vraies valeurs et des hommes et des femmes véritablement décidés à œuvrer à la recherche de la vérité et au bien-être de l'humanité.

Mais je ne suis qu'un frère de cette loge et mon avis et mes réflexions sont éminemment perfectibles.

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