Obèdience : NC Loge : NC Date : NC

Le Bandeau

Le profane le porte lors de sa première visite dans la Loge pour y subir le questionnement des FF\ avant son acceptation ou son refus. Il est là pour protéger l'anonymat des présents, mais aussi pour que privé de l'un de ses sens, le profane se sente dans une infériorité propice aux réponses spontanées.

Le bandeau est aussi là pour lui cacher nos symboles, qu'il ne devra connaître qu'une fois initié. Impétrant, il va encore revêtir ce bandeau qui lui ôte la vue, coupant encore une fois ce sens primaire chez l'homme, lui permettant d'avoir ainsi un plus grand ressenti des sentiments qui vont l'assaillir.

Comme pour le passage sous le bandeau, l'aspirant initié ressent cette privation de vision comme une descente dans les Ténèbres, et cela parfois péniblement. Cette descente dans les Ténèbres, s'il la ressent, c'est bien, puisque nous l'avons voulue. Car il serait vain de nier que toute connaissance vienne des sens. Ce que nous appelons notre personnalité, ce moi, auquel notre instinct de conservation nous attache si jalousement, ne s'est édifié au fil des années, que par l'amalgame, la sélection et l'agencement d'images reçues du monde extérieur.

Que serait-il, l'individu venu au monde privé de tout moyen de communiquer avec ce qui l'entoure ?

Sans vue, sans toucher ni odorat, ni goût, ni ouïe pour lui permettre d'appréhender les choses et les idées, serait-il capable seulement de prendre conscience de sa propre existence, puisqu'il ne disposerait ni d'instrument ni de mesures comparatives lui permettant d'établir des relations entre son être propre et le reste du monde ?

Il se trouverait muré dans un univers intérieur fait de vagues impulsions et d'images virtuelles héritées de la mémoire de l'espèce. Car l'homme, s'il peut à la rigueur concevoir l'absolu et l'infini au prix d'un effort d'imagination, ne perçoit et ne comprend en fait que le contingent et le relatif. Pour lui, rien n'existe, pas plus lui-même que ce qui l'entoure, qu'à travers les rapports, les comparaisons et les proportions qu'il est capable de discerner et de poser clairement… ( mes FF\ me reconnaissent comme tel…).

C'est bien pourquoi le verbe, qui dans la phrase définit les rapports et exprime l'action, est aux yeux de l'esprit ce que la lumière est aux yeux du corps. Il permet seul de discerner ce qui, sans lui, existe peut-être objectivement, mais se trouve hors de notre champ de perception et de compréhension.

Le bandeau fait office de frontière entre esprit et matière. En coupant le corps d'un de ses sens, la vue, il l'oblige à s'ouvrir sur les autres, à se sensibiliser.

Des constatations fondamentales que toute connaissance vient des sens, mais que l'intelligence et la compréhension supposent la connaissance des rapports et des proportions qui unissent les objets et les idées avec le sujet, il résulte que l'existence de l'homme en tant qu'être intelligent, l'édification de sa personnalité, sa compréhension de lui-même et de celle du monde où il vit, passent nécessairement par l'esprit.

Il était donc normal dans le départ de l'initiation, de séparer le matériel du spirituel, le corps de l'esprit, grâce au bandeau. L'impétrant n'ayant plus la vue des choses est obligé d'ouvrir son esprit pour essayer de comprendre. Chez nous, tout est symbole.

L'homme n'est homme que parce qu'il a besoin de s'expliquer et d'expliquer le monde.

Or, il ne peut expliquer qu'en esprit. Parmi le chaos d'idées claires que ses sens ont introduit dans son cerveau, et que celui-ci est capable de restituer suivant les différents cheminements de l'association des idées, il lui faut effectuer un classement, déterminer un ordre et, en définitive, opérer perpétuellement un choix qui seul lui permettra, d'une part, de construire sa personnalité et, d'autre part, de l'insérer dans le monde.

Ainsi accédera-t-il un jour à la maîtrise de lui-même et au pouvoir d'agir sur le monde. Car le monde concret est fait autant de pensée que de matière; il procède d'une substance unique qui contient en elle toutes les virtualités, toutes les énergies, toutes les potentialités.

C'est dans notre vie intérieure que réside la clé de sa compréhension. Cette exploration intérieure s'accomplit dans le psychisme de l'homme depuis qu'il est apparu dans le monde. C'est elle seule qui lui a permis de s'élever et de se réaliser entant qu'homme. Mais une vie individuelle est courte et le chemin de la connaissance est sans fin.

Il a fallu une chaîne ininterrompue de savants pour amener à maturité, conserver et améliorer les grandes découvertes scientifiques. Il faut de même une chaîne ininterrompue d'initiés pour conduire l'humanité à la connaissance de son âme. Si les quelques centaines de cerveaux qui, dans chaque génération , assurent la continuité et le progrès des sciences, étaient systématiquement supprimés durant deux ou trois générations, l'humanité retournerait à l'âge de pierre. Mais tandis que les sciences s'accomodent tant bien que mal des procédés de transmissions mécaniques, l'initiation ne se transmet que du vivant au vivant, de la main à la main, de la bouche à l'oreille. La voie ésotérique implique en effet un langage, une perception, une communication très différente de ceux qui assurent le progrès des sciences expérimentales.

Celui qui s'engage dans la voie intérieure doit mobiliser en même temps tous ses sens; il doit utiliser toutes ensemble ses facultés de perception et d'intuition; il doit du même coup opérer la synthèse et l'analyse. Il ne peut espérer accéder à la connaissance qu'en tenant fermement tous les fils dans la même main, qu'en se projetant à la fois dans le passé et dans le futur, qu'en étant capable de voir et d'imaginer, de déduire et d'induire, de comprendre et de sentir, de s'affirmer et de se confondre, d'être, en un mot, le soi et le non-soi.

Comment le pourra-t-il, cet impétrant mis sur le chemin par ses FFavec son bandeau sur les yeux ?

Simplement en s'insérant dans la chaîne vivante des initiés de tous les temps et de tous les lieux, et en accédant ainsi à l'éternel et à l'universel. L'initié vit en vérité car il vit en esprit, et la vie de l'esprit ne connaît ni bornes, ni limites, ni commencement, ni fin.

Pas comme ma planche !

J.F.L.


3008-3 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \