GLSA Loge : Fidélité et Prudence - Orient de Genève - Suisse 18/05/2006

Le Bandeau

Planche de passage au grade de Compagnon 

J’ai choisi le thème du bandeau car il représente pour moi trois éléments qui semblent importants en Franc Maçonnerie:

1.         l’accomplissement d’un rite
2.         la garde des secrets
3.         la découverte de la Lumière

1. Le rituel

Personnellement, je pense qu’avec le bandeau on est au centre de l’Initiation. Privé de la vue, nos autres sens sont au maximum de leur acuité, notre esprit est ouvert, avide même et ainsi, nous sommes prêts pour l’initiation.

Le rituel du bandeau était déjà présent lors des initiations d’Eleusis dans la Grèce Antique où après la purification, le myste était introduit dans le télestérion (immense bâtiment destiné aux initiations) la tête couverte d’une étoffe. Par la suite, l’usage du bandeau s’est perdu puisque dans la Maçonnerie première opérative, on ne signale pas le bandeau; il apparaît dans la Maçonnerie spéculative où la réception est transformée en initiation au terme de laquelle est donnée «l’illumination» toute spirituelle. Lorsque le candidat est privé de la vue, l’imagination est féconde; le monde extérieur se réduit à des contacts, des mots, des bruits étranges que l’on tente, assez vainement, de comprendre.

L’isolement par le bandeau permet au candidat de plonger au plus profond de lui-même, dans la recherche d’une méditation et d’un recueillement qui lui permettront de répondre ensuite plus sincèrement aux questions posées, car je me souviens que je n’avais aucune idée du lieu et des personnes qui m’entouraient; je ne savais si j’étais au milieu de 10 ou 100 personnes et mes réponses partaient en toute sincérité. Le moment fort est celui où on enlève le bandeau; la Symbolique du rite est facile à saisir: le profane est comme l’aveugle, perdu dans les ténèbres où il errerait, s’il n’était soutenu par un bras, guidé par des paroles sur la voie de l’initiation jusqu’à la lumière qu’il n’entrevoit que graduellement puisque après avoir entrevu les lieux, les êtres qui l’entourent, on lui remet le bandeau. Je pense que l’on peut faire un parallèle entre l’enlèvement des métaux et l’enlèvement du bandeau; l’un nous éloigne de la cupidité envers les biens matériels, l’autre nous éloigne de nos préjugés et nous aide à être vrais.

Je voudrais ajouter quelques pensées que m’inspire la notion de rite. Le mot rite vient du sanscrit «rita» qui signifie «ordre» : suivre un rite,c’est donc sortir du chaos, adopter un ordre qui permettra d’agir en harmonie en suivant des règles communes. L’origine du mot «rite» peut aussi venir du latin «retero» : usage, coutume, cérémonie. Un rituel pourra transformer un événement banal en un moment intense et solennel qui créera en nous une émotion, émotion qui pourra être positive et nous élever. En fait, les rites remontent à la nuit des temps : les premiers rituels ont concerné la mort et on trouve la trace de rituels environ l00’000 ans avant notre ère.

Julien Behaegel écrivait «le rituel aide le Maçon à devenir l’autre, à devenir successivement tous les autres et en devenant tous les autres, le Maçon devient universel; telle est la voie symbolique. Si le symbole ne conduit pas à l’universel, il ne sert à rien ». Je comprends cette phrase dans le sens : le rite nous fait communiquer avec ceux qui nous entourent, nous devenons un groupe qui aura ainsi plus de force et sera aussi plus universel. Les rituels et les symboles nous font répéter des mots et des idées nobles et positives et c’est en répétant des idées nobles et positives que l’on devient nobles et positifs. Nous allons ainsi acquérir une vision de la connaissance que nous n’avions pas auparavant. Nous apprendrons à «séparer le subtil de l’épais avec grande industrie» (Hermes Trismégiste) Le rituel fait aussi basculer le temps hors des temps : personnellement, cela m’émeut beaucoup de songer que les gestes que j’exécute ont été exécutés par des milliers d’autres hommes à travers le monde et au cours de plusieurs siècles.

Certains donnent au rite une force spirituelle et pensent que les rites ont en eux même une efficacité. Le fait de prononcer certaines phrases, d’accomplir certains gestes aurait en soi une force; se placer, par exemple, à un endroit précis pourrait avoir un effet positif ou négatif ; faire la chaîne d’union avec les mains nues laisserait passer un courant positif mais on entre là dans l’irrationnel et c’est un autre débat.

2. Le Secret

Il est important que le profane ne puisse pas reconnaître les membres de la loge qui l’écoutent car, dans certaines loges ce n’est qu’après le passage sous le bandeau que les membres accepteront ou refuseront le candidat. Le boulage se fait donc parfois alors que le candidat vient de répondre aux questions, les yeux toujours bandés. Dans le cas où le profane ne serait pas admis, il serait préjudiciable qu’il ne connaisse que partiellement les rites qui ne peuvent être compris que dans tout l’ensemble de la Franc Maçonnerie. Je ne parlerai pas des secrets des degrés supérieurs que j ‘espère connaître un jour, mai je sais qu’il me faudra du temps et du travail puisque c’est avec l’aide de mes Frères que je devrai les découvrir puisque ces secrets sont inexprimables et incommunicables.

3. La Lumière

Symboliquement, il y a les trois grandes lumières : le compas représentant le Grand Architecte de l’Univers, la Parole sous la forme du Livre de la loi sacrée et l’équerre, outil du Maître de loge. La Parole, le verbe dans le prologue de I’Evangile de Jean est lumière. Le verbe est lumière et cette lumière est l’illumination —conscience de l’Homme. On peut faire un parallèle entre le baptême fait par St. Jean et l’enlèvement du bandeau.

Les diverses obédiences n’ont pas la même interprétation de ce qu’est cette lumière révélée. L’instruction du premier degré du Rite Ecossais Ançien Accepté précise par exemple: «la lumière n’éclaire l’esprit humain que lorsque rien ne s’oppose à son rayonnement; tant que l’illusion et les préjugés nous aveuglent, l’obscurité règne en nous et nous rend insensibles à la splendeur du vrai». Ce qui peut aussi se dire : nous devons être vrais, honnêtes envers nous­mêmes et bons envers les autres et c’est ainsi que nous serons sur le chemin de la lumière.

Dans le Rite Ecossais Rectifié de 1778, le frère «introducteur » s’adresse ainsi au candidat : «pour nous donner une preuve sincère de la défiance où vous êtes de vous-mêmes vous devez consentir à être privé de la lumière élémentaire, symbole trop évident des fausses lueurs qui font le partage de l’homme abandonné à sa propre direction».Et il conclut par ces mots : «vous êtes dans les ténèbres, mais n’ayez aucune crainte, votre guide marche dans la lumière et ne peut vous égarer».

Ces symboles n’ont bien sûr rien à voir avec la lumière naturelle : il s’agit de la lumière du Grand Architecte, la lumière invisible que l’initié reçoit en son coeur, si son coeur est ouvert, disponible et aimant. Cette lumière, ou plutôt lumière­joie, nous la recevons lorsque nous donnons le meilleur de nous même aux êtres qui nous entourent dans notre famille, dans notre travail, dans notre loge, dans notre vie de tous les jours. Donner le meilleur de soi-même et aider les autres à donner le meilleur d’eux-mêmes, c’est le cheminement difficile mais tellement exaltant que nous offre la Franc Maçonnerie.

On peut aussi trouver d’autres sens à la recherche de la Lumière : un sens mystique un croyant peut un jour être «touché par la grâce» et découvrir une sorte d’illumination de sa vie grâce à Dieu. Cette lumière apportera au croyant une grande joie car il se sentira protégé et aimé par Dieu. Les exemples sont nombreux parmi les personnes reconnues comme saintes par l’église catholique.

Une autre Lumière serait plutôt une sorte d’extase lorsque tout notre être est transformé par des éléments très beaux et très forts et que nos sens sont exaltés; l’exaltation, l’illumination interne de tout notre être est à son paroxysme lorsque notre corps, c’est-à-dire nos sens et notre esprit, sont en parfaite harmonie; par exemple, un lever de soleil, parmi les senteurs printanières, dans un paysage magnifique; il s’agit là d’une lumière sensorielle mais qui peut nous ouvrir vers le spirituel. Je pense aussi à la lumière spirituelle inspirée par l’immense, l'incommensurable grandeur et beauté de la nature, de l’univers, les méandres de la génétique, le corps humain issu de deux petites cellules banales, le big­bang et ce qu’il avait avant le big-bang... enfin le vertige lorsque nous essayons de comprendre ce que sont l'infmi et l’éternité. Toutes ces formes de lumière nous sont révélées à des moments différents et toutes ces formes sont nécessaires.

Toutefois, je dirai que si je suis très confiant en ce que peut m’apporter la Franc-Maçonnerie, je n’ai cependant pas encore trouvé la lumière; l’initiation fût certainement un moment de forte émotion positive, mais cette initiation n’a eu, par contre pour moi, aucun effet magique; j ‘essayais déjà de faire le bien avant d’être Maçon et j’ai rencontré parmi les Frères des gens avec qui j ‘ai eu beaucoup d’affinité et un peu moins avec d’autres : c’est normal et ne pas l’accepter serait renier notre personnalité et celles des autres. Ce qui est merveilleux et même extra-ordinaire, c’est de sentir tenue après tenue, séance après séance, un lien s’établir entre moi et TOUS mes Frères de la loge, car nous sommes animés par un même idéal et tous sur la même route vers le même but. Nous sommes tous sur la même route et grâce à la Fraternité, nous avançons.

L’enlèvement du bandeau est donc bien un moment symbolique intense puisqu’il nous ouvre la voie vers la lumière et si nous accédons à la lumière, nous accédons à la liberté. Ce que la lumière est aux yeux, la vérité l’est à l’esprit.

En conclusion, je remercie mes frères de ce qu’ils m’ont déjà apporté, je demande à mes maîtres de pardonner les erreurs de jugement que j’ai pu faire dans ce texte mais je suis bien conscient qu’il me reste beaucoup à découvrir et pour terminer, en dépassant le simple cadre du bandeau, je dirai cette phrase d’Oscar Wirth: « La Franc Maçonnerie est appelée à refaire le monde. La tâche n’est pas au dessus de ses forces à la condition qu’elle devienne ce qu’elle doit être ».

Bibliographie:
-              Aperçus sur l’initiation de René Guenon
-              Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie Edition Pochothèque
-              Symboles et initiation maçonnique de Julien Behaegel
-              La Franc-Maçonnerie de W. Kirk et Mac Nulty ed.du Seuil
-              Les Secrets Maçonniques de Jérôme Pace
-              La Franc-Maçonnerie rendue intelligible à ces adeptes 1. L’apprenti d’Oscar Wirth
-              La Table d’Emeraude d’Hermes Trismégiste

Jean L. - Frère de la Loge Fidélité et Prudence à l'Orient de Genève - Genève, le 18 Mai 2006


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