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La pierre brute

Populace du sol, foulées aux pieds, grossières, incapables de se mouvoir, dures, imputrescibles, solitaires, silencieuses…

Le symbolisme de la Pierre brute est le premier qu’il est demandé d’approfondir au nouvel apprenti.

Durant cet apprentissage, il faut comprendre que nous sommes à la fois la pierre et l’ouvrier qui taille cette pierre, l’objet et le sujet, cette pierre du chemin et celui qui la ramasse, l’élève qui devient son propre maître.

Qui a compris ce symbolisme élémentaire, a tout compris de la méthode maçonnique.

Cette philosophie du premier degré n’est pas simple, elle exige de l’assiduité pour transformer notre rapport avec les hommes et modifier notre vision des choses.

Nous l’acquérons non pas par une réflexion intellectuelle mais très concrètement par le travail de la Pierre brute.

Ce travail apparaît tout naturellement comme un effort à effectuer sur soi-même. Le travail de la Pierre brute n’a de sens et de portée qu’à la condition d’être compris comme un cheminement initiatique.

Parce qu’un symbole n’est pas une simple image.

Une loge n’est pas l’assemblage des Frères que nous appellerions « Pierres brutes » au départ et qui deviendraient « Pierres taillées », rognées à l’arrivée, une fois qu’ils se seraient bien intégrés.

« Pierre », parce qu’il s’agit d’un édifice dont nul ne nous montrera jamais les plans, et pas même le projet.

« Pierre brute », parce qu’aucune place n’est assignée d’avance à personne et que personne ne se verra jamais en reconnaître ou assigner une.

C’est à chacun de découvrir que, pierre parmi les pierres, il restera pour toujours voué à l’impuissance et à la solitude morale s’il ne s’inscrit pas de lui même dans l’édifice en participant à sa construction, non pas pour y trouver une place mais pour accomplir son destin.

Voilà pourquoi la Pierre brute ne symbolise pas seulement le nouveau maçon perfectible qui deviendrait Pierre taillée quand, après un effort sur lui-même, il serait conformé à un modèle préétabli. Ce modèle n’existe pas.

La Pierre brute, matériau de construction, symbolise à la fois, sans les dissocier, le maçon et l’apport du maçon à la construction commune, ce qu’il est mais aussi ce qu’il sert, son moi et ce qu’il évacue de son moi pour l’accomplissement du projet humain.

Nous sommes bien loin du simple accomplissement personnel.

Il faut beaucoup d’humilité pour s’accepter Pierre brute et il faut de l’ambition, une véritable ambition métaphysique, pour se vouloir un destin personnel confondu dans le destin de l’espèce et pour passer du « connais-toi toi-même » au « découvre à quoi tu sers ».

La Pierre est brute parce qu’il nous reste à découvrir sa destination.

Il n’y a pas à opposer Pierre brute et Pierre taillée mais à les relier entre elles. Ce n’est pas deux états de nous-même, contradictoires et successifs qui s’excluraient l’un l’autre. Nous ne parviendrons à les relier entre elles qu’avec l’aide des autres symboles et en particulier le Pavé mosaïque dont les carreaux noirs et blancs rappellent en permanence le principe de dualité.

Par elle, une pauvre pierre des chemins acceptée par tous, différente de toutes les autres, devient, de par sa propre initiative et pour accomplir son destin, saphir ou calcédoine.

Bibliographie :

« La réalité Maçonnique » de Jean Verdun aux éditions Flammarion en 1982.

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