Ma pierre brute

Le thème de l’agape suite à notre tenue de février était : « la Maçonnerie, une quête individuelle : dans quel but ? », en me questionnant sur cette interrogation, je me suis surpris à me demander ou j’en étais après deux années de Franc-Maçonnerie, ou en était ma pierre brute ?

En faisant ce bilan celui-ci me permettra peut-être de comprendre pourquoi je suis venu en Franc-Maçonnerie ? Que m’apporte la Franc-Maçonnerie ? Qu’est ce qui fait que je reste un Franc-maçon ? Et qu’est ce qui fera que demain encore je serai un Franc-Maçon ?

L'être humain se caractérise par sa capacité de se poser des questions et de s'interroger sur le sens de la vie. Un travail, quelque soit sa nature, n'est efficace et constructif que dans la mesure où celui qui l'entreprend sait pourquoi il le fait, et quelles sont ses motivations réelles. Nous devons donc nous interroger sur ce que nous faisons et sur le sens de notre démarche. Nous sommes en Loge et nous y venons régulièrement, soit ! Mais nous devons savoir pourquoi nous y venons et que cherchons-nous ?

Je suis Franc-Maçon, parce qu’un jour j'ai frappé à la porte du Temple et on m'a ouvert. J'ai ensuite demandé la Lumière et on me l'a accordée ou plus exactement on m'a donné les outils et symboles nécessaires pour la rechercher. J'ai donc été reçu, c'est-à-dire que j'ai accepté de me soumettre à un ensemble de rites qui m'ont permis d'entrer dans la fraternité maçonnique.

Je suis donc Franc-Maçon parce qu'un jour j'ai décidé de le devenir, sans savoir au préalable ce que cela implique comme contrainte et obligation. Il s'agit donc d'une démarche libre et réfléchie, mûrement réfléchie (ne dit-on pas que le Franc Maçon est un homme libre et de bonnes moeurs, dans une loge libre).

Cette démarche « libre » est cependant fondée sur une croyance, un pari. Elle repose sur la conviction, à priori, que la franc-Maçonnerie est un lieu où on se cultive, un lieu où on cultive la vertu, c'est-à-dire que nous apprenons à vivre avec les autres, dans la différence et la tolérance.

Pourquoi ai-je décidé de devenir Franc-Maçon ?

C'est sans doute, parce que les possibilités qu'offre la vie profane sont limitées, et parce que la vie symbolisée par l'acquisition des biens matériels est insatisfaisante. Il y a donc une recherche de quelque chose de plus, quelque chose que ni la religion ni la politique ne permettent de réaliser. Nous venons en Loge chercher ce que la vie profane ne peut nous donner.

A travers les systèmes politiques, les doctrines et les religions, les sociétés nous offrent des clivages et des visions opposées de la vie. Division entre gauche et droite, entre catholiques et protestants, entre musulmans, chrétiens et juifs, entre religieux et athées, etc. Autant de divisions constitutives de l'identité des groupes sociaux, mais insatisfaisantes pour celui qui cherche autre chose, insuffisantes pour l'homme de bonne volonté qui cherche à
transcender les divisions pour aller vers l'Union.

Si les divisions sont socialement nécessaires à la vie profane, nous savons qu'elles sont insatisfaisantes si l'on raisonne au niveau des individus dans une perspective universelle et transcendantale.

Ces deux années à vos cotés, dans mon silence, m’ont permis de comprendre que la Franc-Maçonnerie nous offre la possibilité d'expérimenter d'autres modes du vivre ensemble, d'autres manières de concevoir les relations sociales ; d'autres conceptions de l'homme qui placent au centre les qualités intrinsèques de chacun. A notre manière nous expérimentons en Loge un mode d'organisation égalitaire. Chacun de nous, indépendamment de ses capacités, de son statut ou de ses richesses éventuelles, est l'égal de l'autre du point de vue des droits et des devoirs et du point de vue du travail maçonnique. Aucun n'est destiné à faire une chose ou une autre; aucun n’est destiné à commander, à obéir ou à juger.

C'est cette possibilité que la Franc-Maçonnerie me donne de vivre et d'expérimenter, un mode de relations différent, qui est à la base de notre adhésion et la raison pour laquelle j’ai frappé à la porte du temple.

C'est parce que je suis insatisfait de ce que la vie profane nous offre, que je suis venu chercher ce qu'aucune organisation profane ne peut m’offrir : la possibilité de travailler sur soi au moyen d'outils symboliques pour s'améliorer et oeuvrer par la même à l'amélioration morale de l'humanité.

Avant d’avoir la possibilité de s’investir vraiment dans cette noble tâche qu’est la construction du Temple de l’humanité, il est urgent de commencer par travailler sur soi. Quel noble cause que de vouloir construire le Temple de l’Humanité, mais n’est-il pas plus sage de commencer par construire son propre temple intérieur. Et cela passe bien évidemment par la taille de la pierre brute, travail suggéré si fortement par la réception au grade d’Apprenti.

Tailler la Pierre Brute, c’est pour moi la volonté de se retrouver au plus profond de soi-même afin de corriger, d’améliorer, d’embellir son être. Tout cela pour apprendre à s’aimer vraiment soi-même, être en harmonie au moins avec soi-même. Il ne s’agit pas de remettre absolument tout en question, ce serait impossible. Il ne s’agit pas non plus de s’auto analyser, ce serait une grosse erreur. Il s’agit simplement de se retrouver soi-même afin d’embellir son être après l’avoir consciemment identifié afin de se le réapproprié à nouveau. Comment avoir la prétention d’aimer les autres ou de les aider si on n’a pas tout régler avec soi même ?

Comment atteindre l’éveil si de trop nombreuses couches, amoncelées années après années, viennent systématiquement « polluer » notre jugement, si nos passions, nos pulsions et nos émotions nous submergent trop facilement et tendent à prendre le pouvoir ?

Ces deux années je les ai vécus comme une phase d’observation ce qui m’a permis de cerner ma Pierre Brute, de l’apprécier sous ses différentes faces, de mieux la connaître.

Pour la première phase dite d’observation, je n’ai pas trouvé de manuel ni de livre de recettes indiquant la marche à suivre, mais j’ai été reçu parmi vous, mes Biens Aimés Frères, et cette épreuve m’a fortement suggéré le travail d’introspection.

Est ce que je peux effectuer ce travail d’introspection seul ? Pour une partie oui, mais on comprend très rapidement que l’autre est indispensable. Le travail est efficace seulement si, à mon avis, il y a « aller et retour » entre moi et l’autre. Dans cette phase d’observation, l’autre est un peu comme un miroir. Je me connais mieux en apprenant à connaître l’autre et inversement.

Pour moi, chercher à se connaître c’est la démarche fondamentale, l’oeuvre quotidienne et constante proposée le jour ou on m’a ouvert les yeux à la lumière.

Par ce travail, je cherche à découvrir mon « être vrai », ce qui me compose vraiment au plus profond de moi, une fois toutes les couches superficielles retirées. La réception au grade d’Apprenti invite à la recherche en chacun de nous, de la partie la plus simple et la plus importante, une fois le superflu écarté.

La vie de tous les jours, la société, nous ont aussi amené à jouer parfois involontairement un rôle, à paraître quelqu’un que nous ne sommes pas toujours. On nous a peu enseigné comment être vraiment : soi même.

Le défi est bien là, apprendre à exister en étant, et non en possédant ou en paraissant. La réception est l’étincelle qui nous suggère ce travail, elle n’apporte pas la lumière à elle seule, ce serait trop simple mais elle y incite. Tout reste à faire et le chemin est long pour celui qui décide de l’emprunter et il me faudra toujours rester vigilant et persévérant.

Combattre mes vices et faire des progrès dans la Franc-Maçonnerie : telles sont, avec l’aide de notre rituel, les raisons pour lesquelles nous sommes en Loge.

Cela signifie d'abord que le Franc-Maçon sait qu'il a des défauts et des faiblesses qu'il doit corriger. Il éprouve donc le besoin de s'améliorer. Pour cela, il doit combattre ses défauts et s'efforcer d'être meilleur en travaillant sur lui-même.

Pour finir, je pense qu’il est sage de bien garder en mémoire que ce travail ne sera jamais fini.

J’en ai terminé V\ M\

J\ L\ T\