Obédience : NC Loge : NC 17/03/2007


Comment polir ma Pierre

Dès ma réception dans la chambre des Compagnons et après que j’eus reçu les mots, signe et attouchement du grade, je fus appelé à exécuter mon premier travail de Compagnon après que le V\M\ eût dit : « Mon F\ Maître des Cérémonies, conduisez le nouveau  Compagnon à la Pierre Cubique à Pointe et que le F\Gr\Expert lui apprenne à travailler sur la Pierre par cinq coup glissés afin de la polir ».

Je fus donc conduit à la Pierre Cubique à Pointe et le F\ Grand Expert me donna - après que lui-même l'eût fait - le Ciseau et le Maillet et me fit polir la Pierre par cinq coups glissés avant de me ramener entre les Colonnes.

« Comment polir ma Pierre » ? Tel est le sujet de ma planche de ce soir.

L'Apprenti que je fus, avait dû à l'aide du Maillet, du Ciseau et de la Perpendiculaire, travailler en latéralité, sur la Pierre brute, en m'arrêtant et en méditant sur chacun de ses points rugueux, ces vices capitaux que sont : l'avarice, la colère, l'envie, la gourmandise, la luxure, l'orgueil et la paresse. Mais ce travail manquait de volume, le Niveau me faisant défaut et appréhendant mal l'utilisation du Levier, pour retourner ma Pierre afin d'en polir la base et le sommet.

Ce premier travail commencé, l'Apprenti devenu  Compagnon doit s'attacher à l'achever. Mais quelque soient ses connaissances, le tout nouveau Compagnon est encore incapable de travail bien fini. Sa Pierre n'est pas encore polie, elle ne peut rentrer dans la construction du Temple.

Son état de Compagnon lui permet  néanmoins de raisonner ; ayant appris à observer et à réfléchir avant de parler ou agir. Il a en outre acquis et appris l'utilisation des nouveaux outils dont il se servira pour mener à terme les finitions de son travail.

Ces nouveaux outils  (en plus du Maillet et du Ciseau) sont la Règle et le Compas, un Levier et enfin, l'Equerre sans oublier que le Compagnon que je suis est maintenant placé sous l'égide du Niveau, lui-même muni de la perpendiculaire.

Polir c'est rendre lisse et luisant à force de frotter. C'est aussi adoucir, affiner, corriger avec soin, parfaire.

L'apprentissage des nombres 3, puis 4, nous faisant découvrir l'importance du Quaternaire donc du carré, c'est sur cette figure qu'aboutit l'esquisse que je fais de ma Pierre.

Comment donc espérer terminer ce travail ?

Si nous remontons aussi loin que nos connaissances nous le permettent, nous pouvons voir que le symbolisme de la Pierre n'a pas toujours été ce qu'il est aujourd'hui. De part ses origines même, -tombée du ciel ou sortie de terre- la pierre nous présente une double action : descendante ou ascendante, positive ou négative. Contrairement aux animaux ou aux végétaux, la pierre est asexuée, aussi conserve t-elle son état de perfection.  Le travail sur la Pierre relevait ainsi d'un sacrilège -si l'on peut dire- puisque ce travail modifiait l'ordre divin : Dans le Bible, L'Eternel dit : « Si tu me fais un autel de pierres, ne le bâtis pas de pierres taillées, car en le travaillant au ciseau, tu le profanerais » ; Exode 20, verset 25. Mais le cours de l'histoire, les changements dans la marche de l'humanité, la sédentarisation des nomades, le besoin de se protéger contre les agressions extérieures,  ont pu produire beaucoup de changements et sûrement, à partir de cet instant, les pratiques rituelles subirent aussi des changements. Les pierres parfaitement travaillées devinrent ainsi symboles de la perfection. Les constructions uniquement faites en bois utilisèrent désormais, la pierre comme matériau de base.

Tout naturellement, les sociétés initiatiques telles que la Franc-maçonnerie suivront ce schéma. La transformation de l'Homme des ténèbres en Homme de lumière sera représentée par l'emblème de la pierre brute qui doit être transformée en Pierre Cubique (ou Pierre Polie) susceptible de tenir parfaitement sa place dans l'édification du Temple d'une humanité heureuse.

Pourquoi le Cube ? Tout simplement parce que à l'origine, le monde était considéré comme un carré, d'où les 4 points cardinaux par exemple. Le carré fut donc considéré comme un emblème de perfection par les Hommes. Plus tard, quand la sphéricité de la terre fut admise, on donna un «volumérisation» symbolique  au carré avec les projections du Nadir et du Zénith pour former le cube.

Aussi la perfection de la Pierre cubique doit-elle être incontournable. Le Cube façonné avec toute la perfection voulue fait comprendre au cherchant que c'est en persévérant, en vivifiant au fond du cœur de la Pierre, de son cœur, de son être, la base de son Temple, qu'il accédera à la Lumière, à la Liberté.

Comment y parvenir ?

Afin d'avancer dans ma quête, je me suis demandé ce que je suis venu apprendre en F\ M\.

-                     D'où venez-vous ? demande le V\M\
-                     R : De la Loge de Saint-Jean
-                     Que fait-on dans votre Loge poursuit le V\ M\
-                     R : On y dresse des couronnes pour la vertu et on y forge des chaînes pour le vice.

Le travail en hauteur et en profondeur accompli sous l'égide de la Perpendiculaire, nous permet de faire voler en éclat ce qui nous empêche de trouver notre chemin.  En se régénérant par la perpendiculaire, nous nous retrouvons nus, débarrassés de nos illusions et préjugés. Ne pouvant pas nous satisfaire seulement de cette nouvelle situation si nous aspirons a une réalisation initiatique véritable, la Pierre cubique ou polie devient par conséquent  un « symbole » à double sens. Un : du travail sur soi-même (ce sont ces vices capitaux dont j'ai parlé au début ce cet exposé que nous enchaînons et enfermons dans les cachots), et l'autre : celui qui ne voit plus le monde de la même manière et qui opère mystiquement de l'intérieur vers l'extérieur. Ainsi donc est figuré le travail que j'ai à faire : faire ressortir les vertus, ces dispositions à faire du bien et à fuir le mal, tout ce qui peut nuire à autrui.

On distingue les vertus Cardinales ou Humaines (la justice, la tempérance, la prudence et la force) et les vertus Théologales ou Divines (la foi, l'espérance et la charité). Mais comme dit Oswald Wirth, « Pratique et pondéré en toute chose, le Compagnon n'a pas à viser au surhumain. Il lui appartient à réaliser le cube simple, ou la pierre rectangulairement taillée, propre à tenir sa place dans l'édifice social ». Mon cube simple, ce sont les vertus cardinales que j'essaie de toutes mes forces de ressortir en moi.

La première de ces vertus cardinales est la justice. Il ne s'agit pas ici de la justice des hommes. Il s'agit de cette capacité à nous regarder et nous jauger nous-même avec extrême minutie. Il s'agit de nous regarder froidement dans un miroir, sans complaisance et sans passion afin de juger les motifs et les conséquences de nos actes. De cette capacité à agir dépend notre  accomplissement spirituel. Par ailleurs la vertu de la justice nous interdit formellement de juger les autres. « Ne jugez pas les autres ; et vous ne serez pas jugés » nous dit l'Evangile. La grosse poutre qui se trouve dans notre œil nous empêche toujours de voir la paille qui est dans l'œil du voisin.

Quant à la deuxième vertu, La Tempérance, c'est la modération, c'est aussi la marque d'un état intermédiaire entre la contemplation et l'action.  Etre tempérant c'est dominer ses plaisirs et ses passions. C'est la vertu même dévolue au Compagnon,  cette Etoile Flamboyante, symbole de « l'homme devenu assez fort pour maîtriser ses passions et dominer la matière ».

Le compagnon que je suis doit désormais se contrôler quand bien même il fait le « pas de côté », en s'écartant de sa voie. Il doit pouvoir revenir à son itinéraire initial et progresser ainsi sur le Chemin. Mais qui veut voyager loin, ménage sa monture.

Pour nous exhorter à rester prudent ?

La prudence nous permettra d'avancer en connaissance de cause avec le discernement qui nous permet de voir ce qui EST juste en non ; ce qui est factice, trompeur, falsifié. Le vrai initié accède à la réalité et à la perception des choses justes. Il sait où il va et ne peut se perdre ; il choisit toujours la bonne VOIE, il a toujours la bonne mesure et le bon rythme.

La force est la quatrième et dernière vertu cardinale. C'est auprès de la Colonne J (symbolisant la force ou l'énergie créatrice au REAA que les Compagnons reçoivent leur salaire. Par ailleurs, le pilier Force est alloué au 1er Surveillant, tuteur des Compagnons. Le Rituel appelle le Compagnon à la force morale, au courage. Il l'appelle à travailler sans relâche à son perfectionnement moral. Ce devoir fait de la Maçonnerie la plus noble des institutions. Ce devoir rappelons-le  c'est entre autres :

-      Combattre les obscurantismes qui déshonorent l'Homme,
-       Pratiquer la bienfaisance,
-       Secourir sa Sœur ou son Frère,
-        Soulager son infortune.

V\M\ et Vous Tous mes SS\ et mes FF\ en vos grades et qualités ; c'est cette « feuille de route » que j'essaie de poursuivre ; munis de mes outils :

Mon Ciseau et le Maillet pour polir et repolir la Pierre quand une surface se dégrade ;
Ma règle pour être sûr que je suis sur le droit chemin c'est la Prudence;
Mon compas qui me rappelle mes limites. C'est la Tempérance ;
Mon Levier c'est la Force qui me soutient ;
Mon Equerre pour vérifier que les angles de mon Cube sont bien équarris. C'est la Justice ;

Si je peux y arriver, ma Pierre sera alors digne d'être retenue pour la construction du Temple.

J'ai dit.

L\ B\G\

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