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La Pierre Brute


C’est à la suite de la lecture  du livre de Luc Adrian dont le titre est « le chemin de Compostelle » que m’est apparue l’idée de construire le plan de mon premier travail d’apprentie.

En effet mon parcours initiatique  ressemble à celui du pèlerin dont l’objectif est de parvenir au seuil de la cathédrale et de gravir les marches de cet édifice sacré.
Tout au long de son parcours le voyageur de Saint-Jacques fera des rencontres constructives.
Parallèlement à ce pèlerin la pierre brute  que je suis va cheminer et progresser vers la compréhension et l’utilisation des symboles du 1er degré.
Ainsi m’est apparue  la voie de  la construction du moi.
La notion du devoir s’annonce et le travail du dégrossissage de ma pierre commence.

J’ai choisi quelques symboles qui m’ont le plus percutée en tant qu’apprentie : le cabinet de réflexion, la planche à bascule, le pavé mosaïque, les trois fenêtres ainsi que les outils : le ciseau et le maillet.

Il est incontestable que ces symboles recelant les fondements de la réflexion figurant sur le tapis de loge ne représentent pas la totalité des symboles approchés par l’apprenti.

1er cheminement :
La symbolique du cabinet de réflexion

Tout commence dans le cabinet de réflexion. La transformation de la profane en pierre brute débute dans ce cabinet de réflexion.
La future pierre  va se retrouver dans les entrailles de la terre.
Je vais donc visiter l’intérieur de cette terre, me trouver en quête du profond moi.
Ainsi je vais descendre dans mes propres retranchements, mes propres interrogations, mes doutes, mes craintes.

Mais déjà les premiers symboles, les premières sentences vont résonner  pour marquer mon inconscient et vont travailler lentement dans le psychisme de la récipiendaire que je suis.
Serait-ce la finalité du cabinet de réflexion, un face à face soudain avec ma conscience ? Une intro- inspection ?
Les premiers mystères dans ce lieu huit clos où ne règne  que la faible lueur d’une bougie vont faire subir à la pierre la primordiale alchimie, sans connaître encore les outils qui vont lui permettre de travailler sur la substance minérale.

 Ce premier voyage l’épreuve de la terre correspond à un changement d’orientation de ma pensée et ce changement peut se définir par la montée des prémices de la conscience maçonnique.
Le coq va annoncer ma première espérance, l’avènement de la lumière promise.
Les sentences vont dorénavant alimenter ma réflexion et me mener vers une quête de la vérité et de la voix de la connaissance.
Les sentences annoncent le cheminement vers la notion de travail.
« Si tu crains d’être éclairée sur tes défauts tu seras mal parmi nous » Une critique amère ne ferait que les aggraver mais une bienveillance fraternelle réussit à les corriger où les adoucir. 
« Si la curiosité t’a conduite ici, va- t’en. »
De suite la pierre amorce déjà une nouvelle réflexion.

La curiosité serait elle vanité ? Vanité de connaître .IL me semble que la pierre doit être curieuse, de là naitra l’apprentissage et l’ouverture sur un autre monde.
Ainsi la pierre se trouve bouleversée par ce premier voyage.

Cette épreuve de la terre va provoquer pour la pierre  le préambule de la véritable initiation.
Ensuite lors de cette initiation, les épreuves de l’eau, l’air et le feu possèdent une réelle nécessité, un sens moral et philosophique, une purification indispensable.

En parvenant à une plus profonde connaissance de soi, l’initié accéderait il, comme pour la métamorphose symbolique du plomb en or, à l’ascension vers la beauté, la vérité ?
La pierre brute aspire à réaliser ainsi l’accomplissement de l’idéal que chaque être humain porte en lui.

C’est vers cette perspective d’amélioration et de progression vers l’excellence que la franc-maçonnerie aspire à élever chaque initié. Cette pierre brute est l’image de l’ascension de l’homme vers son amélioration.

Etre dépouillée des métaux (physiques ou virtuels) lui permettra de trouver le chemin du sens profond de la réflexion en renonçant aux valeurs illusoires. La pierre abandonnera ses passions, ses opinions arrêtées et ses préjugés, pour se trouver autant que possible dans un état de simplicité et  de sincérité.
La pierre va travailler avec pureté et confiance, sachant que l’humilité est une valeur essentielle.

Mais ce travail nécessite discipline méthode et organisation.
Depuis le VITRIOL du cabinet de réflexion, l’initié doit chercher la pierre rare et inestimable en lui.

2ème cheminement, 2ème symbole rencontré sur mon chemin :
La planche à bascule

La planche à bascule va aussi concentrer un des fondements du travail à accomplir. La pierre va subir montée puis chute, l’épanouissement puis ébranlement, aisance et prudence.
Je me suis déjà retrouvée dans mon parcours maçonnique déstabilisée, désorientée.
Mais avec obstination j’ai  retrouvé et continué le chemin.
La sagesse consiste à persévérer dans les tentatives, la pierre avance coute que coute.

La pierre va se trouver sur un chemin d’équilibriste, elle tentera d’assurer ses bases et ses connaissances pour atteindre la gravité centrale de la révélation maçonnique, la lumière et la vérité.
Une fois l’interrogation posée la pierre réfléchira et se mettra en place appropriée avec l’aide du fil à plomb. Elle ne doit pas se trouver dans l’inconfort perpétuel du caillou de Sisyphe et doit trouver une plénitude de réflexion, ne pas descendre plus bas que le point de départ initial.
La chute de la pierre prendrait elle toute sa valeur pour l’initié qui recherche l’équilibre ?
Lui servirait-elle d’avertissement en ouvrant plus largement son potentiel de discernement ?

Le chemin à parcourir se fera sans hâte, sans précipitation .Le rituel nous rappelle que la pierre se travaille toute en modestie et en patience Elles sont des vertus essentielles à la franc-maçonne

3ème cheminement 3ème symbole rencontré sur le chemin :
Le pavé mosaïque

Carrés blancs, carrés noirs juxtaposés font naitre en mon esprit la photographie de moi-même enfant jouant à une marelle improvisée sur un damier identique.
Comment aurais je pu imaginer quand j’étais petite l’impact
de cette projection qui symboliserait une partie de ma construction maçonnique ?
Alors mise en évidence devant le pavé mosaïque qui symbolise la conciliation des contraires, la pierre va continuer son chemin initiatique découvrant les pavés noirs et blancs.
La franc-maçonne tente d’équilibrer et de dépasser les dualités qui la dominent dans le monde profane.
La pierre façonne sa réflexion, sensibilisée par  l’opposition des deux couleurs antagonistes de ce pavement.
Par le discernement elle se conjugue au ciment jointif.
Enrichie elle pourra persévérer dans son travail de construction.
Ce sera dans le noir que se préparera le blanc, comme la nuit prépare le jour.
A l’exemple du petit enfant qui recueille les informations reçues le jour et les enregistre dans son cerveau la nuit.
Comme la réflexion de l’initié qui prépare son travail de ciselage de la pierre dans la sérénité et dans un état de paix intérieure.
De même ce blanc et ce noir sont deux réalités qui vont se compléter sans s’opposer et conduire vers l’objectivité de la méditation et la préparation au travail de construction.
Dans le monde profane la pierre est trop souvent blanche ou noire. Dans notre monde d’initiés elle est noire et blanche.
Le travail de la pierre est un cheminement non statique, ainsi elle avance sur la voie de la lumière de la pierre taillée et se sculpte en passant alternativement de l’immaculé a l’ébène.
Ce caillou sans forme appropriée va se rendre compte qu’il découvre un nouvel angle de sa personnalité, comprendre ce à quoi il aspire et trouver peu à peu sa destination.
Ainsi l’apprentie  pourra faire partie de l’édifice maçon à construire.
De cette façon le temple grandit et s’élève progressivement.

4eme cheminement  4eme symbole rencontré sur le chemin :
Les trois fenêtres

Pour se ciseler la pierre doit avoir un regard sur le monde extérieur.
Les trois fenêtres sont ce que l’œil est à la pierre, à savoir la perspective sur le monde profane et ce qui l’entoure.

Le façonnage de cette roche ne serait pas perfectible s’il ne garde pas une vision clairvoyante sur l’humanité et le monde des non initiés.
Le symbolisme  des trois fenêtres répond à celui de la recherche de la lumière.

Le travail de la pierre ne se fait donc qu’avec discernement et clairvoyance grâce à la clarté reçue par les trois ouvertures situées à l’orient au midi et à l’occident.
La pierre peut se travailler avec sérénité les baies étant grillagées. Ainsi elle se sent protégée.
Retranchée dans ses réflexions elle se charpente en restant en liaison spirituelle avec le monde extérieur.
A contrario il est vrai aussi que  ce rayonnement qui permet de travailler ne nécessite que compréhension des différents symboles et lucidité (Lucis en latin veut dire lumière)
                              « La lumière nait d’elle-même. »

Le dégrossissage de la pierre brute a besoin  d’esprit, de méditation et d’intelligence tout en recherchant la vérité.
Le travail met tout dans la lumière.

5eme cheminement 5ème symbole :
Les outils, le ciseau et le maillet

 Les outils nécessaires à sa construction et son travail vont  être dévoilés à la nouvelle sœur reçue au sein du temple.
La sœur experte conduit la sœur novice au pied de l’orient afin qu’elle apprenne les premiers gestes et la manière de travailler sur le bloc de granit.
Il lui est demandé d’appliquer trois coups avec le ciseau et le maillet. Ceux-ci sont indissociables. A quoi servirait l’un sans être aidé de l’autre ?
Ils sont essentiels dans la réalisation de l’objet à élaborer.
Déjà la notion du binaire se conceptualise à son inconscient.
L’un avec l’autre mais pas l’un sans l’autre.
C’est à ce moment là aussi que l’œuvre de la construction de soi commence, la correction des aspérités, le dégrossissage de la pierre brute.

Le ciseau, placé avec précaution et judicieusement orienté consentira le coup à porter, ajustant et rectifiant l’angle de frappe. 
C’est ce travail sur le « moi »qui va déterminer l’emplacement.
Les sentences « connais-toi, toi-même » et le «  n’ai pas peur d’être éclairée sur tes défauts »  vont opérer sur la pierre  la transformation fructueuse et profitable à rendre le bloc plus lisse et moins rugueux.

Quand au maillet, lui il symbolise la dynamique spirituelle et provoque le geste de la connaissance acquise et révélée.
C’est un outil de souveraineté sur la matière.
 
Nous sommes libre-arbitre d’asséner le coup ou pas.
Il est décisif d’observer une franche persévérance sur la roche qui représente la construction de soi et la mise aux normes de cette pierre destinée à l’élévation de l’être.

Reprenons la citation de Guillaume d’Orange que l’on nommait aussi Guillaume le Taciturne : devise des volontaristes
« Il ne suffit pas d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. »
Le dégrossissage de la pierre demande un travail constant et obstiné. Tenir le maillet sans jamais de  «  lâcher-prise ».
La procrastination n’engendre que lassitude et découragement.
Avec vigilance et persévérance nous deviendrons nos propres outils. Ce binaire du ciseau et maillet œuvre en nous et déjà la notion de ternaire se dévoile avec la pierre.

Pierre, ciseau, maillet.

Conclusion :

La pierre est donc brute, non pas qu’elle n’a pas encore été taillée mais que sa transformation reste à réaliser.
 Mon apprentissage est long, mais pénétrée par la devise:
« Découvres ce à quoi tu sers » et soutenue par la concorde de mes sœurs qui ont les mêmes dispositions de cœur, le chemin me parait plus facile.

C’est grâce au ciment de la fraternité,  que les pierres s’unissent entre elles donnant une cohésion de la construction à édifier.
Ce liant donne une homogénéité  harmonieuse qui forme une chaine d’union entre toutes les pierres.
Bien tailler sa pierre est un art subtil  et spirituel.
Restant en toute simplicité, sans être une pierre trop polie, il est préférable de nous débarrasser de nos plus grosses imperfections, sans pour autant ôter notre originalité et notre authenticité.

C’est grâce au ciseau et maillet qui sont les indispensables  outils et compagnons de voyage que nous œuvrons à l’essence même de notre réflexion et de notre élévation.
Ils sont les fondateurs de l’amour universel, de la fraternité qui unit notre chère et bienveillante Franc-maçonnerie.

La pierre se travaille avec sagesse et sérénité.
Le silence de l’apprenti est une richesse indispensable.
L’œuvre doit s’accomplir dans une paix et un calme intérieur.
Notre robe ceint notre temple intérieur.
Dans la bible il est dit «  la construction du temple se fit en pierre de carrière : on n’entendit ni marteaux ni pics, ni aucun outil de fer, dans le temple pendant sa construction » 1er livre des  roi VI, 7.

Dans la paix intérieure le travail pourra s’accomplir et être reconnu comme chemin initiatique et de métamorphose.
Le travail sur la pierre brute est la notion clé de la Franc-maçonnerie, l’œuvre d’un perfectionnement.
C’est un instrument de recherche de la vérité ; par une action constante où nous n’aspirons pas au repos.
L’accomplissement sur la construction du soi est l’essence même de notre vie, voire la quintessence de la Franc-maçonnerie.
Les lois de la chimie et de la physique connaissent les formules pour transmuer du plomb en or.
Cela parait limpide.
 
Mais pour transformer une pierre brute en pierre taillée, encore faut-il avoir courage, raison, et une profonde détermination.

                                      Travailler et persévérer.

J’ai dit vénérable Maitresse.

S\ D\P\

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