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Loge : Lumière et Harmonie - Orient de Bar le Duc

Date : NC


La Pierre Brute

A la lecture du mémento de l’apprenti on apprend que la Franc Maçonnerie dérive directement des confréries de bâtisseurs dont les tailleurs de pierre qui au Moyen Age construisaient des forteresses, des cathédrales, des églises, des routes, des ponts.

A cette époque féodale, le christianisme est omniprésent et dans la majorité des cas, une foi fervente s'exprime dans la plupart des actes professionnels. Le spirituel interpénètre le temporel jusque dans les activités les plus éloignées de l’esprit.

Alors en même temps qu’ils se transmettent les secrets de leur art, ces Francs Métiers introduisent nombre de rituels, dont celui de l'initiation qui, en lui donnant les aspects d'un culte, permet à l’artisan de fermer sa profession à toute personne n'exerçant pas cette charge.

Mais cette initiation, en même temps que la connaissance du métier, était aussi celle à la loi divine qui seule permettait d'atteindre la perfection sur tous les plans. La valeur professionnelle n'en était qu'une forme à la gloire de Dieu et une grâce conférée par Lui. Cette grâce ne pouvait être accordée à l’Apprenti que s’il comprenait que la première demeure de Dieu, le premier Temple à lui construire, c'est l'homme lui-même fait à l'image de Dieu.

Cette initiation est à rapprocher du premier devoir de l’apprenti qui doit « dégrossir la pierre brute (c'est-à-dire le produit grossier de la nature), afin de la dépouiller de ses aspérités et de la rapprocher d’une forme en rapport avec sa destination ».

Alors je crois comprendre que l’Apprenti est la Pierre Brute, qu’il doit se débarrasser de ses préjugés et autres idées reçues, s’il veut pouvoir reconnaître la réalité telle qu’elle est, vivante mais aussi sensible et perméable et en discerner ses aspects transitoires quand elle se meut, qu’elle passe d’un état de devenir à celui d’être.

C’est à cette condition que la Gnose sera révélée à l’Apprenti, au travers son propre perfectionnement, moral, intellectuel, spirituel.

Ces conditions remplies l’Apprenti peut devenir cet Homme Libéré non seulement capable de mener à bien ce à quoi il aspire, mais aussi d’admettre de n’être pas tout seul sur cette voie et d’accepter d’être soutenu par des mains fraternelles (comme lors du rite d’initiation).

"Ici tout est symbole" et la Pierre Brute, le produit grossier de la nature, prend alors une dimension nouvelle et l’Apprenti que je suis, a soudain, conscience qu’elle nous accompagne depuis la nuit des temps et que sa réalité et toute autre que celle du simple minéral que je côtoie tous les jours.

En fait, la pierre a très souvent été un symbole fort pour les hommes et dans l’histoire de nombre de civilisations et au fil des générations, le culte de la pierre a toujours existé et ce, quelque soit la religion ou les croyance. Ainsi, on trouve l’existence de nombreux symboles liés à la pierre dans la quasi totalité des continents.

Dans les temps les plus reculés la pierre brute a symbolisé la nature, la terre mère et ses potentialités avant le passage de l’homme, plus tard elle symbolisera la perfection de l’état premier qui contient les principes actifs et passif, le don divin indifférencié et à  travailler.

Puis la pierre devient vite pour l’Homme un moyen de communiquer avec les Dieux ou les forces divines.

Chez les Celtes, par exemple, les menhirs (tombes et lieu de culte des ancêtres) et les dolmens (édifice votif) étaient des lieux de médiation entre les prophètes et les dieux. D’autres peuplades au Mexique, avaient le pouvoir de repousser ou d’attirer la foudre à l’aide de pierres tombées du ciel.

Il en va de même pour les religions, ainsi, dans l’Islam, la pierre de la Ka’ba à la Mecque représente un lien entre le fidèle et Dieu. En posant sa main ou en baisant la pierre, le pèlerin fait serment de fidélité et le jour de la résurrection cette pierre témoignera en sa faveur.

Dans la bible la pierre est avant tout une pierre mémorial, servant de témoignage et d’alliance entre Dieu et les hommes ou pour les hommes entre eux ; et si la pierre brute fut considérée comme une matière passive, la pierre taillée par Dieu ou par les hommes, indiquait le passage de l'âme obscure à l'illumination de la connaissance divine. Le christianisme naissant conserva ces superstitions, se contentant de les assimiler, en gravant les pierres sacrées d'une croix symbolique, les marquant ainsi de son sceau.

Et quand elle n’est pas un symbole des dieux, la pierre évoque un symbole se rapportant au sacré ou à des valeurs sacrées comme la connaissance ou la vie. La pierre dressée est un symbole phallique où on vient chercher la guérison de sa stérilité ; la pierre percée est un symbole vaginal ; la pierre plate est symbole de la connaissance du monde ; les pierres de foudre, généralement des météorites, sont des symboles de fertilité ; les pierres de pluie (aussi d’origine météoritique) sont symboles de l’habitat des ancêtres ou de leur permanence dans un lieu ; la pierre précieuse, quand à elle, est le symbole d’une transmutation, de l’opaque au translucide, des ténèbres à la lumière, de l’imperfection à la perfection.
 D'ailleurs, d’antiques traditions prétendent que les pierres précieuses sont vivantes et peuvent à leur tour donner la vie, qu'elles naissent de la roche, après avoir mûri en elle, tels des fruits minéraux.
Nos campagnes fourmillent d'exemples : Contre le "Mauvais Oeil", les Savoyards portent du quartz brut ou une pyrite appelée aussi "pierre de santé". Contre les envoûtements, les Berrichons usaient de la "Malfoudre", une pierre de volcan taillée et polie. Dans le Dauphiné, c'était la pierre de Saint-Vincent, pierre noire en forme d'étoile, la "Pierre de Digne" qui protégeait du "Mauvais Oeil" et des maladies. Dans le Languedoc, c'était l'oursin fossilisé qui éloignait les esprits mauvais.
La tradition populaire variait d'une province ou d'un pays à l'autre. Mais toujours et partout, on portait les précieuses gemmes sur soi, en sautoir, sous forme de collier, de bracelet, de pendentif ou de bague. Certaines pierres étaient posées sur le corps du malade à l'endroit où il souffrait ou "chargeaient" l'eau en séjournant, de quelques heures à quelques jours, dans la cruche familiale, donnant "l'eau de cristal" ou "l'eau de saphir".
Aux frontières de la médecine, de la religion et de la magie, ces croyances attribuaient des vertus et pouvoirs aux minéraux communs comme aux pierres les plus précieuses.
Au regard de ces multitudes de symboles, on comprend toute l’importance que les hommes attachaient et attachent encore aux pierres.

Surtout, on comprend mieux en regard de cette importance que le fait de devoir toucher à la pierre aux pouvoirs magiques, de devoir la tailler revêtait un caractère presque sacré et devait relever d’un acte liturgique. Le tailleur de pierre, remplit un office lors du travail, il dégrossit le brut dont l’aspect paraissait figé, par un acte magique et il se crée une symbiose entre l’homme qui officie et la pierre.

L’Apprenti qui polit sa Pierre Brute transforme le produit grossier de la nature grâce à l’art maçonnique et la personnalité se dégage alors de sa gangue originelle.

Si cet apprenti n’y est pas encore parvenu, ne lui jetez pas la pierre !

J’ai dit, Vénérable Maître.

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