Obédience : NC Loge : NC Date : NC

 
Le Silence


C’est avec honneur et plaisir que je me prête à mon tour à l’exercice de la Planche en Tenue d’Instruction. Si la  planche qui vous est présentée aujourd’hui a du mérite, il faudra y voir la marque du 2nd surveillant de ma RL qui a encadré ce travail. Il faudra y voir aussi la marque de tous mes BB.AA.FF. qui, lors d’échanges que nous avons eus, ont bien voulu me gratifier de leurs conseils et de leurs connaissances.
Le sujet du jour est donc Le Silence! Beaucoup de bruit autour de ce mot! C’est un paradoxe que de devoir utiliser justement des mots pour le définir, en saisir toute la subtilité et toute la quintessence!
Le silence est l’état de celui qui s’abstient de parler, de s’exprimer, de faire du bruit.
Dans la Franc maçonnerie, le Silence est de prime abord lié aux apprentis, la colonne qui leur est dédiée est appelée la colonne du Silence. Dans notre Institution, cette appellation de son seul fait, fait du silence un formidable outil d’apprentissage, mais sa symbolique est si forte qu’elle prodigue ses vertus à l’Ordre dans sa globalité.

Le Silence Outil d’apprentissage :

Dans la symbolique Franc maçon, le Silence est en effet un outil d’apprentissage, il correspond à un des voyages des épreuves de l’initiation. La colonne septentrionale où habituellement je prends place avec mes BB.AA.FF. apprentis, est effectivement appelée la colonne du Silence. L’apprenti est un ouvrier encore mal habile qui doit apprendre les choses et travailler. Il n’a pas droit à la parole dans l’atelier, mais ce n’est pas parce qu’on le réduit au Silence ; c’est parce qu’on veut le mettre dans les conditions optimales d’apprentissage. Il s’agit donc bien d’un silence positif qui, par l’écoute et la réflexion, va le mettre en position d’apprendre. Il doit en effet faire Silence pour écouter, observer, se rendre disponible et apprendre.

« Se taire et écouter », « Écouter et se taire » font partie de ses premiers devoirs. Comme dans beaucoup d’ordres initiatiques, le silence apparaît donc dans la FM comme une ascèse, une discipline spirituelle.

En effet, le silence donne la tranquillité et la concentration nécessaires à la compréhension de ce qui se passe dans la loge, il permet d’être à l’écoute de soi même et des autres.
Ce silence observé permet de mettre entre parenthèse le MOI, c'est-à-dire la personnalité profane et ses aspérités, et de préparer l’apprenti, le SOI, à saisir toutes les subtilités de l’apprentissage maçonnique. C’est se rendre vulnérable (dans le sens accessible) au subtil et à l’implicite qui autrement ne seraient pas perçus.

Le silence doit aussi lui permettre de se contrôler, de faire preuve d’humilité et de tempérance. Comment pourrait il prendre la parole dans cet atelier, lui qui ne connaît pas tous les outils et qui ne les manient pas avec dextérité? Comment pourrait il prendre la parole en loge lui dont l’apprentissage se fera essentiellement par l’Observation et l’Écoute? Lui qui a besoin de concentration pour assimiler la gestuelle et  la liturgie des cérémonies? Le silence bride l’égo qui autrement chercherait à briller inutilement. Ainsi, l’apprenti au lieu de pérorer, va commencer déjà à utiliser les outils qu’il a en main, il va travailler à polir son égo et à réfléchir sur les motivations de la parole en loge et son utilité, non pas personnelle mais collective.

Le silence de l’apprenti se veut une épreuve : Comment pourrait-il taire nos mystères, s’il ne peut s’astreindre au silence de la loge? La difficulté est pour lui de ne pas exprimer par la parole son vécu intérieur, or nous savons bien que les véritables secrets maçonniques comme l’initiation par exemple relèvent du vécu ; ce sont des choses intérieures qui se trouvent dans l’essence même de l’être. Le Silence est aussi une épreuve pour l’apprenti quand invariablement on demande au 2nd surveillant de vérifier sur la colonne du nord si des frères désirent prendre la parole. De notre position, nous appréhendons sûrement encore mal ce paradoxe mais nous nous doutons bien que ce paradoxe apparent est en lui-même riche d’enseignement

Le signe pénal de l’apprenti en lui-même enseigne la vertu du silence, de la retenue, de la prudence verbale et de la discrétion. On préfère avoir la gorge tranchée plutôt que de révéler mal à propos les secrets auxquels nous avons eu accès.
Le silence attentif de l’apprenti doit l’amener à appréhender les choses et le silence mental permettra son introspection, une descente en lui-même qui lui permettra d’élever son niveau de conscience et le guidera vers une prise de parole maîtrisée. Ne dit on pas comme le sage grec Pittacos que : « celui qui ne sait se taire, ne sait pas parler ». L’apprenti doit toujours garder à l’esprit le triptyque : « Se taire, écouter et méditer ». Tels sont les trois pas réguliers qu’il doit accomplir avant de s’agenouiller devant la chaire, tels sont les trois coups qu’il doit frapper pour que la porte de la connaissance et de la lumière lui soit ouverte.

Les vertus du Silence.

VM, mes BB.AA.FF., par delà l’outil d’apprentissage qu’il représente pour l’apprenti, le Silence est une notion cardinale dans la Franc maçonnerie. J’en veux pour preuve les nombreuses mentions qui lui sont faites dans l’obligation solennelle, la grande exhortation et la quasi-totalité de nos documents de travail. Il est, ce silence, la transposition de l’ambiance de la construction des Temples opératifs où régnait une ambiance oxymorique, un Silence Assourdissant. Il n’est donc pas étonnant que le Silence se retrouve dans toute la liturgie maçonnique.

Avant même mon initiation, le profane, que j’étais, a été confronté à cette valeur lorsqu’il s’est retrouvé dans le cabinet de réflexion. Seul, livré à moi-même et surtout placé face à moi-même dans le Silence pesant du cabinet, commençait alors pour moi (et ce fut le cas pour chacun ici) un long et passionnant chemin initiatique. L’alchimie du cabinet va transformer ce  Silence en  un prélude d’ouverture à la lumière.

Le Silence est signe d’humilité. Si pour l’apprenti, le Silence est imposée, pour les autres membres de la loge, observer le silence est un signe de respect et d’humilité. Respect de celui qui parle ou qui agit, humilité de taire quelques fois ce que l’on sait si on n’a pas l’impression que le dire serait nécessaire. N’ouvrir la bouche que si ce que l’on a à dire est plus beau que le silence. Combien de fois n’avions nous eu envie de protester contre une chose, de corriger ce qui nous semblait être une erreur, de participer à un débat qui nous passionne mais l’exercice consiste justement à réprimer cette envie primaire. Ce silence là est le signe d’une grande tolérance et donc d’une grande fraternité.

Le Silence est discrétion. La aussi c’est déjà profane qu’on nous rappelle après chacune des enquêtes que cette rencontre n’a jamais eu lieu. On nous invite à la discrétion et nous présageons déjà que dans l’Organisation à la porte de laquelle nous frappons, savoir tenir sa langue est primordial. Taire les secrets qui nous sont confiés selon notre grade et respecter l’obligation solennelle de les conserver inviolablement, comme il nous l’est demandé dans la grande exhortation. En terminant nos travaux en loge, nous réitérons toujours notre serment de respecter notre loi du Silence et nous enfermons nos secrets selon les anciens usages.

Le Silence pour se protéger. L’histoire de la Franc-maçonnerie est jalonnée de périodes de persécutions, de calomnies en tout genre dont s’est largement abreuvé l’anti-maçonnisme de tous bords. Discrète mais non secrète, notre institution a souvent volontairement opté pour le silence : bien faire et laisser braire en attendant que la vérité soit.

Le Silence c’est la reconnaissance de l’autre dans sa différence, c’est se taire sur ses propres bruits intérieurs et accepter d’aimer l’autre d’un amour Fraternel. Le Silence est un recueillement quand nous tournons nos pensées vers ceux qui nous ont quittés ; dans le monde profane on observe une minute de silence à leur intention.

Le Silence est harmonie, il est l’expression de la paix et de la perfection. Comment pourrions-nous prétendre atteindre l’Égrégore si le silence et l’harmonie ne règnent pas en nous et dans le temple? En fait, rien ne saurait mieux élever l’homme aux réalités divines que le Silence. Il permet de réaliser la vacuité de toute chose et favorise la méditation ; cet état psychique permet ainsi au FM d’appréhender le caractère infini de sa quête de la vérité.

État psycho-émotionnel propice à la méditation et à la compréhension de soi, élément cardinal du symbolisme maçonnique, je dirai, pour finir, du Silence qu’il est bien souvent l’expression de l’inexprimable, ce qui nous est le plus intérieur et ce qui nous dépasse. Dans la loge. Il aiguise notre attention, notre sens de l’observation. Cet état passif et réceptif nous amène aussi à réfléchir sur nous même et sur le sens de ce qui nous entoure. Prêtons donc attention à nos propres bruits intérieurs pour les faire taire si de besoin mais mieux encore, apprenons à pénétrer et à écouter le Silence des autres car c’est probablement quand l’Autre fait Silence qu’il faut l’écouter avec le plus d’attention.

J’ai dit V\M\

J
\C\ N\

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