Obédience : NC Loge : NC 10/06/2008


Le Silence

Après deux années de silence, je croyais que je n’aurais qu’une envie… parler, or, le temps passant je m’aperçoit qu’il n’en est rien. Au contraire je me sens bien dans ce silence que j’observe depuis mon arrivée parmi vous.

Oui,  j’ai bien dis « observe » et je le dis dans le sens littéral. En effet, si j’avais entendu parler du silence,  personnellement je ne le connaissais pas.
Je l’ai croisé plusieurs fois mais j’ai toujours fait semblant de ne pas le reconnaître, sans plus me poser de questions.

Bien sur, comme tout le monde, je l’avais déjà épié du coin de l’œil, mais de façon tout à fait furtive. Je l’ai parfois effleuré, voir caressé mais sans le laisser m’envelopper.

Je vais même vous faire une confidence, il me faisait un peu peur. Chaque fois que je le regardais d’un peu trop près et qu’il me retournait mon regard, je me dépêchais de détourner les yeux pour ne pas l’affronter.

Aussi, lorsqu’avant la cérémonie qui allait m’accueillir parmi vous, vous m’avez envoyé faire un petit séjour dans le cabinet de réflexion (qui, soit dit en passant porte bien son nom), j’ai pris le silence de plein fouet, et là encore, je ne m’autorisais pas à le regarder en face tellement il m’impressionnait.

Mon cœur cognait contre ma poitrine et j’avais la tête baissée pour ne pas me heurter au silence environnant. Je fredonnais tout bas pour surmonter mon angoisse et ne pas entendre son bourdonnement. Pourtant, les questions foisonnaient dans ma tête.

Peu à peu,  j’ai regardé autour de moi, et malgré le VITRIOL, le Crâne, Le Coq immense et tout le reste j’ai senti une forme de bien-être m’envahir et j’ai laissé venir à moi le questionnement. Où suis-je ? Que fais-je ? Qui- suis-je ? Où vais-je ?
Avec le temps, je commence à entrevoir un début de réponse !

Après l’initiation et son tumulte, je ne comprends pas encore les bienfaits du silence. Je l’observe toujours mais de façon moins craintive.
Une voix me chuchote de l’intérieur mais je ne suis pas encore prête à l’écouter,  je suis bien trop occupée à regarder ce qui se passe autour de moi…

Les semaines se succèdent et peu à peu le silence m’impose de tendre l’oreille pour mieux saisir ce qui se déroule dans le temple ;  enfin, je lui donne la parole et je ressens de plus en plus de plaisir à écouter, mais surtout, je prends conscience que j’entends.
Alors je me sens de mieux en mieux dans le silence. Je ne le regarde plus en coin, je l’appréhende tranquillement. Petit à petit je le laisse m’envahir et prendre possession de mon esprit.

Je comprends désormais que silence ne veut pas dire absence de dialogues et d’échanges, et qu’il n’existe aucune entité plus forte que le silence pour se faire entendre des autres. D’ailleurs quelqu’un a dit un jour (je cite) « dans une réunion quand tout le monde parle alors qu’un seul homme ne dit rien, on entend que lui »…

Au début de ce travail, j’ai sourit en pensant que je venais vous parler de ce qui précisément est l’absence de la parole, pour une fois que j’ai le droit de m’exprimer je viens vous parler de silence. Mais n’est ce pas risqué de vouloir parler du silence ?… sans le rompre… ?

C’est pourtant avec joie que je vous parle de lui aujourd’hui, car au-delà de ses apparences, il m’a appris à l’aimer.
Je l’observe de moins en moins mais le respecte de plus en plus, il m apprend qu’il favorise l’écoute valorisant ainsi celui qui s’exprime.

Il ne me fait plus peur car il m’a appris à le reconnaître et  je sais qu’il existe sous plusieurs formes. En effet, il couvre pratiquement tout le champ de nos émotions.

Il y a par exemple le silence qui dit « je t’aime », quand les mots ne sont plus assez neufs pour qualifier l’acte d’aimer, celui qui se partage comme le bon pain, ou celui qui se rompt avec courage, ou encore qui se garde comme un secret.

Il peut être prélude au mensonge, car rester muet face à certaines situations c’est éviter  de s’exposer au danger et choisir de se taire peut faire du bien ou du mal à l’autre selon ce qui est tût.

Il y a aussi le silence qui plombe toute forme de discussion tant il est lourd de sens, alors,  chacun préfère se taire et tirer ses propres conclusions. Toutes formes de conclusions car selon le parti pour lequel on opte le silence peut être positif ou négatif, mais, dans ce dernier cas il s’apparente au mutisme.

Cependant, si le mutisme est synonyme de fermeture, de repli et d’agonie, le silence est porteur d’espoir, de partage et d’envolée vers la lumière. Il marque un progrès et le mutisme une régression.

Il existe aussi le silence respectueux comme la minute de silence, hommage rendu pour honorer la mémoire de quelqu’un ; et bien d’autres encore et je ne pourrais vous les citer tous.

Il est définit par ce qui lui est opposé c'est-à-dire le bruit, mais, même dans le silence le plus total il y a le bourdonnement du monde, tel le souffle du vent dans les arbres ou encore les battements de ton cœur.

En loge, comme dans le monde profane, le silence ne se voit pas, il n’est pas tangible mais on peut en prendre la mesure. Il permet de comprendre combien il est nécessaire d’entendre avant de parler, car, tandis que la parole circule, il permet l’analyse de ce qui se dit et invite à la réflexion, nous permettant d’accepter les idées des autres, de ressentir leur logique même si nous sommes en désaccord avec ce qui se dit.

Apprentis,  nous n’avons pas conscience de nos possibilités, seulement de nos certitudes, or, la difficulté particulière du chemin du silence réside dans le fait que rien n’indique ce qui se trouve au bout  de la route.
Alors, nous commençons le voyage avec le fardeau de ce que nous étions avant l’initiation ; nous nous apparentons au sourd et muet et devons apprendre à communiquer.

Pour trouver la lumière qui est en nous nous devons marcher paisiblement jusqu’au centre de nous même, et devons apprendre à méditer pour mieux entendre nos voix intérieures qui à ce stade ne sont encore que des balbutiements.

D’ailleurs nous n’avons que trois ans et nous ne savons ni lire ni écrire, nous ne savons qu’épeler. Ainsi, lorsque  nous devons épeler le mot sacré nous constatons qu’entre chaque lettre il y a une accolade, prononcée par un silence, qui nous révèle que nous sommes là pour apprendre le langage de l’écoute.
Cela me rappelle le solfège et son silence entre chaque note . . . aussi,  je m’interroge : ne sommes nous pas sur la colonne du nord pour apprendre à parler ?

Le silence est un outil formidable. Il offre la possibilité de se ressourcer, on y plonge pour refaire ses énergies et ses forces.
Il nous permet de faire baisser la pression, de retrouver notre équilibre et de renouer avec soi-même, alors il devient refuge.

Il est vecteur de la pensée et c’est pour moi le premier symbole auquel se trouve confronté le nouvel initié.
Sa quête passe par un cheminement personnel, car c’est une quête d’intériorité qui est nécessaire pour développer une vraie connaissance de soi.

Il façonne notre personnalité, car une part de nous demeure toujours au-delà de ce que nous laissons transparaître. Il nous apprend à maintenir la paix profonde en nous même et à nous échapper de tous les bruits ou mots dénués de sens qui nous entourent.
Ainsi, pas à pas, accédons-nous à une forme de sérénité et apprenons que le discours n’est pas nécessaire pour faire ressentir nos émotions, comme c’est le cas pendant la chaîne d’union.

Cependant  nous ne sommes pas totalement muettes car si nous ne prenons pas la parole, nous partageons 2 fois avec vous l’acclamation, ainsi que l’énoncé des mots de semestre lors de notre entrée dans le temple.

Pour nous, apprentis,  le silence a valeur d’or, il est le frère du secret qui deviendra compagnon de route.
Le secret est un silence que l’on s’engage à respecter, c’est une information qu’on garde pour soi et en soi, il est fermé aux autres par la clé de notre propre volonté.
Il est un lien qui nous attache aux autres membres de la loge car il est partagé par tous, il garantit et protège notre intimité.
Lors de la fermeture des travaux nous nous retirons sous la loi du Silence et cela équivaut à ne rien divulguer de ce que nous disons et apprenons dans le Temple car nous seul pouvons en interpréter le sens.
 
Aujourd’hui, j’aime tous les silences que j’ai rencontrés car ils m’ont façonnée et fait de moi ce que je suis, alors, silencieuse sur la colonne du nord, j’apprends à me taire et à apprivoiser le silence pour m’en faire un allié, qui un jour m’aidera à laisser libre cours à la parole.

En conclusion, je fais l’apprentissage du silence. Ainsi n’ayant plus  peur de son écho, j’accepte d’écouter ce qui se passe en moi pour être en harmonie avec les autres, ainsi je progresse et j’évolue.

Je terminerais par cette phrase d’un de nos frère (je cite) : « le mot que tu n’a pas dit est ton esclave, celui que tu prononces est ton maître ».

J’ai dit !

Maria Da Silva

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