GLSA Loge : Fidélité et Prudence - Orient de Genève - Suisse Date : NC
 
Le Silence

Préambule

On a beaucoup parlé ces derniers temps d’un plasticien américain, Bob WILSON qui a notamment produit en qualité de metteur en scène, un opéra radicalement novateur où l’image remplace le son: “ Le regard du sourd ”. Comme on peut l’imaginer, l’homme se livre peu, ses silences sont légendaires. Bob teste la qualité d’écoute, se sert du silence, le manipule, lui donne de l’épaisseur jusqu’au malaise. Le temps glisse sans fin.

Il n’y a rien d’aussi fort que le silence, le silence renforce tout, je me sers du silence pour créer une protection,. J’ai besoin d’une certaine distance avec les émotions, l’intellect. Cette distance permet à tous de travailler. Voilà exactement, c’est cela, le silence offre une totale concentration.

Voilà pour ce faiseur d’images, inventeur de gestes, concepteur de lumières et de rêves.

  Introduction

Les âmes se pèsent dans le silence comme l’or et l’argent se pèsent dans l’eau pure et le paroles que nous prononçons n’ont de grâce que par le silence où elles baignent"

Maurice MAETERLINCK Le Trésor des humbles. Le silence.
Qu’est-ce que le silence?
·         L’arrêt d’un rythme,
·         le vide, la nécessité d’épurer, de se dégager, de se nettoyer
·         la paix, la réconciliation avec les faits, avec soi-même, l’intériorisation,
·         le contrôle d’abord sur soi,
·         le recadrage pour redonner leur vraie place aux choses,
·         le détachement, un exercice de relativité,
·         la modestie: être capable de donner à son flux intérieur la liberté qu’on lui souhaite,
·         l’écoute de soi et des autres,
·         c’est enfin se rendre vulnérable au subtil, au murmure, à l'implicite, à des choses que l'on ne percevrait pas autrement.
Le silence est donc le moyen de signifier quelque chose sans rien en dire.

Le silence

Il y a dans le cabinet de réflexion un symbole inexprimable qui n’a pas de support matériel et qui est pourtant plus présent que n’importe quel autre: le silence.

Le silence est un moyen de communication. Quand se taisent les bruyantes passions du monde, le cherchant peut enfin écouter.

Quand s’est tu le vain tumulte des passions que suscitent ou qu’excitent les vaines apparences de la société, il y a place pour la communication avec l’essentiel.

Il est à peine besoin de rappeler que la loi de l’apprenti commence par le silence et finit par la méditation.

En fait, les deux sont liés ; le silence est la condition de la méditation ; il est fait de réceptivité, de disponibilité ; il rend possible le travail d’assimilation, d’intégration à soi-même des valeurs de la nature, l’ensemble de ces efforts devant permettre à l’initié d'être en harmonie avec l’univers.

D’une manière générale, le silence des passions, le silence des troubles engendrés par la vie sociale est une condition d’une méditation approfondie qui n’affecte pas seulement la pensée mais encore l’ensemble du Moi de celui qui s’y livre.

Dans de nombreuses religions, en particulier le bouddhisme, la méditation a un caractère libérateur, précisément dans la mesure où elle affranchit de fausses images que la société multiplie autour de nous.

Plus près de nous, la vie silencieuse des cloîtres exerce une fascination croissante sur les hommes et les femmes exposés au stress quotidien. Pour y répondre, de plus en plus de communautés ouvrent leur porte et permettent aux laïcs de partager leur quotidien. Un mode de vie qui n’attire pas que des croyants. De plus, les couvents sont souvent installés dans des endroits magnifiques où la lumière rayonne. Toute la question est de laisser tomber l’agitation. Beaucoup de choses se décapent dans le silence, Il faut du silence pour voir ce qu’il y a derrière les choses, autrement on reste à la surface. Le silence permet de durer, de tenir, sinon on risque de vouloir faire avancer les choses par soi-même sans succès.

Il s’agit-là de rétablir une communication directe entre l’être intérieur et la nature environnante.

Dans l’Antiquité, les stoïciens définissaient l’immédiateté d’un contact entre l’homme et la nature par le “ logos ”. C’était à la fois l’armature de l’univers et de l’individu, ce qui suffisait à expliquer que l’homme comprend la nature et l’univers, parce qu’ils sont étroitement apparentés.

Le silence des passions apparaît donc comme une condition indispensable à l’élévation de l'homme pour qu’il retrouve le contact avec la nature et l’univers.

Celui qui a découvert le lien avec l’univers cesse d’être dépendant de l’opinion d’autrui ; il cesse d’être un jouet que la société fait agir à sa guise parce ce qu’il tire le sens profond de ses actes et leur justification de lui-même sans avoir besoin de s’appuyer sur les autres. Pour trouver le silence, il faut donc descendre en soi.

C’est ce retour aux vraies valeurs, nécessairement accompagné du rejet des fausses valeurs que notre rituel décrit par la locution “ dépouiller le vieil homme ”. de notre silence même naît quelque chose en nous de nouveau qui nous attire à plus de silence.

Élevé à sa véritable dimension, le silence est avant tout une discipline libératrice qui doit distinguer le sage, l’initié, le maçon, le philosophe de tout autre. Rappelons dans ce contexte que le temple de Salomon a été construit en silence, tout travail bruyant ayant été effectué au loin et seul l’assemblage d’éléments préfabriqués intervinrent sur place.

Certaines loges ont remplacé le “ cabinet de réflexion ” par un passage du futur apprenti dans une grotte. Il est inutile d’expliquer, tant cela va de soi, que la grotte est un lieu naturel et qu’un retour à l’élémentaire propice au dépouillement du vieil homme au sens de ce qui vient d’être dit, s’accomplit plus aisément dans un pareil cadre.

Le passage dans la grotte a l’avantage de réunir plusieurs transitions en un seul mouvement puisque le candidat va passer des ténèbres à la lumière, du bas vers le haut et du froid vers le chaud. Cette approche donne à notre cabinet de réflexion le rôle de matrice du monde capable de produire l’homme nouveau que doit devenir le futur apprenti.

Lorsque le nouvel initié ne peut donner son obole parce que privé de ses métaux, ce n’est pas une humiliation qu’il subit, mais un enseignement d’humilité constructive. Cette conception de l’humilité est également enseignée par la loi du silence, faisant que l’apprenti s’abstient de prendre la parole.

Pourquoi et pourquoi, personnellement, j’y tiens?

Par ce qu’il vit-là sa première épreuve et que nous lui donnons son premier outil.

Parce qu’il s’agit-là d’une thérapie de l’âme afin d’aider celle-ci dans sa quête de vérité. La loi du silence permet de faire taire son orgueil, son amour-propre et ses passions.

Le pas de l’humilité à travers le silence peut être le plus important et le plus déterminant pour un ego qui sait tout, qui n’a besoin de personne et à tendance à se croire détenteur de la vérité. Un pas que je n’ai pas franchit lors de ma réaction spontanée au travail de Michel.

L’humilité, c’est apprendre à regarder son propre comportement au lieu de se concentrer sur celui des autres. C’est savoir ou apprendre à savoir qu’il y a des vérités sur nous-même cachées à l’intérieur par notre ego, qui refuse de les voir, nous maintenant ainsi souvent dans l’illusion et dans l’erreur.

Cette humilité-là, on l’apprend par le silence car elle ne s’extériorise pas et que pour être authentique, elle doit rester intérieure. L’apprenti doit apprendre à abandonner les frontières du langage profane. Le silence et la méditation lui permettront d’admettre le caractère infini de sa recherche de la vérité.

Concentré sur lui-même, il sera plus sensibilisé dans sa recherche d’un équilibre entre les valeurs telles que : les sentiments profonds, l’amitié, la connaissance, la noblesse du coeur, la justice, la raison, la morale et la loyauté.

Dans ce registre, nous pouvons apporter des précisions sur la manière d’intervenir en loge, notamment lorsque “ la parole circule ”. Il faut d’abord se taire avant de parler car se taire est le commencement de l’attention. Il doit y avoir des interventions, elles sont nécessaires mais elles doivent être productives et fécondes. Elles montrent que celui qui écoute est éveillé. Par contre, ce n’est pas une raison pour monopoliser la parole ou faire de l’agitation intellectuelle. Éviter de développer une théorie en opposition alors qu’on peut le faire en complément, l’important n’est pas de ne rien dire. Le coeur et l’intelligence aussi doivent faire silence. On peut ne rien dire et être envahi pas tant de bruits intérieurs. Il y a aussi ceux qui aiment mieux parler, qu’écouter, soit qu’ils trouvent rarement leur compte aux choses qu’ils entendent, soit plutôt qu’ils se plaisent à exercer leur esprit et à marquer leur pensée. Éviter surtout de refaire la planche qui vient d’être présentée. “ Si tu retranches de ta bouche toute parole oiseuse, les longs discours, les jugements sur tes FF, si tu ne parles pas de ce que tu ignores, tu seras vite un silencieux. Si le mot que tu vas prononcer n’est pas plus beau que le silence, ne le dis pas. ”... Voilà quelques conseils à l’usage de nous tous et qui devraient servir d’exemple aux apprentis.

Pour clore ce chapitre, il convient de dire que démocratie, tolérance, fraternité sont des principes trop souvent évoqués sur le mode incantatoire bien plus qu’ils ne sont effectivement reconnus et pratiqués en maçonnerie...

Mais il ne faut pas confondre silence et mutisme, Si le silence est un prélude d’ouverture à la lumière, le mutisme est la fermeture à la lumière, soit par refus de la recevoir et de la transmettre, soit par punition de l’avoir brouillée dans le tapage des gestes et des passions. Il cache parfois un refoulement permanent. Le silence ouvre un passage, le mutisme le ferme.

Selon les traditions, il y eut un silence avant la création; il y aura un silence à la fin des temps. Le silence enveloppe les grands événements, le mutisme les cache; l’un donne aux choses grandeur et majesté, l’autre les dégrade et les déprécie.

Le silence, disent les grandes règles monastiques, est une grande cérémonie qui fait surgir un dialogue silencieux, des émotions et nous fait découvrir la beauté comme lorsqu’on écoute de la musique. Le silence se teinte de toutes les infinies nuances de nos vies. Sans cesse, si on l’écoute, il nous parle et nous renseigne sur l’état des lieux et des êtres, sur la texture et la qualité des émotions rencontrées. Il est notre compagnon intime, l’arrière-fond permanent sur lequel tout se détache. Lieu de la conscience profonde, il fonde notre regard et notre écoute.

Comment terminer ce travail sans vous parler encore de la méditation?

Selon l’étymologie, c’est la mesure. Un mot qui nous rapproche de notre religion, la franc-maçonnerie ! Je vous sens vous raidir mais il faut savoir que le mot religion ne dérive pas du latin “ religare ” : relier. Confusion entretenue et contre laquelle s’élevait déjà saint Augustin. Religion vient de “ religere ”, c’est-à-dire évaluer avec scrupule et rigueur le nomade qui nous fonde, c’est prendre la mesure par le jugement du coeur. Et puis, à propos de religion, n’avons-nous pas, nos chapelles, entendez par-là, nos obédiences ! Mais gardons sur ce sujet, un silence, religieux

Méditation et religion vont donc de pair dans leur silence originel qui est en même temps, le plus pur et le plus profond. La méditation s’y révèle comme un acte d’amour où I ‘éros est le miroir du désir qui agite sans cesse la créature pour sa lumière essentielle. Démystifier la méditation c’est aussi et surtout la relier à son mystère fondateur, celui d’un secret spirituel qui est à l’origine de toute initiation, qui est la source à partir de laquelle l’expérience intérieure devient possible. C’est laisser sortir de nous tout le cinéma superficiel qui nous habite.

La méditation, comme le silence, peut nous rendre hypersensibles au caché, à l’inaudible. Notons aussi que dans certaines circonstances, notamment au moment d’une séparation douloureuse, il est rare que la parole puisse mieux faire que le silence.

Dans un moment nous clôturerons nos travaux en jurant de respecter la loi du silence... ce qui n’est pas l’omerta bien que nous ayons, nous aussi, des parrains ! Il s’agit pour nous du silence absolu, c’est-à-dire du secret. Un mot encore sur le silence qui s’impose à la fin de la lecture d’un travail d’apprenti. ..le silence de tous les frères cette fois, moment de vide et de sécheresse où maîtres et compagnons sont aux abonnés absents. Pour l’apprenti, c’est un nouveau temps d’épreuve, de désert, de nuit intérieure

 dans le prolongement des voyages de la cérémonie d’initiation. Un temps qui doit le conduire dans sa recherche et son désir de valoriser tout ce qui n’appartient pas strictement à l’ordre des utilités, c’est à dire : la poésie, l’amour, la contemplation de la nature, la fraternité, la tolérance ; tout ce qui dépasse l’homme, le porte plus haut que lui, l’arrache à sa petitesse, à sa médiocrité pécuniaire, à sa compulsion maniaque d’accumuler.

N’oublions pas, le silence est un lien. La minute de silence pour le profane, la chaîne d'union pour le maçon, le silence de ceux qui nous ont quittés, des absents qui nous parlent; Le silence devient alors recueillement.

En résumé nous pouvons dire que le silence, c’est accepter de se taire sur ses propres bruits intérieurs, pour accepter d’aimer la personne de l’Autre, de lui accorder crédit, de lui faire confiance. C’est un moment de foi en l’Homme qui libère une nouvelle connaissance. C’est arrivé à taire sa propre fébrilité pour faire confiance à la personne de son interlocuteur ; la compréhension du message est devenue inséparable de l’acceptation de la personne. On ne peut rien recevoir de son Frère, si, d’abord, on ne l’aime pas.

Il est temps de conclure et de dire que le silence est aussi la fin du discours, il en est le terme, il en est aussi l’achèvement, dans la mesure où le discours est une parole en quête de silence... Et quoi de mieux que la musique pour l’entendre avant qu’elle ne s’efface devant quelque chose qui la dépasse le silence.

V\M\, j’ai dit

Jean-Marie S\  


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